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Maladie chronique et éducation thérapeutique du patient ETP

4. Orientation conceptuelle

4.5 La maladie et le deuil

4.5.3 Maladie chronique et éducation thérapeutique du patient ETP

L’ETP est un champ de pratiques qui concerne la médecine, le soin et

l’éducation/formation. L’aborder sous l’aspect de ses acteurs, des pratiques ou de ses approches théoriques est délicat tant l’objet est non délimité et encore imprécis (Tourette-Turgis & Thievenaz p. 10, 2014). Cette ETP se veut transversale, elle tente de professionnaliser le corps médical, de produire des savoirs et d’amorcer des changements dans les pratiques médicales (Barbier, 2014).

L’ETP est apparue dans le courant des années 1970. Il est d’abord question

d’éducation hygiénique et sanitaire, puis d’éducation spécialisée et d’éducation à la santé jusqu’à ce que l’on appelle aujourd’hui l’éducation pour la santé. 

Il est probable que les formes d’éducation par les pairs et l’éducation populaire aient contribué à l’émergence de l’éducation thérapeutique (Mauduit, 2014, p. 13).

Leona Miller, à Los Angeles, souhaite trouver des solutions aux hospitalisations répétées pour des complications métaboliques aiguës de nombreux diabétiques.

Elle met en place une équipe éducative visant à enseigner aux malades les bases du traitement pour prévenir les accidents métaboliques. Ainsi, elle a pu améliorer l’état de santé des patients et réduire spectaculairement le coût lié au diabète par une diminution drastique du nombre d’hospitalisations. Mais prévenir les accidents aigus, grâce à une amélioration de la compliance12, se révèle à long terme insuffisant.

Des précurseurs comme Leona Miller puis actuellement Catherine Tourette-Turgis ont fait évoluer le système médical.

D’abord, on s’occupe d’éviter la maladie : c’est ce qu’on nomme « la prévention primaire ».

Puis, dans un second temps, on informe les groupes à risques et les populations cibles afin de prévenir tous ceux et toutes celles qui pourraient être concerné.e.s par la maladie. C’est la « prévention secondaire ».

Enfin, on informe les personnes atteintes de la maladie et on leur apprend comment gérer la maladie au quotidien et la prévention des complications. C’est la

« prévention tertiaire » (Tourette-Turgis & Thievenaz, 2014, p. 19).

Ceci amène un glissement de « l’éducation à la santé » à « l’éducation pour la santé » qui marque le passage de la dépendance du patient à son traitement, à son autonomie, grâce aux travaux issus des sciences de l’éducation.

On parlera d’ailleurs d’une relation entre le médecin et son patient comme d’une relation de partenariat, de partage de savoirs et d’expériences et non d’une relation de type paternaliste et autoritaire. Ce nouveau paradigme admet que l’ETP et le soutien psychosocial sont des nécessités pour parvenir à l’autonomie du patient grâce à sa motivation, ses connaissances, ses compétences pour affronter la maladie (Mauduit, 2014, p. 147).

Il s’agit bien du démarrage d’une approche globale du patient : ce que l’on appelle «  le projet thérapeutique  ».

12 Application avec laquelle un patient se conforme à un traitement médical.

Ce projet thérapeutique, pour être réaliste et «  efficace  », doit s’inscrire dans le projet de vie du patient, ses émotions face à la maladie et son évolution et ses aspirations dans la société en tant que malade, c’est-à-dire au final les besoins du patient(Mauduit, 2014, p. 150).

L’ETP a permis une ouverture à différents processus d’apprentissage qui étaient pour certains « inclus » dans la pathologie, mais qui deviennent aujourd’hui visibles et qui sont des apprentissages singuliers, car en rapport avec le moi du patient et un peu plus à l’écoute de son désir.

L’ETP amène le patient à s’« engage[r]  » (Simon, 2013, p. 11) dans un «  contrat d’éducation  » étendue par la suite à une prise en charge plus large et à des rôles bien partagés (Simon, 2013, p. 11). La base du contrat est donc un diagnostic éducatif13 prenant le contre-pied du schéma médical habituel urgence-diagnostic-traitement, peu approprié à la vie du patient qui souffre d’une maladie chronique. Il faut donc « adapter les formats de réalisation du diagnostic éducatif en fonction du moment de vie du patient » (Simon & al., 2013, p. 11).

