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I.6 Dynamiques de relaxation et de recombinaison des excitations

I.6.3 Modélisation des dynamiques de luminescence

Dans cette partie, nous allons étudier quelques modèles simples permettant de décrire la relaxation radiative des excitons. Ces modèles font appels à des équations cinétiques, dans lesquelles les temps de déclins des populations sont des paramètres qui seront estimés lors de l’ajustement des données expérimentales. Du fait de la procédure d’ajustement utilisée pour estimer les paramètres des modèles, nous nous cantonnerons ici à des cas où la solution reste analytique. Ces modèles tentent de prendre en compte le fait que la luminescence n’est pas un processus totalement découplé de la relaxation des excitations initialement formées. De plus, la mesure de la durée de vie de la luminescence ne permet de remonter directement à la durée de vie de l’exciton, car cela nécessite la prise en compte de tous les canaux de relaxation de l’exciton, qu’ils soient radiatifs ou non. Nous verrons enfin plus en détail comment modéliser deux processus d’extinction de la luminescence, soit par des extincteurs présents dans le cristal, soit par la proximité entre les excitations.

i) Peuplement et dépeuplement de l’état émetteur

La compréhension des dynamiques reste un problème complexe. La plupart des études se cantonnent à l’utilisation d’un modèle où la solution consiste en une somme d’exponentielles. Une des raisons à cela est le nombre de processus pouvant intervenir dans la relaxation, notamment non radiatifs, rendant la mise en place d’un modèle assez difficile. Pour illustrer ce fait, considérons l’exemple d’un système à 3 niveaux (voir figure I.20), avec deux transitions possibles.

L’état excité |ei est peuplé par une impulsion laser, et ce de manière instantanée. Nous supposons qu’il existe deux canaux de relaxation, vers deux états |g1i et |g2i. Nous supposons de plus que le canal de désexcitation de |ei vers |g1i est radiatif, tandis que celui de |ei vers |g2i est non radiatif.

Il est aisé de montrer que la cinétique de décroissance de la population ne dans l’état |ei s’écrit :

ne(t) = N0exp  −t τ  (I.8) avec la durée de vie τ qui est reliée aux taux de décroissance des deux canaux par la relation τ−1 = (Ag1+ Ag2)

−1

. Nous voyons sans difficulté que la cinétique de luminescence de l’état |ei est complètement parasitée par le canal de désexcitation

|g2〉 |e〉

|g1〉 Ag1

Ag2

Figure I.20 – Schéma représentant un modèle à 3 niveaux. Sur les deux transi- tions possibles, seule la transition |ei −→ |g1i est visible en photoluminescence.

Néanmoins la cinétique de luminescence est influencée par la transition non ra- diative.

Ag2, et que la mesure de durée de vie ne donne de l’information que sur la somme de tous les canaux de relaxation de l’état excité. Il est donc difficile d’obtenir des informations fiables sur le canal de relaxation radiative seul.

Dans le cas de certaines cinétiques, nous observons que le temps de montée de la luminescence, c’est-à-dire la partie montante de la courbe, est particulièrement lente. Cela est dû aux processus qui peuplent l’état excité émetteur de photons, qui peuvent être très lents dans certains cas. Pour illustrer cela, considérons un modèle simple à trois niveaux, comme en figure I.21.

|e〉 |r〉

|g〉 A

B

Figure I.21 – Schéma illustrant le temps de montée de la luminescence par la présence d’un état supérieur |ri peuplant lentement l’état excité |ei responsable de l’émission de photons.

L’état de plus haute énergie |ri est peuplé par une impulsion laser instantanément à t=0. Cet état relaxe vers un autre état excité |ei avec un taux B. L’état |ei se

désexcite ensuite vers l’état |gi avec un taux A, par émission de photons. Il est aisé de montrer que la cinétique de relaxation de la population ne(t) de l’état |ei s’écrit :

ne(t) =  BN 0 B − A  e−At− e−Bt (I.9)

avec N0 la population dans l’état |ri à t = 0. La première exponentielle décrit la décroissance de l’état |ei vers l’état |gi, avec le taux A, tandis que la deuxième exponentielle, avec un signe moins, décrit la montée de luminescence, qui est due au peuplement de |ei par relaxation de la population dans l’état |ri avec un taux B.

