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Le deuxième mécanisme est un conflit entre une (ou plusieurs) valeur(s) du groupe et une (ou plusieurs) valeurs d’un habitant Nous avons retrouvé cette situation dans le cas

Question générale et thèse défendue

ORGANISATIONNELS VERBATIMS ET TOUR DE PAROLE 1 L’accueil ou l’arrivée

2) Le deuxième mécanisme est un conflit entre une (ou plusieurs) valeur(s) du groupe et une (ou plusieurs) valeurs d’un habitant Nous avons retrouvé cette situation dans le cas

de l’achat du sèche-linge : un seul habitant ne souhaitait pas voter « pour » l’achat collectif du sèche-linge parce qu’il ne trouve pas cette pratique suffisamment écologique. Etant donné que le groupe fonctionne au consensus, son refus bloque l’achat. On voit ici que l’habitant est « seul contre tous » à penser qu’un sèche-linge n’est pas respectueux de l’environnement. La règle du consensus ne sera finalement pas respectée puisque l’habitant finira par laisser les autres décider entre eux, et le reste du groupe achètera in fine l’appareil.

132 3) Le troisième mécanisme est un conflit de valeurs entre quelques habitants au sein du groupe. Il y a par exemple des situations où se heurtent intérêts personnels et intérêts d’autrui (opposition entre affirmation de soi et dépassement de soi). C’est le cas de l’habitat participatif au sein duquel la gestion des ressources communes vise à faire dépenser à chaque foyer ce qu’il a réellement consommé et/ou utilisé. Des règles relatives à la gouvernance des communs (procédures de réservation, de paiement, etc.) ont été créées parce que l’usage des espaces partagés (salle des fêtes, chambres d’amis) ne se faisait plus de manière équitable. Certains habitants abusaient, d’autres s’en sont plaint et le groupe a fait évoluer son fonctionnement qui était initialement basé sur la confiance.

Ces résultats peuvent faire référence à la littérature sur l’éco-citoyenneté dans les organisations sociales (Lo, Peters & Kok, 2012 ; Brisepierre, 2011 ; Uzzell, Pol & Badenas, 2002 ; Pol, 2002). Les comportements altruistes dans les organisations (au travail, dans les copropriétés) dépendent du contexte (économique, juridique, etc.) mais aussi de la capacité de l’organisation à générer ces comportements et à provoquer de la cohésion sociale.

En revanche, là où notre étude apporte de nouveaux éclaircissements, c’est dans le fait qu’elle intéresse des collectifs auto-organisés pour lesquels il n’existe pas de modèle de fonctionnement préétabli, ni de structure organisante (comme c’est le cas dans les organisations de travail). Les collectifs auto-organisés sont libres de gérer démocratiquement leur propre vie, leur communauté et leur idéologie. Si elles y arrivent, c’est-à-dire s’il n’existe pas ou peu de conflits et si tous les membres sont satisfaits, elles deviennent Empowering89.

4.3.

L’Empowerment communautaire dans le cas d’un mode d’habitation

propice aux usages collaboratifs et durables

Les groupes étudiés ont tous en commun cette capacité à pouvoir gérer démocratiquement leur organisation et leur système de valeurs. C’est ce que l’on retrouve sous le concept d’Empowerment90

communautaire (Rappaport, 1984 ; Rappaport, 1987). C’est un « pouvoir social » qui contribue au développement de la communauté et qui permet de façonner l’idéologie communautaire (Zimmerman, 2000). Nos résultats précisent de quelle manière – dans le cas de l’habitat participatif – les habitants façonnent leur système de valeurs, et donc par conséquent (re)construisent leur organisation. Ces résultats peuvent être élargis à tous modes d’habitations propices aux pratiques collaboratives et durables :

1) Concernant le groupe de la Drôme, en phase de construction de son projet : les règles (d’exclusion d’un habitant, de gouvernance des communs, d’attribution des rôles, de prises de décisions, etc.) sont dès le départ conçues sur la base du consentement éclairé de sorte à fonder les valeurs communes. Ces règles sont plutôt strictes et contraignantes. Nous avons observé plusieurs incidents de mises en œuvre : difficultés pour respecter la « lourdeur » du processus de cooptation, difficultés pour agir seul sur une ressource commune a priori sans grande importance (panneaux d’affichage), difficultés de ne pas revenir sur une décision entérinée (vente de Baobab), etc. Alors que la profusion de prescriptions vise à sceller les valeurs du groupe, elle entraine aussi parfois des conflits et des frustrations. Le collectif

89 Peut se traduire par « capacitante ». 90

133 trouve la solution en favorisant les moments d’échanges et la communication entre pairs. Par exemple : aller parler à MTT qui voulait être cooptée, aller parler à B qui a fait les panneaux dans son coin, laisser A s’exprimer sur Baobab et en rediscuter en commission, etc. De plus, le groupe autorise une certaine flexibilité vis-à-vis des règles et notamment des règles de prise de décision. Ainsi, d’une organisation au départ rigoureuse pour respecter l’idéologie du groupe, est acceptée peu à peu une certaine souplesse organisationnelle, de sorte à suivre l’évolution du système de valeurs communes.

