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500. L’article L. 430-9 dispose que : « l’Autorité de la concurrence peut, en cas d’exploitation abusive d’une position dominante ou d’un état de dépendance économique, enjoindre, par décision motivée, à l’entreprise ou au groupe d’entreprises en cause de modifier, de compléter ou de résilier, dans un délai déterminé, tous accords et tous actes par lesquels s’est réalisée la concentration de la puissance économique qui a permis les abus même si ces actes ont fait l’objet de la procédure prévue au présent titre ».

501. Cet article est applicable pour tout abus ayant été rendu possible par une opération de concentration, qu’elle ait fait, ou non, l’objet d’une procédure d’autorisation devant l’Autorité de la concurrence ou, antérieurement, le ministre.

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Exemple : dans sa décision n° 02-D-44 du 11 juillet 2002, seule affaire à ce jour où cette disposition a été mise en œuvre, le Conseil de la concurrence après s’être saisi d’office, dans le cadre de ses attributions relatives au contrôle des pratiques anticoncurrentielles, de la situation des marchés de l’eau et de l’assainissement, a établi que la Compagnie générale des eaux (CGE) et la société Lyonnaise des eaux (SLDE) détenaient une position dominante collective sur ces marchés79 et qu’elles en avaient abusé80. Le Conseil a alors demandé au ministre chargé de l’économie, sur le fondement des dispositions de l’article L. 430-9 dans sa version antérieure à la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, d’enjoindre aux sociétés intéressées de modifier, compléter ou résilier les accords qui les avaient conduites à associer leurs moyens dans le cadre de filiales communes.

79 La CGE et la SLDE détenaient environ 85 % de ces marchés et ces deux groupes avaient créé au fil du temps, à la demande des collectivités concernées, sept filiales communes. Dans le courant de l’année 2009, le processus de décroisement de l’ensemble de ces filiales communes a été mis en œuvre.

80 Lors de plusieurs appels d'offres publics lancés par des collectivités, à partir de juin 1997, les sociétés mères s’étaient abstenues de présenter leur candidature et donc de se positionner en concurrence avec leurs filiales communes, limitant ainsi l'intensité de la concurrence.

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III. L’examen au fond d’une opération de concentration

502. Le test appliqué par l’Autorité pour apprécier les effets d’une concentration sur la concurrence est celui défini à l’article L. 430-6, selon lequel l’Autorité examine si l’opération « est de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement d’une position dominante ou par création ou renforcement d’une puissance d’achat qui place les fournisseurs en situation de dépendance économique ».

503. L’Autorité doit caractériser cette atteinte, et les risques de réduction significative de concurrence qu’elle engendre, à partir d’une analyse prospective tenant compte de l’ensemble de données pertinentes et se fondant sur un scénario économique plausible81. En effet, seule la situation antérieure à l’opération est observable et les effets probables de la concentration doivent être présumés. Cette analyse s’appuie sur les caractéristiques du marché pertinent et du fonctionnement de la concurrence sur celui-ci, telles qu’elles existent au moment du contrôle mais aussi compte-tenu des évolutions envisageables.

504. Lorsqu’elle détermine le scénario économique plausible qu’elle utilise pour apprécier les effets d’une opération de concentration, l’Autorité intègre dans son analyse les évolutions anticipées de la structure du marché, lorsque celles-ci revêtent un caractère suffisamment certain. Ainsi, lorsque les éléments disponibles attestent, de façon crédible, de l’entrée, du développement ou de la sortie d’un opérateur du marché, l’Autorité en tient compte dans son analyse concurrentielle. Son appréciation du scénario contrefactuel crédible prend notamment en compte les capacités financières de l’entreprise considérée ou sa présence sur des marchés proches.

Exemple 1 : dans la décision n° 18-DCC-18, l’Autorité a analysé l’argument des parties selon lequel la nouvelle entité serait confrontée, à l’issue de l’opération, à la concurrence d’opérateurs comme Google, Amazon et Facebook. Elle a constaté qu’aucun élément ne faisait état d’une entrée certaine et rapide de ces opérateurs sur le marché français des petites annonces immobilières en ligne. Elle a notamment constaté qu’aucun document interne remis par la partie notifiante n’analysait une potentielle entrée de Facebook sur ce marché en France, attestant du fait que cet opérateur ne constituait pas une menace pour les autres opérateurs actifs sur le marché.

