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CHAPITRE 2 : LES SITES « CONCRETS » D’ACTION : IMPLICATION AU

2.4 La conceptualisation et la construction de l’espace européen

2.4.3 Un modèle de transfert de politique publique: le passage de

européenne

Ainsi, une des innovations majeures introduites par l’intégration européenne a été de transcender le cadre strictement national du développement régional antérieur, qui dominait les programmes des Fonds Structurels au début des années 1980, et de développer une politique régionale communautaire, à l’échelle de tout le continent. La planification spatiale, ou spatial planning, et la politique régionale ont acquis un rôle central dans le projet de construction européenne.

Selon M. Tewdwr-Jones le terme Spatial planning utilisé par la Commission européenne est un terme générique – et neutre – qui a été choisi dans un souci de rester à égale distance des différentes terminologies nationales européennes (Tewdwr-Jones 2001: 16). Mais, dans son contenu, l’approche spatiale européenne s’inspire principalement de trois traditions nationales distinctes :

– La planification spatiale hollandaise ou Rijksplanologische, pour la dimension spatiale

– Le Raumordnung (ou ordonnancement spatial) allemand pour sa dimension multisectorielle et fédérale

– L’aménagement du territoire français pour son souci de redistribution régionale de la croissance économique dans un but de cohésion territoriale.

M. Twedwr-Jones estime que la planification spatiale européenne a pour objet la localisation des structures physiques et des activités dans un échelon territorial donné. Elle peut ainsi intervenir sur plusieurs échelles spatiales qui peuvent varier du quartier jusqu’au territoire européen dans son ensemble. La planification spatiale européenne vise à assurer une cohérence et une coordination de la prise de décision politique en prenant en compte l’ensemble des instances et des agences qui agissent sur l’espace européen. Elle vise également à assurer une plus grande stabilité aux

investisseurs privés. Par rapport à la planification stricte, elle possède une légitimité multiple qui lui permet d’élargir ses champs de responsabilité et d’activité (Tewdwr- Jones 2001: 15-6).

Le tableau que dresse Twedwr-Jones de la planification spatiale européenne est, en définitive, celui d’un réseau complexe de relations dans un « paysage kaléidoscopique ». Selon Twedwr-Jones, cette complexité repose sur l’indépendance, l’autonomie, les relations et les interdépendances entre différents niveaux de gouvernance sur la base d’une volonté et d’un engagement politiques vis-à-vis des institutions supranationales qui n’ont pas de réelle compétence en matière de planification spatiale (voir Figure 4). Ces nouvelles relations informelles se superposent sur les relations traditionnelles, et la tâche des aménageurs est de faire le lien entre les deux types de relations pour que les enjeux politiques et les problèmes substantifs soient affrontés avec des moyens efficaces et significatifs ; le tout en répondant aux attentes des usagers et des interlocuteurs qui se trouvent à différentes échelles spatiales (Tewdwr-Jones 2001: 27-8).

Figure 4: Le contexte politique de la planification spatiale européenne (source M.Twedwr-Jones, 2001)

Echelle Niveau de planification Applicabilité

Européenne Politique et territorial Faible

|

ENGAGEMENT |

Etat Membre Politique et Administratif Forte

Pour la suite de la thèse, la différenciation entre planification spatiale et aménagement du territoire demeurera ténue. Même si nous optons pour l'aménagement du territoire, il nous arrivera, en référence à certains programmes européens, d’adopter également le terme de planification spatiale. Cette distinction sera expliquée plus en détail dans le chapitre 5.

2.4.3.1Le tournant discursif et culturel de la planification spatiale

européenne

Selon J.W. Scott, c’est au niveau des institutions européennes que les questions de gouvernance, de territoire et de développement sont le plus souvent débattues et négociées. C’est aussi le rôle de la planification spatiale de fournir les fondations « idéationnelles » d’une Europe des réseaux, à travers des représentations symboliques de l’espace européen et l’élaboration de perspectives de développement. Pour l’auteur, une des principales idées qui sous-tendent les paradigmes actuels de la planification européenne est que l’action collective est guidée par une part symbolique qui renforce la compréhension commune des enjeux et fournit un « langage » commun qui facilite la recherche de consensus (Scott 2002: 149).

