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4. RELIANCE SOCIALE

4.1 Marques de liance

Pour Vassevière, Vigier, Vassevière et Lancrey-Javal (2014), la présence du narrateur dans un texte est perceptible à travers les traces écrites qu’il laisse selon la situation dans laquelle il est appelé à communiquer. En ce sens, les marques énonciatives de liance à l’écrit laissées à travers les échanges verbaux asynchrones décrits par Quintin et Masperi (2010) peuvent refléter le souci que ce dernier accorde à la qualité relationnelle de ce qu’il désire communiquer à l’attention de son lecteur. L’interlocuteur manifeste de ce fait : « une sollicitude affectueuse et bienveillante vis-à-vis du ou des destinataires. » (p.9) En d’autres termes, ces marques servent à décrire un comportement affectueux manifesté à l’égard d’un individu par un autre individu. Elles indiqueraient « l’effort énonciatif consenti par le locuteur pour soigner la qualité de sa relation à l’autre. » (Ibid., paragr. 40) Bref, on pourrait dire que ces marques de liance sont connotées affectivement et qu’elles sont surtout employées pour appuyer émotionnellement un discours écrit communiqué en mode asynchrone. Le tableau suivant présente les différentes marques de liance repérées à travers le discours écrit asynchrone de personnes étudiantes de cycle universitaire (Ibid.).

Tableau 1

Description des marques de liance dans un discours écrit asynchrone (Inspiré de Quintin et Masperi, 2010)

MARQUES DE

LIANCE DESCRIPTION

Diminutif Surnom ou raccourci du prénom.

Émoticône Symboles qui permettent aux interlocuteurs d’exprimer la dimension relationnelle et émotionnelle de leur échange.

Ouverture-clôture

Formules d’ouverture et de clôture connotées émotionnellement

o Formules standards

▪ Mots ou expressions employés dans un français standard

o Formules non standards

▪ Mots ou expressions familiers inventés

Vœu Souhait exprimé en contexte avec ce qui est vécu par le destinataire du message (et non ritualisé). Empathie Expression d’un réconfort, d’une compréhension ; volonté de rassurer. Appréciation Expression d’un enthousiasme, d’une appréciation vis-à-

vis de l’Autre ; félicitations et compliments.

Satisfaction Formulation expressive qui témoigne d’une satisfaction de

la part de l’émetteur.

Remerciement Formule de remerciements connotée émotionnellement ou

fortement exprimée.

Premièrement, les surnoms ou diminutifs du prénom peuvent témoigner de la proximité entre deux individus. L’usage d’un diminutif représente le fait d’interpeller directement un individu d’une manière similaire à celle que les gens plus proches de lui dans son cercle social utilisent, et constitue par conséquent une formulation hypocoristique (Quintin et Masperi, 2010). Dans le cadre de leur recherche, Quintin et Masperi (2010) émettent toutefois une réserve quant à l’usage hypocoristique des diminutifs durant l’acte d’interpellation. Il est effectivement difficile de déterminer l’intention dite illocutoire derrière celui-ci, c’est-à-dire son sens au-delà de ce que propose le texte. Ils proposent même que ces usages « dits

caressants », marqués et non marqués, soient difficiles à distinguer, puisqu’ils ne sont pas en mesure de déterminer, d’un sujet à l’autre, la valeur hypocoristique exacte des diminutifs qui sont proposés. En ce sens, il nous semble intéressant d’étudier la récurrence des usages marqués, soit l’usage du prénom, des usages non marqués, soit l’usage du nom complet dans ce contexte de pratique.

Deuxièmement, les émoticônes sont des marques de liance, puisqu’ils représentent des icônes, des symboles utilisés pour exprimer une émotion et pour l’imager. Ce sont plus spécifiquement des « signes codés qui transmettent des informations sur la dimension relationnelle et émotionnelle de l’échange initié par l’émetteur. » (Marcoccia, 2000, p. 249, dans Quintin et Masperi, 2010, paragr. 44) En ce sens, ils permettent de rapprocher l’émetteur du destinataire par la communication de la façon dont ceux-ci se sentent derrière leur écran au moment où ils communiquent par écrit en mode asynchrone.

Troisièmement, les formules d’ouverture et de clôture connotées émotionnellement correspondent aussi à des marques de liance. Il peut s’agir de formules standards, exprimées dans un français standard, ou de formules non standards, c’est-à-dire lorsqu’il s’agit de formulations familières ou de formulations créées de toutes pièces par l’émetteur selon le contexte (ex. : possibles néologismes). Certains exemples de formules standards et non standards « dénotant un éthos de proximité et traduisant des manifestations d’affection » (paragr. 43) sont proposés par Quintin et Masperi (2010). Elles vont comme suit : formules standards « je vous embrasse ; gros bisous ; bisous à vous ; coucou les filles… »(Ibid.), formules non standards « kikoo ; jvous embrasse ; bisouuu ; bizzouxx ; bezoo… » (Ibid., paragr. 43) Il est important de rappeler que leur cadre de référence a été utilisé pour étudier les marques de reliance sociale présentes au sein de sous-groupes de travail composés de personnes étudiantes en formation à distance en mode asynchrone. Dans un contexte plus formel où un formateur s’adresse simultanément à de multiples personnes étudiantes dans le cadre d’une FOAD, des formulations d’ouverture ou de clôture telles que « bien cordialement ; chères étudiantes et chers étudiants ; au plaisir de

vous voir demain, etc. » peuvent être envisagées. Elles ne seraient toutefois pas aussi fortement connotées affectivement que celles qui ont été relevées par Quintin et Masperi (2010), le contexte plus formel l’obligeant.