Exemple 2 : dans sa décision n° 20-DCC-38, l’Autorité a analysé l’argument de la partie notifiante selon lequel l’opération n’a en réalité qu’un effet marginal sur le marché de l’offre de diagnostics et de soins hospitaliers, puisqu’en l’absence de l’opération, l’acquéreur aurait fermé sa principale clinique nîmoise compte tenu de sa

81 Décision du Conseil d’État n° 362347, 363542 et 363703 du 21 décembre 2012 Société Groupe Canal Plus et autres.

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situation économique difficile, limitant très sensiblement les chevauchements d’activité dans la zone. L’Autorité a considéré que ce scénario n’était pas suffisamment certain puisque les difficultés décrites par la partie notifiante n’étaient pas nouvelles et que la situation financière de la clinique avait plutôt eu tendance à s’améliorer au cours des années précédentes.

505. Une opération de concentration est susceptible d’engendrer des effets :

– de nature horizontale lorsque les parties sont, à titre principal, des concurrents, actuels ou potentiels, sur un ou plusieurs marchés pertinents ;

– de nature verticale lorsque les parties sont actives sur des marchés situés à des stades différents d’une chaîne de valeur d’un produit ou d’un service, par exemple lorsqu’un fabricant fusionne avec l’un de ses distributeurs ;

– de nature conglomérale lorsque les parties ne sont pas présentes sur les mêmes marchés ou sur des marchés verticalement intégrés mais que l’opération conduit, par exemple, à étendre ou renforcer la présence de la nouvelle entité sur des marchés ou segments de marchés distincts mais dont la connexité peut lui permettre d’accroître un pouvoir de marché.

506. Lorsqu’elle implique des groupes aux activités multiples, une même concentration peut avoir des effets à la fois horizontaux, verticaux et congloméraux.

507. Une concentration peut porter atteinte à la concurrence de manière significative sur les marchés affectés de deux manières :

– par des effets non coordonnés, à savoir des effets résultant du comportement des acteurs du marché, agissant indépendamment les uns des autres ;

– par des effets coordonnés lorsqu’elle est de nature à modifier le jeu de la concurrence sur le marché de telle sorte que les entreprises qui, avant l’opération, ne coordonnaient pas leur comportement concurrentiel, soient désormais en mesure de le faire ou, si elles coordonnaient déjà leurs comportements, puissent le faire plus facilement. On parle alors de création ou renforcement d’une position dominante collective. Dans le cas spécifique de la création d’une entreprise commune, l’Autorité analyse en particulier les risques de coordination du comportement concurrentiel de ses sociétés mères.

508. Des gains d’efficacité économique sont généralement attendus d’une concentration.

Lorsque l’Autorité constate que l’opération est de nature à porter atteinte à la concurrence sur un marché, elle évalue alors dans quelle mesure les gains d’efficacité escomptés pourront bénéficier aux consommateurs et s’ils sont suffisants pour compenser l’atteinte à la concurrence identifiée.

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509. Dans des cas exceptionnels, une opération qui porte atteinte à la concurrence et dont les gains d’efficacité économique ne sont pas suffisants pour compenser cette atteinte peut néanmoins être autorisée, parce que l’entreprise rachetée est une entreprise défaillante, qu’il n’y a pas de meilleur acquéreur potentiel crédible du point de vue de l’analyse concurrentielle et que l’atteinte à la concurrence ne serait pas moins grave si l’entreprise avait disparu. Ces éléments doivent être étayés par des éléments tangibles.

510. Pour réaliser son examen sur le fond d’une opération de concentration, l’Autorité suit une démarche systématique, qui commence par la délimitation des marchés pertinents (A).

Elle analyse le cas échéant le fonctionnement du ou des marchés concernés afin d’en apprécier les caractéristiques essentielles (B). Une fois ces caractéristiques identifiées, elle est en mesure d’identifier les effets des opérations, selon que l’opération revêt une dimension horizontale (C), verticale (D) ou conglomérale (E). Dans les cas qui le justifient, l’Autorité analyse également les risques de création ou renforcement d’une puissance d’achat plaçant les fournisseurs dans une situation de dépendance économique (F). L’Autorité apprécie aussi les effets coordonnés susceptibles d’apparaître en raison de l’opération (G). Elle tient compte des gains d’efficacité économique prouvés qu’apporte l’opération aux consommateurs (H) et, le cas échéant, de l’argument de l’entreprise défaillante lorsqu’il est applicable (I). Elle peut être enfin amenée à se prononcer sur les restrictions accessoires à une opération (J).

A. LA DÉLIMITATION DES MARCHÉS PERTINENTS