• Aucun résultat trouvé

FRONT NATIONAL

3. Le lexique du Front National

3.2. Mises à l’index du système

Les contextes de ces termes repérés spécifiques du FN dévoilent que le discours électoral du parti met à l’index le système. Il s’agit d’en critiquer les acteurs (3.2.1.), l’idéologie (3.2.2.) et les actions (3.2.3.).

31 Nous utiliserons les guillemets pour les mots qui représentent des items spécifiques et présents dans les nuages

de mots, de même que lorsque ces items sont employés en modalisation autonymique (en usage et en mention). En revanche, nous utiliserons les italiques pour les autonymes (mots en mention).

36

3.2.1. Une critique des acteurs du système

L’étude de D. Labbé et D. Monière (2010) montre que dans le discours électoral, le nom propre sert souvent à désigner l’adversaire, soulignant ainsi le caractère polémique du genre discursif étudié. Le discours électoral FN ne déroge pas à cette caractéristique. Les noms propres spécifiques servent systématiquement à désigner puis à disqualifier leurs adversaires du parti : qu’il s’agisse de patronymes qui désignent les adversaires politiques32 ou, fait plus singulier, de toponymes, dont l’usage est souvent métonymique et personnifiant.

3.2.1.1. Personnification de toponymes : le cas de Bruxelles

Dans les tableaux ci-dessus figurent le toponyme « Chine » (+5,8) dont JMLP critique le fonctionnement en 2007, ainsi que le toponyme « Qatar » (+6,3) dont MLP dénonce, en 2012, les positions politiques et son influence en France. En 2017, c’est le toponyme « Afrique » qui devient spécifique du discours électoral FN avec un écart réduit qui s’élève à (+6,7) : durant cette campagne, MLP propose une « politique de codéveloppement avec les pays d’Afrique »33.

Aussi, la dénomination « Bruxelles » revient-elle dans les trois campagnes (évalué à (+11,3) en 2007, à (+7,5) en 2012 et (+9,8) en 2017). L’analyse fine des contextes rend compte que parler de « Bruxelles » recouvre une stratégie argumentative précise en corrélation avec la politique électorale du candidat ou de la candidate. La méthode cooccurrentielle nous permet en effet de caractériser l’environnement sémantique proche du terme dans chaque campagne. Après avoir établi mathématiquement son environnement, le logiciel permet sa représentation graphique à l’aide du nuage de mots (dont la taille des mots exprime le degré de cooccurrence). Chaque nuage de mots présentés ci-dessous regroupe les principaux substantifs et adjectifs lemmatisés proches du nom propre Bruxelles. Les emplois de Bruxelles prennent communément un sens métonymique (il s’agit d’y désigner, à travers la dénomination, les dirigeants européens) et glissent régulièrement vers une construction personnifiante. Selon la typologie proposée par Michelle Lecolle (2002) nous proposons ici une cartographie de ces différents emplois.

32 Hormis l’occurrence Merah dont les contextes révèlent des stratégies si révélatrices de l’argumentation FN

que nous y avons consacré une étude en (3.2.1.2).

33 Programme du FN en 2017 repris par le site du monde : https://www.lemonde.fr/personnalite/marine-le-

37 En 2007, les principaux substantifs cooccurrents de Bruxelles sont les termes : « mesures » (+8,19), « commission » (+8), « profits » (+7,02), « paysan » (+5,92) et « agriculture » (+5,21).

Figure 12. Profil cooccurrentiel de Bruxelles en 2007

Ces termes révèlent en contexte une opposition mettant face à face la logique destructrice de Bruxelles et la tradition de la France agricole peu ou pas considérée par les tenants de l’UE. Le profil cooccurrentiel révèle en effet tout un lexique renvoyant au domaine « agricole » (+6,28), à l’« agriculture » (+5,21), avec les substantifs « paysan » (+5,92), « farine » (+4,74), « bétail » (+3,29), « bovin » (+3,11) et « vache » (+3,05) :

(1) Ils ont cassé notre agriculture34 et abîmé nos campagnes, par une politique de

surproduction planifiée à BRUXELLES pour aboutir en 2012 à sa disparition. Mépris des paysans, accusés par les bobos des villes de dénaturer la nature, alors que ce sont eux qui, de leurs mains, par un travail millénaire, ont façonné nos campagnes, et qui, pour tout remerciement, sont promis demain, comme les marins-pêcheurs, à la liquidation pure et simple, puisque la PAC et les technocrates de BRUXELLES ont programmé leur mort en 2012.

