• Aucun résultat trouvé

L’acceptabilité est un des principaux critères ergonomiques. Elle fait référence à la fois à des méthodes et à des facteurs à prendre en compte en conception innovante. La notion est variée et complexe. Elle explique la manière dont un nouvel usage peut plus ou moins être facilement intégré dans des pratiques professionnelles ou domestiques existantes (Dubois & Bobillier-Chaumon, 2016). Cette section présente le critère de l’acceptabilité et se penche plus particulièrement sur l’acceptabilité

57 sociale et sur l’acceptation située. Nous verrons que ces concepts concernent majoritairement la conception de produits / nouvelles technologies.

2.1.

Présentation du concept d’acceptabilité

L’acceptabilité vise à explorer « si le système est assez bien pour satisfaire tous les besoins et exigences des utilisateurs » (Nielsen, 1994, p. 24). Elle regroupe un ensemble de facteurs qui concourent à l’adoption et à l’utilisation de nouveaux artefacts (Bobillier-Chaumon, 2013). Le concept s’attache à identifier les processus par lesquels une technologie est acceptée, le long d’un continuum temporel et réflexif, allant d’une appréciation a priori d’un usage imaginé à une évaluation a posteriori d’un usage effectif (Terrade & al., 2009). Le concept d’acceptabilité regroupe initialement trois notions. Elles dépendent des phases du projet de conception et du degré d’interaction entre l’utilisateur et la technologie (Terrade & al., 2009 ; Bobillier-Chaumon & Dubois, 2009) :

1) Le processus d’acceptabilité s’intéresse à la représentation des usagers vis-à-vis de la future technologie. Il porte sur les projections et les anticipations rationnelles des utilisateurs au regard de la situation à venir. Il concerne la manière dont les individus analysent et évaluent la future situation en fonction de ce qu’ils imaginent qu’elle va leur rapporter ou leur coûter (coûts cognitif, émotionnel, financier, normatif, etc.). Cette acceptabilité a priori s’appréhende généralement au début du processus de conception, avant même que les utilisateurs interagissent avec le dispositif.

2) Le processus d’acceptation s’intéresse au vécu des utilisateurs consécutivement à l’introduction de l’artefact dans une situation (généralement) expérimentale. Il se focalise notamment sur l’expérience simulée, sur l’usage pragmatique et sur les interprétations des individus. Il concerne les premières interactions de la technologie avec l’usager. Cette acceptation a posteriori s’appréhende majoritairement au milieu et en fin du processus de conception, dès lors qu’une première version du dispositif est manipulable et que des tests utilisateurs ou des simulations de l’activité peuvent être mis en place.

3) Le processus d’appropriation correspond au « caractère effectif de l’usage dans une activité ordinaire » (Quiguer, 2013, p. 51). Il se focalise sur l’expérience réelle des utilisateurs, sur l’usage effectif et sur les réactions concrètes des individus vis-à-vis du produit. Le dispositif est mis à l’épreuve dans le contexte organisationnel, culturel et professionnel.

En psychologie du travail, le concept d’acceptabilité fait désormais référence aux processus psychosociaux liés à l’invention, l’implémentation et la diffusion dans les organisations, de nouveaux systèmes d’information et de communication. Les trois niveaux de l’acceptabilité s’appréhendent sous l’angle des différents processus cognitifs qu’ils font émerger. Il existe ainsi une autre hiérarchisation qui considère que (Dubois & Bobillier-Chaumon, 2016) :

L’acceptabilité a priori est en réalité une acceptabilité sociale. Elle s’intéresse aux attitudes et aux intentions d’usage en amont de la conception et en amont de la diffusion. Elle se base principalement sur des théories sociocognitives (Bobillier-Chaumon, 2013).  L’acceptation a posteriori est en fait une acceptabilité pratique. Elle s’intéresse à la

58 utilisateurs. Elle se situe en amont d’une re-conception (dans le cas des processus itératifs, les artefacts sont parfois complétement modifiés entre les cycles), et toujours en amont de la diffusion. Elle se base sur les critères ergonomiques de conception et sur les modèles de la conception centrée-utilisateur. On la retrouve notamment à travers les dimensions de l’utilisabilité (Ibid.).

L’appropriation est une acceptation située. Elle s’intéresse, en situation, aux transformations des pratiques et des organisations induites par la mise en service de la nouvelle technologie, et à l’acceptation de ces changements après que le dispositif soit diffusé. Elle concerne aussi les réticences, les freins ou les rejets de ces pratiques.

Selon Bobillier-Chaumon (2013), l’acceptation doit s’inscrire dans l’activité. C’est un processus qui démarre dès la prédiction des usages (acceptabilité sociale a priori) et qui se poursuit dans l’environnement de vie ordinaire où il est possible d’étudier en situation, les valeurs attribuées aux outils (acceptation située). Ce qui peut paraitre acceptable en amont de la diffusion (acceptabilité sociale a priori) peut ne plus l’être par la suite (acceptation située). Néanmoins, dans un contexte d’innovation, l’acceptabilité sociale a priori peut déjà jouer un premier rôle décisif quant à ce qui peut paraitre socialement acceptable pour les usagers.

