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Georg Elton Mayo

Dans le document Église et management : quel témoignage ? (Page 50-55)

I. Typologie du management

2. Les critiques de l’école classique du management

2.2. L’école des relations humaines

2.2.1. Georg Elton Mayo

Georg Elton Mayo est considéré comme le fondateur de l’école des relations humaines.

Il est né en 1880 à Adélaïde en Australie et est mort en 1949. Après quelques études de médecine, il se forme à la psychologie et devient enseignant de logique, de philosophie et de psychologie. Ses premiers travaux se concentrent sur la psychologie médicale et les problèmes des tâches répétitives et monotones. Il émigre aux États-Unis en 1922

77 Ibid., p. 179.

78 Ibid., p. 180.

pour être professeur et chercheur. Il s’intéresse d’abord à la fatigue puis mène avec ses collègues de l’Université de Harvard des études sur les conditions de travail des ouvriers. L’étude la plus connue et la plus importante est celle qu’il a menée dans l’atelier de Hawthorne de la Western Electric Compagny, une usine de fabrication de téléphones à Cicero, du côté ouest de Chicago.

L’étude menée par Mayo et son équipe dure cinq ans, de 1927 à 1932, mais elle succède à une première étude de trois ans sur les conditions de l’éclairage dans les ateliers. À cette époque, on pensait que deux facteurs principaux influençaient le rendement des ouvriers, en plus de la division du travail : la rémunération et les conditions de travail.

Les dirigeants de la Western Electric Compagny, partant de cette constatation, ont mené une étude de 1924 à 1927 sur les effets de l’éclairage dans les ateliers, en variant celui-ci dans un groupe témoin et en observant les réactions des travailleurs. Un meilleur éclairage permit effectivement un rendement supérieur, mais ce qui surprit la direction, c’est que dans les ateliers où l’éclairage n’avait pas été modifié, la productivité était elle aussi améliorée. Plus surprenant encore, lorsque l’éclairage originel fut remis en place dans l’atelier témoin, les résultats des ouvriers continuèrent de progresser !

À ce moment-là, Elton Mayo était déjà connu pour ses travaux de psychophysiologie sur la fatigue au travail. Il avait introduit avec succès des pauses de dix minutes dans une autre usine, ce qui avait eu pour conséquence un temps de travail moins long pour les ouvriers, mais un rendement supérieur. La Western Electric Compagny décida de faire appel à ses compétences et Mayo et son équipe commencèrent leurs recherches en 1927.

Celles-ci se déroulèrent en trois étapes successives, se réorientant chaque fois que des découvertes ou des questions étaient mises à jour.

La première phase consista à isoler six ouvrières dans un atelier et à mettre en place différents changements dans leurs conditions de travail : meilleure rémunération, temps de repos variable, durée de travail journalier et hebdomadaire différente, boissons à disposition. À chaque fois, Mayo discutait avec les ouvrières et celles-ci acceptaient toujours ses propositions de modification. Les chercheurs notaient minutieusement toutes les réactions et toutes les évolutions dans la productivité des ouvrières au fur et à mesure des différentes mesures mises en place. Il fut constaté que la production augmentait constamment. Mais à nouveau, comme pour les conditions d’éclairage,

celle-ci continua d’augmenter quand Mayo revint à la situation initiale et supprima tous les avantages et toutes les améliorations qu’il avait apportées.

Mayo et son équipe commencèrent à comprendre que les seules conditions de travail ne peuvent pas expliquer l’accroissement du rendement chez les travailleurs.

La direction de l’entreprise décida de poursuivre les recherches et il fut décidé de mener une vaste enquête auprès de tous les employés de la compagnie, qui étaient environ 2'000. Les enquêteurs cherchèrent à savoir quel type de supervision était mis en place dans chaque atelier et comment les ouvriers ressentaient leurs conditions de travail. Les enquêteurs remarquèrent très rapidement que les réponses qu’ils recevaient ne parlaient pas tant des conditions matérielles de travail que de la situation personnelle de chaque employé. Le facteur personnel fut mis en lumière : plus que les conditions de travail, ce sont les relations entre les individus qui semblaient être les plus importantes et les plus déterminantes.