Déclaration de JMLP, le 12 novembre 2006 au Bourget.

(2) La politique euromondialiste de BRUXELLES, la capitulation lors des négociations du GATT et de l’OMC ont ruiné des pans entiers de notre industrie, et que dire de notre agriculture ! Quand le Président sortant était ministre de l’agriculture en 1973, il y avait 2 millions 700.000 paysans en France ; il n'y en a plus que 600.000 aujourd'hui !

Déclaration de JMLP, le 26 janvier 2007 à Yvetot.

34 Les extraits ont été sélectionnés en fonction des cooccurrents très spécifiques. Ces cooccurrents apparaissent

38 Dans le premier exemple, Bruxelles recouvre son sens initial : le nom propre désigne la ville où les décideurs de l’Union européenne interagissent. Dans le second exemple, Bruxelles recouvre un sens métonymique : le terme renvoie aux dirigeants européens et il est question de leur politique destructrice pour l’agriculture française, destruction corrélée aux mépris des « grands » représentants de l’idéologie « euromondialiste ». Ce néologisme est un cooccurrent à hauteur d’un indice de (+3,19). Cet usage métonymique de Bruxelles est partagé par d’autres politiques, mais dans le même contexte, Jean-Marie Le Pen peut le réemployer dans une visée personnifiante :

(3) La Chine mange aussi ses paysans, engloutis dans les chantiers urbains de Shangaï, Pékin, Guanzou. 300 millions d’entre eux vont être éliminés des campagnes. Mais en même temps, sur sa côte, la Chine a déjà créé plus de 150 millions d’ultras millionnaires qui consomment vins, fruits, légumes et produits alimentaires de qualité. Autrement dit ces 3 milliards d’habitants, de ces deux seuls pays, vont lancer l’appel d’offre alimentaire planétaire que je ne cesse d’annoncer. Sans parler de l’Afrique du Nord dont le réchauffement climatique va éliminer l'agriculture. Qui alors va répondre à cet appel d’offre ? Le Brésil est prêt à nourrir la planète avec ses 27 millions d’hectares en réserve en Amazonie. Soit toute la France agricole en réserve. Mais la France aussi peut répondre à cet appel d'offre. Si précisément BRUXELLES, soutenu par les candidats du OUI, n’éliminait pas nos paysans. Parce que paysan va redevenir le grand métier d’avenir, et pas simplement pour être paysagiste ou pompiste de bio- éthanol et de diester, les éliminer juste à ce moment est une tragédie. Voilà pourquoi je propose un budget et un plan, pour le matin des paysans.

Déclaration de JMLP, le 6 mars 2007 au salon de l’agriculture.

Bruxelles est ici le siège d’une personnification : le statut de sujet du syntagme verbal

« éliminer nos paysans » donne au toponyme une agentivité plus forte que dans la seule métonymie (du lieu pour ceux qui y décident). Dans son article, M. Lecolle (2002 : 12) définit en effet la personnification par son critère de qualification (par une association syntagmatique atypique). La polysémie du verbe éliminer (i.e. avec le sens de faire disparaître le métier et avec le sens de tuer) favorise la personnification qui s’inscrit dans un contexte plus global où JMLP fait usage d’autres personnifications, notamment sur le nom propre Chine sujet du syntagme verbal « mange ses paysans » (début de l’extrait).

En 2012, l’opposition « Union européenne » vs « France agricole » laisse place à l’opposition du « système » (+9,45) vs la « nation » (+5,64).

39

Figure 13. Profil cooccurrentiel de Bruxelles en 2012

L’opposition se décline dans chaque discours à travers différents termes : elle concerne aussi la confrontation des « députés » (+20,17), des « banques » (+5,63) et des « technocrates » (+5,28) face à la « souveraineté » (+9,97) du « peuple » (+15,92).

(4) L’Europe de BRUXELLES ne fera rien pour les Européens, encore moins pour les Français. L’Europe de BRUXELLES telle qu’elle s’est construite n’est pas seulement un échec, c’est un drame ! L’État, la nation, la patrie doivent se relever et réaffirmer très clairement ce que sont les intérêts des Français ! À l’État d’aller dire leurs quatre vérités à ces technocrates et à leurs maîtres ! L’autorité de l’État contre la prison des peuples ! L’autorité de l’État et la fermeté de ses dirigeants pour la liberté du peuple français !

Déclaration de MLP, le 4 mars 2012 à Marseille.

