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F. Les mesures correctives

2. Le suivi des mesures correctives

a) Les principes généraux relatifs au suivi des mesures correctives

Le suivi des mesures correctives par l’Autorité

420. L’Autorité est chargée du suivi des mesures correctives prises dans le cadre d’une décision du contrôle des concentrations. Elle est ainsi seule responsable de la constatation d’un éventuel manquement aux engagements ou d’un non-respect des injonctions prononcées. Cette mission de l’Autorité a été consacrée par le Conseil d’État dans une décision du 21 mars 2016, Numericable – Groupe Canal Plus: « Considérant qu’en vertu de ces dispositions [article L. 430-7 du code de commerce] il appartient à l’Autorité de la concurrence de veiller à la bonne exécution des engagements pris par les parties devant elle aux fins de remédier aux effets anticoncurrentiels d’une opération de concentration, des injonctions dont elle a assorti aux mêmes fins l’autorisation de l’opération, ou des prescriptions, imposées aux parties, […], tout au long de la période d’exécution de ces engagements, injonctions ou prescriptions […] ».

421. Les modalités du suivi des mesures correctives doivent être précisées dans la lettre d’engagements de la partie notifiante ou dans les injonctions. Celles-ci incluent si nécessaire la désignation d’un mandataire.

422. Afin de vérifier le respect de l’exécution des mesures correctives, le service des concentrations peut adresser des demandes d’informations à la partie notifiante comme aux tiers et s’appuyer sur toute information spontanément fournie par les tiers ou fournie régulièrement par le mandataire. L’Autorité peut également, de sa propre initiative ou à

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la demande de la partie notifiante, adresser le cas échéant au mandataire toute instruction visant à assurer la réalisation de la mesure corrective.

423. Si le recours à un mandataire n’est pas prévu par les mesures correctives54, la partie notifiante doit fournir toute information relative au suivi des mesures directement à l’Autorité.

L’intervention d’un mandataire

Nomination et révocation du mandataire

424. Il est généralement demandé à la partie notifiante de prévoir le recours à un mandataire chargé de surveiller la bonne exécution des mesures correctives, structurelles ou comportementales, et d’en rendre compte à l’Autorité.

425. Les stipulations relatives aux conditions de nomination et révocation du mandataire sont largement communes aux deux types de mesures correctives.

426. La partie notifiante doit, dans un délai défini par la lettre d’engagements ou par les injonctions, généralement fixé à un mois, proposer une liste d’au moins trois personnes ou sociétés qui pourront être désignées mandataires. L’Autorité agrée alors un ou plusieurs mandataires des proposés. Dans le cas où plusieurs mandataires sont agréés par l’Autorité, la partie notifiante est libre de choisir le mandataire en charge du suivi de l’engagement ou de l’injonction. Si l’Autorité n’agrée aucun des mandataires proposés, une nouvelle liste doit être soumise par la partie notifiante dans un délai d’une semaine.

En cas de nouveau refus, l’Autorité désigne elle-même, et aux frais de la partie notifiante, le mandataire de son choix.

427. Un mandataire doit répondre à trois conditions pour être agréé par l’Autorité. Il doit être indépendant des parties, avoir les compétences requises et les moyens suffisants pour mener à bien sa mission, et ne pas faire ou devenir l’objet d’un conflit d’intérêts.

428. L’Autorité dispose d'un pouvoir d'appréciation pour l'approbation du contrat de mandat proposé, sous réserve de toutes modifications qu’elle estime nécessaires pour l’accomplissement de ses obligations.

429. Les décisions d’agrément ou de refus d’agrément de mandataires, ainsi que le nom et les coordonnées du mandataire finalement retenu par la partie notifiante, sont rendus publics sur le site Internet de l’Autorité, dans la page où la décision concernée par les engagements ou les injonctions a été publiée.

430. Le mandat prend fin lorsque l’Autorité constate que l’ensemble des mesures correctives

54 Voir par exemples les décisions n° 18-DCC-142 du 23 août 2018 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés SDRO et Robert II par la société Groupe Bernard Hayot et décision n° 19-DCC-244 du 11 décembre 2019 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Audilab et de ses filiales par le groupe William Demant.

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a été réalisé pour la durée prévue par la lettre d’engagements ou par les injonctions. Le mandat peut également être révoqué par (i) le mandataire pour une cause justifiée et en fournissant un préavis écrit à la partie notifiante et une copie à l’Autorité, (ii) la partie notifiante après autorisation de l’Autorité et (iii) l’Autorité de sa propre initiative si elle considère que le mandataire n’exerce pas sa mission de façon adéquate.

Missions du mandataire

431. Le mandataire agit pour le compte de l’Autorité afin de garantir le respect par la partie notifiante des mesures correctives. Il accomplit les tâches visées dans le contrat de mandat en conformité avec le plan de travail et ses versions révisées, approuvés par l’Autorité. Il assure, en outre, le maintien de son indépendance vis-à-vis de la partie notifiante et respecte les dispositions du contrat de mandat relatives aux conflits d’intérêt.

