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Le programme Première Ovation à Québec : étude des impacts d'une politique culturelle sur les artistes bénéficiaires

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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© Luc Sorel Etienne, 2019

Le programme Première Ovation à Québec : étude des

impacts d'une politique culturelle sur les artistes

bénéficiaires

Mémoire

Luc Sorel Etienne

Maîtrise en sociologie - avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

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RÉSUMÉ

S’inscrivant dans le domaine de la sociologie de la culture, dans une perspective d’étude des politiques publiques destinées à la culture, le présent mémoire vise à étudier l’impact du programme Première Ovation sur les parcours professionnels des artistes de la ville de Québec qui en ont bénéficié. Ce programme relève de l’Entente de développement culturel établie dans le cadre d’un partenariat entre le Ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine du Québec (MCCCF) et la Ville de Québec.

Dans ce mémoire, il sera question d’apprécier l’incidence d’une telle politique culturelle d’aide à la création sur la carrière des bénéficiaires par une approche comparative des situations socio-économiques et socioprofessionnelles avant, pendant, et après l’obtention d’une bourse Première Ovation. C’est au moyen d’une analyse d’entretiens individuels réalisés avec six répondants en arts littéraires, sept en théâtre et neuf en arts visuels, ayant tous reçu cette bourse entre 2009 et 2012, que ce mémoire propose une certaine évaluation de l’efficacité de la politique culturelle en question, mais suggère également des pistes d’interprétation plus générale sur les implications autant culturelles que sociologiques, sur l’intégration de la création artistique dans la vie sociale.

Au terme de notre investigation, il est clairement ressorti, d’une part, que la ville de Québec dispose d’un bassin de jeunes talents dynamiques et bien formés. D’autre part, il apparaît que la mesure Première Ovation, destinée depuis 2008 à la promotion de cette relève, a un réel impact dans chacun des trois secteurs artistiques étudiés. Entre le soutien financier et le mentorat, deux dimensions importantes du soutien offert par ce programme, on peut dire que cet impact agit à la fois dans l’immédiat et dans le moyen terme, voire le long terme du parcours professionnel des artistes soutenus.

Toutefois, à travers l’analyse des trajectoires d’artistes de la relève, le mémoire démontre que, s’il existe à Québec un fort potentiel de production artistique et plus largement culturelle, cela n’exclut pas l’incertitude permanente dans laquelle évoluent les producteurs eux-mêmes, malgré la disponibilité d’aides publiques à la création. Cette situation ambivalente peut être interprétée à la lumière des disparités entre certaines visées institutionnelles et leur inscription dans la réalité sociologique du milieu culturel de Québec.

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ABSTRACT

Québec City’s Première Ovation Program: Study on the Impacts of a Cultural Policy on Artists Grant Recipients

As part of the sociology of culture field, this thesis aims to study the impact of the Première Ovation program on the professional career of Québec City’s artists who have benefited from it. This program stems from the Entente de développement culturel as part of a partnership established between Québec City and the Ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine du Québec

(MCCCF).

In this thesis, the effects of such a cultural policy, aiming to support creation on the recipients’ career, are assessed based on a comparative approach of socioeconomical and socioprofessional situations before, during and after receiving a Première Ovation grant. Individual interviews have been conducted with six literary artists, seven theatrical artists and nine visual arts artists all of whom received this grant between 2009 and 2012. Through the analysis of these interviews, this thesis evaluates the effectiveness of this cultural policy, and also introduces larger interpretation methods on both cultural and sociological involvements, on the integration of artistic creation in social life.

At the end of our research, it clearly appears that, from one standpoint, Québec City has a pool of dynamic and well-trained young talents. From another standpoint, it appears that the Première Ovation program, dedicated since 2008 to the promotion of emerging talents, has a real impact on all three artistic fields studied. Between financial support and mentoring, both important features of support offered by this program, we can observe positive impacts in the short-, medium- and even long-term of the supported artists’ professional career.

However, through the analysis of the paths of emerging artists, the thesis shows that, while a strong artistic and more broadly cultural production potential exists in Québec City, the omnipresent uncertainty surrounding producers persists, despite government funding to help creation. This ambivalent situation can be interpreted in light of the existing disparities between certain institutional aims and their inscription in the sociological realities of the City’s cultural community.

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TABLE DES MATIÈRES

Résumé ... ii

Abstract ... iii

Liste des tableaux ... vii

Remerciements ... viii

Introduction ... 1

Chapitre 1 : Le Québec ou l’affirmation d’une singularité culturelle ... 5

1.1. Contexte général de recherche : la culture, une préoccupation politique majeure au Québec ... 8

1.1.1. Bref survol historique des politiques culturelles au Québec ... 9

1.1.2. Première forme d’interventionnisme : du retour de Duplessis en 1944 au début des années 1960. ... 9

1.1.3. Deuxième forme d’interventionnisme gouvernemental dans la culture. ... 10

1.1.4. Troisième forme d’interventionnisme gouvernemental dans le domaine de la culture : du début des années 1990 à nos jours. ... 17

1.2. L’Entente de développement culturel de 2009-2012 ... 18

1.2.1. La mesure Première Ovation à Québec ... 19

1.2.2. Première Ovation en arts littéraires ... 20

1.2.3. Première ovation en théâtre ... 21

1.2.4. Première Ovation en arts visuels et médiatiques et en métiers d’art ... 21

Chapitre 2 : Questions de recherche, objectifs et méthodologie ... 23

2.1. Question de recherche et hypothèses ... 23

2.1.1. Les questions de recherche sont les suivantes : ... 23

2.2. Vers une spécification du concept des représentations sociales. ... 24

2.3. Méthodologie de recherche ... 25

2.3.1. Le questionnaire ... 26

2.3.2. L’enquête de terrain ... 28

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2.3.4. L’échantillonnage ... 29

2.3.5. Profils des participants à l’enquête ... 31

2.3.6. Parcours professionnel des répondants ... 34

2.3.7. Le déroulement des entretiens ... 41

Chapitre 3 : Présentation de l’enquête de terrain : trois arts si proches et si loin dans leur

relève ... 44

3.1. Première Ovation sous la loupe de ses bénéficiaires en arts littéraires ... 45

3.1.1. Parcours actif et pratique artistique des écrivains de Première Ovation ... 46

3.1.2. Attachement précoce au domaine de création artistique dans lequel s’active le répondant et découverte précoce de son potentiel artistique ... 46

3.1.3. Le parcours scolaire comme facteur aidant dans le cheminement artistique et littéraire ... 47

3.1.4. Le cadre familial comme facteur de préparation ... 47

3.1.5. Reconnaissance et encouragement dans le cheminement ... 48

3.1.6. Première Ovation et la relève en arts littéraires ... 49

3.2. La relève 2009-2012 de Première Ovation en arts visuels ... 55

3.2.1. Parcours professionnel et pratique artistique ... 55

3.2.2. Parcours scolaire et environnement familial ... 55

3.2.3. Première Ovation : un soutien, avant tout, à la professionnalisation ... 57

3.2.4. Première Ovation et le développement culturel à Québec ... 59

3.2.5. Représentations, motivations de nos répondants ... 62

3.3. La relève en théâtre ... 64

3.3.1. Parcours professionnel et pratique artistique en théâtre ... 65

3.3.2. Une grande pluralité de voies menant au théâtre ... 65

3.3.3. Le passage au Conservatoire d’art dramatique : une étape incontournable ... 66

3.3.4. La relève en théâtre et l’expérience Première Ovation ... 67

3.3.5. Représentations, motivations des artistes de la relève en théâtre ... 70

Chapitre 4 : Analyse et discussion des résultats ... 74

4.1. Paramètres analytiques ... 74

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4.1.2. Première Ovation 2009-2010 ... 75