Dans le syntagme « l’Europe de Bruxelles », Bruxelles est le déterminant et L’Europe le déterminé. Ce syntagme est fréquent dans notre corpus et permet aux candidats FN de s’opposer aux nominations communément employées. JMLP parle également des « États- Unis d’Europe »35. Le syntagme « l’Europe de Bruxelles » est dialogique et met face à face deux visions de l’Europe. Dans « l’Europe de Bruxelles » sont en effet opposées la vision de l’Europe qui est construite à Bruxelles et celle que va proposer la locutrice (une « autre » Europe). Cette différence avait été introduite dans son discours d’investiture tenu à Tours, le 16 janvier 2011 : « Le monstre européiste qui se construit à Bruxelles et qui par imposture sémantique se présente comme “l’Europe” n’est rien de moins qu’un conglomérat sous protectorat américain, l’antichambre d’un État total, global, mondial ». Ici c’est la politique menée à Bruxelles qui est réifiée en une entité mise à distance et même diabolisée.

Le profil cooccurrentiel de Bruxelles en 2017 met en relief l’opposition qui existe en co- texte entre la politique « incontrôlable » (+4,66) de l’Union européenne et une « démocratie »

40 (+3,93) réelle et populaire portée par la « souveraineté » (+9,57) du « peuple » (+6,45) et qui passe concrètement par le « référendum » (+9,28).

Figure 14. Profil cooccurrentiel de Bruxelles en 2017

En 2017, les statistiques mettent en relief une systématisation du cooccurrent « démocratie » (+3,93). Cette démocratie populaire proposée s’oppose en contexte à la politique incontrôlable de l’Union européenne. Pour sortir de cela, Bruxelles se voit personnifiée pour entretenir un dialogue :

(5) Je suis la candidate d’une France rassemblée autour d’un sentiment national retrouvé et qui unira ses efforts toutes ses forces pour faire face victorieusement à la mondialisation et à la dilution programmée. Je suis la candidate de la France qui retrouve confiance en elle et saura jouer de ses atouts. Je rendrai à la France son indépendance en négociant avec BRUXELLES le retour de nos souverainetés. Je mènerai ce bras de fer avec d’autant plus d’énergie que BRUXELLES saura qu’un référendum conclura les négociations et que seul le peuple français l’ensemble du peuple français le seul souverain qui décidera. Je vous rendrai aussi une démocratie pleine et entière, en ayant recours au référendum en installant le référendum d’initiative populaire, en mettant en œuvre la proportionnelle pour que chacun soit représenté dans les assemblées, et puis en baissant aussi le nombre de députés et sénateurs.

Déclaration de MLP, le 1er mai 2017 à Villepinte.

En 2017, la systématisation d’une conception démocratique plébéienne et locale permet à Marine Le Pen de faire valoir sa vision eurosceptique. Bruxelles est en usage métonymique dans la première occurrence et personnifiant dans la seconde : le toponyme est en effet sujet syntaxique du verbe abstrait « saura ». Toutefois ici, la personnification n’est pas diabolisante puisqu’il est question des futurs échanges avec la candidate. La personnification permet donc de construire une entité avec qui les négociations sont désormais possibles. Dans cette perspective, Bruxelles devient alors un sujet passif et il n’est pas anodin que le nom soit sujet

41 du verbe savoir : ce terme est moins violent que le syntagme verbal « éliminer nos paysans » par exemple. Cette volonté de négocier avec Bruxelles, et de parler de l’entité dans le futur inscrit la personnification dans un discours délibératif fondé sur l’argumentation et visant à mener l’auditoire vers une décision qui engage l’avenir. Ces emplois de Bruxelles sont récurrents en 2017 et amenuisent, durant cette élection, la vision négative portée par la personnification.

En traitant successivement les campagnes de 2007, de 2012 et de 2017 on remarque bien que les thématiques autour de Bruxelles évoluent. Ainsi, les contextes du toponyme illustrent à la fois une évolution des centres d’intérêts différents ainsi qu’une stratégie régulière. Outre dans le discours de campagne présidentielle, la personnification de Bruxelles est effectivement récurrente dans l’ensemble des discours du FN :

(6) Avec Amsterdam, nous perdons même le droit d'être un peuple. C’est Bruxelles qui décide d’inviter chez nous qui bon lui plaît. Qui doit être réfugié, accueilli, rendu citoyen, pouvant voter. Bruxelles décide de nos immigrés.

Déclaration de JMLP, le 30 avril 2000 à Paris.

