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Distribution syntaxique au sein des discours FN

FRONT NATIONAL

2. Les catégories grammaticales du Front National

2.1. Distribution syntaxique au sein des discours FN

Notre étude demeure centrée sur le discours électoral du FN, c’est-à-dire que notre propos consiste à détailler les catégories grammaticales qui revêtent un écart réduit positif (dès lors que la fréquence observée s’écarte du modèle fixé à (+2)) par rapport aux écarts que revêtent ces catégories chez leurs adversaires de campagne.

Les différents tableaux, histogrammes et AFCs présentés ci-dessous portent sur la répartition de 10 catégories grammaticales (nom commun, nom propre, adjectif, déterminant,

23 préposition, adverbe, verbe, pronom, conjonction de coordination et subordination). Les premiers résultats – représentés dans les trois tableaux ci-dessous – révèlent que lors des trois campagnes, cinq catégories sont surexploitées par JMLP et MLP. Il s’agit du nom propre, du nom commun, de l’adjectif, du déterminant et de la préposition27.

Tableau 4. Spécificités syntaxiques de JMLP en 2007

Écart réduit Codes

29.5 Nom propre

28.12 Adjectif

21.07 Nom commun

18.81 Préposition

14.13 Verbe au participe présent

Tableau 5. Spécificités syntaxiques de MLP en 2012

Écart réduit Codes

32.26 Adjectif 25.51 Nom commun 19.48 Préposition 18.28 Nom propre 14.83 Déterminant possessif 14.57 Déterminant 8.8 Article

Tableau 6. Spécificités syntaxiques de MLP en 2017

Écart réduit Codes

37.56 Nom propre

21.69 Déterminant

24 19.64 Adjectif 19.62 Nom commun 16.17 Article 16.93 Préposition 14.79 Déterminant possessif

Les cinq catégories sur-utilisées par JMLP et MLP pendant les campagnes font partie du groupe nominal28. Ces résultats, qui se répètent diachroniquement, pointent ainsi l’attraction du discours lepénien pour la catégorie nominale. D’autant qu’a contrario, les catégories verbales sont celles qui sont en général sous-utilisées par les locuteurs du Front National. Le verbe par exemple recouvre un écart de (-34,59) en 2007, de (-23,95) en 2012 et de (-17,75) en 2017.

Ces premiers résultats, mettant en avant le nom et le verbe, concordent avec la distinction fondamentale que font grammairiens et statisticiens textuels. Selon Henri Bonnard (2001 : 14), les langues indo-européennes systématisent « la distinction de l’événement et de la substance par l’opposition morphologique des verbes et des substantifs29 ». Parallèlement, en statistique textuelle, cette distinction fait consensus depuis Pierre Guiraud (1954), selon qui la croissance des uns entraîne la décroissance des autres. Les chercheurs s’accordent aujourd’hui pour dire que le nombre de substantifs et celui des verbes varient en proposition inverse (Kastberg 2002 : 297). Ce phénomène est d’ailleurs pris comme point de départ d’analyses textométriques. C’est ce phénomène qui permet à É. Brunet, dans le cadre d’une analyse du lexique de la littérature française (1981), de démontrer que deux discours typiques existent dans la rhétorique : le discours nominal et le discours verbal. Cette opposition discours nominal vs discours verbal est donc considérée aujourd’hui comme la base d’une typologie (Mayaffre [2004]/2012 : 51).

Dans cette perspective, et pour étayer notre démonstration selon laquelle le discours contemporain du FN est un discours nominal, nous présentons les graphiques ci-dessous qui illustrent la répartition des noms et des verbes dans chaque base consacrée aux discours de

28 En émettant toutefois une réserve pour la préposition qui peut servir aussi le verbe (construction de

compléments), et dans une proportion variable pour l’adjectif qui peut être lié au verbe dans de rares constructions du type parler haut, chanter fort ou comme attribut.

25 campagnes présidentielles. S’ensuivent des AFCs qui regroupent les différentes catégories grammaticales énoncées ci-dessus.

Figure 4. Répartition nom vs verbe en 2007

26

Figure 6. Répartition nom vs verbe en 2012

27

Figure 8. Répartition nom vs verbe en 2017

Figure 9. AFC des catégories grammaticales en 2017

Dans notre corpus, une singularité transparaît depuis 2007 : le discours FN sur-utilise systématiquement la classe nominale, lorsque les discours des autres candidats sont dominés par la classe verbale. Chaque AFC hiérarchise un concentré d’informations opposant sur l’axe F1 de gauche à droite ou de droite à gauche un discours nominal vs un discours verbal. En 2007, chaque candidat contribue à la construction des deux axes, et Jean-Marie Le Pen se situe le plus à gauche, proche du nom commun. En 2012, c’est la partition de Marine Le Pen qui permet la construction des deux axes et de distinguer le discours nominal du discours

28 verbal. Elle se retrouve isolée à droite quand l’ensemble des autres candidats, situés à gauche, partagent un discours verbal. En 2017, chaque candidat contribue à la construction des deux axes, à l’exception de Benoît Hamon dont le discours n’a pas d’impact dans cette opposition. À l’intérieur du discours verbal, l’AFC représente l’attirance du discours de Jean-Luc Mélenchon pour le verbe quand celui d’Emmanuel Macron privilégie les conjonctions et l’adverbe. Concernant le discours nominal, c’est Marine Le Pen et François Fillon qui se partagent équitablement le nom propre, le nom commun et l’adjectif.

Selon ces résultats et partant de la typologie qui distingue discours nominal vs discours verbal, nous pouvons affirmer que le discours électoral du Front National repose sur une structuration nominale. D’ailleurs, cette structure ne se circonscrit pas seulement aux trois campagnes présidentielles, elle s’applique à l’ensemble des discours FN de notre corpus. En effet, les mêmes recherches appliquées à la base consacrée aux communiqués de presse ne révèlent pas de sur-utilisateurs parmi les différents membres, la catégorie nominale se répartissant de manière égale : le seuil ne dépasse pas (+2,74) pour les noms.

Figure 10. Répartition des noms chez les membres du Front National (2015)

Ces écarts non (ou très peu) significatifs, dans un corpus strictement composé de communiqués du FN, renforcent l’idée que le discours FN est bien nominal.

Parallèlement, la base consacrée aux discours lepéniens (2000-2017) précise quant à elle que cette sur-utilisation de noms dans notre corpus dépend de la structure énonciative. C’est en effet le discours monologal du FN qui privilégie le nom, quand leur discours dialogal privilégie le verbe – ce qui n’est pas étonnant dans la mesure où le discours dialogal partage avec le discours de campagne la caractéristique d’être souvent agonal (ne serait-ce que par

29 l’alternance des tours de parole, et la difficulté en contexte politique et médiatique d’atteindre le consensus entre les partenaires de la communication).

Figure 11. Répartition nom vs verbe selon la variable énonciative

Dès lors, ces premiers résultats nous permettent de conclure que le discours du FN est bien nominal, et qu’il l’est d’autant plus dans les discours monologaux (meeting, conférence, conférence de presse, communiqué de presse). Aussi ce dernier graphique explique-t-il pourquoi la plupart des exemples étudiés ci-dessous sont issus de discours monologaux.