432. La partie notifiante apporte au mandataire chargé du suivi des mesures correctives coopération et assistance administrative et de gestion en lui fournissant toute information requise pour l’accomplissement de ses tâches.

433. Le mandataire peut proposer à la partie notifiante toute mesure qu’il considère nécessaire pour assurer le respect des mesures correctives. Il peut notamment proposer à l’Autorité des mesures nécessaires, dans l’hypothèse où la partie notifiante ne respecterait pas les propositions du mandataire dans les délais qu’il a fixés.

434. D’une façon générale, le mandataire établit régulièrement des rapports sur le suivi des mesures correctives à l’attention de l’Autorité et lui soumet toute difficulté rencontrée dans le cadre de ses missions. Néanmoins, les appréciations portées par le mandataire sur le suivi des remèdes n’engagent pas l’Autorité55.

435. La partie notifiante est seule responsable de la mise en œuvre des mesures correctives. Il appartient à la partie notifiante de se rapprocher du service des concentrations en cas de difficulté anticipée ou constatée.

b) Le suivi spécifique des mesures structurelles

436. Comme présenté au paragraphe 379, il est demandé à la partie notifiante de s’engager au maintien, jusqu’à la réalisation de la cession, de la viabilité économique, de la valeur marchande et de la capacité compétitive des actifs à céder, notamment en s’abstenant de toute mesure ayant un impact défavorable sur leur valeur économique, sur leur gestion ou portant préjudice à leur périmètre d’activité.

437. Dans un premier temps, un mandataire peut être chargé de veiller à ce maintien (« mandataire chargé du contrôle ») et, en particulier, à minimiser, autant que possible, le

55 Voir en ce sens la décision du Conseil d’État n° 424702 du 7 novembre 2019, Société Fnac Darty, § 13.

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risque de perte de compétitivité des actifs du fait d’un changement dans la gestion courante, la stratégie industrielle ou commerciale, la politique d’investissement ou la disponibilité des ressources nécessaires, notamment en personnel clé. Il s’assure aussi que les actifs cédés sont gérés de façon indépendante, distincte et séparée des activités non cédées. À cet effet, il peut être amené à représenter les intérêts de la partie cédante dans les organes de direction des activités à céder. Lorsque les mesures correctives prévoient qu’une première période est laissée aux parties pour trouver elles-mêmes un acquéreur (« première période de cession »), le mandataire chargé du contrôle vérifie également l’état d’avancement du processus de cession et de la recherche d’acquéreurs potentiels, en veillant notamment à ce que ceux-ci reçoivent une information suffisante. Le mandataire établit régulièrement des rapports de suivi à l’Autorité relatifs à la fois au maintien de la viabilité des actifs à céder et à l’état d’avancement des cessions à réaliser.

Par ailleurs, il établit un rapport sur la viabilité et la capacité à animer la concurrence de l’acquéreur proposé à l’agrément de l’Autorité.

438. Dans un second temps, un mandataire peut être chargé de permettre la réalisation de la cession d’actifs en trouvant un repreneur adéquat (« mandataire chargé de la cession »).

Au plus tard un mois avant la fin de la première période de cession, la partie notifiante doit alors soumettre à l’Autorité pour agrément une liste d’au moins trois personnes qui pourront être désignée(s) mandataire chargé de la cession. Le processus d’agrément du mandataire, qui peut être le mandataire chargé du contrôle, est identique au processus d’agrément de ce dernier. Le mandataire chargé de la cession établit un rapport sur la viabilité et la capacité à animer la concurrence de l’acquéreur proposé pour agrément à l’Autorité. La partie notifiante doit accorder au mandataire tous les pouvoirs nécessaires afin de formaliser contractuellement la ou les cessions auxquels elles se sont engagées et qui n’auraient pas été réalisées au cours de la première période de cession.

439. Dans tous les cas, le mandataire proposé par les parties doit être agréé par l’Autorité, au regard des critères décrits au paragraphe 427 ci-dessus.

440. Pour favoriser la réalisation rapide de la cession, ce ou ces mandataires doivent être nommés le plus rapidement possible. Lorsque des risques particuliers pèsent sur le maintien de la viabilité et de la cessibilité des actifs à céder, il peut être souhaitable de réduire la durée de la phase qui s’ouvre à l’issue de la décision jusqu’à l’agrément du mandataire par l’Autorité. Il peut alors être demandé aux parties de ne pas réaliser l’opération avant qu’un délai raisonnable se soit écoulé pour permettre la désignation du mandataire.

Exemple : dans sa décision M.5984 du 26 janvier 2011, la Commission a considéré que le fait qu’Intel ne réalise le closing (réalisation effective de l’opération) du rachat de McAfee que vingt jours ouvrés suite à l’autorisation de l’opération offrait une durée

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jugée raisonnable pour trouver et agréer un mandataire.

c) Le suivi spécifique des mesures comportementales 441. Un mandataire peut être chargé du contrôle de la mise en œuvre de ces engagements mais

aussi des procédures mises en place par les parties pour respecter leurs engagements. Le mandataire peut aussi éclairer les services de l’Autorité sur des plaintes exprimées par des tiers. L’Autorité n’est pas liée par les appréciations portées par le mandataire.