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Le management de projet

Dans le document Église et management : quel témoignage ? (Page 85-88)

I. Typologie du management

5. Les théories actuelles du management

5.7. Le management de projet

Il n’existe pas de livres qui traitent de manière universelle et générale du management de projet tellement un projet peut être de nature différente : lancement d’un nouveau produit, conception d’une sonde spatiale, réorganisation d’un secteur d’une entreprise, construction d’un bâtiment, mais aussi édification d’une pyramide ou d’une cathédrale, montage d’un spectacle ou déménagement d’un site. Ce qu’on peut appeler une théorie de management de projet est en fait surtout "« une collection articulée de bonnes pratiques » tirée principalement de l’étude des grands projets d’ingénierie

nord-124 Jean-Daniel DELLEY, "Nouvelle gestion publique : le débat n’est pas clos", inDomaine public, no 1283, Lausanne, 9 janvier 1997.

125 Paolo URIO, "La gestion publique au service du marché", art. cit., p. 97.

américains"126. Cependant, on trouve un certain nombre d’invariants communs à tous ces projets différents qui permettent d’écrire des ouvrages d’introduction127.

Le management de projet apparaît dans les années 1950-1960, surtout dans le secteur de grands programmes d’ingénierie comme le domaine spatial, nucléaire ou militaire. Le plus ancien article traitant explicitement du management de projet est celui publié par Paul Gaddis dans la Harvard Business Review en 1959128. Dans cet article, le manager de projet est considéré comme "un intégrateur des contributions de différents métiers qui améliore l’efficacité du rendement"129. Ainsi, ce chef d’équipe est quelqu’un qui rajoute à ses compétences de base celle de réunir différents corps de métier pour réaliser une action programmée. Le management de projet peut être considéré "comme l’ensemble des actions engagées par une entreprise afin de déterminer un projet, de le lancer et de le réaliser"130. Cette première période est celle de la fixation du vocabulaire de cette technique managériale et de codification des pratiques.

D’après Christophe Midler, le projet se définit comme une activité :

– visant à atteindre un but global : un projet est l’engagement d’une responsabilité de résultat ; il s’agit de réussir tout le projet ;

– spécifique, singulière et non répétitive131 ; – qui répond à un besoin spécifique ;

– qui est soumise à l’incertitude : un projet étant appelé à structurer une réalité à venir, il flotte toujours une certaine incertitude autour du résultat ; la question de la mobilisation, de la communication et de la coordination des activités du projet sont toutes marquées par cette caractéristique ;

– temporaire : tout projet a un début et une fin clairement définis ; cela signifie que ce qui est fait dans ce cadre a un caractère irréversible ; l’anticipation et la résolution des problèmes en amont sont un des principes essentiels du management de projet ;

– soumise à des variables exogènes : un projet est très sensible aux influences des événements et des acteurs extérieurs à l’entreprise ou à l’entité qui le pilote.

126 Gilles GAREL, Le management de projet, La Découverte, Paris, 20112, p. 8. La citation à l’intérieur de la citation provient de Mats ENGWALL, "The project concept(s) : on the unit of analysis in the study of project management", in LR.A. LUNDIN et C. MIDLER (dir.),Projects as Arenas for Renewal and Learning Processes, Kluber, Boston, pp. 26-35. Garel ne mentionne pas explicitement la page d’où est tirée la citation.

127 Par exemple celui de Gilles GAREL, op. cit., sur lequel nous nous sommes principalement appuyée pour écrire ce paragraphe.

128 D’après Gilles GAREL,op. cit., p. 4. Le titre de cet article estThe Project Manager et est consultable en anglais sur la page http://www.nickols.us/ThePM.pdf (accédé le 17.11.2014).

129Ibid., p. 4.

130Ibid., p. 6.

131 Au contraire des activités habituelles d’une entreprise qui sont appelées à se répéter.

Ainsi "un projet est un processus concomitant où, au fur et à mesure des différentes phases d’avancement, les degrés de liberté diminuent tandis que le niveau de connaissance s’accroît. Autrement dit, en début de projet, on ne sait pas grand-chose, mais on peut tout faire tandis qu’à la fin de projet on ne peut plus rien faire alors qu’on a tout appris"132.