2.2.

L’acceptabilité sociale a priori : prédire l’adoption des technologies

émergentes

Dans les années 1990, Nielsen (1994) présentait déjà le concept d’acceptabilité sociale. Toutefois, ce dernier a été peu développé comparativement aux dimensions de l’acceptabilité pratique (Bobillier- Chaumon, 2013). L’acceptabilité sociale est aujourd’hui perçue comme pouvant compléter les lacunes de l’acceptabilité pratique, en tenant compte notamment (Bobillier-Chaumon, 2013 ; Quiguer, 2013) :

 De la subjectivité de l’utilisateur ; c’est-à-dire de ses perceptions (à l’égard de l’innovation, de lui-même, des autres), de son expérience personnelle (et donc du « moment » de sa vie qui voit apparaitre la technologie), de ses valeurs, de sa culture, des caractéristiques environnementales de la (future) situation d’usage, etc. L’acceptabilité pratique étant au départ fortement limitée aux dimensions fonctionnelles et instrumentales liées à l’utilisation de la technologie.

 Des dimensions socioprofessionnelles et culturelles (Bobillier-Chaumon, Dubois & Retour, 2006). Elles concernent la reconnaissance qu’un utilisateur peut souhaiter gagner (ou ne pas perdre), à travers l’usage d’un système technique ; ou bien la rétribution symbolique ou morale qu’il pense pouvoir obtenir (ou ne pas perdre). On retrouve par exemple : l’épanouissement collectif, professionnel ou individuel ; le gain de confiance en soi ou en estime de soi ; le sens donné à son activité, à sa vie ; se sentir utile, valorisé ; être reconnu par les autres, par la hiérarchie ; etc.

L’acceptabilité sociale a une visée prédictive. Elle est un pronostic de l’usage. Elle « constitue l’étape initiale du processus d’adoption des technologies » (Bobillier-Chaumon & Dubois, 2009, p. 356). Elle fait « l’hypothèse que l’utilisateur a un choix possible […] et qu’il possède une claire compréhension des changements et de leurs enjeux sur son activité, sa situation professionnelle, etc. » (Ibid., p. 357). Elle renvoie à l’influence du social, « à l’examen des conditions qui rendent ce produit ou service acceptable (ou non) par l’utilisateur avant son usage réel et effectif » (Terrade & al., 2009,

59 p.3). Elle porte son attention sur les représentations subjectives des utilisateurs ; et se base sur les attitudes, les normes sociales et les opinions qui laissent « présager un accueil favorable ou non à la technologie développée » (Bobillier-Chaumon, 2013, p. 36).

Il existe trois typologies de modèles de l’acceptabilité sociale (Bobillier-Chaumon & Dubois, 2009 ; Bobillier-Chaumon, 2013) :

1) Les premiers types de modèles se concentrent sur les conditions rationnelles du processus d’acceptabilité ; et sur les caractéristiques technologiques, organisationnelles et individuelles qui peuvent faciliter ou entraver l’acceptabilité du dispositif. Les caractéristiques technologiques concernent principalement les liens affectifs et émotionnels que les personnes entretiennent avec leurs objets. Les caractéristiques individuelles s’intéressent aux profils sociodémographiques des utilisateurs. Les caractéristiques organisationnelles concernent le réagencement des règles, des procédures, des organigrammes, etc.

2) Les deuxièmes types de modèles se concentrent sur les cognitions sociales et leurs rôles dans l’évaluation de la future technologie. Ils s’intéressent à la compatibilité de la technologie avec les valeurs, les expériences et les besoins des utilisateurs. Un modèle plutôt connu et utilisé est le « Technology Acceptance Model » (TAM) développé par Davis (1989) dont différentes versions ont par la suite vu le jour (voir Pasquier, 2012, pour une synthèse). Il s’intéresse à la prédiction des comportements à partir des perceptions individuelles et des normes sociales. Il repose sur la théorie de l’action raisonnée (Fishbein & Ajzen, 1975, cités par Bobillier-Chaumon & Dubois, 2009) et sur la psychologie sociale des intentions. Il tient compte des croyances des utilisateurs quant aux conséquences (négatives ou positives) liées à l’adoption de la technologie ; de l’utilité perçue ; de l’influence sociale (l’opinion des autres) ; du degré de motivation de l’individu ; et de la perception de ses propres capacités pour contrôler l’effort que peut éventuellement demander l’usage de la technologie47

(Bobillier-Chaumon, 2013).

3) Les troisièmes types de modèles concernent les cognitions sociales et leurs rôles dans l’évaluation des écarts entre les attentes à l’égard de la technologie en amont et les expériences vécues a postériori. Les modèles se concentrent sur les désirs originaux des utilisateurs puis sur la qualité perçue in fine. Les études portent sur comment satisfaire les usagers en réduisant le gap entre les expectatives et la réalité émotionnelle.

2.3.

L’acceptation située : tenir compte des transformations

organisationnelles engendrées par les technologies émergentes

Outline

Documents relatifs