Dans cet exemple, la personnification est produite dans l’extraction syntaxique du sujet du verbe décider, extraction qui focalise le sujet dans une construction à valeur dialogique contrastive (« C’est Bruxelles et pas le peuple »). La visée illocutoire de cet extrait repose bien sur la disqualification de l’entité européiste. D’un point de vue pragmatique, la personnification transforme l’entité dite positive dans le discours commun en une entité négative. Dans ce cadre, la visée perlocutoire consiste alors à persuader les auditeurs de la négativité de la cible.

La personnification diabolisante atteint son degré maximal dans la citation suivante : (7) BRUXELLES se soucie plus d’endoctriner la population par l’antiracisme

militant. La moitié au moins de la politique sociale européenne est consacrée à la lutte contre les discriminations raciales ou sexuelles. Je vous le disais, tout est fait pour favoriser les immigrés, pour lutter contre les discriminations que subiraient les homosexuels ou les femmes, sans oublier les programmes d’éducation sexuelle, dès le primaire si possible. L’Europe d’aujourd'hui, c’est la dictature des minorités, la discrimination de la majorité, la promotion d’une société de consommation permissive dans tous ces excès, jusqu’à vouloir punir ceux qui manifesteraient leur opposition au mariage homosexuel. D’ailleurs, dans le vocabulaire européiste, on ne parle plus de parents, mais, je cite, « d'adultes civilement responsables d’un enfant mineur » ; ce qui ouvre évidemment la voie à l’adoption d’enfants par des adultes du même sexe. Dès lors, mes chers compatriotes, les choses sont claires : l’Europe de BRUXELLES est sans âme, sans identité et sans valeurs autres que celles d’un mondialisme uniformisateur et dégénéré.

42 Bruxelles est personnifiée par le statut de sujet du verbe abstrait intellectuel se soucier – verbe dont le sujet ne peut être qu’un animé, voire un animé humain – ainsi que dans la seconde occurrence « L’Europe de Bruxelles » par son statut de sujet de la construction attributive « être sans âme, sans identité et sans valeurs ». Dans cet extrait, Bruxelles renvoie sémantiquement aux idéologies dénoncées : « l’antiracisme militant » révélateur d’une volonté d’imposer un « mondialisme uniformisateur et dégénéré ». L’effet pragmatique de ces personnifications repose donc sur la disqualification des valeurs pour persuader l’auditeur de la nocivité de la cible. La seconde personnification s’inscrit dans un négatif qui dénonce les défaillances politiques de l’entité visée. L’effet pragmatique de la personnification va encore plus loin puisque Bruxelles est personnifiée pour être déshumanisée : le locuteur anime l’entité en lui donnant des traits humains pour finalement lui retirer toute humanité, car ce qui est « sans âme, sans identité et sans valeurs » est précisément ce qui devrait en avoir. Cette personnification atteint dès lors le degré maximal de la figure puisqu’il s’agit de personnifier pour dénoncer paradoxalement que derrière Bruxelles, il n’y a pas d’humains.

Cette cartographie des différents emplois de Bruxelles rend compte que dans le discours du FN, le niveau de la métonymie figée qui est partagée et qui fait partie du discours commun se transforme régulièrement en une personnification plus vive, allant jusqu’au paradoxe de personnifier pour montrer que derrière Bruxelles il n’y a pas d’hommes. L’étude des contextes sémantiques a par ailleurs montré que Bruxelles est toujours nommé pour faire exister discursivement le contrepoint lepénien. En 2007, Bruxelles est mis en opposition à « la France d’en bas »36 représentée par les intérêts des agriculteurs seulement défendus par Jean- Marie Le Pen. En 2012, Marine Le Pen propose une vision nationale de la politique française contre la politique européenne actuelle et en 2017 une vision démocratique référendaire contre la politique incontrôlable. Ces images personnifiantes s’inscrivent dans une stratégie plus globale qui consiste à nommer autrement et plus précisément à montrer que les locuteurs FN nomment autrement. En effet, alors que certains toponymes sont personnifiés, certains patronymes sont au contraire typifiés, voire dépersonnalisés.

36 L’expression « France d’en haut » vs « France d’en bas » a été utilisée par Jean-Pierre Raffarin dans les

années 2000. L’article de Sylvianne Rémi-Giraud en fait une analyse pertinente dans le numéro 77 de la revue MOTS (2005).