Une troisième enquête fut donc décidée afin de connaître de la manière la plus complète possible les relations entre les hommes au travail. Une étude ethnologique fut mise en place : les chercheurs observèrent minutieusement 14 ouvriers d’un atelier d’assemblage, sans intervenir dans leur travail et sans leur poser de questions directement. Chaque comportement individuel et chaque relation à l’intérieur du groupe furent relevés. Mayo et son équipe découvrirent une organisation informelle dont personne n’avait encore pris conscience : au sein d’un groupe avec une organisation formelle, imposée par la hiérarchie et le commandement des hommes, se trouvait une organisation informelle, mise en place par les ouvriers eux-mêmes, mais sans concertation préalable. Ce groupe de 14 ouvriers avait sa propre structure sociale, ses propres règles et ses propresleaders d’opinion. Les chercheurs constatèrent d’ailleurs que la production de ce groupe était volontairement freinée par le groupe lui-même, malgré l’existence de primes au rendement. Les variations dans la production ne proviennent pas des individus, mais plutôt de la dynamique de groupe dans laquelle chaque individu se trouve inséré.

Les découvertes et les conclusions de l’étude menée par Mayo et son équipe à la Western Electric Compagny sont au nombre de quatre :

– les conditions matérielles de travail ne sont pas responsables à elles seules de l’augmentation, de la stagnation ou de la baisse de la productivité. Elles semblent même parfois ne pas avoir d’importance. Ce sont bien plutôt les relations sociales qui sont

capitales. À travers ces relations humaines, l’ouvrier met en place une organisation informelle à côté de celle qui lui est imposée par sa hiérarchie. Des groupes se forment, à l’intérieur desquels des leaders d’opinion apparaissent. Le patron ne maîtrise donc pas toute la composition de son entreprise, les ouvriers s’organisent entre eux aussi tout seuls.

– l’existence de cette organisation informelle montre que l’homme au travail ne réagit pas de façon individuelle et égoïste : il fait partie d’un groupe et son comportement dépend essentiellement du groupe dans lequel il est inséré de manière informelle.

L’appât du gain peut être une motivation pour les ouvriers de travailler plus et plus vite, mais ce n’est pas la règle absolue.

– cette découverte au niveau du salaire a permis de mettre aussi en avant l’intérêt des employés pour des avantages non pécuniaires : l’introduction de petites pauses tout comme l’offre de boisson sont bien accueillies. Avec des pauses, l’homme travaille moins longtemps, mais il produit plus parce qu’il a pu se reposer et discuter avec ses collègues79.

Ces trois premières découvertes montrent l’importance pour le chef de bien connaître la composition des groupes qu’il a sous son commandement, afin de comprendre leur fonctionnement, de les diriger en fonction de celui-ci et d’établir avec eux de bonnes relations.

Une dernière découverte a été nommée l’effet Hawthorne, du nom de l’atelier de ces six femmes à qui Mayo a proposé des changements dans leurs conditions de travail tout au début de l’enquête. Mayo s’est aperçu que ces ouvrières augmentaient leurs résultats, quels que soient les changements qu’il introduisait, et même lorsqu’il les supprima tous.

Mais il se rendit compte aussi que les ouvrières des ateliers d’à côté augmentèrent elles aussi leur productivité, alors qu’aucune modification ne leur avait été proposée. Les équipes qui avaient travaillé avant lui dans la Western Electric Compagny avaient vu la même chose quand ils avaient étudié les effets de l’éclairage. Mayo en conclut que les ouvrières travaillèrent mieux du simple fait qu’on s’intéressait à elles ! Le souci que porte la direction envers son personnel a pour conséquence que celui-ci travaille mieux, parce qu’il sent qu’il est important pour son patron.

79 Aujourd’hui, on parlerait de convivialité...

L’apport des débuts de l’école des relations humaines a été de mettre en évidence le rôle de la dimension sociale au sein des entreprises. Mayo et son équipe ont découvert que l’usine peut être le lieu d’idées, de croyances et de valeurs qui ne sont pas celles que recherchent les patrons, à savoir la maîtrise des coûts ou l’efficacité. L’importance de l’échange d’information de manière informelle a permis également de comprendre que cette manière complétait efficacement la transmission d’informations par le canal des structures officielles.