En posant que la transition de l’état |gi vers l’état |ei est très rapide (nous avons B −→ ∞), nous retrouvons la solution du système à deux niveaux.

Les deux modèles précédents ont l’avantage de n’introduire qu’un nombre limité de paramètres variables (les taux de transition). Il est néanmoins souhaitable de décrire plus finement certains cas, et notamment le processus d’extinction de la luminescence. Le modèle suivant traite de ce problème, mais avant cela, nous allons étudier plus en détail les changements de profils de densité d’excitation lors que le nombre de photons nécessaire à l’excitation augmente. En effet, nous avons jusqu’à maintenant passé sous silence ces effets sur la relaxation des excitations.

ii) Profils d’excitation à un et trois photons

Nous avons deux types de profils essentiellement. Le premier profil correspond au cas d’une excitation à un photon. Dans ce cas les équations régissant l’intensité du faisceau excitateur I(z, t) et la densité d’excitations n(z, t) en fonction de la profondeur z dans le cristal et le temps t s’écrivent :

dI(z, t) dx = −αI(z, t) (I.10) dn(z, t) dt = 1 ~ωαI(z, t) (I.11)

où α est le coefficient d’absorption du faisceau laser par le cristal en cm−1, et ω est la fréquence centrale du laser. Nous supposons que le faisceau laser est monochro- matique, pour simplifier le calcul.

La résolution de l’équation I.10 donne la loi de Beer-Lambert :

I(z, t) = I0(t)e−αz (I.12)

où I0(t) est l’intensité laser à la surface du cristal. Dans le cas où l’on excite le cristal avec le faisceau UV, nous n’utilisons pas de lentille. Nous supposons par conséquent que l’intensité laser en surface peut être décrite de la manière suivante, avec w le rayon du faisceau, et τ la durée de l’impulsion excitatrice :

I0(ρ, t) = E0 πw2τH(ρ) cos 2πt  (I.13) La variable ρ décrit le profil transverse du faisceau. H(ρ) est une fonction porte, définie telle que :

H(ρ) =    1 si 0 < ρ < w 0 si ρ > w (I.14)

En injectant la solution I.12 dans l’équation I.11, avec la condition I.13, il vient le résultat suivant : n(z, ρ) = αE0 πw2 ~ωH(ρ)e −αz (I.15) Lors d’une excitation à un photon, l’essentiel de l’absorption se fera sur quelques dizaines de nanomètres, du fait d’une valeur de α élevée (dans notre cas, à 266 nm dans ZnO, α ' 2 × 105 cm−1). Nous retrouvons bien la dépendance en puissance 1 de l’énergie dans l’équation I.15, ainsi que l’indépendance du profil avec la durée d’impulsion laser.

Le deuxième profil d’excitation correspond au cas où le faisceau excitateur est le faisceau infrarouge. Dans le cas de ZnO, la création d’une paire électron-trou avec des photons d’énergie 1,54 eV (800 nm) nécessite au moins trois photons. Le jeu d’équations à résoudre devient le suivant :

dI(z, t) dx = −k3I 3(z, t) (I.16) dn(z, t) dt = 1 3~ωk3I 3(z, t) (I.17)

avec k3 = 7, 1 × 10−3 cm3.GW−2, le coefficient d’absorption à 3 photons de ZnO [Wang 07]. La solution de l’équation I.16 nous donne le profil suivant :

I(z, t) = q I0(t)