43

3.2.1.2. Les patronymes : typification de l’ennemi public et assimilation des adversaires directs

Le seul patronyme spécifique qui ne désigne pas de personnalité politique est l’occurrence « Merah » en 2012 (+5,5). Le patronyme apparaît pourtant dans un seul discours : celui du 25 mars 2012 à Nantes. Or, la sur-utilisation de ce nom propre est si importante dans ce discours que le nom propre Merah figure parmi les spécificités du discours électoral de MLP en 2012. Ce résultat est d’autant plus notable que les attentats ont eu lieu seulement un mois avant la date du premier tour des élections. Notons aussi que si c’est le nom propre désignant le terroriste qui est spécifique du discours lepénien, il s’avère qu’en discours, le nom propre est dépersonnalisé dans plus de la moitié des co-textes : il s’agit moins de parler de Mohammed Merah que de « l’affaire Merah ». Contre l’« interprétation » (+3,36)37 « psychiatrique » (+5,31) de la « gauche angéliste » » (+2,78) sur « l’affaire Merah » (+3,63), MLP lui attribue l’étiquette de « fanatique » (+3,12) politique à « prétexte » (+2,85) « religieux » (+2,68) et en fait un exemple de « l’hybridation entre le terrorisme islamiste et la voyoucratie ». Contre la vision de ses adversaires qui rend l’événement « exceptionnel » (+2,73), MLP en fait une « histoire » (+3,87) « banale » (+3,12). Passant de l’exemple à la généralisation, MLP typifie Mohammed Merah à travers des questions rhétoriques anaphoriques : « Combien de Mohammed Merah dans les avions, les bateaux qui chaque jour arrivent en France remplis d’immigrés ? », « Combien de Mohammed Merah dans les 300 clandestins qui, chaque jour, arrivent en Grèce via la Turquie, première étape de leur odyssée européenne ? », « Combien de Mohammed Merah parmi les enfants de ces immigrés, non assimilés, sensibles aux thèses les plus radicales et les plus destructrices, en rupture avec nos principes républicains ? ». Ces anaphores rhétoriques l’amènent à conclure : « Nos élites ont laissé le pouvoir aux islamistes. Je m’engage à réduire en cinq ans l’immigration légale de 200 000 entrées par an à 10 000, à limiter très fortement le nombre des demandeurs d’asile ». Dans ces derniers co-textes, MLP utilise ce que Sarah Leroy (2004) regroupe sous la catégorie « antonomase référentielle ». Il s’agit de typifier Mohammed Merah pour en faire un parangon des terroristes immigrés que produirait la France. Cette antonomase se construit discursivement contre les étiquettes des autres et crée une nouvelle catégorie référentielle.

À l’exception de ce nom propre, les patronymes présents parmi les spécificités désignent des adversaires politiques et le plus souvent des adversaires directs de campagne.

44 En 2007, puis en 2012, figurent ainsi le nom propre « Sarkozy » (+3,6 en 2007 +5,7 en 2012) et en 2017, les noms propres « Macron » (+15,8) et « Fillon » (+12). Dans les contextes, ces adversaires ont pour cooccurrents d’autres candidats et les nommer sert toujours une stratégie de disqualification. Il suffit de les nommer et de les citer pour disqualifier leurs propos voire de les disqualifier en personne (argument ad personam).

(8) Ce sont les Sarkozy, les Royal, les Bayrou, les Buffet, cartel de ministres et anciens ministres des gouvernements qui se sont succédé au pouvoir depuis 30 ans qui portent la responsabilité de ce désastre !

Déclaration de JMLP, le 25 février 2007 à Lille.

(9) Prenez messieurs Fillon et Macron. Les deux passent maintenant leur temps à s’écharper, à s’envoyer à la figure de jolis noms d’oiseaux. C’est la campagne de bac à sable, ou de cour de récréation, comme vous préférez.

Déclaration de MLP, le 11 avril 2017 à Arcis-sur-Aube.

Les stratégies d’assimilation sont nombreuses dans notre corpus. Dans l’exemple (8) on retrouve des antonomases référentielles pour typifier une classe de dirigeants qui représente désormais un système. En (9), l’assimilation des adversaires introduit une assimilation de leurs discours.

Cette assimilation des adversaires se manifeste aussi dans la nomination des partis concurrents. Parmi les spécificités, on retrouve en 2012, le parti socialiste sous la dénomination « PS » (+10,5) et le parti de l’« UMP » (+6,5). L’analyse des profils cooccurrentiels les révèlent cooccurrents (voir figure 15).

45 Dans ce nuage de mots qui représente les principaux lemmes associés à l’acronyme PS ne se trouvent d’ailleurs que des personnages de droite (aucun de gauche) : on retrouve ainsi les