L’école des relations humaines s’intéresse au bien-être et au moral des ouvriers afin d’améliorer ceux-ci dans le but d’obtenir plus de rendement des travailleurs. Il est intéressant de relever la critique qu’adresse Jean-Michel Plane à l’encontre de cette école : "La volonté de faire du profit en minimisant les coûts, caractéristique de la logique managériale traditionnelle, a entraîné une série de mesures manipulatrices qui ont transformé les résultats originels du mouvement des relations humaines en recettes de gestion des hommes."80 Elle montre en effet la faiblesse du management, à savoir son obsession de faire plus avec moins. Comme dans le cas des idées développées par Follett, les propositions que fait Mayo pour améliorer les conditions de travail des ouvriers ainsi que les conséquences de la meilleure connaissance des relations informelles entre les employés vont clairement dans le sens d’un progrès pour les conditions ouvrières. Ses premières suggestions d’introduction de pauses ou de boissons permettent effectivement d’améliorer les cadences de travail et prennent en compte un vrai besoin des salariés. Sa découverte de relations informelles au sein des groupes formels imposés par la hiérarchie donne une plus grande liberté aux exécutants et une reconnaissance de leur humanité en situation de travail. Favoriser ces relations sociales, les prendre en considération et laisser les hommes nouer des relations entre eux autres que celles imposées par l’exécution des ordres permet à l’être humain de trouver une place plus à sa mesure et tenant plus compte de sa réalité.

D’autre part, pour celui qui doit faire effectuer un travail à un groupe de personnes, il paraît effectivement fondamental de connaître les relations informelles qui se sont nouées entre ces personnes et quelle est leur attitude de groupe face au travail, à la direction, à la rémunération et de connaître leurs différentes attentes. Un dirigeant connaîtra un certain nombre de blocages avec un groupe de personnes dont il ne prend pas en compte la réalité et dont il ne comprend ni le fonctionnement ni les souhaits.

80 Jean-Michel PLANE, Théorie et management des organisations, op. cit., p. 69.

Mais finalement, et c’est là tout l’enjeu nous semble-t-il de l’utilisation des techniques de management, surtout hors du cercle des entreprises, la question est de cerner précisément lebut de l’accomplissement du travail : celui-ci doit-il être fait le plus efficacement possible, avec le moins de moyens possibles et le plus rapidement possible, quelle que soit la qualité obtenue, ou celui-ci doit-il simplement être bien fait et de manière efficace ? Quel est l’enjeu ? La compétitivité, la réduction des coûts ? Ou la prise en compte du facteur humain, de la satisfaction du travail accompli, de celle d’avoir atteint le but prescrit ? Le management classique a tendance à vouloir à tout prix réduire les coûts. Cette vision prioritaire des entreprises les amène à utiliser toutes les techniques à leur disposition pour arriver à leurs fins. Dans ce cadre-là, les propositions formulées par l’école des relations humaines peuvent facilement devenir de simples recettes à appliquer auprès des travailleurs. Le mot « recette » indique ici que la prise en compte des relations informelles est devenue manipulation des travailleurs. Le but premier de Mayo, en faisant ses propositions, était bien d’améliorer le rendement des ouvriers. Mais ses propositions étaient faites en concertation avec ceux-ci et sur la base d’observations menées par le chercheur. Appliquer une recette n’est pas la même chose : il s’agit de reproduire des techniques éprouvées, comme celles que l’on peut expérimenter dans la fabrication d’un objet, et de les appliquer à des groupes de travailleurs, sans vraiment se préoccuper de ceux-ci précisément. Au lieu d’humaniser les relations au travail ou les conditions de celui-ci, on en arrive à l’exact opposé de ce qui était visé au départ, à savoir une nouvelle déshumanisation de celles-ci. Le travailleur se sent floué, car sous prétexte de lui donner un meilleur moral, on lui applique simplement des procédés standardisés qui le ne concernent finalement qu’indirectement.

Dans le document Église et management : quel témoignage ? (Page 50-55)