1 + 2k3I02(t)x

(I.18) Dans le cas de l’excitation par un faisceau infrarouge, nous avons utilisé une lentille pour focaliser le faisceau. Nous allons prendre cela en compte en supposant que le faisceau d’excitation possède un profil transverse gaussien au niveau de l’échantillon. I0(t) est de la forme : I0(ρ, t) = E0 2πw2τ exp − ρ2 2w2 ! cos2 πt  (I.19) avec w le rayon du faisceau, et τ la durée de l’impulsion infrarouge. En injectant la solution I.18 dans l’équation I.17 avec la condition I.19, il vient :

n(z, ρ, τ ) = 5k3E 3 0 64τ2π3w6 exp 2 2w2 ! 3F2 3 2, 7 4, 9 4; 2, 5 2; − k3E02 2π2w4 exp 2 2w2 ! x ! (I.20) avec3F2(a1, a2, a3; b1, b2; z) une fonction hypergéométrique.

Avec les paramètres utilisés dans l’expérience, nous observons que le profil en z (dans la profondeur du cristal) est presque constant sur toute la longueur de celui-ci. Nous sommes donc moins sensibles aux effets de surface que dans le cas où un seul photon suffit pour créer un paire électron trou. Pour une estimation rapide, nous remplacerons la fonction 3F2 par 1. Nous retrouvons dans l’équation I.20 l’évolution de la densité d’excitations créées avec le cube de l’énergie laser incidente. La présence du terme τ2 indique que l’on est très sensible à la durée d’impulsion laser, conséquence du processus d’absorption non-linéaire. Il est par

conséquent important de contrôler lors des expériences la durée d’impulsion laser, ou au minimum de la garder constante durant l’expérience.

Nous avons par conséquent deux profils d’excitation suivant le nombre de photons nécessaires pour effectuer la transition. Il est à noter que les densités d’excitations évoquées ici suivent plusieurs points :

— Les densités d’excitations données sont des densités initiales, pour lesquelles les processus de relaxation n’ont pas encore eu lieu. Il s’agit par conséquent d’une densité de paires électron-trou,

— Du fait de la valeur constante du coefficient d’absorption du rayonnement par le milieu, nous supposons implicitement que le faisceau excitateur est parfaitement monochromatique,

— Les pertes induites par la réflexion sur la surface du cristal ne sont pas prises en compte. De plus, expérimentalement, le point de mesure de l’énergie d’ex- citation est situé en dehors de la cuve où se trouve l’échantillon. Des pertes supplémentaires existent au niveau du hublot d’entrée de la cuve,

— Pour les densités d’excitation élevées, une variation non négligeable de l’indice de réfraction et du coefficient d’absorption sont attendues. Celles-ci ne sont pas prises en compte ici.

La figure I.22 schématise et résume les profils de densité d’excitation pour les deux régimes d’excitation. 0 Profondeur (nm) De nsit é d' exc itati on s (cm -3 )

Excitation UV, Nexc(z) ∝ e-αz

Excitation IR, Nexc(z)∝ cste

250 Impulsions de 50 nJ Impulsions de 4 µJ 200 150 100 50 300 Surface du cristal αUV = 2×105 cm-1 αIR = 7.1×10-3 cm3.GW-2 Coefficients d'absorption : 1017 1016 1015 1014

Figure I.22 – Profil de densité d’excitations consécutif à l’interaction entre le cristal de ZnO, juste après l’interaction (la relaxation n’a pas encore eu lieu). Les conditions correspondent à celles utilisées dans les expériences des chapitres suivants.

Dans le but d’estimer rapidement les densités d’excitation, nous allons utiliser les formules suivantes :

nU V(z = 0)[cm−3] ≈ 8, 54 × 1015E[nJ] nIR(z = 0)[cm−3] ≈ 1, 28 × 1015E3[µJ]

Ces formules donnent la densité d’excitation en surface, c’est-à-dire la densité maximale d’excitations créées dans le système par une impulsion laser.

Nous allons maintenant modéliser de manière plus fine l’interaction des excita- tions avec leur environnement.