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IDEOLOGIQUE : VERS UNE ANTICIPATION DE CETTE DIMENSION DANS LE PROCESSUS DE CONCEPTION INNOVANTE

Dans ce chapitre, nous nous sommes intéressés aux caractéristiques d’un système sociotechnique citoyen au sein duquel la dimension idéologique est prépondérante : un quartier collaboratif et durable. Cet objet présente l’avantage de n’avoir jamais été étudié en ergonomie. A notre connaissance, il n’existe pas d’études portant sur l’analyse et/ou la conception d’un tel système. Il constitue pourtant un exemple pertinent pour comprendre le rôle et l’importance des valeurs

49 individuelles et collectives vis-à-vis de l’organisation des espaces, du partage de ressources communes et des comportements collectifs écoresponsables. Nous retiendrons les points suivants :

1) Les espaces sociaux sont le fruit de représentations subjectives. Les espaces physiques ne sont pas spontanément « sociaux », ils le deviennent à travers les relations sociales qui s’y tissent et à travers l’identité sociale que les usagers leur attribuent. Ainsi, tout espace partagé est le reflet des systèmes de valeurs du groupe qui l’habite et des activités qui s’y produisent. Ces dernières influencent la conception et l’organisation des espaces. La dimension sociale des espaces est indissociable d’une dimension culturelle qui rend compte des composantes idéologiques régulant les rapports des individus et des collectifs aux environnements physiques.

2) Les valeurs sont communément partagées au sein d’un groupe social. Elles sont mises en jeu lorsqu’il s’agit de se représenter des choses (des objectifs, des évènements, des lieux, des actions, etc.) et d’interagir socialement. Elles se concrétisent pas un ensemble de normes : des idéaux pour guider les comportements dans des contextes précis.

3) Les « communs », qu’ils soient naturels ou construits par la société (biens, pratiques, idées, etc.) se gèrent collectivement à l’aide de normes sociales et de règles (d’usage, de sanctions, de prise de décisions, de résolution des conflits, etc.) ; le système de règles communes devenant alors lui-même un « commun ». Néanmoins, suivant les individus, les normes sociales peuvent résulter de systèmes de valeurs différents avec parfois des motivations altruistes et/ou sociales ; d’autres fois des motivations rationnelles et/ou économiques, etc. 4) Enfin, concernant la gestion écologique des ressources et les comportements pro-

environnementaux, on retrouve également des motivations rationnelles et des motivations altruistes. Les premières concernent une évaluation subjective de l’utilité et du coût/bénéfice des actions ; les secondes sont motivées par les valeurs, les normes et les croyances. Au sein des organisations sociales, les motivations sont en plus influencées par des normes de types descriptives (ce qu’il est normal de faire dans l’organisation) et injonctives (ce qu’il est bien de faire dans l’organisation). Les individus adoptent plus facilement des comportements écoresponsables socialement valorisés. L’éco-citoyenneté dépend de la capacité de l’organisation à générer des conditions (sociales et architecturales) propices au développement des comportements pro-environnementaux.

Alors que les théories et concepts présentés dans ce chapitre permettent de comprendre les enjeux (sociaux, matériels, organisationnels et idéologiques) de tels systèmes, ils ne permettent pas réellement de les concevoir et/ou de les innover selon les principes de l’ergonomie de conception. Par exemple, la psychologie sociale de l’environnement s’intéresse majoritairement à des systèmes existants et/ou à des représentations idéales, mais les recherches n’ont pas pour objectif la conception concrète de nouveaux systèmes. C’est une discipline qui vise plutôt la capitalisation des retours d’expériences pour tirer des enseignements, développer des outils de formations, alimenter des campagnes de prévention, etc. (Moser & Weiss, 2003).

L’ergonomie est quant à elle une discipline ayant pour finalité la conception. Nous définissons l’ergonomie de conception comme « une modalité d’intervention ergonomique où l’ergonome participe en amont à la conception du travail ou de systèmes humain-machine, en documentant les dimensions humaines et organisationnelles » (Brangier & Robert, 2014, p. 4). Parmi ces dimensions humaines, il y a la dimension idéologique qui peut être investiguée.

50 D’autre part, dans un monde où innover est plus que d’actualité, une nouvelle branche de l’ergonomie de conception se développe : celle de l’ergonomie pour l’innovation. Elle apparait au plus tôt dans le processus de conception pour limiter le nombre d’itérations (Buisine, 2013). Dans ce contexte, la démarche ergonomique permet d’anticiper au maximum la faisabilité et la viabilité des projets. Elle doit favoriser l’invention (la génération d’idées créatives) et assister la rencontre d’un marché en faisant en sorte que l’objet corresponde au mieux aux besoins des utilisateurs finaux. L’ergonomie de l’innovation a pour objet d’intervention un artefact ou une situation qui n’est pas encore précisé ; qui est seulement une nouvelle idée, une invention (Ibid.). L’ergonomie prospective fait partie de l’ergonomie de l’innovation. Elle se définit comme « une modalité d’intervention ergonomique qui consiste à anticiper les futurs besoins, usages et comportements ou à construire les futurs besoins en vue de créer des procédés, produits ou services qui leurs sont bien adaptés » (Brangier & Robert, 2014, p. 4). L’ergonome est initiateur et proactif, et il s’intéresse à la fois à des situations de la vie professionnelle, sociale et domestique (Robert & Brangier, 2009 ; Brangier & Robert, 2014). Le quartier collaboratif et durable, en tant qu’innovation sociale citoyenne, est un sujet qui s’inscrit pleinement dans l’Ergonomie Prospective. C’est aussi un sujet qui interroge fortement l’impact et le rôle de la dimension idéologique en conception ergonomique.

Dans le chapitre suivant, nous nous intéresserons à l’anticipation de la dimension idéologique au sein du processus de conception collaborative et innovante.

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Chapitre 3 : L’anticipation de la dimension

idéologique dans le processus de conception

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