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sociotechnique et idéologique en co conception de quartiers innovants

2. METHODE : UN ATELIER DE CONCEPTION PAR EQUIPES PLURIDISCIPLINAIRES

2.2. Mise en place de l’atelier et recueil des données

L’atelier de conception a été mis en place de sorte à favoriser au sein des équipes, d’une part, la co- construction d’un quartier collaboratif intelligent, et d’autre part, la discussion autour de ce concept innovant. Pour cela nous avons imaginé des tâches individuelles puis des tâches collectives en nous inspirant, entre autres, du modèle de l’habitat participatif. Nous présentons successivement la construction de l’atelier, son déroulement et le recueil des données.

2.2.1. Construction de l’atelier

L’atelier de co-conception par équipes pluridisciplinaires a été construit dans le prolongement de la première étude sur l’habitat participatif, ainsi qu’en respectant d’autres enjeux inhérents aux concepts de ville intelligente et de consommation collaborative. Pour cela, nous avons imaginé dix problématiques sur lesquelles il était pertinent de faire travailler les équipes. Nous les retrouvons à travers les 10 questions suivantes qui ont été posées aux participants :

 Question 1 : Quel serait les objectifs, le but du quartier ? (Pourquoi existerait-il ?).

 Question 2 : Comment le quartier serait-il alimenté en eau et en électricité (moyens de production / distribution) ?

 Question 3 : Quelles ressources seraient partageables ? : Ressources énergétiques, ressources matérielles (objets, produits, etc.) et ressources immatérielles (savoir-faire, connaissances, services).

 Question 4 : Quelles ressources seraient absolument non partageables (pour vous, ce n’est pas possible de les partager) ?

 Question 5 : Quels lieux seraient collaboratifs (destinés à tout le monde, destiné au partage, aux échanges) ? Ces lieux peuvent être en lien avec les ressources partagées que vous avez citées...

139  Question 6 : Comment seraient les habitations (les types d’habitation, les infrastructures,

les formes d’habitat, etc.) ?

 Question 7 : Quels systèmes « monétaires » (ou d’échange) pourraient être mis en place ? Un système monétaire regroupe une monnaie d’échange (exemple : l’euro) et des modes de paiement (exemple : emprunts, transactions, etc.). Un système d’échange ne fait pas forcément appel à une monnaie. Vous pouvez leur trouver des noms !

 Question 8 : Dans votre quartier, les habitants partagent des ressources. Ils doivent donc à certains moment se mettent d’accord sur l’usage, le prix (ou autre) de ces ressources. Les prises de décisions collectives peuvent se faire au consensus : Un consensus est un accord sans aucune opposition formelle : tout le monde n’est pas forcément d’accord, mais personne ne s’oppose totalement. Quelles seraient les règles du consensus de votre quartier ?  Question 9 : Comment les outils du numérique (internet, les compteurs intelligents, les

applications pour Smartphone et Tablette ou autre, les réseaux sociaux) pourraient servir (aider) la collaboration et le partage de ressources au sein de votre quartier ?

 Question 10 : Enfin, imaginez un ensemble d’évènements (climatiques, politiques, ou autres) qui pourraient arriver dans votre quartier (ou plus largement, dans le futur).

Parmi ces questions, on retrouve notamment la notion de consensus (Question 8) qui fait particulièrement référence à l’habitat participatif. Les autres thèmes concernent aussi bien l’habitat partagé que la ville intelligente et la consommation collaborative.

2.2.2. Déroulement de l’atelier

Une fois l’accueil des participants effectué, l’atelier a débuté par un visionnage d’une vidéo présentant les concepts de smart grid95, de ville intelligente, d’habitat participatif et de consommation collaborative. Ce montage vidéo a été réalisé par nos soins à l’aide de plusieurs émissions du magazine Futuremag sur Arte96, et de divers reportages disponibles sur internet. Les objectifs de cette vidéo étaient d’abord, exposer aux participants le contexte de l’atelier ; ensuite, servir de source d’inspiration pour nourrir les idées individuelles puis les discussions entre les usagers-co-concepteurs.

La première tâche demandée aux groupes consistait en la génération d’idées sur « un quartier collaboratif (dans lequel les ressources sont partagées entre les habitants) dans lequel ils seraient prêts à vivre » (consigne générale). Pour cela, nous avons utilisé les dix thématiques (sous-consignes) présentées précédemment et avons choisi de mettre en place un Brainwriting97. Le Brainwriting consiste à demander aux participants d’écrire silencieusement leurs idées, solutions et avis par rapport à un thème ou problème donné, sur du papier (VanGundy, 1984 ; VanGundy, 2005). L’avantage du Brainwriting est double :

1) Les participants timides et/ou qui n’osent pas avancer des idées trop extravagantes ou trop différentes de celles des autres s’exprimeront plus facilement à l’écrit qu’à l’oral. Ceci est

95 Se traduit par réseau intelligent. 96

http://sites.arte.tv/futuremag/fr/home-fr-futuremag 97 Se traduit par le cerveau qui écrit des idées.

140 d’autant plus vrai lorsqu’ils ne se connaissent pas encore, comme cela était le cas lors de notre atelier.

2) D’autre part, l’absence de communication entre les participants évite les interférences, les comparaisons, les désaccords ou encore les plaisanteries qui pourraient gêner la génération de certaines idées.

Il existe plusieurs manières de mettre en place un Brainwriting suivant si on laisse par exemple les participants classer collectivement les idées avant de débattre ; interagir entre deux générations d’idées thématiques ; s’échanger leurs papiers avec le voisin avant la discussion ; etc. (VanGundy, 2005). Nous concernant, nous avons laissé chaque participant générer ses idées sur les dix thématiques, pendant 30 minutes, avant de faire discuter les groupes. Nous présentons en ANNEXE 8 des exemples de rendus de ce Brainwriting.