4.1.3. Première Ovation 2010-2011 ... 77

4.1.4. Première Ovation 2011-2012 ... 79

4.2. Première Ovation du point de vue global des artistes bénéficiaires rencontrés ... 82

4.3. Vers une analyse de l’impact socio-économique et socioprofessionnel de l’Entente de développement culturel/Première Ovation sur la cohorte d’artistes bénéficiaires (2009-2012). ... 83

4.3.1. De l’impact socio-économique de Première Ovation sur les conditions de vie des artistes bénéficiaires ... 85

4.3.2. Vers une analyse de l’impact de l’Entente de développement culturel/Première Ovation sur le parcours socioprofessionnel des artistes bénéficiaires pour la période 2009-2012. ... 89

4.3.3. La dimension professionnelle ou du mentorat et son impact socioprofessionnel sur les bénéficiaires. ... 89

4.3.4. Le mentorat de Première Ovation : des impacts socioprofessionnels au-delà du projet artistique et culturel. ... 91

4.4. Vers une analyse des représentations sociales des différents répondants en lien avec leur statut et leur parcours professionnel à la suite du soutien de Première Ovation. ... 93

4.4.1. Les représentations sociales des répondants du milieu de l’art de Québec : une perception d’approbation. ... 95

4.4.2. Les représentations sociales des répondants des secteurs de production et des politiques associées : une vision plus critique. ... 97

4.5. Synthèse et discussion des résultats : du rôle de la mesure Première Ovation à sa pertinence et son efficacité auprès de la relève en arts et en culture à Québec ... 102

Conclusion ... 106

Bibliographie ... 111

Annexe 1 : Lettre de sollicitation ... 114

Annexe 2 : Formulaire de consentement ... 115

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Mesures gouvernementales en fonction des années ... 14

Tableau 2 : Répartition de l’échantillon par sexe, par intérêt personnel et par approbation. ... 30

Tableau 3 : Portrait des répondants ... 33

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REMERCIEMENTS

Je tiens tout d’abord à exprimer ma profonde gratitude à Pascale Bédard, ma directrice de mémoire, pour ses conseils avertis, ses recommandations rigoureuses et rendre hommage à sa pédagogie inspirante, empreinte de patience et d’écoute. Tout au long de la rédaction de ce mémoire, elle a fait montre d’une générosité sans bornes et a su trouver les mots justes dans mes moments d’incertitude. Pascale, un merci des plus sincères tant pour vos qualités humaines qu’intellectuelles.

Mes remerciements vont aussi à Mylène Bussières, ma conseillère au Centre d’aide aux étudiants, pour sa collaboration inégalable non seulement depuis ma première session au baccalauréat, mais encore et surtout, pour son constant support dans la facilitation d’ouvrages et de documents numériques sans lesquels la réalisation de ce mémoire aurait été un vrai boulet et ne serait pas une expérience si enrichissante.

Je remercie par ailleurs, entre autres professeurs, Charles Fleury, Madeleine Pastinelli, Richard Marcoux, Dominique Morin, Olivier Clain, pour leur support, leur encouragement, pour les portes du cheminement universitaire qu’ils ont ouvertes devant moi et pour cette confiance qui a su me porter à développer le potentiel qui m’habitait. Un remerciement spécial à Valérie Denais, Conseillère en arts et culture — Division des arts et du patrimoine, Ville de Québec — Service de la culture et des relations internationales, pour m’avoir, d’une part, donné l’accès aux différents coordonnateurs des trois secteurs de production artistique et culturelle pris en compte dans notre recherche. D’autre part, pour avoir facilité le recours à des documents et bilans annuels de l’Entente de développement culturel et de la mesure Première Ovation pour la période étudiée, soit de 2009 à 2012, documents qui se sont révélés essentiels pour la pertinence de l’étude. Je ne saurais passer sous silence l’acuité d’analyse d’Arona Moreau, l’exactitude de ses critiques, son sentiment du travail bien fait, entre autres remarques judicieuses, ont été une boussole qui me ramenait inlassablement vers ce nord que constitue, dans le cadre de ce travail de recherche, le souci de la rigueur scientifique et méthodologique.

À ma famille, mes feus parents qui ont tellement investi dans l’éducation de leurs enfants, à ma sœur Marie-Yves, à Charles Madet, à mon frère Jean Richard, à Daline, merci de votre bienveillance, de votre confiance revigorante. Je ne peux tous les citer, mais plusieurs autres personnes, collègues et amis, particulièrement Hubert et Alexis, pour m’avoir accompagné lors de l’enquête de terrain, pour vos suggestions, pour avoir collaboré à la finalisation du document, etc., je vous dois toute ma

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reconnaissance. Finalement, mes remerciements vont aux vingt-deux répondants de notre questionnaire d’enquête qui, en plus de nous avoir consacré leur précieux temps, ont permis, par leur grande ouverture, ce périple sociologique dans l’univers artistique et culturel de Québec sous le prisme des jeunes de la relève bénéficiaires de l’Entente de développement culturel (2009-2012), par l’entremise de la mesure Première Ovation.

C’est avec le sentiment que vous m’avez aidé à apporter ma contribution, aussi infime soit-elle, à la sociologie de la culture québécoise, que je vous dis à tous : merci ! Mille fois merci.

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INTRODUCTION

Évoquer la culture, c’est aborder une immense et inépuisable question, sans début ni fin, car tout est, quelque part, culturel. Mais il y a culture et culture. Il y a, d’une part, la culture comme ensemble de valeurs, croyances et pratiques partagées par les membres d’une même communauté historique et, d’autre part, la culture comme domaine d’activités intégrant un nombre inestimable de pratiques de création de biens ou produits dits culturels. Ces deux dimensions de la culture sont distinctes, mais, quelque part, indissociables. En témoigne la définition que l’UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture) donne à cette notion :

Dans son sens le plus large, la culture peut aujourd’hui être considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels, matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts, les lettres et les sciences, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances.1

Notre recherche, bien que prenant en considération les deux dimensions considérées par l’UNESCO, porte concrètement sur la deuxième : la production culturelle. À cette première précision nécessaire s’ajoute une autre : nous étudions les politiques culturelles à Québec plutôt que la production d’œuvres culturelles elle-même. Les secteurs et questions relatifs à la culture étant multiples et variés et étant donné que le ministère québécois de la Culture, des Communications et de la Condition féminine (MCCCF) intervient dans plusieurs domaines par l’entremise de L’Entente de développement culturel, établie depuis 1979, nous avons choisi de restreindre notre recherche au secteur des arts. Bien que nous la définissions et l’abordions de façon plus approfondie dans le premier chapitre, disons brièvement que L’Entente de développement culturel est une mesure de politique publique en lien avec la culture. Depuis plus de trois décennies, le ministère de la Culture et des Communications collabore avec des municipalités ou des municipalités régionales de comté (MRC) pour convenir de l’adoption d’objectifs dominants et d’actions subséquentes dans le domaine de la culture et des communications pour une durée de trois ans. En conséquence, prenant en compte les attentes, les préoccupations concertées et les priorités des différents partenaires, L’Entente de développement culturel se déploie sur un vaste champ relevant du domaine de la culture et des communications. Elle se présente comme le pilier central des politiques destinées à la culture au

1 Définition de l’UNESCO de la culture, Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles. Conférence mondiale sur les

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Québec. Elle fait le lien entre l’orientation générale de la politique culturelle du gouvernement du Québec et les choix prioritaires en matière de culture de chacune des directions politiques et administratives des différentes localités de la province.

