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CHAPITRE 1 : GLOBALISATION ET RÉGIONALISATION: DEU

1.3 Les considérations institutionnelles autour de la régionalisation

1.3.4 Les mésorégions ou le passage de la verticalité à l’horizontalité

À l’ombre des projets macro-régionaux, des zones transfrontalières comprenant plusieurs régions contiguës sont en train d’émerger. Les préfixes « inter — » et « trans — » (à comprendre interrégional ou transnational) sont utilisés pour souligner l’importance que prennent les relations horizontales entre collectivités territoriales, qui se renforcent sous la régionalisation et la globalisation en transcendant les frontières strictement nationales (Brenner 1999b: 439). Au-delà de cette dimension spatiale, le passage de la verticalité à l’horizontalité est lui-même en résonance avec la substitution de la notion de gouvernement, synonyme de verticalité, par celle de gouvernance, qui se fait à travers l’élargissement de la prise de décision, de manière négociée et horizontale vers les acteurs non gouvernementaux du marché et de la société. Le développement de la coopération décentralisée et transfrontalière au sein de ces projets macro-régionaux est au cœur de notre thèse puisque nous estimons qu’il s’agit là d’une forme particulière et intéressante d’adaptation à la mondialisation à l’œuvre dans plusieurs zones géographiques, principalement autour de la Méditerranée. Nous expliquerons par la suite, à partir du corpus théorique constitué autour de la construction de l’espace européen, pourquoi nous estimons que le développement de ces formes d’organisations institutionnelles et spatiales s’est accompagné d’un renouveau des politiques d’aménagement du territoire.

1.3.4.1L’émergence de régions transfrontalières

Les régions transfrontalières (Crossborder Regions ou CBR) ne sont pas nouvelles, elles ont existé auparavant sous d’autres appellations ; elles sont parfois antérieures à l’État-nation (voir également Ruggie 1993). Perkmann et Sum (2002: 3) estiment toutefois que l’élément nouveau provient du fait que la construction de ces entités transfrontalières est devenue un objectif stratégique poursuivi de manière plus

ou moins volontaire. Les auteurs expliquent la prolifération récente des régions transfrontalières par (1) l’intensification des activités économiques transfrontalières à travers un accroissement de la mobilité des biens et des personnes (2) le transfert du pouvoir national vers le haut, vers le bas et de manière horizontale, avec une importance croissance de l’intégration à l’échelle macro-régionale, et (3) la fin de la guerre froide qui a rapproché des régions autrefois inaccessibles.

La nouveauté de cette échelle intermédiaire, entre le micro et la macro tient au fait qu’elle permet d’ancrer des concepts abstraits et flous comme globalisation et régionalisation dans des sites concrets, « sur le terrain » (Söderbaum 2005: 87), et de donner aux acteurs locaux (collectivités territoriales, société civile), une prise sur des phénomènes qui leur échapperaient autrement :

« Dans la plupart des cas, l’initiative [de la coopération transfrontalière] a été prise par les autorités locales et régionales, soit dans le but de créer des liens avec des arènes globales, soit pour mobiliser des ressources additionnelles offertes par des organismes supranationaux ou internationaux en échange d’une plus grande coopération avec leurs homologues localisés dans des zones contiguës (…) Pour les acteurs locaux, ces initiatives offrent l’opportunité de renforcer leur position par rapport aux autorités centrales étatiques. Cela est particulièrement vrai dans des contextes où les ressources en provenance de tierces parties, comme des autorités supranationales ou des organisations internationales, sont possibles. » (Perkmann et Sum 2002: 5)

Pour Perkmann et Sum, la construction européenne a contribué au dépassement de la distinction moderne entre ce qui relève de l’international et ce qui relève du domestique. Ainsi, le projet d’intégration européenne permet aux autorités locales de participer aux activités internationales. Ces autorités locales peuvent (a) agir en tant que partenaires chargés de la mise en œuvre d’une politique conçue à un niveau supranational (principe de subsidiarité) (b) participer elles-mêmes à la conception et la mise en œuvre de la politique internationale à travers la coopération décentralisée ou (c) dépasser les autorités centrales et constituer leurs propres réseaux transnationaux, c’est-à-dire notion de paradiplomatie (Perkmann et Sum: 5).

