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1. PRÉSENTATION DES EXTRAITS SÉLECTIONNÉS

2.4 Hybride

En ce qui a trait aux marques hybrides, qui représentent 12,5 % de l’ensemble des marques de reliance identifiées à travers notre corpus, la diaphonie est la seule qui a été étudiée en profondeur dans le cadre de notre recherche. Rappelons qu’elle est tirée du cadre de Quintin et Masperi (2010). Il s’agit de reprises textuelles du discours d’autrui et de réinterprétations de celui-ci afin de démontrer que nous avons bien entendu ses besoins, sa requête, sa réponse, etc. dans le but de faciliter la poursuite d’un dialogue avec l’Autre. Il s’agit encore une fois d’une manière de déhiérarchiser les rapports sociaux que nous entretenons avec nos destinataires en nous plaçant au même niveau que ceux-ci et en reconnaissant leur propos à travers le nôtre. Comme nous n’avons étudié que nos interventions asynchrones auprès des personnes étudiantes par la présente recherche pour des considérations éthiques, nous n’avons pas pu étudier pleinement le concept de diaphonie au sein de notre corpus, qui implique entre autres de quantifier les interactions provenant de tous les membres d’une même communauté d’apprentissage restreinte pour en faire une analyse quantitative plus fine. Le concept d’hétérogénéité interactionnelle, qui s’intéresse aux disparités au sein des échanges, entre autres à la place que chaque interlocuteur occupe sur le plan communicationnel dans l’environnement virtuel (ex. : dominance de certains locuteurs à travers les échanges) peut alors être étudié. En ce sens, notre corpus à l’étude est homogène sur le plan de l’émetteur c’est-à-dire qu’il ne contient que celles d’un locuteur, la personne enseignante (nous). Néanmoins, de manière à adapter le concept de diaphonie au présent contexte de recherche, nous avons étudié les reprises et réinterprétations explicites du discours des personnes étudiantes réalisées par la personne enseignante sans pour autant déterminer si ces actes ont généré d’autres échanges. Il est à rappeler que ce n’est pas l’objet de notre recherche de mesurer la dynamique interactionnelle générée par les publications de la personne formatrice au sein de la communauté d’apprentissage asynchrone en FOAD.

Soulignons également que nous avons choisi d’écarter l’étude des interpellations nominales des individus sous prétexte que la grande majorité, voire la quasi-totalité des formulations était structurée de la même manière suivante : Bonjour M. Nom ; Bonjour Mme Nom (ouverture de texte) et peu, voire aucune, assertion n’a été relevée à travers notre discours écrit asynchrone. Bref, ces apostrophes nominales ne représentent pas, dans le cadre de cette recherche, des marques énonciatives probantes à étudier. Bref, la prochaine section s’intéresse plus en détail à la forme que peuvent prendre les marques de diaphonie retrouvées à travers notre corpus d’artefacts écrits asynchrones.

2.4.1 Marques de diaphonie

Dans cette sous-catégorisation de marques énonciatives hybrides, nous observons souvent un rapport de causalité entre ce qui nous a été exprimé par le destinataire et ce que nous lui répondons (visée réactive de nos écrits). En fait, nous sommes parfois amenée à réagir aux propos du destinataire de diverses manières. L’une d’elles serait de proposer une action que nous nous engageons à réaliser au profit du groupe (actes commissifs), comme en témoignent les exemples ci-dessous. Dans les deux premiers, nous faisons explicitement référence à la demande de la part des personnes étudiantes [à la demande de ; précisions demandées], tandis que dans le troisième, ladite demande à laquelle nous réagissons n’est pas explicitement nommée (soit la demande d’obtention des points perdus aux questions 5 et 8).