Selon J.W. Scott, les valeurs politiques, les objectifs sociaux et les principes de gouvernance sont exprimés à travers des mots-clés dans l'air du temps (buzzwords) comme partenariat, cohésion, solidarité, compétitivité, diversité, unité, héritage culturel, eurorégions. Ces concepts sont destinés à faire de l’UE une réalité palpable et légitime au niveau local afin de renforcer la cohérence interne du projet (Scott 2002: 155).

De plus, l’auteur souligne l’importance des bouleversements politiques qui ont secoué l’Europe depuis 1989 (principalement la chute du mur de Berlin). Ces bouleversements n’ont pas seulement donné à l’intégration un grand élan vers l’avant, elles sont également responsables d’une « révolution spatiale » dans la conceptualisation de la communauté politique européenne (Scott 2002: 155). C’est à travers les politiques territoriales que les objectifs sociaux et les principes de gouvernance prescrits par l’UE sont traduits dans des contextes géographiques distincts. Les notions de citoyenneté européenne, les concepts de développement spatial, l’utilisation de la cartographie et de la prospective, les doctrines rattachées aux politiques régionales et les nouveaux paradigmes de gouvernance sont tous des

éléments qui ont été imbriqués et intégrés dans un discours qui exalte les vertus de la coopération, de la mise en réseau, du capital social et de valeurs universelles comme le développement durable, la solidarité et la cohésion. Cette stratégie implique selon J.W. Scott une construction « flexible » d’une société européenne en réseau, dans un contexte d’hétérogénéité et dans le cadre d’une politique supranationale composite. Ainsi la construction d’une Europe élargie est envisagée dans un nouvel espace stratégique : un espace en réseau, flexible, compétitif mais également solidaire dans la recherche de solutions communes aux problèmes économiques, sociaux et environnementaux (Scott 2002: 155).

La planification spatiale européenne est caractérisée par la recherche de structures spatiales appropriées et de réponses institutionnelles et politiques aux changements internes et externes de l’environnement de l’UE et des États membres. Scott estime que, malgré les tentatives antérieures, la planification spatiale européenne, en tant qu’effort concerté d’acteurs multiples, n’a pu émerger que depuis 1989. Durant les années 1990, elle n’a pas seulement intensifié ses activités mais a également adopté la dimension discursive et symbolique qui la caractérise aujourd’hui (Scott 2002: 156).

2.4.3.2Le SDEC ou l’élaboration difficile d’un schéma d’aménagement

communautaire

La politique spatiale européenne trouve sa consécration dans le Schéma de Développement de l’Espace Communautaire (ou SDEC), qui a très tôt constitué un objet d’engouement pour les spécialistes de la planification et de l’aménagement du territoire (Faludi 2000, Faludi et Waterhout 2002, Jensen et Richardson 2004, Peyrony et Hingray 2002).

Le SDEC et la planification spatiale européenne en général sont l’aboutissement de trois processus complémentaires : (1) le premier étant celui des réflexions des chercheurs européens – le plus souvent sous l’impulsion des États-membres ou de la

Commission – autour de l’espace européen, (2) le second, et le plus essentiel, étant celui de la mise en place de la politique régionale européenne évoquée ci-dessus (3) et le troisième est interne aux États-membres qui se sont exclusivement réservés le droit de compétence en matière de planification spatiale. Dès 1970, le CEMAT (ou la Conférence Européenne des Ministres de l’Aménagement du territoire) a commencé à se réunir de manière régulière, tous les trois ans, et intensifie ses réunions au début des années 1980 après son adoption de la Charte Européenne de la Planification Régionale/Spatiale à Torremolinos en 1983 (Council of Europe 2005). Pour la première fois, les États-membres réussissent à identifier des principes communs de planification, qu’on retrouvera plus tard dans le SDEC.

En 1989, lors de la session de Nantes, le CEMAT lance le SDEC de manière informelle (Peyrony et Hingray 2002: 12). Dans son discours d’ouverture de la session, Jacques Delors, président de la Communauté européenne, souligne l’importance de l’aménagement du territoire et de sa relation avec les fonds structurels européens. Pour Delors, une vision plus globale d’une Europe soucieuse du développement durable et de la distribution équitable des activités dans l’espace est nécessaire pour accompagner la relance économique. Delors estime que cette vision doit prendre la forme d’une stratégie spatiale, à travers l’élaboration d’un aménagement du territoire européen. Delors indique la direction vers laquelle doit aller la planification spatiale, en mettant en garde contre une vision unidimensionnelle de l’Europe (i.e. la banane bleue de R. Brunet) qui se concentre uniquement sur les disparités.

