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I. Typologie du management

1. Naissance du management

1.4. Henry Ford

Henry Ford naît en 1863 à Deaborn dans le Michigan et y meurt en 1947. Mauvais élève, il est attiré par la mécanique et s’installe un petit atelier dans la ferme paternelle où il démonte et remonte des montres avant de construire sa première machine à vapeur à l’âge de 15 ans.

Il découvre le monde du travail l’année suivante. Le faible salaire qu’il reçoit en tant qu’ouvrier dans un atelier d’usinage ne lui permet pas de payer sa chambre et ses repas et il travaille également de nuit pour compléter ses revenus. Quelques années plus tard, il est embauché comme ingénieur mécanicien. Lorsqu’il devient ingénieur en chef, il gagne suffisamment d’argent pour se consacrer à quelques expériences.

Après plusieurs échecs dans la création d’entreprise de voitures, c’est en 1903 qu’il crée la Ford Motor Compagny et qu’il vend à grande échelle sa première voiture, la Ford A.

Son associé insiste pour fabriquer des modèles haut de gamme, plus porteurs selon lui sur le marché des ventes. Ford refuse longtemps, mais finit par s’y résigner. Son associé avait raison et les clients affluent. Pourtant, Henry Ford pense toujours qu’il faut fabriquer une voiture pour le plus grand nombre et invente en 1908 sa désormais célèbre Ford T, très simple à conduire et peu coûteuse à réparer. Le succès est fulgurant et après la Première Guerre mondiale, près d’un ménage américain sur deux possédant une voiture est équipé d’une Ford T.

Le fordisme se situe dans la continuation du taylorisme tout en accentuant fortement la parcellisation du travail. Comme chez Taylor, on retrouve chez Ford une position ambiguë vis-à-vis de l’être humain :

1. Ford accentue la division horizontale du travail et demande à l’ouvrier de répéter sans fin les mêmes gestes. Cela contribue à déqualifier ce dernier. Pour améliorer la gestion des stocks et pour supprimer une grande partie du travail de manutention, Ford a l’idée de faire circuler les produits devant les ouvriers, au lieu de faire circuler ceux-ci autour des produits. Les hommes sont ainsi attachés à un poste fixe, et les pièces des voitures passent devant eux sur des chaînes de montage. Désormais, ce n’est plus l’ouvrier qui décide de sa vitesse de travail, mais c’est la machine qui le lui impose en amenant à une vitesse constante les pièces devant lui. En achetant des machines, Ford substitue le capital au travail et remplace le travail vivant par du travail mort (celui que font les machines en déplaçant les pièces). L’ouvrier perd de son autonomie, de sa réflexion et se rapproche de plus en plus d’un automate.

Le génie de Ford a été de penser qu’il vendrait plus de voitures si celles-ci étaient moins chères. Il reprend ici l’idée de Jean-Baptiste Say selon qui l’offre crée sa propre demande. Il développe ainsi la standardisation du produit. Ford invente et construit un seul modèle, qu’il produit en série longue, sans options possibles. Cette méthode de production présente plusieurs avantages : puisqu’il n’y a pas d’options possibles (même la couleur est imposée : les Ford T sont noires, car c’est la couleur qui sèche le plus vite !56), il n’y a qu’un seul type de chaîne de montage ; d’autre part, les pièces de rechange sont faciles à obtenir pour les concessionnaires puisqu’elles sont les mêmes

56 Il y a eu bien sûr au cours des années de construction de la Ford T la possibilité de choisir d’autres couleurs et il y a eu quelques changements dans le modèle, mais la nouveauté, par rapport aux concurrents de Ford, c’est que les voitures n’étaient pas produites à la pièce ni personnalisables.

Rappelons que la Ford A, la première voiture de Ford qui connut un réel succès, fut vendue à 19 exemplaires alors que la Ford T fut vendue à plus de 15 millions d’exemplaires !

pour toutes les voitures. Le but de Ford était de construire des pièces parfaitement interchangeables entre tous les véhicules neufs ou à réparer.

Cette logique de production à la chaîne, avec des ouvriers immobiles devant leurs machines et une séparation très nette entre la conception et la fabrication permet de faire baisser les coûts d’une voiture de manière conséquente : une Ford T vaut 825 $ à son lancement (le prix moyen d’une voiture est alors de 2'000 $). En 1927, à la fin de sa production, elle ne coûte plus que 290 $ grâce au développement du fordisme.

2. Tout comme Taylor, Ford pense aussi à ses ouvriers. Mais il pense à eux pour écouler ses voitures ! Il décide d’augmenter considérablement les salaires et donne à ceux-ci 5 dollars par jour, ce qui revient à doubler leur rémunération. En payant plus ses ouvriers, Ford augmente leur pouvoir d’achat et compte ainsi leur vendre des voitures.

Mais il pense aussi à fidéliser les travailleurs : en effet, la parcellisation du travail et la déqualification de celui-ci produisent un taux de renouvellement important parmi les équipes de travail. Avec ceci, Ford résout le conflit qui l’oppose à ses ouvriers : leur salaire augmente en contrepartie de l’acceptation des nouvelles conditions de travail57.

Afin de préserver ses ouvriers, Ford s’occupe aussi de leur vie privée, développant un management des hommes paternaliste : Henry Ford interdit la cigarette dans ses usines et recommande fortement à ses hommes de ne pas fumer à la maison. Il interdit également l’alcool, les jeux d’argent et le billard. Cette intrusion dans la vie privée des ouvriers est très mal vécue par ceux-ci.

L’apport d’Henry Ford a été capital pour l’industrie automobile et pour la compétence du management. Sa conception du management des hommes et de la production des voitures a été reprise par toutes les entreprises qui fabriquaient des voitures. Son paternalisme a eu un véritable succès auprès de nombreux chefs d’entreprise, en particulier chrétiens. Si Ford a souhaité contrôler la vie privée de ses ouvriers pour diminuer l’absentéisme et la rotation dans ses équipes de production, beaucoup de patrons chrétiens ont vu là l’occasion d’éduquer les masses salariales et de les faire sortir de la misère. Grand nombre d’entre eux ont déployé auprès de leurs ouvriers leur

57 L’augmentation régulière du salaire en contrepartie de la paix sociale et de gains de productivité a été appelée "le compromis fordien". Il a été en vigueur dans les entreprises jusqu’au début des années 1970.

vision philanthropique et ont tenté de leur imposer leur mode de vie, plus sain et plus équilibré. Nous connaissons aujourd’hui les limites du modèle paternaliste du chef d’entreprise. Celles-ci ne sont pas apparues depuis que la société s’est individualisée, elles étaient déjà critiquées du temps de Ford. Le but de notre propos n’est pas d’entrer plus avant dans la critique des avantages et des désavantages d’un management des hommes de façon paternaliste. Nous souhaitons ici souligner une fois encore l’ambiguïté du management : si d’une part il utilise clairement les hommes pour augmenter la production des entreprises, il a toujours le souci du bien-être de ceux-ci, même si ce souci peut s’exprimer dans des catégories comme le paternalisme qui ont des limites importantes. La longue histoire de proximité qu’entretiennent les Églises avec le paternalisme (nous pensons ici aussi aux missionnaires par exemple) permet de comprendre pourquoi l’utilisation des techniques de management en Église ne paraît pas si incongrue que cela à nombre de pasteurs et de laïcs.

1.5. Henri Fayol et le management vu comme la théorie de

Dans le document Église et management : quel témoignage ? (Page 33-36)