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Le mentorat de Première Ovation : des impacts socioprofessionnels au-delà du projet

Chapitre 4 : Analyse et discussion des résultats

4.3. Vers une analyse de l’impact socio-économique et socioprofessionnel de l’Entente de

4.3.4. Le mentorat de Première Ovation : des impacts socioprofessionnels au-delà du projet

Rencontrés, rappelons-le, quatre ans après le partenariat triennal de 2009-2012 entre le MCCCF et la

Ville de Québec, les enquêtés concèdent volontiers que l’impact du professionnalisme qu’amène le

soutien d’un mentor, loin d’être uniquement conjoncturel, s’étend bien au-delà du cadre de la mesure

Première Ovation : « Ce qui a été important pour moi fut le mentorat, donc d’avoir un lecteur attentif

prêt à me donner des conseils qui me sont utiles et le seront durant ma carrière », synthétise, en écho avec les autres, Julien (arts littéraires). En effet, contrairement à l’aspect financier de la mesure qui suscite les réserves critiques des bénéficiaires parce que jugé « faible », nonobstant son impact socio- économique indéniable sur les conditions de vie, la dimension professionnelle ou du mentorat non seulement est exempte de ces critiques, mais nos vingt-deux répondants vantent également les mérites d’une telle coopération et durant le projet, et après sur leur parcours socioprofessionnel. Faut-il préciser ici qu’indépendamment de la situation économique, c’est-à-dire que l’artiste vit ou pas de sa pratique, l’incidence instructive des recommandations du mentor, qui s’enrichiront et se modifieront avec l’expérience et les progrès technologiques, restera effective, d’après eux, aussi longtemps qu’ils cheminent dans cette voie de création. Cela n’insinue pas pour autant que l’encadrement du mentor détermine la carrière, car, dans cet univers spécifique que celui de l’art, où la formation, le talent, l’expérience, les rencontres, la responsabilité, etc., sont les maîtres mots ; la carrière professionnelle avec ses degrés et ses phases divers et successifs, demeure une implication personnelle. Le temps de l’encadrement une fois achevé, vient le temps de mettre à profit non seulement les connaissances acquises, mais surtout, sa ténacité, son talent et sa volonté de réussir.

Néanmoins, si le mentorat de Première Ovation ne saurait être une garantie certaine de carrière pour les bénéficiaires, il constitue par son côté professionnalisant un élément contributeur comme le clament certains répondants qui disent évoluer dans leur art.

Par ailleurs, outre les retombées de ses conseils sur le parcours du bénéficiaire, le mentor le porte à sortir de sa zone de confort pour l’orienter vers de nouvelles voies, entre autres, un réseau social et professionnel qui a trait à sa discipline ou à son secteur de production, à plus forte raison que « les

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mondes de l’art ont des dimensions très variables, qui vont du petit groupe local et confidentiel au vaste réseau international » et que « se constituer un réseau de relations » est souvent une garantie de travail régulier (Howard S. Becker, 2010 : 101, 358). À l’analyse des réponses de la question 16 du questionnaire d’enquête, la question visant justement à déterminer les modifications et les impacts du réseau professionnel ou social après le soutien octroyé, il est aisé de saisir, indifféremment du secteur de provenance, que pour le répondant, l’intégration d’un réseau de relations dans le milieu des arts est porteuse de multiples avantages tels que des rencontres, des partages, des échanges intellectuels ou commerciaux, etc., et s’ouvre sur des potentialités qui influencent favorablement la trajectoire socioprofessionnelle :

Chloé (arts visuels) : « Je connais beaucoup plus d’artistes grâce au réseautage, il s’est définitivement étendu. Entre autres, beaucoup grâce au Salon Nouveau Genre, un salon qui a reçu lui aussi une aide financière de Première Ovation, pour les événements. Ce salon regroupe différents artistes de plusieurs pratiques différentes : musiques, écriture, BD, illustration, céramique, etc. Grâce à ce salon, qui est maintenant bien établi à Québec, la communauté artistique peut se rencontrer de manière sporadique et vendre ses créations, donc procurer un revenu aux artistes ».

Pour conclure cette analyse de la dimension socioprofessionnelle, notons qu’il se constate divers impacts de l’Entente de développement culturel via la mesure Première Ovation sur la situation socioprofessionnelle des bénéficiaires : un impact direct sur la matérialisation du projet encadré, un impact qui se déploie tout au long de la pratique active du bénéficiaire, un impact sur les bénéfices que draine l’implication d’un réseau social et professionnel.

Somme toute, la fraction de réponses rapportées, significatives de l’ensemble, étaie l’analyse que les artistes rencontrés, bénéficiaires de la mesure Première Ovation, conviennent tous de son impact positif sur leur condition autant sociale, économique que professionnelle. En effet, ils reconnaissent tous la chance qu’ils ont eue à un moment donné de leur parcours d’avoir un soutien financier et un mentor à leur disposition. Au-delà de la bourse et du mentor, l’effet de Première Ovation peut être considéré comme celui d’une importante reconnaissance et d’un fort encouragement. Toutefois, cette reconnaissance du rôle et des retombées de l’Entente de développement culturel par le biais de la mesure Première Ovation sur la génération de bénéficiaires 2009-2012 n’exclut pas pour autant l’incertitude dans laquelle évoluent la plupart des artistes rencontrés. Nonobstant l’efficience de l’encadrement offert, son caractère temporaire soulève chez les répondants l’hypothétique questionnement de l’après-aide, car l’artiste en arts littéraires, en théâtre et en arts visuels, rattrapé par les évidences sociologiques du monde de l’art ou de son milieu de production, fait face à une réalité peuplée d’inquiétudes et d’incertitudes avec lesquelles il doit conjuguer au quotidien. Quoique

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nous évoquions ce terme cher à Pierre-Michel Menger, dans Être artiste, œuvrer dans l’incertitude, nous ne cherchons à interpeller ni le système d’« évaluation comparative » qui spécule sur les talents, ni les entrepreneurs des industries culturelles qui, par la réduction de l’incertitude sur les chances d’une éventuelle réussite de « l’artiste prometteur », s’évertuent à faire de la valeur artistique de celui- ci un investissement sûr et profitable (Menger, 2012 : 53). De façon plus spécifique, c’est à cette préoccupation symptomatique des réalités propres à chaque secteur, ou mieux c’est à ce doute sur la carrière future qui extériorise les représentations sociales des artistes bénéficiaires de la relève quant à leur statut et leur parcours professionnels à la suite du soutien reçu de Première Ovation que tend ce segment de l’analyse.

4.4. VERS UNE ANALYSE DES REPRÉSENTATIONS SOCIALES DES DIFFÉRENTS