1.3.4.2La coopération décentralisée une forme nouvelle de relations

internationales

La coopération transfrontalière, décrite plus haut, est une forme spécifique de coopération décentralisée puisqu’elle ne couvre qu’une zone géographique limitée regroupant des régions frontalières alors que la coopération décentralisée dans sa forme générale peut concerner des collectivités locales appartenant à des continents différents. C’est le cas de la coopération entre les villes d’Amérique Latine et des villes Européennes analysées par S. Robin et S. Velut (2005). Alors qu’au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, une forme basique de relation formalisée entre collectivités locales qui appartient à différents États s’est constituée sous la forme de jumelages (ou de « town twinning »), ce n’est que dans les années 1970 que cette relation s’est transformée en une véritable « coopération décentralisée », en réponse au mouvement généralisé, un peu partout en Europe, vers la décentralisation. En 2004, une nouvelle étape fut franchie avec la constitution de la CGLU ou Cités et Gouvernements Locaux Unis, soit la plus grande organisation mondiale regroupant des villes et des collectivités territoriales.

A. Bekkouche (2005) définit la coopération décentralisée comme l’« action concertée de collectivités territoriales ou d’autorités locales d’au moins deux États ». Au niveau européen, cette relation s’est institutionnalisée à la fin des années 1980 avec la relance de la politique régionale européenne. En sortant des frontières strictement européennes, la coopération décentralisée a pris le plus souvent la forme d’une aide au développement, vu l’importance de l’écart entre les villes européennes et leurs homologues de l’est de l’Europe et du sud de la Méditerranée (Conseil Régional d'Aquitaine 2005).

Il existe toutefois deux conceptions différentes de la coopération décentralisée, la conception de l’UE, d’inspiration Anglo-saxonne et la conception française.

Selon la définition européenne :

« [l]a Commission européenne qualifie d’acteurs de la coopération décentralisée l’ensemble des opérateurs autres que les États et leurs administrations. Les collectivités locales y tiennent bien entendu leur place, mais quasiment au même titre que les acteurs de la société civile (associations, universités, fédérations professionnelles, ONG…) qui ont capacité à prendre des initiatives de coopération décentralisée. » (Comité des Régions 2004)

Par opposition, la définition française, qui guide le travail des collectivités françaises à l’international, limite la coopération décentralisée aux instances territoriales infranationales dotées « d’exécutifs élus » (les régions, départements et communes dans le cas français). Cette différence entre les deux définitions n’est pas anodine et révèle des positions idéologiques divergentes sur le rôle de l’État et les rapports entre sphères publique et privée. Selon B. Gallet,

« la Commission Européenne, fortement inspirée par les conceptions anglo- saxonnes, définit la coopération décentralisée de manière purement non étatique, privilégiant un contre-pouvoir international produit par une société civile composée essentiellement d’associations, d’entreprises et de réseaux. » (Gallet 2005: 62)

Contrairement au cas européen, les enjeux en France relèvent de

« l’alliage complexe de décentralisation et de déconcentration qui définit l’administration de la France et l’absence de cloisonnement entre la haute fonction publique et la classe politique [qui] se traduit en matière de relations internationales, par une certaine vision commune de l’action publique. » (p.62)

En réalité, ces différences ne se limitent pas à la coopération décentralisée, mais touchent à la notion même de décentralisation. La Commission Européenne, comme les autres organisations internationales telles que la Banque mondiale, définit la décentralisation comme le transfert de compétence du pouvoir central vers

« toute entité périphérique qu’elle soit publique ou privée, élue ou désignée, professionnelle ou communautaire. Ainsi, selon cette conception d’origine anglo-saxonne, une compétence serait décentralisée à partir du

moment où elle n’est pas directement exercée par l’État, l’exercice pouvant être indifféremment le fait d’une administration locale, d’une entreprise privée ou d’une association d’usagers par exemple. De fait, la privatisation se trouve assimilée à une forme de décentralisation… » (Baron et Haouès- Jouve 2004: 10)

Cette distinction n’est pas sans poser des problèmes au niveau de la coopération, en renforçant le déficit démocratique, malgré la volonté de départ de privilégier la participation et la prise de décision par le bas. En effet, la confusion entre privatisation et décentralisation et « le recours aux services du privé peut s’accompagner d’une véritable “recentralisation” — au sens plus conventionnel du terme cette fois » (Baron et Haouès-Jouve 2004: 10).