2) Concernant l’habitat participatif proche de Paris, qui existe depuis une trentaine d’années : les règles de départ (par exemple les règles d’usage des lieux communs) étaient assez pauvres et peu formalisées. Le collectif avait préféré miser sur la bonne volonté de chacun. En ce sens, le groupe partait du principe que les membres partageaient a priori une idéologie commune quant à un mode de vie collaboratif et écologique. Néanmoins, les règles se sont durcies avec le temps parce que certains habitants ne respectaient pas (ou plus) les accords établis de manière tacite au sein de la communauté. A l’inverse, les moments d’échanges entre habitants se sont réduits. Ainsi, d’une organisation au départ souple et basée sur l’idéologie du groupe, s’est construite peu à peu une organisation plus rigoureuse, de sorte à suivre l’évolution du système de valeurs communes (en l’occurrence la diminution des valeurs partagées).

3) Enfin, notons que pour l’habitat participatif au sein duquel les habitants ont une résidence secondaire (celui dans le Morvan), on retrouve un système organisationnel très flexible et basé principalement sur la confiance. Certaines procédures perdurent et visent à conserver l’idéologie commune. C’est le cas du processus de cooptation qui permet de certifier au groupe que la future famille partage ses valeurs. C’est le cas aussi des moments de travail collectif qui sont obligatoires (une semaine de travaux en communs au minimum par an). Toutefois, la plupart des règles relatives à la gestion des finances communes, à la gouvernance des communs et à la prise de décision collective sont accommodantes ; et un non-respect de ces règles n’entraine quasiment pas de sanctions et/ou de conflits.

En définitive, l’Empowerment communautaire permet au groupe d’habitants de choisir ses propres règles, et de faire évoluer son organisation et son idéologie dans le sens de la collaboration ou dans celui de l’individualisme. Lorsqu’il s’agit d’avoir un habitat encore plus collaboratif et plus durable, le collectif accepte de se remettre en cause, d’assouplir les règles organisationnelles, etc. ; et il favorise les interactions sociales et les moments d’échanges. Lorsqu’il se produit un affaiblissement des valeurs communes (signe que les membres du groupe ont évolué différemment), l’habitat devient de moins en moins collaboratif et durable et le collectif rajoutent des règles et des procédures qui tendent à la diminution des interactions sociales.

4.4. Apports de l’étude 1 pour la suite de la recherche

Pour rappel, notre recherche se situe dans le champ de l’ergonomie prospective et l’étude présentée dans ce chapitre a une visée exploratoire. Précisons qu’elle nous a permis de nous rendre compte de l’importance de la dimension idéologique dans la conception et l’organisation de systèmes sociotechniques citoyens propices à des pratiques de consommations partagées et durables.

134 Cette constatation nous mènera dans les chapitres 7 (étude 2) et 8 (étude 3) à considérer deux dimensions épistémiques en situation de co-conception (étude 2) ou de simulation (étude 3) de systèmes sociotechniques citoyens innovants :

 une dimension sociotechnique, relative à l’objet même à concevoir ou simuler ;

 une dimension idéologique, relative aux idées et aux valeurs que doit véhiculer le système. En outre, les interactions observées au sein du groupe de la Drôme et pour lesquelles nous avons relevé des débats sur les valeurs en parallèle des débats sur la technique et sur le remaniement des règles, témoignent de l’importance du dialogue pour :

 la (re)construction du système sociotechnique, c’est-à-dire l’élaboration des solutions techniques et des solutions organisationnelles ;

 mais aussi pour l’élaboration (le façonnement) du système partagé d’idées et de valeurs.

Cette deuxième constatation justifie le choix de procéder à une analyse fine des interactions verbales dans les études 2 (chapitre 7) et 3 (chapitre 8).

Enfin, pour la mise en œuvre du cycle de conception, cette première étape (situation de référence) apporte des éléments nécessaires à la réalisation des autres étapes, à savoir :

 Des thématiques sur lesquelles faire travailler les équipes de l’atelier de co-conception (étape 2 du cycle). Ces thèmes portent notamment sur : les objectifs revendiqués par le système sociotechnique imaginé (en référence à la charte), les modalités de prise de décisions au sein du système (en référence au consensus), les modalités d’échanges (monétaires ou autres), les espaces, les objets, les énergies (eau / électricités) partagés, etc.  Des situations réalistes pour soutenir la construction de scénarios à simuler (étape 3 du

cycle). Les résultats de cette étude étant issus de terrains réels, ils nous ont aidés à apporter de la crédibilité aux scénarios qui ont été imaginés pour le jeu de rôle.

 Des ébauches de recommandations quant à l’acceptabilité d’un système sociotechnique citoyen innovant propice à une gestion durable et partagée des ressources. Cette étude souligne quelques premiers critères91 d’ordre idéologique à prendre en compte pour concevoir un système acceptable.

91 Bien qu’ils apparaissent dans les différentes études que nous avons menées (critère de l’engagement, critère d’équité, critère écologique, etc.) précisons que l’objet de notre thèse n’est pas de présenter spécifiquement (ni de lister) ces critères.

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Chapitre 7 : Des systèmes sociotechniques

imaginés : l’articulation des dimensions

sociotechnique et idéologique en co-

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