Mais il faut attendre l’année 1993, pour que le SDEC soit officiellement lancé à Liège, déclenchant ainsi un long processus ponctué de plusieurs étapes décisives : - Leipzig 1994, où les principes politiques seront fixés ;

- Strasbourg 1995, discussion des différents scénarios ; - Venise 1996, définition des options politiques ;

- Potsdam 1999, où le projet final sera avalisé par le conseil informel des ministres européens concernés.

Pour N. Gaubert, les difficultés sont multiples :

« Les conflits potentiels sont innombrables ; ils se situent notamment entre la Commission et les Etats, entre les départements ministériels (…) Il n’y a jamais eu réellement d’objectifs définis. Le document s’est constitué par strates successives au fur et à mesure des réunions intergouvernementales.» (Gaubert 2004: 50)

La Commission voulait à tout prix éviter d’imposer le SDEC comme un schéma directeur19 européen, afin de ménager les États-membres qui considèrent toujours

l’aménagement du territoire comme une compétence nationale. Dès le départ les parties concernées s’entendent sur le fait que le SDEC « ne prétend nullement substituer une politique européenne d’aménagement du territoire à des politiques nationales ou régionales» (Peyrony et Hingray 2002: 72). Pour cela, la Commission laisse les États-membres piloter eux-mêmes le projet, à travers la tenue des conférences intergouvernementales informelles du CEMAT. En contrepartie, la Commission maintient un droit de regard sur le SDEC à travers les initiatives INTERREG, les programmes de coopération interrégionale, transfrontalière et transnationale, qui accompagnent celui-ci (Faludi 2000: 247). La Figure 5 reprend un schéma de Waterhout et Janssen-Jansen qui montre la prise en compte du SDEC dans les objectifs des programmes INTERREG III (2000-2006) qui ont été élaborés à partir de ses orientations.

19 D’où le sous-titre de « No masterplan » de l’ouvrage de Faludi et Waterhout : The Making of the

Figure 5: Les liens entre les objectifs du SDEC et les programmes INTERREG (Sources: Waterhout et Janssen-Jansen 2006)

La Commission maintient son contrôle du processus grâce au concours de la DGXVI, la Direction Générale de la Politique et de la Cohésion Régionales20 qui élabora les

documents analytiques et prospectifs « Europe 2000 » en 1991 et « Europe2000+ », qui ont respectivement préparé et accompagné le SDEC.

Pour Faludi (2000: 247), le SDEC sous-tend trois stratégies : la première, qui est celle de la plupart des États membres, envisage le schéma comme une conceptualisation de l’espace européen. La deuxième, celle de certains États, le considère comme une forme de coopération améliorée (« enhanced cooperation »). La troisième est celle de la Commission européenne qui développe sa propre perspective de renforcement des institutions supranationales. A l’arrivée, Faludi considère le SDEC comme le premier engagement européen substantiel dans une redistribution planifiée des richesses entre États-membres.

Plus précisément, le SDEC se veut comme un « cadre politique contraignant basé sur un consensus intergouvernemental » (Peyrony et Hingray 2002: 12) et vise à améliorer d’une part la coordination des politiques communautaires sectorielles ayant un impact sur le territoire, et la coordination de ces politiques avec celles des États- membres, d’autre part. Les grandes lignes de cette stratégie sont :

a- Le développement d’un système urbain équilibré polycentrique et un nouvel équilibre villes-campagnes ;

b- La garantie d’une égalité d’accès aux infrastructures et au savoir ;

c- Le développement durable, la gestion intelligente et la préservation de la nature et du patrimoine culturel (voir Encadré ci-dessous).

En s’arrêtant sur certains passages qui soulignent l’importance d’un développement « polycentrique », « durable », « équilibré » et « endogène » de l’Europe, N. Gaubert remarque que « la lecture du document frappe par sa dimension normative (…) il s’agit d’une présentation des lignes de forces du projet vertueux qui permettra de guérir les maux que l’on s’attache à dénoncer » (Gaubert 2004: 7).