Concrètement, cela se traduit par une certaine difficulté10, pour les collectivités

territoriales françaises, à coopérer avec des associations (ONG…) qui ne sont pas des instances élues, mais, souvent, auto-désignées. Cette ambigüité conceptuelle se reflètera par la suite dans nos enquêtes et dans nos études de cas.

Entre les villes, métropoles et régions européennes, la coopération décentralisée se décline essentiellement dans le cadre de la politique régionale, et plus précisément à travers les programmes INTERREG financés par l’UE, selon trois modalités (Commission Européenne 2006c) :

« La coopération transfrontalière entre zones contiguës vise à développer des centres économiques et sociaux transfrontaliers en mettant en œuvre des stratégies communes de développement. (INTERREG III-A)

La coopération transnationale entre autorités nationales, régionales et locales vise à promouvoir une meilleure intégration territoriale dans l’Union grâce à la formation de grands groupes de régions européennes. (INTERREG III-B)

La coopération interrégionale vise à améliorer l’efficacité des politiques et des outils de développement régional par un vaste échange d’informations et un partage d’expériences (mise en réseau) (INTERREG III-C). »

10 C'est-à-dire, incompatibilité au niveau des lignes budgétaires, de l’audit et des autorisations des

Le développement de la coopération décentralisée au sein de l’UE est intimement lié aux restructurations institutionnelles et administratives décrites plus haut (section 3.3.2), à travers les concepts d’« européanisation », de « transfert de politique publique » et de « gouvernance à niveaux multiples ». Encore une fois, il s’agit là d’une composante fondamentale de notre thèse que nous voulons explorer dans un contexte voisin, celui des Pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée, pays qui bénéficient des programmes et des financements de l’Union Européenne. Par sa politique régionale, l’UE a permis d’intensifier les relations entre les collectivités territoriales des États membres en dépassant les relations de jumelage et les associations transnationales traditionnelles. H. Bulkeley et coll. estime que de véritables Réseaux Municipaux Transnationaux (ou Transnational Municipal Networks) ont émergé, à la suite de l’épaississement de ces formes de relations horizontales au sein de l’UE. À la différence des relations traditionnelles qui restent confinées à niveau national, les Réseaux Municipaux Transnationaux interviennent dans l’élaboration et la conception des politiques publiques à un niveau national, mais également communautaire et international (Bulkeley, Davies, Evans et Gibbs 2003: 236). Selon les auteurs, ces réseaux sont devenus, dans les années 1980-90, des acteurs incontournables de la gouvernance à échelles multiples européenne et ont, depuis, été soutenus activement par l’UE, comme moyen de développer des politiques publiques plus innovantes et d’assurer un transfert plus rapide de ces innovations institutionnelles à un plus grand nombre de collectivités territoriales.

1.3.4.3Les enjeux politiques de la coopération décentralisée en

Méditerranée

Cette section se penche sur le questionnement théorique en gestation au niveau de la coopération décentralisée et transfrontalière en Méditerranée, questionnement auquel nous nous proposons de contribuer.

Dans une communication, dans le cadre d’un séminaire organisé par l’IEMED, l’Institut Européen de la Méditerranée de la ville de Barcelone, V. Rouquette, la représentante de Cités-Unies France, l’association des villes et collectivités territoriales françaises, détaille les motivations derrière le développement de la coopération décentralisée en méditerranée. Selon Rouquette (2007: 4-5), ces motivations sont d’ordre politique et technique. À un niveau politique, la raison essentielle est l’existence d’une communauté issue des PSEM dans les villes et régions européennes qui encouragent le développement de relations horizontales avec leurs villes natales. Un point de vue approuvé par Michel Vauzelle, le président de la région PACA, Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui déclare dans une entrevue à la Pensée de Midi :

« Ce qui se passe en Méditerranée ce n’est plus de la politique extérieure pour nous, c’est de la politique intérieure. Quand je vais à Alger, les personnes d’origine algérienne d’ici sont contentes. Quand je vais en Israël, la communauté juive est contente. » (interviewé par Fabre et Étienne 2007: 118)

