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1. ENJEUX COMMUNICATIONNELS EN FORMATION OUVERTE À

1.2 Asynchronisme et rupture spatio-temporelle

En formation ouverte à distance, chaque individu prenant part au dispositif de formation poursuit un même objectif au sein d’un espace-temps virtuel et social où s’opèrent des interactions entre les individus. (Bourdet, 2010 ; Charrier et Lerner-Sei, 2011 ; Paquelin, 2011 ; Peraya, 2011 ; Dussarps, 2014) Cet espace-temps au sein duquel les agents humains du dispositif évoluent est représenté par l’environnement numérique d’apprentissage (ENA), qui propose des activités d’apprentissage tantôt synchrones, tantôt asynchrones aux personnes étudiantes au sein desquelles elles peuvent interagir (Develotte

et Mangenot, 2010). L’accès en tout temps à des modalités de communication asynchrone en FOAD comme le courriel, les forums, les blogues, les wikis, les sites Webs, la plateforme Moodle, les plateformes hébergées dans les nuages, les applications Google, l’application Microsoft Office 365, Voicethread ou autres (Loisier, 2014) permet l’élargissement du cadre spatio-temporel de ce contexte de formation étant donné qu’elles sont réparties de manière à ce que la présence4 de la personne formatrice et de la personne étudiante ne soit pas requise dans l’environnement numérique d’apprentissage (ENA) de manière simultanée (Charrier et Lerner-Sei, 2011 ; Charlier, Peraya et Deschryver, 2006 ; Xie, DeBacker et Ferguson, 2006, dans Xie, 2013 ; Guri-Rosenelt, 2009, dans Gikand, Morrow et Davis, 2011).

L’élargissement du cadre spatio-temporel qu’amène cette notion d’asynchronisme constitue aussi un défi significatif sur le plan communicationnel entre les agents humains du dispositif de formation. (Charrier et Lerner-Sei, 2011, Gikand, Morrow et Davis, 2011) Sur le plan temporel, comme il a été mentionné antérieurement, elle entraine une désynchronisation de leurs actions au sein de celui-ci, qui est présenté comme limitatif sur le plan de l’établissement d’une relation pédagogique à distance et sur le plan spatial, elle implique une absence physique de la personne enseignante durant la formation (Charrier et Lerner-Sei, 2011 ; Peraya, 2011). N’ayant pas toujours accès à des réponses rapides de la part de la personne enseignante au moment où la personne étudiante utilise les outils de communication asynchrone mis à sa disposition dans l’ENA, celle-ci peut ressentir un sentiment d’isolement social (Marchand, 2001 ; Bourdet, 2010 ; Denami et Marquet, 2015 ; Dussarps et Paquelin, 2015). Ce dernier serait plutôt issu de « l’individualisation de

4 Le concept de présence à distance, comme le rappelle Loisier (2014), est issu du modèle autoportant des cours par correspondance. Par conséquent, nous sommes consciente qu’il n’a plus la même résonnance dans un modèle de FOAD, étant donné la variété d’outils technologiques textuels et audiovisuels disponibles dans les environnements d’apprentissage qui permettrait de simuler une certaine présence à distance, notamment par les interactions qu’ils permettent. (Ibid) Par le biais des dispositifs d’apprentissage soutenus par l’environnement numérique, autant la personne étudiante que la personne enseignante sont amenées à interagir à distance plutôt que de se former sans aucun contact social avec les autres. (Paquelin et Dussarps, 2014)

la formation et non pas de l’outil [TIC] » (Dussarps, 2014, p.145). Advenant un manque de clarté perçu par la personne étudiante à l’égard de la documentation du cours, de consignes ou d’interventions écrites de la part de la personne enseignante, elle pourrait être réticente à demander des clarifications étant donné l’absence de contact humain. (Ibid., 2014) Ce manque de clarté perçu par certaines personnes étudiantes à l’égard du déroulement de la FOAD qu’elles suivent peut également être occasionné par une faible fréquence, voire d’une quasi-absence de communication avec la personne enseignante au fil des semaines de cours et peut représenter une source d’anxiété pour les personnes étudiantes (Deschryver, 2008 ; Quintin, 2008 ; Audet, 2011 ; Dussarps, 2014). Non seulement les personnes étudiantes se retrouvent restreintes dans leurs interactions avec les autres agents humains du dispositif de formation (pairs et personne formatrice) lorsqu’elles communiquent à l’écrit en mode asynchrone, mais leur accès aux éléments sensoriels (voix, visage, etc.) est également limité (Ibid.). L’asynchronisme des échanges écrits complexifie la dynamique communicationnelle entre les agents humains d’un même dispositif de formation à distance, car elle en délaisse la dimension non verbale (Kehrwald, 2008 ; Paquelin et Dussarps, 2014). Effectivement, l’expressivité associée à l’action de communiquer en temps réel, qui peut être représentée par le langage non verbal, ainsi que par les particularités associées au ton employé, au débit de parole et aux autres éléments prosodiques auxquels nous avons recours pour nous exprimer ne peut être aussi facilement communiquée en mode synchrone qu’à l’écrit en mode asynchrone (Hrastinski, 2008).

De plus, il convient de spécifier que le caractère numérique d’une ressource « […] n’a par lui-même aucune prescription interprétative : une ressource numérique ne dit pas par elle-même comment il faut la lire et l’interpréter. » (Crozat, Bachimont et Cailleau, 2011. p.14) Même si le destinataire bénéficie de davantage de temps pour réfléchir au message qu’il souhaite communiquer en mode asynchrone, il ne peut garantir que son message sera reçu exactement de la manière dont il l’entend. (Hrastinski, 2008 ; Dussarps, 2014) Comme le souligne ce dernier « des incompréhensions peuvent avoir lieu lors

d’échanges (ex. un courriel rend difficilement compte des émotions et peut être mal interprété), pouvant affecter la confiance entre individus. » (Dussarps, 2014, p.147) Contrairement à la communication qui se déroule en face à face, la personne enseignante ne peut pas percevoir aussi facilement les signes d’incompréhension ou de mécontentement de la part des personnes étudiantes à la réception d’un message formulé à l’écrit. Elle ne peut donc pas rectifier ou préciser ses propos en temps réel pour éviter certains malentendus qui pourraient être dommageables à plus long terme sur la relation de confiance qu’elle bâtit avec les personnes étudiantes. Par conséquent, il est essentiel de choisir adéquatement ses mots et de peser leur poids en amont lorsqu’on désire développer une relation pédagogique en FOAD avec les personnes étudiantes à l’écrit en mode asynchrone.

En somme, cette désynchronisation de la communication, comportant des avantages sur les plans du développement de la compréhension du discours d’autrui, et de la pensée réflexive, peut également entrainer des conséquences défavorables sur l’établissement de relation pédagogique entre la personne enseignante et la personne étudiante, par exemple l’isolement social, et il peut entrainer des incompréhensions, voire des malentendus entre les individus d’un même groupe ou entre ceux-ci et la personne formatrice. La section suivante traite de la présence à distance en FOAD.