L’Entente de développement culturel se définit comme un accord global couvrant un ensemble d’interventions en matière de culture et de communications. Elle se fonde sur un partage de préoccupations et se veut un outil de planification, de gestion, de concertation et de regroupement de partenaires. L’Entente de développement culturel établit un cadre de collaboration souple favorisant la prise en compte des particularités locales et régionales. L’Entente de développement culturel s’appuie sur la politique culturelle et le plan d’action dont le partenaire municipal s’est doté au préalable afin de déterminer ses priorités d’intervention et elle prend en compte les politiques et les orientations gouvernementales et ministérielles en matière de culture et de communications (Cadre de référence – Entente de développement culturel, 2011).

La mesure Première Ovation s’inscrit pleinement dans l’Entente de développement culturel. Bien qu’ayant peu d’années d’existence, elle semble déjà avoir acquis une solide légitimité dans l’éventail de la dizaine de projets subventionnés par la Ville de Québec dans le domaine de la culture. À ses débuts, la Ville de Québec présentait cette mesure d’aide en ces termes : « Première Ovation est une mesure d’aide instaurée par la Ville de Québec, qui a pour but de supporter l’émergence de la relève artistique en musique et en théâtre. L’encadrement offert aux jeunes artistes repose sur un principe de mentorat ou de coaching »2.Depuis 2008, année d’implantation de la mesure, Première Ovation n’a cessé de prendre de l’expansion. Lors de l’édition 2009 de Québec Horizon Culture, événement considéré comme étant le plus grand rendez-vous pour le développement de la culture à Québec, l’importance voire la nécessité de renforcer la mesure Première Ovation a été vivement reconnue autant par le ministère de la Culture et des Communications que par la municipalité de Québec. À cette occasion, la confirmation du maintien de la mesure dans le long terme a été exprimée par les deux parties. De sept secteurs de création artistique ou de production culturelle en 2008-2009, la mesure Première Ovation est passée à huit en 2012 en intégrant les arts dits « multi » (en lien avec la création dans le domaine du numérique) et à dix en s’ouvrant au cirque et au patrimoine.

2 Site web de la ville de Québec :

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Soucieuse de la nécessité de faire émerger une relève de qualité, la Ville de Québec a décidé de confier la gestion de Première Ovation à des organismes culturels professionnels reconnus dans chacun des secteurs artistiques ou culturels considérés. Ainsi, le volet musique a été confié à l’Ampli de Québec, celui du théâtre au diffuseur Premier Acte, ceux de la danse et du cirque à l’École de cirque de Québec, celui des arts littéraires à L’Institut Canadien de Québec, les arts multi aux productions Recto-Verso et les arts visuels, arts médiatiques et métiers d’art à Manif d’art. En 2016, la gestion du nouveau volet patrimoine, très récent, a été confiée à l’organisme Action patrimoine.

Soutien financier, accompagnement professionnel et visibilité, voilà les maîtres mots de la mesure Première Ovation. Pour les deux partenaires ayant initié le programme, les jeunes talents de la ville de Québec ont besoin d’être aidés dans chacun de ces différents secteurs de production artistique et littéraire, non seulement pour leur propre carrière, mais surtout pour le rayonnement culturel de la ville. Au-delà du soutien financier et de l’accompagnement professionnel, il reste le défi de la visibilité, qui permet aux créateurs de poursuivre durablement leur activité de création artistique et culturelle. La mesure permet à ses bénéficiaires d’intégrer le réseau de leur secteur artistique dans la ville de Québec, mais pour aller plus loin, c’est-à-dire pour atteindre le public, il faut bien plus que du réseautage. Aussi, au-delà des organismes professionnels dans le domaine de la culture, Première Ovation a noué des partenariats avec des médias, comme la radio CKRL 89,1, pour soutenir la visibilité des talents nouveaux et ainsi amener la population de la ville de Québec à être plus participative dans le domaine de la culture.

Considérant le secteur sélectionné, les arts, et prenant en compte le fait que l’aide aux artistes bénéficiaires leur parvient du soutien attribué aux activités culturelles professionnelles de divers organismes des villes partenaires, nous avons choisi de mener notre recherche exclusivement dans la ville de Québec et de limiter notre étude au programme Première Ovation. Nous cherchions précisément à saisir l’impact de l’Entente de développement culturel (2009-2012) via ce programme destiné à la relève en matière de création culturelle sur ses bénéficiaires œuvrant dans le domaine des arts. À cet effet, nous envisagions de mener un entretien avec vingt bénéficiaires, soit cinq artistes associés à quatre secteurs artistiques différents : les arts visuels, le théâtre, la musique et les arts littéraires. Au fil de nos démarches pour recruter les participants à l’enquête, le nombre de secteurs est passé de quatre à trois ; cela étant dû au fait que le soutien de Première Ovation au secteur de la musique est destiné à des organismes spécifiques chargés eux-mêmes d’encadrer les musiciens plutôt que directement à ces derniers. Pour autant, la taille de notre échantillon n’a pas été revue à la baisse, plutôt que de nous limiter à cinq participants par secteur, comme prévu au départ, nous avons préféré

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rajouter deux ou trois répondants pour chaque domaine artistique pris en compte dans le cadre de notre recherche.

Nous cherchions essentiellement à mesurer l’incidence d’une telle politique sur la carrière des bénéficiaires par une approche comparative des situations socio-économiques et socioprofessionnelles avant, pendant, et après le soutien. De plus, notre recherche se proposait de dégager les représentations sociales des artistes sur leur intégration et leur avenir dans le milieu artistique en rapport au soutien reçu. Certes, ce mémoire ne saurait en aucune manière se donner la qualité de document d’évaluation des politiques publiques au Québec destinées à la culture, mais il contribuera néanmoins à objectiver leur implication sociale et à servir de référence analytique pour les programmes destinés à la relève. En effet, si « l’art doit être relié aux choses de tous les jours, se produire dans l’instant, en relation étroite avec le “contexte”, justement » (Ardenne, 2002 : 10), le présent mémoire mettra en exergue, à la lumière des données recueillies, la qualité du partenariat ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine (MCCCF)/Ville de Québec dans le domaine des arts et pour la relève en production artistique.

Le mémoire est subdivisé en quatre chapitres. Le premier chapitre est consacré au cadrage contextuel et historique de la culture au Québec et se termine par une présentation de l’Entente de développement culturel, de la mesure Première Ovation et en dernier lieu des trois secteurs de production culturelle et artistique retenus par l’étude. Le deuxième chapitre est celui de la méthodologie de recherche. Ce chapitre commence par la question de recherche et se poursuit avec le compte-rendu du processus empirique de la recherche, puis avec la présentation des profils des répondants. Le troisième chapitre est consacré à la présentation de l’enquête de terrain : l’exposé des données recueillies dans chacun des trois secteurs culturels considérés. Ces données sont présentées suivant l’ordre d’agencement des différentes sections composant le questionnaire d’entrevue. Le quatrième et dernier chapitre est celui de l’analyse des données et de la construction de l’argumentaire conduisant à la réponse ou à des pistes de réponse à nos questions de recherche.

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CHAPITRE 1 : LE QUÉBEC OU L’AFFIRMATION D’UNE

SINGULARITÉ CULTURELLE

Que la culture objective les manifestations sociales et politiques de la collectivité, qu’elle soit l’irisation de l’inspiration contextuelle, elle demeure, pour Guy Rocher (1969 : 88), un axe social vital qui, de façon « objective et symbolique », traduit la volonté expressive d’individus se fusionnant et composant une communauté spécifique. Toujours dans la même veine, non pour une énumération de définitions, mais pour ouvrir le concept de culture dans une perspective qui tient compte des politiques culturelles, Roland Arpin relève que la culture est intrinsèque au domaine vital d’une société, d’une collectivité d’individus s’y réclamant et s’y identifiant, sans qu’elle soit pour autant la possession exclusive d’aucun d’entre eux (Arpin, 1993 : 49). Cette volonté expressive d’une pluralité de personnes formant société, à la fois dynamique et idiosyncrasique, permets d’appréhender, au regard de l’histoire sociologique et anthropologique québécoise, le schème des affinités liant les acteurs sociaux à la sphère de la culture. Un déplacement du curseur de l’acception holiste du vocable culture vers une application de la corrélation susmentionnée s’ouvre sur des données qui rappellent justement que vers le milieu de la seconde moitié du XXe siècle, « les objets d’étude liés à la culture demeurent, depuis des décennies, un angle privilégié d’observation de la société québécoise » (B.-Dandurand, 1992 : 7).