Encadré 3: Les trois orientations du SDEC

a- Le polycentrisme : Le premier point, le polycentrisme, est la clé de voûte de la politique spatiale européenne. Il renvoie à une longue discussion au niveau de l’Europe mais également au sein de plusieurs pays-membres comme la France et l’Allemagne concernant la forme que prend la métropolisation à l’échelle locale et régionale, ainsi que l’émergence de nouveaux pôles aux échelles nationale et transnationale. Le polycentrisme est donc un concept multi-scalaire qui implique les trois échelles, paneuropéenne, intra-régionale et métropolitaine (Tewdwr-Jones 2001: 21). A l’échelle paneuropéenne, le polycentrisme est conçu à travers le renforcement ou la création de zones de croissances multiples à travers l’Europe (cf. l’Europe des grappes de Kunzmann). A l’échelle intra-régionale, il se manifeste à travers la croissance des centres urbains multiples. A l’échelle métropolitaine, il se manifeste par la promotion de plusieurs centralités au cœur même des aires urbaines.

Le polycentrisme est donc un moyen de doter toutes les périphéries (locales, régionales, nationales et européennes) de pôles structurants capables de pousser l’ensemble des territoires vers une intégration de l’Europe et, par le

structurants sont essentiellement urbains : c’est dans les villes, plus précisément dans les métropoles, qu’a lieu l’innovation et ce sont les métropoles qui sont capables d’assurer le transfert de connaissances vers les périphéries.

b- L’accès aux infrastructures : c’est également un élément important de la stratégie spatiale européenne. Pendant longtemps les transports ont constitué l’unique compétence à portée spatiale accordée à l’échelon européen. Avant l’élaboration du SDEC, l’UE a mis en place, dès 1992, une politique de transport et de communication (la T-TEN ou Transport- Télécommunication et Energie) visant à décloisonner les régions européennes et à rendre le marché unique plus performant. Avec le SDEC, la T-TEN est devenue l’épine dorsale du développement du système urbain polycentrique, à qui il incombe d’assurer la mise en réseau des différentes métropoles et leur accessibilité à l’économie du savoir. Ceci est clairement exprimé dans le SDEC :

« Les centres urbains et les métropoles doivent être reliés de façon efficace, non seulement à l’économie mondiale, mais également entre eux ainsi qu’à leur arrière-pays. En outre, le bon fonctionnement des transports et un bon accès aux télécommunications sont des conditions indispensables au renforcement de la compétitivité des zones périphériques et des espaces moins favorisés, et par conséquent de la cohésion sociale et économique de l’UE. Les possibilités offertes par le transport et les télécommunications sont des facteurs essentiels pour la promotion d'un développement polycentrique. Des systèmes et des services efficaces de transports et de télécommunications jouent un rôle-clé dans le renforcement du rayonnement économique des métropoles et des centres régionaux. » (Commission Européenne 1999: 28)

Par ailleurs, le SDEC souligne que l’accès au savoir est tout aussi stratégique que l’accès aux infrastructures. Selon le SDEC, les marchés de travail et les localisations de la production sont interdépendants régionalement et nécessitent des systèmes d’innovations dynamiques ainsi qu’un transfert de technologie efficace et des institutions consacrées à la formation d’une main d’œuvre spécialisée (Commission Européenne 1999: 31).

c- Le développement durable : Cette thématique s’impose comme une composante essentielle de la stratégie européenne. Le respect des principes de développement durable n’est pas spécifique à l’Europe puisqu’il vient en conformité aux engagements pris par rapports aux traités internationaux historiques de Rio 92, Istanbul 96 (Habitat II), Kyoto 97 et Johannesburg 02. Mais la particularité du cas européen se trouve dans sa prise en compte de l’interdépendance des enjeux du développement durable entre les échelles locales, régionales et transnationales, et la mise en place d’un dispositif spécifique à ce sujet. Toutefois, cette thématique demeure assujettie

En 1999, les États-membres et la Commission se sont mis d’accord sur la mise en œuvre des directives du SDEC dans le cadre d’un programme comportant 12 actions (Peyrony et Hingray 2002: 14 ), dont notamment :

- La prise en compte des orientations politiques du SDEC dans la mise en œuvre des fonds structurels et des politiques nationales de l’Aménagement du Territoire ;

- Une expérimentation de la coopération à trois niveaux dans le cadre du programme INTERREG (voir plus haut) ;

- La prise en compte des impacts territoriaux par les politiques sectorielles communautaires ou nationales ;

- Le renforcement des politiques urbaines, à travers la promotion de la gouvernance ; - La création de l’ORATE (Observatoire en Réseau de l’Aménagement du Territoire Européen)

- La mise en place d’Etudes d’Impacts Territoriaux ; - La préparation à l’élargissement de l’Europe.