La seconde tâche demandée aux participants était la production d’une fiche collective reprenant les dix thématiques et résumant les idées que chaque équipe avait souhaité conserver. Pour réaliser ce rendu commun, les participants ont eu à confronter leurs idées individuelles avec celles des autres membres du groupe. Ensemble, ils ont dû élaborer une vision commune d’un « quartier collaboratif dans lequel ils seraient tous prêts à vivre », et se mettre d’accord sur cette vision pour rédiger la fiche collective. Nous présentons en ANNEXE 9 un exemple d’une fiche collective.

2.2.3. Recueil des données

Durant les échanges de point de vue, chaque équipe a été filmée à l’aide de deux caméras. La figure 14 est un extrait des échanges entre les participants d’une des équipes. Les données recueillies pour l’analyse concernent in fine les fiches collectives ainsi que les vidéographies de chaque groupe.

Figure 14 : Etude 2 : extrait issu du recueil vidéographique de l’atelier de co-conception.

2.3. Traitement et analyse des données

L’analyse des données recueillies a pour objectif de rendre compte des activités discursives au sein des groupes. Nous avons utilisé les enregistrements vidéographiques comme matériel d’analyse

141 principal. Les fiches collectives nous ont permis de retrouver et de valider les idées qui ont finalement été retenues par les groupes (car apparaissant dans les fiches), et à l’inverse de déduire celles qui n’ont pas été retenues (puisque n’apparaissant pas dans les fiches). A l’aide des enregistrements vidéographiques, les échanges entre les participants de chaque groupe ont été intégralement retranscrits. Nous avons ensuite supprimé les parties retranscrites qui ne concernaient pas l’activité de conception, pour procéder au codage du corpus retenu. Nous détaillons ci-après le codage du corpus, l’analyse quantitative puis l’analyse qualitative des activités discursives.

2.3.1. Codage du corpus

Le codage du corpus vise à rendre compte à la fois de l’activité collaborative de conception et des produits (solutions / critères argumentatifs) de cette activité. De par notre questionnement, la dynamique de la conception au sein de chacun des groupes a été appréhendée selon deux dimensions :

 Une dimension épistémique qui rend compte des connaissances / idées mobilisées, à la fois lors de l’évocation de solutions et lors de l’évocation de critères argumentatifs (ces derniers étant mis en jeu lorsqu’une solution est argumentée). Elle se décline en deux sous-dimensions épistémiques : une dimension « sociotechnique » et une dimension « idéologique » (relative aux valeurs).

 Une dimension dialogique relative aux types d’interactions discursives et qui rend compte des opinions des participants par rapport aux solutions et aux critères discutés.

o Nous distinguons des interactions non argumentatives et des interactions argumentatives. Nous définissons une interaction argumentative comme une interaction communicative qui justifie la condition suivante : l’expression au moins une fois d’un argument qui défend la position d’un participant.

o Nous considérons que les acteurs peuvent être engagés dans une interaction argumentative à la fois de manière constructive et de manière dialectique (Baker, 1999). La première se manifeste par une co-construction du sens de la solution (évocation de critères favorisant le raisonnement par association / dissociation, la définition, la description ou l’opérationnalisation de la solution, etc.). Elle est collaborative. La seconde se manifeste lorsqu’il existe un conflit mutuellement reconnu par les participants (positions pour/contre la solution, critères pour défendre ou rejeter la solution, etc.). Elle est davantage compétitive. La figure 15 schématise la logique de codage, c’est-à-dire les liens entre les dimensions. Nous avons considéré que la conception collaborative consistait en l’élaboration de solutions à travers une dimension dialogique et une dimension épistémique :

 La dimension dialogique regroupe des phases argumentatives (dialectiques ou constructives) et des phases non argumentatives.

 La dimension épistémique regroupe des connaissances du domaine « sociotechnique » et des connaissances du domaine « idéologique ».

142 Figure 15 : Etude 2 : schématisation de la logique de codage.

A partir de cette logique de codage, une grille d’analyse avec des catégories a été construite. Nous nous sommes inspirés des catégories d’analyse proposées dans l’étude de Baker, Détienne, Lund & Séjourné (2005). Leur grille d’analyse distingue une dimension argumentative, une dimension énonciative et une dimension épistémique. La nôtre vise à distinguer une dimension dialogique et une dimension épistémique. A partir de leurs travaux, nous avons conçu notre grille de manière itérative pour s’assurer du caractère exclusif des catégories à l’intérieur de chaque dimension. Des itérations ont également été faites afin qu’elle soit applicable et cohérente pour l’ensemble des groupes. Nous présentons ci-après les catégories de notre grille d’analyse.

Catégories nécessaires à l’identification du contexte de l’interaction

La première partie du codage vise à identifier le contexte de l’interaction (qui parle, à propos de quel sujet, dans quel ordre, etc.).

Le tableau 7 présente les catégories servant à identifier ce contexte :  E : numéro de l’équipe concernée.

 N : tour de parole (ce dernier est éventuellement découpé en segments Na, Nb, etc.).  L : locuteur (les participants étant numérotés et colorés selon leur profil : P1 = designer, P2

= économiste, P3 = écologiste et P4 = ingénieur).  PAROLES : verbatims retranscrits.

 Q : question posée aux participants et qui est discutée.

 Thème Int : thématique (au sein d’une question) que les participants discutent spécifiquement.

143 Tableau 7 : Etude 2 : catégories nécessaires à l’identification du contexte de l’interaction.

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