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Introduction générale

Chapitre 2 Composants technologiques potentiels pour un projet de microcentrale

2.3 Conversion thermomécanique

2.3.2 Machines à volumétrie alternative

Toutes les machines de conversion de chaleur en travail (moteurs), ou inversement (compresseurs) utilisent les principes de compression et détente de gaz. C'est d'ailleurs le seul rôle des organes mécaniques des compresseurs et des moteurs à apport de chaleur externe. Aussi, les machines volumétriques sont une alternative aux turbines (machines dynamiques) ; avec un fonctionnement basé sur les mêmes cycles thermodynamiques fondamentaux (sauf le cycle de Stirling).

Leurs vitesses sont bien adaptées à l'entrainement de génératrices (de quelques centaines à quelques milliers de tours/min) avec des rendements intéressants dans une plage de régime plus ou moins large, même pour des petites puissances.

Outre les classiques systèmes à piston (figure 2.14) – dont il existe de multiples variantes d'arrangement et d'embiellage – il existe de nombreux types de machines (figures 2.14 et 2.15) pour lesquelles la variation volumétrique est assurée par un dispositif rotatif ou assimilé [69]. Les machines rotatives utilisent donc des principes de volumétrie alternative, mais générée de manière continue par des éléments rotatifs ou orbitaux.

Figure 2.14 : Exemples de machines volumétriques classiques pour petites et moyennes puissances (de gauche à droite) : compresseur à pistons deux étages (Quincy),

compresseur à palettes (Mattei), compresseur spiro-orbital (EMSG)

Figure 2.15 : Quelques machines volumétriques exotiques (de gauche à droite) : quasiturbine (QT Agence), moteur Wankel (Mazda) , compresseur à vis : surtout pour les hautes puissances (Aerzen)

2.3.2.1 Moteur d'Ericsson

Ericsson fabriqua son premier moteur à air chaud en 1824, pour lequel il fit breveter en 1833 un système de récupération thermique. Ce type de moteur contribua largement au développement industriel du XIX°S et au début du XX°S.

Très peu développé à l'heure actuelle, son principe était très similaire à celui des TAG . En effet, les premiers moteurs, non régénératifs réalisés par Joule (1851) et Brayton (1876) réalisaient les compression et détente avec des pistons cylindriques classiques.

Les compression/détente furent idéalement modélisées isentropes selon Joule et isotherme selon Ericsson. Or, il est notoire, que ce soit pour les turbines ou les machines volumétriques, que les détentes et compressions de gaz ne sont ni isothermes ni isentropes. Un modèle formel plus convenable seraient des transformations polytropes [21], intermédiaire entre les idéalités.

Les TAG proprement dites sont apparues plus tard, durant la première moitié du XX° siècle, alors que les moteurs Ericsson étaient depuis longtemps "oubliés", détrônés par les moteurs à vapeur puis les MCI.

Dans les turbines, compression et détente sont très liées à la dynamique d'écoulement des gaz, alors qu'avec des machines volumétriques le compression et détente dépendent très peu de la vitesse. Pour cette raison les moteurs d'Ericsson peuvent fonctionner à de faibles vitesses et avec une plage de régime de fonctionnement plus intéressante pour les petites puissances que celle des turbines.

Figure 2.16 : Moteurs de type Ericsson. A gauche un "Caloric" fabriqué par J. Ericsson en 1860 (Deutsches Museum). A droite un prototype récent en cours d'élaboration, on distingue deux soupapes verticales sur le haut du cylindre et une came sur le coté de la culasse . (Université de Pau /CNRS )

Pour réaliser le cycle moteur avec des machines alternatives, outre la transformation de mouvements alternatifs en rotation, il est nécessaire de commander les admissions et refoulement d'air dans les chambres de compression et détente. Cela peut se faire, de la même manière que pour les MCI, par l'intermédiaire de soupapes commandées (voir figure 2.6) ou autre (tiroirs, distributeurs...).

Ces mécanismes supplémentaires sont un des points durs techniques de ce type de moteurs : D'une part elles doivent dissiper le moins d'énergie mécanique possible, d'autre part elles sont susceptibles de générer des pertes thermiques importantes, agissant comme un pont entre le cylindre de détente et l'air ambiant. Un autre inconvénient de ces mécaniques est une potentielle nuisance sonore, à comparer avec celle occasionnée dans les MCI et compresseurs alternatifs.

L'emploi de machines à volumétrie rotative permet d'éviter les soupapes et leur mécanismes de commande, l'admission et le refoulement dans chaque cavité se faisant de manière quasi-continue par des lumières réalisées dans le stator, et pilotés par le mouvement du rotor lui-même. En revanche, les étanchéités axiale et radiale des volumes variables, compris entre rotor et stator, imposent l'emploi de technologies spécifiques de haute précision (glaces de distribution, segments linéaires, lubrification...). Les rotor et stator peuvent en soi constituer des mécaniques élaborées (figures 2.14 et 2.15) requérant de hautes précisions de façonnage.

L'avantage connu des machines de détente rotatives est une puissance spécifique (à l'encombrement) nettement plus importante que les machines alternatives à pistons :

Un exemple bien connu est celui du moteur Wankel, dont l'encombrement et la masse sont presque deux fois moindres que ceux d'un MCI classique à puissance mécanique équivalente. En revanche il est également notoire que le rendement du moteur Wankel est plus limité que celui des MCI classiques, cela en raison de facteurs identifiés :

• Le moteur est plus compact, mais chaque volume de gaz cyclé présente une surface d'échange thermique plus importante que dans les moteurs alternatifs.