Au Québec, la question de la culture a toujours occupé une place centrale dans le débat public. Elle ne cesse depuis toujours d’y être discutée dans tous les sens et sous tous les angles. Plusieurs éléments expliquent cet état de fait. En effet, entre la trajectoire historique du Québec, le rapport de celui-ci au reste du Canada et du monde et la manière dont la société québécoise elle-même s’est structurée et ordonnée organiquement, la question de la culture demeure en permanente discussion. Cette singularité, qui s’enracine profondément dans l’histoire de la province, qui se dynamise à travers ses divers moments historiques, est tout autant tributaire d’autres influences sociopolitiques ou sociodémographiques qui traversent la société québécoise depuis très longtemps et qui lui procurent, entre autres attributs idiosyncrasiques, « une culture propre et un genre de vie spécifique » (Langlois, 1991).

Pour prendre la mesure de ce que représente la culture comme phénomène global de société au Québec, un peu d’histoire nous semble nécessaire. L’édification coloniale française nord-américaine instaurée par Samuel de Champlain en 1608 consacre la naissance du Québec (à l’époque nommée autrement) en tant que cité politique. La caractéristique singulière et forte de cette cité nouvelle

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reposait sur le fait que lors de son apparition, celle-ci se proposait d’incarner à tout point de vue et de porter éternellement le flambeau de la civilisation française en Amérique. Mais l’Amérique étant à l’époque une terre de conquête pour les puissances coloniales, l’édification d’une colonie française ne pouvait point être acquise sans heurts avec les Anglais, dont l’ambition hégémonique pour le contrôle de l’Amérique du Nord demeurait réellement forte et affichée. À la suite de la défaite française lors de la bataille des plaines d’Abraham en 1759, le Québec se retrouva sous la tutelle de la Couronne britannique. Il y demeura pendant plus d’un siècle (1759-1867). Il faudra attendre le 1er juillet 1867, avec l’entérinement par la reine Victoria d’Angleterre du projet de loi sur la Confédération canadienne, pour voir la souveraineté nationale du Canada doter en conséquence les citoyens de ce dernier pays du droit plein et entier de se gouverner librement et souverainement.

Mais dans ce Canada souverain, il y avait une province pas comme les autres, le Québec, une localité née française, menée politiquement pendant plus d’un siècle par l’Angleterre pour finir dans une Confédération majoritairement anglo-saxonne et anglophone. Une telle intensité historique ne peut produire, dans la localité considérée, qu’une problématique forte autour de l’identité collective en rapport avec la mémoire collective et la culture. Du Français d’Amérique, du Canadien français, le Québec passe au Québécois : un nouvel appellatif citoyen fort, puissant et répondant d’une culture unique et singulière, riche de toutes les composantes historiques et de toutes les expériences ayant animé le parcours de la société québécoise. Ce fait symptomatique et propre du Québec comme société originale s’explique, d’autre part, par son hybridation culturelle pluriséculaire qui assortit et se veut une synthèse de la coexistence de l’ascendance française, de l’âme autochtone des Premières nations, de la part non négligeable des minorités ethnoculturelles, avec, toutefois, la caractérisation et la prééminence de l’héritage francophone. Si pour Siegfried Frederick Nadel un groupe ethnique « c’est la théorie que ses membres s’en font » et pour le sociologue Marcel Mauss « l’essentiel, c’est le mouvement du tout, l’aspect vivant, l’aspect fugitif où la société prend où les hommes prennent conscience d’eux-mêmes et de leur situation vis-à-vis d’autrui » (Marcel Rioux, 1968 : 5), au carrefour d’un univers géopolitique et à dominance traditionnellement anglophone, cette objectivation québéco-québécoise qui sous-tend la particularité socioculturelle du Québec est fortement subordonnée aux choix de société et de son organisation adoptée non sans heurts par les citoyens québécois.

Entre son histoire, sa structure globale et vivante ainsi que son évolution contemporaine, le Québec se présente comme un cas d’étude fort édifiant pour animer et réanimer en permanence le débat sur ce qu’est la culture. Un nombre inestimable de penseurs et de chercheurs des sciences humaines et

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sociales ont montré à travers une grande diversité de travaux que l’histoire du Québec, entre les héritages historiques français et britannique et le milieu géographique nord-américain, se présente comme l’histoire d’une culture en permanente évolution ou en perpétuel mouvement. Si Fernand Dumont présente la culture comme un système de coutumes permettant d’être conscient de « l’univers, au lieu d’y afficher un immobilisme ou de s’enraciner dans la fatalité » (Dumont, 1996 : 18), relèverait-il du panégyrique d’appréhender le Québec à l’instar d’une localité où la culture résonne comme à la fois un rapport global à soi, une relation générale au reste du monde et une galaxie d’activités diverses renvoyant tout autant à ce rapport personnel à soi et à cette relation ouverte aux autres. Entre les Premières Nations, la France, les Îles britanniques, l’Amérique du Nord, l’ouverture sur le reste du monde à travers le choix d’accueillir depuis plus d’une décennie un nombre massif d’immigrants sur son territoire et l’aspiration à la souveraineté nationale, au ralenti, mais pas vraiment anéantie, le Québec reste sans doute un lieu pertinent pour débattre de la culture dans sa forme universelle. Revenons à Fernand Dumont qui, dans Le sort de la culture, synthétise parfaitement ce culturalisme québécois au sens anthropologique du terme, c’est-à-dire l’apport essentiel des échanges et de l’interpénétration des cultures et dans l’élaboration d’une société quelconque et dans l’originalité des individus la composant :

Il faut consentir, du moins au départ, à ce que la nation se présente à nous comme un complexe de représentations. Nous sommes particulièrement bien placés pour le savoir quant à notre propre société : depuis le XIXe siècle, nous avons oscillé entre les appellations de Canadiens, de Canadiens français et de Québécois. Chacune de ces étiquettes est adéquate à sa manière. Face aux États-Unis, nous sommes des Canadiens, et pas seulement par la vertu du fédéralisme ; notre histoire de colonie britannique, la dépendance des provinces envers les capitaux américains, certaines relations d’affaires ou de culture fournissent des éléments pour une représentation de cette sorte. À d’autres égards, nous sommes des Canadiens français ; des souvenirs communs, une même langue, une étonnante similitude des conditions économiques des francophones au Canada donnent vraisemblance à pareille représentation. On pourrait parler encore d’une collectivité française d’Amérique : les débris de l’Empire du XVIIIe siècle, nos migrations du XIXe siècle, l’Acadie, la Louisiane peuvent effectivement justifier une problématique d’ensemble. Et qu’il y ait aussi matière à représentation d’une société québécoise, il est difficile d’en douter… (Dumont, 1987 : 321).

Aussi s’avère-t-il évident que la préservation et le développement de l’identité culturelle québécoise enjoignent des mesures politico-culturelles d’envergure et deviennent, de surcroît, notamment à partir de la décennie 1960, une mission cardinale de l’État provincial et ce, au-delà de l’alternance des formations politiques au pouvoir. À ce titre, l’édification du ministère des Affaires culturelles (MAC) en 1961, traduit, parmi d’autres déterminations politico-culturelles d’expansion, cette expression manifeste de la double interprétation de l’avènement d’une ère nouvelle dans le domaine des arts et de la culture au Québec, ainsi que de l’attestation d’un tournant décisif de l’action gouvernementale dans l’accompagnement structuré et cohérent de la question culturelle.