2.4.3.3Évolutions récentes en matière de politique régionale

européenne

A l’heure actuelle, la coopération à l’échelle européenne en matière de politiques spatiales a lieu à deux niveaux : le premier est celui du Groupe Territorial et Urbain (GTU), qui est devenu le cadre naturel de la coopération et du débat politique entre la Commission et les États, et le second est celui de l’ORATE, le réseau de chercheurs européens chargé de développer les thématiques abordées par le SDEC en préparation de la période de programmation 2007-2013. Pour cette période de programmation, le programme de l’ORATE a été intitulé « Europe polycentrique ».

Les ministres européens de l’Aménagement du territoire ont avalisé le SDEC à Postdam en 1999. Le SDEC obtint également l’accord du Parlement Européen, du et accessibilité passent en premier lieu. Ceci dit, la compétence de l’UE en matière d’environnement est antérieure à sa compétence spatiale, qui reste d’ailleurs contestée par les Etats-membres.

Comité Économique et Social ainsi que du Comité des Régions, l’organisme représentatif des collectivités locales européennes. Pourtant la capacité du document à devenir un document fondateur de l’UE s’avère incertain, comme le suggère P. Doucet :

« N’ayant pu trancher la question, le SDEC s’est borné à prendre acte du différend opposant les États membres, dont une grande majorité rejette toute formalisation du processus, au Parlement Européen et au Comité économique et social, qui s’y sont tous les deux déclarés très favorables. » (Doucet 2003: 87)

Comme nous le verrons à la fin de cette section, le SDEC a eu un certain impact sur les politiques spatiales communautaires et nationales, mais il fut par la suite quelque peu éclipsé par les orientations de la Stratégie de Lisbonne de 2000, qui a mis l’accent sur la compétitivité, l’innovation et l’emploi au détriment de la cohésion. Un des signes révélateurs de ce détachement est l’alignement des programmes INTERREG, dans leur quatrième période de programmation, aux nouveaux objectifs de Lisbonne, délaissant ceux du SDEC qui avaient été suivis dans la période de programmation précédente (Dühr, Stead et Zonneveld 2007).

Mais un changement plus large a touché la politique de Cohésion Économique et Sociale Européenne dans son ensemble, dans laquelle s’inscrit la politique spatiale européenne. Pour la période de programmation 2000-06, les objectifs de la CES étaient : (1) la promotion du développement et de l’ajustement structurel des régions (2) la reconversion économique et sociale des régions en difficulté structurelle et (3) l’adaptation et la modernisation des politiques et systèmes d’éducation de formation et d’emplois. Dans la nouvelle période de programmation 2007-13, les nouveaux objectifs ont été revus à la lumière des stratégies de Lisbonne et de Göteborg, pour devenir : (1) la convergence des États membres et des régions les plus défavorisés, (2) la compétitivité régionale et l’emploi et (3) la coopération territoriale européenne (transfrontalière, transnationale et interrégionale).

La redéfinition de l’objectif 3 est une conséquence de l’ambigüité toujours entretenue sur la compétence de l’UE en matière de planification spatiale et territoriale. La référence à celle-ci a été remplacée dans le lexique de l’UE par un discours sur la « cohésion territoriale » et la « coopération territoriale » (Dühr, Stead et Zonneveld 2007: 294). En mai 2007, à Leipzig, les ministres européens en charge de la cohésion territoriale ont adopté l’Agenda Territorial de l’Union Européenne, en réaffirmant l’engagement des États membres dans la poursuite de la cohésion territoriale et du développement polycentrique en tentant d’imposer la cohésion territoriale comme une priorité européenne au même titre que la compétitivité, l’innovation (Stratégie de Lisbonne) et le développement durable (Stratégie de Göteborg) (p.304). Selon Dühr et al., l’ATUE constitue ainsi une sorte de mise à jour du SDEC à la lumière des directives de Lisbonne et Göteborg qui, en tant que stratégies sectorielles, accordent peu d’importance aux dimensions spatiales et