Quatrièmement, le vœu non ritualisé est une marque de liance qui permet de témoigner son attachement à l’égard d’un destinataire. On dit de celui-ci qu’il est non ritualisé, c’est-à-dire qu’il doit être associé à ce qui est vécu par le ou les destinataires plutôt qu’être exprimés comme une formule de politesse. Par exemple, l’utilisation de la formulation suivante « bonne journée », à la fin d’un courriel, est une marque de politesse et non un souhait non ritualisé dirigé à l’endroit de quelqu’un. En ce sens, Quintin et Masperi (2010) proposent plusieurs exemples de formules moins fortement ritualisées qu’ils qualifient de votives et « qui, de ce fait, véhiculent une réelle valeur expressive (bon rétablissement ; bon travail à toi ; joyeux anni ; bonne récup ; bon courage…).» (Ibid., paragr. 43) En d’autres termes, il s’agit d’un souhait senti et contextualisé offert par l’émetteur à son destinataire.

Cinquièmement, les marques d’empathie permettent de témoigner son réconfort à l’endroit d’un individu. Ces marques d’empathie sont des actes bienveillants servant à « réconforter, rassurer, consoler (pas grave ; ne t’inquiète pas ; ça va aller ; ne t’en fais pas ; courage !...). » (Ibid., paragr. 43) L’empathie s’inscrit dans une logique de résonance émotionnelle (Charrier et Lerner-Sei, 2011). Les marques d’empathie permettraient donc un renforcement positif émotionnel qui amène les individus à se soutenir pour mieux faire face à ce qu’ils vivent. Dussarps (2014) souligne toutefois la différence entre l’empathie et la sympathie, qui implique la capacité de se mettre à la place d’une autre personne sans toutefois ressentir ses émotions. Pour une personne formatrice en FOAD, cette marque de liance pourrait être observée dans une langue plus standard qui se prête au type d’échanges qui ont cours entre ceux-ci et les personnes étudiantes.

Sixièmement, les marques de liance peuvent témoigner de l’appréciation de l’émetteur à l’égard de son destinataire. Il s’agit de l’« expression d’une appréciation marquée, [de] compliments, [de] félicitations, [d’] expressions d’enthousiasme (vraiment bien ; super bien ; nickel ; impec ; bien vu…).» (Quintin et Masperi, 2010, paragr. 43) L’appréciation implique donc de communiquer ses sentiments positifs, ses perceptions, son point de vue à son destinataire de manière à rendre compte d’un travail accompli, d’une action posée, d’une réalisation ou autre.

Septièmement, la marque de liance de satisfaction représente une formule expressive qui permet d’exprimer le contentement d’un émetteur à l’égard de son destinataire. Contrairement à l’appréciation, plutôt que de se concentrer sur l’expression d’un enthousiasme vis-à-vis de l’autre, elle se traduit de manière introspective en étant centrée vers l’émetteur. Celui-ci communique à son destinataire le sentiment positif que lui procure son action. Par exemple, l’expression d’une formule non standardisée (français non standard) de satisfaction marquée peut se traduire comme suit : (suis content ; yeah ; yeaa ; très chouette… » (Ibid.) alors que les formules plus standardisées pourraient proposer des formes telles que : je suis contente du travail que vous avez accompli.

Finalement, les formules de remerciements connotés émotionnellement ou fortement exprimées sont également considérées comme des marques de liance. Comme c’est le cas pour les marques de satisfaction, les remerciements témoignent d’un sentiment positif du point de vue de l’émetteur partagé par celui-ci à son destinataire. Les marques expressives telles que « merciii ; merci à… ; merci merci ; merci bizou ; grand merci ; merci beaucoup !… » (Ibid., paragr. 43) en sont quelques exemples.

En somme, les marques de liance constitueraient des traces écrites de la dimension affective de la relation humaine entre la personne enseignante et les personnes étudiantes au sein de la CoI. La prochaine section s’intéresse aux marques d’alliance, qui,

par la présence d’actes commissifs et directifs à travers le discours écrit asynchrone, amènent le destinataire à s’engager dans une tâche au profit d’un groupe de manière à créer, à proprement parler, une alliance pédagogique entre les membres de celui-ci engagé dans un travail commun.