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Ce premier chapitre contextualise donc les politiques culturelles au Québec par un bref survol historique depuis les années 1960, tout en mettant un accent particulier, d’une part, sur l’Entente de développement culturel comme étant justement une manifestation des volontés politico-culturelles visant au développement et à la pérennisation de la culture québécoise. L’accent est mis, d’autre part, sur la mesure Première Ovation non seulement comme palier de gestion municipale dans le cadre du partenariat entre le MCCCF et la Ville de Québec, mais aussi comme initiative œuvrant pour la promotion de la relève artistique à Québec. Suit une tentative de représenter la notion de culture de manière générale et abstraite, d’objectiver la place centrale qu’occupent originellement les arts et les lettres dans un domaine aussi diversifié et en constante évolution en appréhendant les trois secteurs de production littéraire et artistique retenus dans la recherche, à savoir les arts littéraires, le théâtre et les arts visuels.

1.1. CONTEXTE GÉNÉRAL DE RECHERCHE : LA CULTURE, UNE PRÉOCCUPATION

POLITIQUE MAJEURE AU

Q

UÉBEC

Au regard de la trajectoire historique et du parcours sociopolitique du Québec, précisément entre sa tradition culturelle française, sa langue française et le fait qu’il appartient encore, en dépit de deux tentatives référendaires visant sa souveraineté (20 mai 1980-30 octobre 1995), à un pays majoritairement de langue anglaise et de culture anglo-saxonne, on peut aisément saisir le caractère central et spécifique de la culture dans l’éventail des dossiers gouvernementaux de l’État québécois. En effet, depuis la création du ministère des Affaires culturelles en 1961, les gouvernements successifs québécois ne cessent de travailler pour le renforcement des dispositions institutionnelles, juridiques, législatives et logistiques dans le but de permettre à ce secteur de connaître un très grand rayonnement à l’échelle de la province et même au-delà. Ainsi, dans les années 1960 le gouvernement provincial s’est montré très interventionniste dans le domaine de la culture, posant une multitude d’actes pour créer un environnement favorable à la production de biens et services culturels, mais également à la création d’organisations culturelles solides et de qualité, ainsi qu’à l’émergence d’artistes talentueux dans tous les secteurs de création culturelle.

Cette place de choix accordée à la culture dans l’ordre des priorités gouvernementales du Québec était à l’époque dotée d’une très forte légitimité. En effet, la question de l’affirmation culturelle reste une composante centrale et déterminante de la question de la souveraineté. Dans le lot des grandes réformes de la Révolution tranquille, la culture ne pouvait nullement se voir accorder qu’une simple

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place secondaire. Non seulement la société québécoise aspirait à affirmer son identité culturelle, mais au-delà de cette dimension existentielle, le peuple québécois lui-même reste très actif et entreprenant du point de vue de la création culturelle. L’État québécois des années 1960-1970 a fait preuve d’un engagement fort et d’un interventionnisme soutenu pour permettre l’émergence d’un modèle culturel québécois solide et spécifique. Un bref survol historique des politiques publiques au Québec permettra de mettre en exergue le rôle majeur de l’État dans le développement de la culture et de voir comment la mesure Première Ovation elle-même s’inscrit dans une longue suite de programmes destinés à faire rayonner la culture dans ses différentes manifestations et par-delà les générations. Précisons au passage qu’il est question, à cette étape de notre recherche, des politiques culturelles au Québec plutôt que du rapport vague qu’une société considérée pourrait avoir au phénomène social global que constitue la culture.

1.1.1. Bref survol historique des politiques culturelles au Québec

D’une manière générale, depuis le milieu des années 1940, le Québec a connu trois formes d’interventionnisme gouvernemental dans la culture. La première peut-être située entre le retour de Maurice Duplessis à la tête du gouvernement de la province en 1944 au début des années 1960, avec le vent de la Révolution tranquille. La deuxième commence avec la création du ministère des Affaires culturelles au début des années 1960, elle est marquée par une prise de conscience progressive de l’État québécois de l’intérêt d’investir dans la culture pour rendre ce domaine plus dynamique et productif. La troisième forme d’interventionnisme gouvernemental dans le domaine de la culture part de cette dernière période à nos jours. Cette période courante, marquée par une très forte accélération de la mondialisation libérale, impose ainsi la nécessité de gérer la culture non plus avec une vision bureaucratique et verticale, mais avec une approche participative, mêlant les actions de l’État aux diverses initiatives des différents acteurs de la culture.

1.1.2. Première forme d’interventionnisme : du retour de Duplessis en 1944 au début

des années 1960.

Sous le deuxième gouvernement Duplessis, 1944-1959, cette longue période appelée « la grande noirceur » par plusieurs analystes politiques et historiens, la question de la culture et de sa gestion, comme composante de l’éventail des dossiers politiques dont l’État est appelé à s’occuper, ne se posait pratiquement pas au Québec. Duplessis est sans aucun doute la personnalité politique qui a le

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plus marqué le Québec durant la première moitié du XXe siècle. Entre sa personnalité autoritaire, voire autoritariste, son nationalisme cru et son conservatisme rigoureux, son bilan est très mitigé. D’une manière générale, les travaux consacrés à son long passage à la tête du gouvernement du Québec ne traitent que de ses réalisations politiques et économiques, les questions de culture sont peu abordées. Pour autant, il serait erroné de soutenir que rien n’a été fait sous Maurice Duplessis dans ce domaine. Avant de passer à la deuxième forme d’intervention politique dans la culture au Québec, relevons quelques morceaux de l’article de Fernand Harvey, Le gouvernement Duplessis, l’éducation et la culture, 1944-1959, qui traite de la question de la gestion politique de la culture avant la Révolution tranquille :

Par ailleurs, la mission culturelle de l’État semble en apparence avoir moins retenu l’attention de ce gouvernement, si l’on s’en tient aux ressources qu’il a consacrées aux arts, aux lettres et au patrimoine. Il importe, à cet égard, de distinguer le financement accordé au développement des institutions culturelles publiques de celui distribué à titre d’« encouragement aux arts et aux lettres » selon l’expression de l’époque. Le gouvernement s’est engagé dans l’un et l’autre des financements. Ainsi, il a investi des sommes croissantes dans les écoles consacrées aux beaux-arts, aux arts appliqués et aux arts graphiques ainsi qu’au Conservatoire de musique et d’art dramatique et s’est également montré sensible à la préservation et à la mise en valeur du patrimoine architectural et artistique. Il en va de même dans son soutien à l’artisanat qui s’est transformé progressivement en métiers d’arts. Toutefois, le secteur des musées et celui des bibliothèques publiques ont été négligés et plus ou moins laissés à eux-mêmes. On peut aussi qualifier de timides les prises de positions en faveur de la langue française et les initiatives visant un rapprochement avec la France. « L’encouragement aux arts et aux lettres » de son côté s’est manifesté par des budgets du secrétariat de la Province et du ministère du Conseil exécutif : des subventions d’ampleur variable ont ainsi été distribuées à des organismes scientifiques à des ensembles musicaux, à des chanteurs d’opéra et à des écrivains pour l’achat de leurs livres (Harvey, 2014 : 241-242).

Cette première forme d’interventionnisme gouvernemental dans le domaine culturel n’a rien à voir avec celle qui part du début des années 1960 et qui s’est poursuivie jusqu’au début des années 1990.