Jean-Paul Boutinet, lui, y voit trois caractéristiques :

– l’exemplarité : le projet s’éloigne du banal et du quotidien pour renvoyer à de l’inédit ; – l’opérativité : le projet n’est pas une intention ou un rêve, mais s’incarne concrètement dans une réalisation ;

– la pronominalisation : le projet n’est pas anonyme, mais il est rattaché à un acteur individuel ou collectif.

À ces trois caractéristiques s’ajoute le fait que le mot projet est connoté positivement et qu’il est évocateur pour tout un chacun133.

Avec la fin des Trentes Glorieuses et la crise qui s’installe dans le monde des entreprises, le management de projet entre lui aussi en crise et doit se renouveler.

Désormais, il ne concerne plus seulement l’ingénierie traditionnelle et séquentielle134, mais une nouvelle ingénierie se met en place, que l’on appelle concourante. Ici, il s’agit de gagner du temps et d’être "bon du premier coup"135 : ainsi, les différentes phases du projet se chevauchent. On n’attend pas que la phase précédente soit terminée pour commencer la suivante, tout s’enchaîne selon un planning prédéterminé.

Pour déterminer quand on fait quoi, le pilotage de projet sépare la planification (le quoi) et l’ordonnancement (le quand). Il s’agit tout d’abord, avec la planification, de décomposer le projet en tâches spécifiques puis de définir la séquence selon laquelle ces

132 Christophe MIDLER, "Modèles gestionnaires et régulations économiques de la conception", in Gilbert

DE TERSSAC et Erhard FRIEDBERG (dir.),Coopération et conception, Toulouse, Octares, 1996, pp. 63-85, cité par Gilles GAREL,op. cit., sans précision des pages de citation. La citation entre guillemets est le texte de Gilles Garel, et non celui de Midler.

133 Jean-Paul BOUTINET, L’anthropologie du projet, 1993, rééd. 2004, p. 35, cité par Gilles GAREL, op. cit., p. 3.

134 L’ingénierie séquentielle ne fait démarrer une nouvelle étape du projet que lorsque la précédente est terminée.

135 La technique du "bon du premier coup" est une technique visant à réduire les pertes de temps, les gaspillages et les opérations de tri, de vérification ou de reprise. Cette technique provient entre autres des usines Toyota, qui ont mis en place une technique appelée Lean Manufacturing. "LeLean Manufacturing est un terme inventé par le MIT aux États-Unis, en se basant sur le système de production Toyota (TPS)". LeLean Manufacturing "consiste à ne conserver que les actions à valeur ajoutée. [...] Il prône la réduction systématique des pertes de production." Pour plus d’informations, on se reportera utilement au livre d’Olivier FONTANILLE, Éric CHASSENDE-BAROZ, CharlesDE

CHEFFONTAINES et Olivier FRÉMY,Pratique du Lean, Paris, Dunod, 2010 dont on trouve un résumé sur internet : http://www.marris-consulting.com/medias/fichiers/201009_pratique_du_lean_lecture_

du_mois_marris_con.pdf (accédé le 18.11.2014) et dont proviennent les citations.

tâches doivent ou peuvent être réalisées136. Ensuite, l’ordonnancement prévoit de manière rigoureuse le laps de temps dévolu à chaque tâche et l’insère dans un vrai calendrier, qui tient compte des jours chômés et des ressources à disposition. Des programmes informatiques ont été créés pour gérer ces planifications. Le plus connu et le plus ancien d’entre eux est le Gantt137.

En 1992, l’Afitep (Association francophone de management de projet) et l’Afnor (Association française de normalisation) ont développé un vocabulaire francophone de management de projet en créant la norme X50-105. Cette norme considère le projet comme un processus et le définit comme "une démarche spécifique qui permet de structurer méthodiquement et progressivement une réalité à venir"138. En 2002, la norme X50-115 précise encore le projet : celui-ci est un "processus unique, qui consiste en un ensemble d’activités coordonnées et maîtrisées comportant des dates de début et de fin, entrepris dans le but d’atteindre un objectif conforme à des exigences spécifiques"139.

Les caractéristiques du management de projet font que les frontières de l’exercice du pouvoir dans les entreprises sont redéfinies. En effet, le pouvoir ne se transmet plus de façon hiérarchique, mais chaque service doit obéir à l’équipe de pilotage du projet. Par son action transversale, il remet en cause des organisations, révèle des anomalies organisationnelles, mais peut aussi mettre en évidence des incompétences individuelles140.

6. Les techniques actuelles de management et les problèmes

Dans le document Église et management : quel témoignage ? (Page 85-88)