• « Ce soir, à la demande de quelques étudiants, j’ai décidé d’organiser une séance WebEx de reprise du contenu de la séance de mercredi dernier (sur la ponctuation) pour les accommoder compte tenu des problèmes techniques qui ont eu lieu. Étant donné que la séance qui avait finalement été donnée en mode accéléré était enregistrée, vous aviez également la possibilité de la revisionner. »

• « Voici les précisions demandées en ce qui a trait à la synthèse sur la ponctuation […] » ;

choix de réponse. Je ne peux donc malheureusement pas vous redonner vos points, puisqu’il n’y avait rien à écrire, seulement à cocher. »

• « Vous pouvez tout à fait présenter votre rapport de suppléance (RS) sous forme de tableau. » ;

• « Sans plus attendre, je vous renvoie mes réponses à vos questions ! […] » Nous observons que les marques diaphoniques explicites contiennent les termes comme « demande, demandées, questions » ou un vocabulaire issu du même champ lexical ou de préfixes tels que « re » pour faire référence à une action réalisée en réaction à une autre « redonner, renvoie ». À l’inverse, les marques diaphoniques plus implicites nécessitent la connaissance du contexte d’énonciation pour être identifiées. Les troisième et quatrième exemples ci-dessus illustrent le cas décrit, soit le fait qu’il est impossible d’acquiescer à la demande du destinataire, soit de lui redonner ses points ou qu’il est tout à fait possible pour lui de remettre son travail pratique dans un format spécifique (en tableau), comme le destinataire le croyait. Cette dernière marque fait plutôt état d’une validation ou d’une invalidation d’une logique, d’une pensée ou d’un raisonnement proposé par le destinataire au même titre que les exemples ci-dessous.

« Enfin, le cours de cette semaine se déroulera, comme vous le pensiez, ce mercredi et traitera de l’orthographe grammaticale. Vous n’étiez donc aucunement perdue ! :)»;

« Ainsi, la structure de la phrase était “complément-verbe-sujet” plutôt que “sujet-verbe-complément”, ce qui a pu vous induire en erreur. » ;

« En fait, l’expression “suite à” est considérée comme un emploi critiqué par les grammairiens puristes. Toutefois, elle est de plus en plus utilisée en contexte commercial en guise de formule d’introduction (ex. : Suite à cette rencontre, je vous convoque à mon bureau). Je vous recommande plutôt l’expression “pour faire suite à” dans un contexte similaire pour éviter toute ambiguïté. » ;

« Exemples : À la suite de son mariage, Jacinthe nous a écrit plusieurs fois. Et non : *suite à son mariage. Le départ de l’avion a dû être retardé à cause

de la tempête. Et non : *suite à la tempête. Il est toutefois à préciser que le nom “suite” et la préposition “à” peuvent être employés dans un contexte bien précis : celui où il est littéralement question de la suite de quelque chose. Exemple : Est-ce qu’il y a une suite à cette série télévisée ? »

Ces marques diaphoniques sont tantôt utilisées dans une logique explicative, tantôt dans une logique rectificative. Les expressions telles que « comme vous le pensiez » ou « ce qui a pu vous induire en erreur » nous amènent à expliquer ce qui a amené le destinataire à faire une erreur. D’un autre côté, on retrouve des expressions comme « plutôt » ou « et non… » qui nous invitent à corriger le destinataire par rapport à un commentaire, une justification ou un raisonnement grammatical, dans le contexte précis. Encore une fois, ce dernier cas de figure nécessite une certaine connaissance du contexte d’énonciation pour en saisir le caractère diaphonique.

En somme, à la lumière de la présentation de ces marques de reliance sociale et de leur illustration au moyen d’exemples tirés de notre corpus d’interventions écrites asynchrones, nous pouvons effectivement affirmer que le cadre de Quintin et Masperi (2010) nous a permis d’éclairer les intentions communicationnelles derrière nos interventions écrites, qui ne sont pas exclusivement de nature socioaffective. En effet, nous notons que plusieurs de ces marques, lorsqu’elles sont considérées individuellement, sont davantage liées à la manifestation des présences cognitive ou enseignante à distance que sociale. Toutefois, dans les faits, les artefacts écrits recensés contiennent des agencements de marques de reliance qui nous amènent à nous interroger entre autres sur la place de la présence sociale (traces de liance) à travers les interventions à caractère pédagogique ou organisationnel (Quintin, 2008). Ainsi, après avoir présenté les différentes marques de reliance sociale identifiées à travers notre corpus de recherche, nous illustrons leurs différents agencements dans la section suivante. Nous proposons pour ce faire de vérifier les hypothèses quant à leurs agencements, que nous avons notés dans notre journal de bord en parallèle à notre démarche de codage dans Nvivo, à partir des résultats de nos requêtes d’encodage matriciel.

3. CONFRONTATION DES HYPOTHÈSES DE RECHERCHE ET DES