1.1.3. Deuxième forme d’interventionnisme gouvernemental dans la culture.

La deuxième forme d’interventionnisme politique dans le domaine de la culture au Québec s’installe au début des années 1960, au moment même où démarre la Révolution tranquille. Notre présentation

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de l’évolution des politiques culturelles depuis les années 1960 n’est pas linéaire, nous avons choisi de la rendre dynamique pour permettre une lecture analytique plutôt que chronologique qui risquerait d’être descriptive au lieu d’être explicative. Nous partons ainsi de la création du ministère des Affaires culturelles, mais nous n’allons pas passer d’une décennie à une autre, car ce que nous cherchons à mettre en évidence, c’est le fond des politiques en vigueur plutôt que la simple forme qui apparaît en surface. Par ailleurs, pour qui voudra une présentation linéaire des actions destinées à la culture durant la période en question, un tableau de référence est intégré plus loin dans ce passage.

Au milieu des années 1960, des analystes politiques et des sociologues (notamment, Edwin R. Black et Alan C. Clairns, « A Different Perspective on Canadian Federalism », Administration publique du

Canada, 1966 : 27-44,) attirèrent l’attention sur l’existence d’un grand décalage entre la manière dont

les provinces concevaient leur rapport à la fédération du point de vue de la construction nationale et culturelle (Black et Clairns, 1966 : 27-44). Ils notèrent que l’idée d’une société canadienne ne faisait guère l’unanimité et qu’au moment où le gouvernement fédéral du Canada parlait de « nation-building » pour évoquer la construction d’une nation multiculturelle canadienne, les provinces, elles, pour la plupart, mettaient ouvertement en avant un « province-building ». Dans ce décalage entre la conception fédérale de la construction nationale, sociétale et culturelle et celle des unités provinciales et territoriales, le cas du Québec entretient en lui-même une singularité de premier ordre. Au-delà de la société québécoise, l’État québécois, lui-même, non seulement considérait que la culture au Québec devait absolument demeurer dans les compétences exclusives du gouvernement provincial, mais il portait tout autant la singularité culturelle du Québec comme un déterminant fort et important dans l’ordre de ses relations avec le gouvernement fédéral. Fort de cette vision et de cette position, il ne ménagera alors aucun effort pour le développement du domaine de la culture au Québec, au-delà de l’affirmation culturelle de cette dernière province.

Précisons au passage que le présent survol historique des politiques culturelles au Québec prend pour point de départ l’année de la création du ministère des Affaires culturelles (1961). La culture a toujours été une question centrale pour les Québécois comme pour leur État, mais le début des années 1960 marque un tournant très fort du point de vue de l’approche gouvernementale de la culture et des politiques culturelles qui en résultent. En effet, comme la plupart des domaines gouvernementaux au Québec, celui de la culture a connu une transformation considérable avec le vent de la Révolution tranquille. En conséquence, Georges-Émile Lapalme, premier titulaire du ministère des Affaires culturelles québécois (1961-1964), inspirée des politiques culturelles adoptées par son homologue français André Malraux dont le ministère a été créé deux années avant celui du Québec,

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soutint très vivement et dès son arrivée une « vision globalisante de la culture », ne se limitant pas à la simple question de l’identité nationale, mais plutôt intégrant d’autres questions comme la politique de la langue, celle urbaine, mais aussi celle de l’intégration des immigrants ainsi que des Québécois demeurant en dehors du Québec. Cette vision élargie du périmètre d’action de la politique culturelle laissait deviner l’intérêt de l’État pour le développement culturel du Québec.

Par le biais des politiques culturelles, l’État subventionne également les musées d’État, les concours artistiques provinciaux, ainsi que des œuvres d’art public où, à la faveur de « la loi sur l’intégration des arts à l’architecture », quelque 900 000 $ seront affectés à ce type d’ouvrage en l’espace de 20 ans, soit de 1961 à 1981 (Guy Sioui Durand, 1997 : 45). L’artiste, en dépeignant par sa pratique la facture interactionnelle de l’engagement patriotique et le travail créatif de son domaine d’activité, contribue in extenso à la mise en exergue et à la promotion du caractère organique et spécifique de la culture québécoise à travers tout un ensemble de dispositifs publics établis dans les années 1960 et 1970. Mentionnons, à ce propos, la mise en place de politiques culturelles incitatives (subventions), l’organisation d’événements d’envergure, comme, entre autres, l’exposition universelle Terre des

Hommes (1967), l’ajout d’œuvres d’art aux stations du métro de Montréal dans les années

soixante-dix, etc.

Bon nombre d’écrits sur la place de la culture comme préoccupation politique au Québec, tels que ceux de Daniel Bonin (1992), de Roland Arpin (1993) et notamment de Diane Saint-Pierre (2003), abordent de façon plus ou moins holistique les politiques culturelles du Québec des premières décennies de la seconde moitié du XXe siècle. Toutefois, attentif à maintenir le cadre dynamique et explicatif de l’évolution des mesures politico-culturelles au Québec, nous ne relatons ici que quelques-unes d’entre elles. Ainsi, entre autres actes gouvernementaux marquants des années 1960-1970, on peut citer : la conversion de la Bibliothèque Saint-Sulpice en Bibliothèque nationale en 1966-67, la création du Service provincial de la radiodiffusion et de Radio-Québec en 1968, car la radio est un puissant vecteur culturel (Fabrizio et Skrotzky, 1974), ou encore la décision d’établir en 1969-1970 les bureaux régionaux d’aménagement culturel de Hull, de Sherbrooke, de Trois-Rivières, de Chicoutimi et de Québec (Saint-Pierre, 2003 : 20). Le Livre blanc de la culture (1965) du ministre Pierre Laporte3, bien que n’ayant pas fait l’objet d’une publication formelle et officielle ni d’un dépôt à l’Assemblée nationale donne tout de même, à la vertu de ses 60 recommandations, un aperçu des

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ambitions gouvernementales pour le développement du secteur culturel au Québec. Par exemple, les réalisations politico-culturelles citées plus haut, auxquelles on peut ajouter : l’instauration d’une direction générale de l’immigration en 1966, du Service des centres culturels et des arts plastiques en 1966-1967, etc., sont en quelque sorte la matérialisation ultérieure d’idées et/ou de recommandations déjà contenues dans le Livre blanc (Saint-Pierre, 2003). Quant au Livre vert du ministre Jean-Paul L’Allier, bien qu’ayant paradoxalement fait l’objet d’un dépôt à l’Assemblée nationale du Québec le 27 mai 1976, son exécution, c’est-à-dire l’application des recommandations proposées, a été tout de même entravée par des réalités politiques et sociologiques du Québec d’alors, telles que l’accession au pouvoir d’un autre parti, la valse des titulaires du MAC, entre autres explications (Saint-Pierre, 2003 : 20 ; Arpin, 1993 : 44). Toutefois, inspirée du Livre vert dont l’esprit était d’améliorer la politique culturelle du Québec et d’augmenter la provision budgétaire y étant allouée (Québec, MAC,

Livre vert, 1976), on notera, en 1977, l’instauration des premiers conseils régionaux de la culture.

L’année 1977 marque également l’adoption au Québec de la Charte de la langue française (Loi 101).

Par ailleurs, poursuivant le tournant culturel entamé dès 1961 par le ministre Georges-Émile Lapalme, les gouvernements qui se sont succédé, quoique composant avec les conjonctures, n’ont jamais cessé de contribuer à l’évolution et au rayonnement de l’identité culturelle québécoise. Aussi, du Livre

blanc « La politique québécoise du développement culturel » de Camille Laurin, déposé à

l’Assemblée nationale en juin 1978 et répondant au qualificatif de politique culturelle gouvernementale par l’horizontalité de son approche culturelle, pour répéter Diane Saint-Pierre, au Bilan-actions-avenir de la ministre Lise Bacon en mai 1988, le domaine culturel et artistique québécois a été l’objet de mesures incitatives où l’action gouvernementale prend la juste mesure que la culture, notamment dans sa dimension anthropologique, est « milieu de vie » et que « l’ensemble de l’existence est produit de la culture » (Québec, MAC, Livre blanc, 1978 cité par Saint-Pierre, 2003 : 20). Le tableau ci-après relate, pour la période précitée, un certain nombre de mesures gouvernementales en matière de culture.