Ouf ! Le monde de la santé, les médecins, les soignants prennent enfin en

considération la « vie » du patient, il se mettent à chercher des solutions avec lui – sans trop savoir pour l’instant ce qu’ils peuvent en faire pour le traitement, mais c’est un progrès.

Dans l’ETP, la médecine évolue vers un modèle de diagnostic et de traitement ouvert. Il faudrait pour y arriver qu’un médecin accepte de se mettre au même niveau que son patient. Il faut passer d’un modèle fermé de la médecine à un modèle ouvert, et il faut aussi pour le patient « croire » au modèle de santé et enfin lui obéir. Je pourrai mettre en perspective cette nouvelle médecine avec l’analyse des récits de vie des personnes et vérifier l’efficacité d’une telle éducation.

Après ces généralités, je poursuis en affinant ma recherche et en considérant cette ETP dans le cadre plus spécifique des maladies chroniques (ce pour quoi elle a été conçue au départ).

L’ETP s’adresse aux personnes porteuses de maladies chroniques qui ont pour particularité de ne pas guérir même si, pour certaines d’entre elles, on parle de

« rémission » ou de « stabilisation » (ou d’une forme de rétablissement).

L’ETP permet de contrôler, de ralentir l’évolution, voire d’en éviter les complications.

La visée étant l’acquisition ou le renforcement des compétences permettant au malade de réaliser un certain nombre d’activités au service de l’amélioration de sa santé et de l’obtention d’une meilleure qualité de vie.

Vignette 1 :

Définition officielle de l’éducation thérapeutique (Rapport Saout, 2008).

Processus de renforcement des capacités du malade et/ou de son entourage à prendre en charge l’affection qui le touche, sur la base d’actions intégrées au

13 Voir annexe 2, p. 104.

projet de soins. Elle vise à rendre le malade plus autonome par l’appropriation de savoirs et de compétences afin qu’il devienne l’acteur de son changement de comportement, à l’occasion d’évènements majeurs de la prise en charge (initiation du traitement, modification du traitement, évènements intercurrents …), mais aussi plus généralement tout au long du projet de soins, avec l’objectif de disposer d’une qualité de vie acceptable.

Il s’agit de rendre la maladie acceptable, c’est un premier tournant.

L’ETP s’inscrit dans un contexte particulier de l’évolution du système d’organisation des soins en termes d’attendus du côté des malades (et de son entourage) qui sont invités à s’autonomiser et à conduire un ensemble d’activités d’auto-surveillance et de soins en dehors de l’hôpital de manière à faire baisser les coûts de la santé. En ce sens, la maladie chronique pose une contradiction fondamentale au sens où l’autonomie du malade nécessite qu’il développe une pratique clinique appliquée à sa situation médicale, qui signifie que l’individu malade traite son propre corps avec des critères médicaux (Tourette-Turgis & Thievenaz, 2014, pp. 13-14).

Apprendre les gestes de la médecine pour se soigner, c’est une forme de

mimétisme. Il s’agit ici de répéter l’éducation telle qu’elle est pratiquée par l’espèce humaine, « passer de la dépendance native à l’autonomie acquise » (Tourette-Turgis

& Thievenaz, 2014, p. 12).

Dans les maladies chroniques, on ne traite pas l’urgence, on traite des

transformations personnelles au long cours, l’acceptation de la maladie, de son corps malade, d’un autre « soi » à reconstruire.

Les troubles psychiques représentent en soi un processus d’apprentissage

continu, à savoir « la posture de l’apprentissage par l’expérience ». Mais en plus il s’agit d’élaborer pour les personnes concernées « des soins compassionnels » et

« les cadres sociaux, législatifs, affectifs et mentaux de leur propre survie » (Tourette-Turgis & Thievenaz, 2014, pp. 17-18).