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Section I.2 Définition des termes de la question : les pays émergents

I. Panorama des pays émergents

3. Microéconomie

Selon l’étude « The SME Banking Knowledge Guide54 » publiée en 2010 par IFC-

World Bank, les PME sont les entreprises les plus répandues au monde : elles représentent en volumes 80% du tissu économique des pays avancés et 90% de celui des pays émergents. Cette étude estime à 40 millions le nombre de PME formelles dans le monde, définies comme des entreprises de plus de cinq employés et enregistrées auprès des autorités administratives compétentes ; environ 70% de ces PME seraient implantées dans les pays émergents. Ce qu'illustre le planisphère ci- après, réalisé par IFC-World Bank et le Boston Consulting Group (le nombre de PME y est figuré par les histogrammes verts).

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CHAIGNEAU, P. (ouvrage collectif sous la direction de). Enjeux diplomatiques et stratégiques 2011. Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Paris : Economica, 2011, 363 p.

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Figure 6. Planisphère des PME

Source : IFC-World Bank – The SME Banking Knowledge Guide

Cependant, la bancarisation des PME des pays émergents demeure limitée : globalement, seules 70% d’entre elles disposent d'un compte bancaire. La plupart présente des caractéristiques communes, qui expliquent leur vulnérabilité : une sous- capitalisation (mal) compensée par des comptes courants d’actionnaire ; une gouvernance et un actionnariat familiaux ; une méconnaissance des produits financiers offerts pas les banques et les autres bailleurs de fonds ; un manque d’expérience dans l'élaboration du business plan, ce qui rend difficile l’obtention de crédits ; des sources de financement coûteuses et inefficientes provenant de la famille et d’organismes informels locaux ; enfin, des lacunes au plan de la gestion, qui entravent une efficacité notable dans leur domaine d’activité.

Les PME des pays émergents présentent une réalité contrastée, que nous qualifions de « duale » : elles sont nombreuses et génèrent l'essentiel des PIB nationaux dont les taux de croissance sont les plus élevés du monde ; mais, dans le même temps, elles

sont vulnérables, parce que sous-capitalisées et affaiblies par le poids de l'informel. Cette dualité nécessite, de notre point de vue, un capital-investissement adapté, dont nous étudierons les modalités dans la suite de nos travaux.

Ce sont les PME des pays émergents, désormais positionnées sur les secteurs à plus haute valeur ajoutée et à plus grande traction, qui pourront devenir les grands groupes de demain. Nous verrons que le capital investissement est promis à un rôle majeur en accompagnement de ces trajectoires : financement ad hoc, diffusion des bonnes pratiques de gouvernance, support à l'internationalisation et mise en place de business

models permettant un changement d’échelle harmonieux (« scalabilité »). Nous

verrons aussi que ces entreprises à croissance rapide et issues des pays émergents évoquent le déploiement des start-ups technologiques, qui sont également accompagnées par des investisseurs en capital. Nos recommandations encourageront la fertilisation du capital investissement dans les pays émergents par ce capital risque.

Plus encore que les PME, les grandes entreprises sont l’objet régulier d’études : celles qui affichent un succès remarquable sont ainsi analysées dans leur essence et leur approche du monde des affaires, pour tenter d'en tirer les enseignements universalisables. Dans une étude publiée sous le titre « 2011 BCG Global Challengers.

Companies on the move55 », 100 entreprises issues des pays émergents et dites

« challengers » sont passées en revue. Ces entreprises ont été sélectionnées en fonction de critères tels que la dynamique de croissance, la rentabilité, la taille et la part des opérations à l'export. Elles affichent une croissance moyenne de leur résultat d'exploitation de +18% par an entre 2000 et 2009, et ont permis à leurs actionnaires de réaliser un retour sur investissement de +17% par an. Cet échantillon est dominé par les entreprises issues des BRIC, avec 72 sociétés « challengers » sur 100 : 33 sont chinoises, 20 indiennes, 13 brésiliennes et 6 russes. Certes, l’étude a retenu un échantillon particulièrement réduit : les entreprises les plus performantes parmi les pays émergents les plus performants du monde. Néanmoins, elle renseigne sur deux

caractéristiques principales qui pourraient, à l’avenir, se diffuser à plus grande échelle : la concentration des secteurs d’excellence et la pratique des croissances externes, que nous développons dans les lignes qui suivent.

La première caractéristique relevée à l’endroit des sociétés « challengers » est la forte concentration des secteurs d’excellence : la sélection comprend 35 sociétés industrielles (équipement automobile, chimie, ingénierie), 24 sociétés de matières premières et ressources naturelles (mines, pétrole) et 20 sociétés de services (construction, télécommunications et technologies de l'information). Cette répartition des secteurs d'excellence nous semble cohérente avec les modèles de développement des économies nationales précédemment décrits. En effet, ces réussites entrepreneuriales sont souvent fondées sur un avantage concurrentiel originel : l'accès à une main-d’œuvre qualifiée et bon marché, la proximité de ressources naturelles ou l'existence d'un marché domestique en forte croissance.

La seconde caractéristique des sociétés « challengers » au sens du BCG est la diffusion des croissances externes à l’étranger ; elles ciblent essentiellement des actifs incorporels, tels que des marques et de la technologie. Or, ce constat sur l'échantillon du BCG se retrouve à plus grande échelle : après des années de fusions et acquisitions initiées par des entreprises des pays développés sur les fleurons des pays émergents, le mouvement inverse est récemment apparu : en 2008, Tata Motors a racheté Jaguar et Land-Rover à l'américain Ford, et en 2011, Essar (un conglomérat indien) et PétroChina ont acquis plusieurs raffineries européennes pour plus de 2 milliards de dollars.

Après avoir abordé l’économie des pays émergents aux plans macro et microéconomique, nous allons à présent étudier les critères discriminants de ces pays comparés aux économies avancées. Certes, la croissance du PIB est le critère le plus saillant – et le plus populaire. Mais d’autres indicateurs, tels que la démographie, la dette souveraine et le progrès technologique, contribuent aussi à circonscrire et à mesurer le phénomène d’émergence des pays.

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