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Tableau 1 : Mesures gouvernementales en fonction des années

Source : Diane Saint-Pierre (2003), ministère de la Culture et des Communications du Québec.

Ainsi, c’est donc dans la construction de cette œuvre collective, dans ces strates de construction et de déconstruction identitaires tournées autour d’une culture québécoise unificatrice, où les enjeux et la marche sociopolitiques sont attenants au pragmatisme sociologique et sont conjoncturels des situations historiques, que naissent le Rapport Arpin (1991)4 puis la politique culturelle du Québec « Notre culture. Notre avenir » (1992).

Présidé par Roland Arpin, directeur général du Musée de la civilisation de Québec, le groupe-conseil qui, à l’initiative de la ministre Liza Frulla-Hébert, devait œuvrer à l’élaboration d’une « proposition

4 Du nom du président du groupe-conseil à qui était confiée la tâche de produire un rapport sur une proposition de politique

culturelle en 1991. Rapport titré « Une politique de la culture et des arts ». Proposition présentée à madame Liza Frulla-Hébert, ministre des Affaires culturelles du Québec.

Années Mesures gouvernementales

1978

Instauration de la Société de développement des industries culturelles

(SODIC)

1979

Création du Conseil québécois de la recherche sociale (CQRS) et de l’Institut

québécois de la recherche sur la culture (IQRC)

1981

Adoption de la politique du 1 %, Politique d’intégration des arts à

l’architecture et à l’environnement des bâtiments et des sites

gouvernementaux et publics. Elle perpétuera la création et l’exposition

publique de plusieurs œuvres d’art au Québec.

1981

Inauguration du Studio du Québec à New York dans le quartier SoHo. Situé en

plein centre du New York artistique, le « Studio » permettra la prestation

d’artistes québécois de toutes disciplines.

1987

Adoption de la Loi sur le statut professionnel et les conditions d’engagement

des artistes de la scène, du disque et du cinéma.

1987-1988

Introduction des deux lois permettant aux artistes la négociation d’ententes

collectives, leur accordant un cadre juridique qui détermine leur statut

professionnel.

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de politique culturelle pour le Québec », dépose son rapport (Rapport Arpin) en juin 1992, avec à la clé une centaine de recommandations (113) (Saint-Pierre, 2003 ; Arpin, 1993). Publiée officiellement le 19 juin 1992, la politique culturelle du Québec « Notre culture. Notre avenir » amorce un virage caractéristique dans la nomenclature des résolutions politico-culturelles québécoises par son ambition et sa portée, par son envergure et son approche, par l’emballement inédit suscité dans la sphère parlementaire. En sus des 181 intervenants, des 264 mémoires reçus, « Les interlocuteurs clés, du milieu culturel étaient réunis au grand complet : artistes, créateurs, institutions culturelles, associations, mécènes, syndicats, industries culturelles, etc. » (Bonin, 1992 : 190). Si l’ancrage et le rayonnement de cette politique culturelle de 1992 sont tributaires d’un processus consensuel - concertation État-ministères-partenaires-milieux culturels, première politique culturelle québécoise issue de l’approbation parlementaire, plus de 57 000 000 $ additionnels pour sa mise en exécution, porteuse de mesures phares qui dynamisent le domaine culturel et artistique, telles que la modification de la Loi sur le ministère des Affaires culturelles et la création du Conseil des arts et des lettres du Québec (Saint-Pierre, 2003 : 22-23) —, ne serait-il pas objectif, pour dire avec Rosaire Garon (1994), que l’énoncé de politique « Notre culture. Notre avenir » infléchit de manière irrémédiable le cours des politiques publiques destinées à la culture ? Il apparaît alors que la politique culturelle du Québec de 1992 n’incarne pas une porte fermée sur le passé, mais reste néanmoins ouverte sur le futur culturel québécois et en pose même les jalons. De fait, détenant tout autant un pouvoir catalytique sur le développement artistico-culturel de la société, l’État québécois, face au « contexte de mondialisation dans lequel se développe la culture québécoise »5, intervient dans divers secteurs du domaine culturel pour, entre autres interventions, soutenir les créateurs et les arts, ou encore encourager la participation citoyenne à la vie culturelle. Toutefois, il nous semble important de mentionner que, malgré la place de la culture dans la société vivante québécoise, entre sa trajectoire historique et son évolution sociopolitique, l’émergence du secteur culturel comme dossier gouvernemental ne s’est pas faite de manière apaisée.

En effet, bien qu’à la faveur de la Révolution tranquille, l’avènement du ministère des Affaires culturelles (MAC) en 1961 ait plus ou moins contribué à l’émancipation du secteur culturel et artistique des carcans du cléricalisme et du mécénat d’un côté, du dirigisme culturel arbitraire de l’interventionnisme étatique de l’autre, et, malgré des projets phares orchestrés par divers gouvernements entre la création du MAC et l’aube de la décennie quatre-vingt-dix [le Livre blanc de

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la culture (1965), le Livre vert pour l’évolution de la politique culturelle (1976), La politique québécoise du développement culturel (1978), le Bilan-action-avenir (1988)] (Saint-Pierre, 2003), le

secteur culturel québécois, malgré son essor fulgurant a été considéré comme une « simple mission verticale », ce qui explique le fait qu’il ne jouissait pas d’une « place prépondérante » dans les grands axes de la politique gouvernementale6. Et, c’est en réaction à cette posture stratégique des gouvernements québécois de la période précitée, soit entre 1961 et 1991, posture à interprétation variable, que l’on pourrait expliquer par une certaine mésestimation de la mission horizontale de la culture qui non seulement gauchit l’image et l’importance du secteur culturel aux yeux des dirigeants, mais qui hypostasie également la conscience du pouvoir décisionnaire, que les artistes, dans leurs activités émancipatrices, maintiennent vivant et très haut le flambeau contestataire. Dans son ouvrage

La politique culturelle du Québec de 1992 : continuité ou changement ? Les acteurs, les coalitions et les enjeux, Diane Saint-Pierre (2003 : 15), prenant pour appui Dumont (1991) et Meisel (1998), relève

distinctement cette ambivalence des politiques culturelles oscillant entre l’encadrement nécessaire aux artistes, d’un côté, et le dirigisme de l’interventionnisme étatique, de l’autre. Elle note :

Pour Dumont, il est important de distinguer les politiques culturelles, celles souhaitées par les créateurs, écrivains et artistes qui réclament le soutien de l’État, et la politique de la culture, celle dont on se méfie parce que l’on craint « l’intervention de l’État dans le destin de la culture » (Dumont, 1991 : 161). Selon Meisel, il y a lieu d’évaluer les coûts ou les avantages, l’actif et le passif, de la proximité des gouvernements des activités culturelles, mais aussi les inconvénients qui en découlent. Car, selon lui, si le financement public a des conséquences bénéfiques, il comporte aussi ses dangers (Meisel, 1998 : 22).

Néanmoins, si l’on accepte comme axiome que les relations conflictuelles du tandem réunissant les entités en question soient antithétiques à toute œuvre commune, il demeure évident, du point de vue sociologique, que ces jeux et enjeux, ces actions et réactions, qui définissent les rapports entre l’État québécois et les acteurs du domaine de la culture dans les années plus haut mentionnées, demeurent, d’une part, indispensables pour amener les pouvoirs publics à comprendre que la culture est aussi un dossier gouvernemental de première importance. D’autre part, qu’il serait contre-productif pour l’État, pour les professionnels de la culture ainsi que pour la société québécoise elle-même d’en faire une préoccupation secondaire, voire facultative.