La deuxième raison évoquée par Rouquette est le sentiment de solidarité Nord-Sud que ressentent les habitants et les élus des villes du Nord à l’égard de leurs homologues du Sud. C’est la position que défend également B. Gallet qui estime que

« contrairement aux États, les collectivités ne défendent pas, à l’étranger, d’intérêts à proprement parler, même si, pour de grandes villes ou des régions, les opérations internationales en termes de communication représentent de vrais enjeux politiques au même titre qu’une grande réalisation. La plupart du temps, les partenariats relèvent plutôt de l’affirmation d’idéaux et de valeurs qui sont ceux des familles de pensée politique, philosophique ou religieuse. » (Gallet 2005: 64)

Une troisième explication suggérée par Rouquette est celle de la mondialisation comme facteur qui encourage les collectivités territoriales à développer leurs relations internationales voire à intervenir dans certains conflits comme ceux qui sévissent au Proche-Orient.

Au niveau technique, Rouquette estime que le mouvement généralisé vers la décentralisation a encouragé le renforcement du dialogue entre villes

méditerranéennes et le développement d’initiatives nationales et européennes. Dans une large mesure, Rouquette, Gallet et Bekkouche, cités plus haut, résument la position de la très influente association des villes et collectivités territoriales françaises Cités-Unies France. Aussi instructifs que puissent paraître ces commentaires, ils ne sont pas dénués d’intérêt ; ils permettent notamment de promouvoir l’expérience des villes françaises en matière de coopération décentralisée.

Mais, comme le souligne F. Petiteville, ces positions contribuent à la légitimation de la coopération décentralisée qui devient

« l’objet d’un discours de valorisation construit au préalable sur le thème d’une coopération « souple », « partenariale », à « échelle humaine » qui s’opposerait aux arcanes bureaucratiques traditionnels de la coopération multilatérale et aux réseaux clientélistes des coopérations bilatérales. » (Petiteville 1996: 137)

Ainsi, les motivations derrière la coopération décentralisée sont plus complexes. Elles varient beaucoup selon les cas de figure, les réseaux, les contextes (nationaux et locaux) ainsi que l’identité des partenaires. Premièrement, il n’est pas du tout avéré que les logiques nationales n’interviennent pas dans la coopération décentralisée et que les municipalités européennes ne contribuent pas au rayonnement de l’influence politique de leurs États respectifs. Dans le contexte de la coopération de la ville de Marseille en Afrique, Petiteville estime que

« Marseille incarne (…) le cas typique de l’engagement superficiel en coopération décentralisée, celle-ci étant avant tout conçue comme une politique de faire-valoir et de rayonnement international. On ne manquera pas alors de retrouver à l’échelle de la coopération décentralisée, le syndrome du rapport narcissique que la France entretient avec les pays du Sud, où la générosité du verbe dissimule la parcimonie des moyens. » (Petiteville 1996: 138)

Ces avertissements de Petiteville sont importants à retenir au moment de se confronter au cadre empirique et d’entrer en contact avec le contexte de la coopération décentralisée et transfrontalière dans le cadre du projet euro- méditerranéen. Ils appellent à distinguer les faits et les actions (les traces matérielles

collectées) qui sont en rapport direct avec la régionalisation et la mondialisation de ceux qui relèvent d’intérêts géopolitiques masqués par un discours employant des mots-clés en vogue (coopération, partenariat, développement durable) alors qu’il ne s’agit en réalité que de tentatives de récupération politicienne comme le montre le cas marseillais. Nous verrons par la suite que le danger de l’instrumentalisation guette ce type de coopération et nécessite une vigilance accrue dans l’analyse et l’interprétation des données qualitatives recueillies à partir des discussions avec les acteurs euro- méditerranéens.

Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons commencé par analyser, à partir de la littérature, les liens entre globalisation et régionalisation, en nous intéressant de manière spécifique à leurs impacts sur les territoires et à leurs implications au niveau de l’aménagement du territoire. Nous nous sommes par la suite intéressés au cas de l’Union Européenne et au corpus théorique constitué autour de sa conceptualisation et de sa construction spatiale et institutionnelle.