Par ailleurs, la contestation n’étant pas le processus d’objection « des existences ou des valeurs », mais l’idéation qui ramène à leurs dimensions respectives jusqu’à « la limite où s’accomplit la décision ontologique » (Foucault, 1994 : 21), de l’incidence des menées revendicatives apparaîtront

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le poids des associations d’artistes dans la balance des politiques publiques destinées à la culture ainsi que l’immédiateté de leur rôle d’interlocuteurs déterminants.

Le long passage qui précède nous montre comment la culture a progressivement pris place dans l’éventail des dossiers du gouvernement québécois. Cela ne s’est pas fait du jour au lendemain. Le point de départ a été la Révolution tranquille, cette fameuse période où le gouvernement québécois a décidé d’ouvrir le grand chantier de la modernisation de tout le Québec, de fond en comble et dans tous les domaines de la vie sociale. Cette grande volonté politique du gouvernement a permis dès le début des années 1960 d’installer les dispositifs institutionnels nécessaires à une bonne administration de la culture pour son développement à l’échelle de la province.

1.1.4. Troisième forme d’interventionnisme gouvernemental dans le domaine de la

culture : du début des années 1990 à nos jours.

Cette volonté de l’État québécois de concourir au développement culturel de la province reste réelle et vivante au cours de la présente période, mais l’époque a changé. L’interventionnisme de l’État n’a plus la même forme. D’une part les professionnels de la culture eux-mêmes se sont affirmés au fil du temps pour faire avancer leur domaine d’activités ; d’autre part, l’État lui-même, dans ce contexte de grande mondialisation libérale, a partout dans le monde occidental changé sa manière de gouverner. En effet, l’État n’a plus pour mission que de permettre aux divers secteurs dont il s’occupe de fonctionner en termes d’administration et de logistique, mais pour l’évolution générale ou la dynamique interne de ceux-ci, il laisse le soin aux acteurs professionnels de s’occuper de leur domaine de création et de production.

Depuis les années 1990, c’est cette dynamique participative qui prévaut au Québec. Cette dynamique consacre la troisième forme d’interventionnisme gouvernemental dans le domaine de la culture. Il serait même plus exact de parler d’intervention plutôt que d’interventionnisme, car à la différence de la période qui va du début des années 1960 à la fin des années 1980, les années 1990 ouvriront une nouvelle page consacrant le choix d’adopter une nouvelle forme d’intervention basée cette fois-ci sur le partenariat entre l’État et les différents acteurs du domaine culturel. Mais, à y regarder de plus près, cette tendance ne date pas catégoriquement des années 1990, ses prémisses pouvant être repérées dès la fin des années 1970. L’Entente de développement culturel en est l’exemple le plus illustratif. Nous allons présenter ce dernier dispositif, qui est le grand pilier de la politique culturelle de la Ville de

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Québec et dans lequel s’inscrit pleinement la mesure Première Ovation sur laquelle porte notre recherche.

1.2. L’ENTENTE DE DÉVELOPPEMENT CULTUREL DE 2009-2012

L’Entente de développement culturel est un outil d’administration et de planification déclinant les orientations gouvernementales/ministérielles et le plan d’action local ou régional en matière de culture et de communications dans un cadre partenarial. Cet accord entre le ministère de la Culture et des Communications (MCC) et une municipalité ou une municipalité régionale de comté (MRC), auquel peuvent s’adjoindre d’autres partenaires, s’étale sur une période de trois ans et se définit comme une structure dynamique et accommodante qui, de la politique culturelle aux priorités municipales, acte le dessein de maintenir et d’accroître l’importance de la culture québécoise (Cadre de référence – Entente de développement culturel, 2011). Subséquemment, les secteurs d’intervention du ministère de la Culture et des Communications sont divers ; entre autres, on peut citer : la muséologie, le patrimoine, le tourisme culturel, ou encore les arts. Dans le cadre de l’Entente de développement culturel 2009-2012, le secteur des arts qui représente le domaine cible de notre étude englobe des artistes en arts de la scène, en arts visuels, en arts médiatiques et numériques, en arts littéraires, etc.

Ce type d’entente, où d’autres partenaires publics ou privés peuvent également se joindre, se veut un outil de planification, de gestion, de concertation, de collaboration souple et de regroupement qui favorise la prise en compte des particularités locales et régionales, dans une perspective de développement culturel régional (Cadre de référence — Entente de développement culturel, 2011).

Le choix de la ville retenue pour situer géographiquement le champ de la recherche s’explique autant par le fait que les actions de soutien au développement culturel de la Capitale-Nationale ont été accentuées que par la nécessité manifestée par le MCCCF et la municipalité de Québec elle-même d’évaluer les programmes culturels à l’aune de leurs objectifs de départ, ainsi que des moyens qui y sont investis pour en « faire un des moteurs du développement économique de la Capitale-Nationale » (Entente de développement culturel – 2009-2012, bilan 2009-2010).

Établie en 1979, l’Entente de développement culturel entre le ministère de la Culture et des Communications et la Ville de Québec a permis à cette dernière localité de multiplier les programmes et de diversifier ses domaines d’intervention. Cette entente fait figure de plateforme

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d’accompagnement stratégique du domaine de la culture dans la diversité de ses secteurs. L’Entente innove en continu, mais elle prend également le soin d’évaluer en permanence ses programmes pour pouvoir être à chaque fois en disposition de mieux agir autant pour les organismes œuvrant dans le domaine de la culture que pour les artistes ou producteurs d’œuvres culturelles dans leur cheminement personnel et actif. C’est justement en lien avec ce dernier type d’aide personnalisée que l’Entente de développement culturel a permis la mise en place d’un programme d’aide à la relève nommé Première Ovation.

1.2.1. La mesure Première Ovation à Québec

Créée en 2008, la mesure Première Ovation s’inscrit dans le cadre de l’Entente de développement culturel entre le ministère québécois de la Culture et la Ville de Québec. Elle figure en bonne place dans le dispositif actif de l’Entente. Elle inscrit son action dans l’innovation permanente et élargit sans cesse son champ d’action et avec une seule vocation : assurer à la ville de Québec une relève de qualité dans le domaine de la création d’œuvres culturelles. Depuis 2009, Première Ovation travaille avec deux consultants ayant respectivement en charge la coordination générale des différents aspects de la mesure ainsi que la communication pour une meilleure visibilité de celle-ci autant auprès du public que des potentiels partenaires. Première Ovation ratisse large, intègre tous les secteurs culturels en mouvement et cherche à encourager la créativité en fournissant un appui financier et en mettant à la disposition de chacun de ses bénéficiaires un mentor. À ce titre, pour bénéficier du programme d’aide à la relève artistique, tel que Première Ovation Arts littéraires, Première Ovation Théâtre, Première Ovation Arts visuels, les candidats sont astreints à certains critères d’admissibilité dont les constants restent l’âge et la résidence, à savoir être âgé de dix-huit à trente-cinq ans au moment du soutien et habiter le territoire de la Ville de Québec ou de Wendake. D’autre part, tout en faisant abstraction des secteurs non pris en compte par l’étude, pour la période étudiée (2009-2012), en Arts littéraires, la bourse octroyée était de 1 000 $ en 2009-2010 et a augmenté en 2011-2012 à 1 800 $. En Arts visuels, la bourse de projet, qui vise à soutenir un projet à l’étape de la création, de la production, ou encore de la diffusion, que ce soit au Québec ou à l’extérieur de la province, était de 5 000 $. En Théâtre, pour un projet de production/diffusion, l’aide maximale aux collectifs de la relève ou à des artistes de la relève était de 60 % du coût total du projet, jusqu’à concurrence de 10 000 $, et 75 % du coût total du projet, jusqu’à concurrence de 4 000 $ pour un projet exploratoire

Figure

Tableau 1 : Mesures gouvernementales en fonction des années
graphique  QC
Tableau 4 : Budget alloué aux différents axes du volet développement culturel

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