Si une partie des spécialistes a longtemps hésité entre une régionalisation comme manifestation de la mondialisation ou comme forme de résistance à la mondialisation, une autre partie a préféré dépasser ces clivages pour voir comment ces processus se renforcent mutuellement (Schulz, Söderbaum et Öjendal 2001: 4) et constater que le régionalisme n’était que la dimension régionale de la transformation globale (Hettne 2003: 23).

Dans cette optique, il est important de souligner, en référence à Hurrell, la vocation normative des nouvelles formes de régionalisme qui se mettent en place actuellement, surtout les expériences Nord-Sud. En effet, la régionalisation permet de manière plus profonde de mettre en place des « normes capables d’organiser le monde, de discipliner le jeu de ses acteurs, d’introduire de la prévisibilité dans leurs

comportements, de développer chez eux le sens de la responsabilité collective » (Laïdi 2005: 49).

Le transfert de politique publique opère de la même manière et explique comment des politiques similaires peuvent apparaître dans différents pays, soit à cause d’un cheminement commun soit par un effet de mimétisme plus ou moins volontaire.

Ces aspects normatifs ont été perfectionnés par l’Europe qui a été pionnière en matière de régionalisation. En ce sens, l’« européanisation » graduelle des politiques nationales et locales d’aménagement du territoire est une forme de transfert de politique publique, qui a permis aux instances européennes de pénétrer en profondeur les niveaux infranationaux et, inversement, aux acteurs locaux et régionaux de participer de manière substantielle dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques communautaires relevant de l’aménagement du territoire et du développement régional.

Cette forme particulière de gouvernance, qualifiée par certains de gouvernance à échelles multiples (« multilevel governance ») montre l’ampleur des changements qui se sont produits dans les relations entre régions, États et instances supranationales de l’UE. L’intégration européenne est devenue un processus politique dans lequel l’autorité et l’élaboration de politiques sont partagées par les différents échelons gouvernementaux, infranationaux, nationaux et supranationaux.

À l’ombre des projets régionaux, en particulier du projet d’intégration européenne, les collectivités territoriales (locales et régionales) ont réussi à s’affranchir du contrôle étatique et à tisser leurs propres relations internationales, ce qui a permis de dépasser la distinction moderne entre l’externe et le domestique. Mais les motivations derrière cette forme nouvelle de coopération décentralisée sont plus complexes, surtout quand elles s’inscrivent dans des logiques Nord-Sud. D’une part parce que les intérêts nationaux pèsent dans la coopération décentralisée et d'autre

part parce que les collectivités territoriales contribuent, volontairement ou non, au renforcement de l’influence politique de leurs États respectifs.

Avant d'aborder l'impact de la relation globalisation-régionalisation sur les territoires et son incidence au niveau des politiques publiques et, plus spécifiquement, de l’aménagement du territoire, il est important de rappeler le positionnement théorique de cette thèse par rapport aux concepts discutés plus haut.

Au-delà de ces grands concepts, nous affirmons encore une fois la volonté de se limiter à "une stratégie modeste d’analyse des processus transnationaux" en s'intéressant à "des réseaux et des champs sociaux de grandes envergures sans être forcément planétaires" (Saunier 2004: 124). Cette stratégie s'intéresse plus particulièrement à deux aspects liés à ces processus, à savoir les questions d'échanges et d'échelle. A travers les questions d'échanges, notre thèse s'intéresse en premier lieu à la circulation des idées: comment elles naissent dans une partie du monde et comment elles sont transmises et adoptées dans une autre. Loin d'être des idées abstraites, elles sont forcément incarnées et véhiculées par des individus en interaction avec d'autres qui reçoivent et choisissent d'adopter, et d'adapter, ces idées en fonction de leurs besoins et de leurs priorités.

Les questions d'échelle sont tout aussi importantes parce que ces phénomènes doivent se manifester dans des sites "concrets" d'action et laisser des traces matérielles suffisantes qui nous permettent de les collecter, de les analyser et de les interpréter. Sans cette notion d'échelle, et donc de territoire, les transferts et les échanges ne seraient que des flux éthérés sans incidence directe sur la vie des individus et des sociétés auxquels toute recherche scientifique est destinée.