• L'usure des dispositifs d'étanchéité en rotation est inévitable, du fait de vitesses linéaires au contact importantes, ce qui génère une augmentation des fuites au cours du temps, donc une baisse de la compression et du rendement final.

• Enfin la forme de la cavité comprimée est défavorable à l'allumage du mélange détonnant. Si ce dernier point ne concerne pas le moteur Ericsson (ou pseudo-TAG), les deux autres défauts se retrouvent sur la plupart des technologies rotatives.

Les réalisations modernes du moteur Ericsson sont rares. On ne dispose donc pas de base de données permettant de se prononcer sur les performances que l'on pourrait attendre de telles machines conçues avec des technologies modernes.

Il est toutefois notoire – caractéristique commune aux TAG et moteurs d'Erricson - que la récupération thermique est bornée entre les températures de l'air en sortie du détendeur et en sortie du compresseur, ce à quoi il faut ajouter l'efficacité de l'échangeur-récupérateur proprement dit. Dans le domaine des moyennes températures, cela implique un taux de récupération thermique faible en contradiction avec un échangeur de taille importante. Il se peut même que la récupération – voire le fonctionnement d'un tel moteur – ne soit pas possible pour des ratios de température source/ambiance inférieurs à 2 [64].

Cependant le comportement dynamique de ces moteurs est facilement modélisable, d'autant plus si on le réalise avec des éléments de compresseurs, détendeurs et des échangeurs de chaleur conventionnels. Aussi le moteur d'Ericsson n'est pas dénué d'intérêt dans le domaine des petites puissances et dans divers domaines d'application, en particulier la micro-cogénération [70].

2.3.2.2 Moteur de Stirling

Inventé par R. Stirling en 1816, c'est le plus ancien moteur à gaz. Très répandu durant la seconde moitié du XIX° siècle et dans les années 1920, certains moteurs ont même été commercialisés jusqu'en 1940. Son principal usage était le pompage d'eau (figure 1.7 p.28) mais il servit aussi à l'entrainement de petites machines (ventilateurs, tourne-disques, présentoirs...).

Ces machines étaient dotées de chaudières (à bois, à kérosène, parfois à gaz) sommaires, sans isolation thermique ; elles n'étaient pas ou peu pressurisées. Si le rendement et la puissance spécifique de ces moteurs n'était pas leur point fort, ce sont en revanche des modèles de

robustesse, capable de traverser les siècles avec un entretien très sommaire (la restauration d'engins de ce type n'est parfois qu'un bon nettoyage). C'est essentiellement le contexte économique, le besoin de puissances mécaniques de plus en plus élevées qui a fait disparaître ces moteurs à air chaud, ne pouvant égaler la rentabilité des moteurs à essence.

La société néerlandaise Philips a mené des travaux de recherche sur cette machine à partir de 1937. De 1958 à 1970 la General Motors, sous licence Philips, mena des recherches selon plusieurs axes (marine, militaire, aérospatiale...). Vers 1970 le Stirling devient un moteur de hautes performances et technicité: pressurisation à l'hélium ou à l'hydrogène jusqu'à 200 bars, hautes vitesses de rotation et rendements inégalés.

D'autres sociétés s'intéressèrent au Stirling: MAN/MWN de 1967 à 1977, Ford de 1970 à 1978, puis United Stirling AB de 1968 à nos jours, cette société ayant été totalement intégré à Kockums Marine l'une des société fondatrice de USAB.

Dans le domaine automobile, de grands programmes de développement du Stirling ont été menées dans les années 1970 [41], et se sont poursuivis tout au long des années 1980 environ [71]. Malgré de nombreuses améliorations, notamment en terme de ratio poids/puissance et des performances énergétiques inégalées par les moteurs à combustion interne de l'époque, voire actuels (rendement maximal de 40% et 27% à pleine puissance, figure 2.17)), les coûts liés aux développement et à la mise en place de chaînes de fabrications de moteurs de Stirling adaptés aux applications automobiles sont considérés comme prohibitifs. Toutefois, l'idée de la motorisation automobile hybride Stirling / électrique, expérimentée en 1969 [41] [72] est toujours d'actualité [73].

Certaines caractéristiques du moteur de Stirling sont particulièrement adaptées à certaines applications :

Dans le domaine militaire, le faible bruit émis par ces machines et leur robustesse les rendent idéales pour la fabrication de groupes électrogènes mobiles (Doc-Vau, ou encore pour la motorisation de sous-marins [74] [75]. Dans le même ordre d'idée certains véhicules d'exploration sous-marine (ROV...) trouvent parfois avantage à la motorisation Stirling [76].

Figure 2.17 : Moteur "MOD II ASE" : Configuration alpha double-effet à quatre cylindres en V, pressurisation à l'hydrogène jusqu'à 150 bars. Ce moteur de 60 kW (80 CV) destiné à l'automobile consommait environ 25% de carburant en moins que les MCI équivalents de l'époque (1990), et pouvait fonctionner indifféremment à partir de divers carburants : essence, gazole , kérosène... (NASA)

De par sa réversibilité thermomécanique (unique en son genre), la machines de Stirling s'est imposée en cryogénie : Une seule machine de ce type peut remplacer une cascade de machines à cycle ORC inverses, avec une moindre dépense énergétique. A noter, dans des domaines connexes, réfrigération et climatisation, les machines de Stirling sont potentiellement intéressantes,

Il est notoire que les tentatives de développement commercial du moteur Stirling ont été pénalisées par une carence de rentabilité à court terme, en particulier face aux fluctuations du contexte économique. Un exemple est particulièrement parlant : Le programme de développement ASE (Automotive Stirling Engine) mené par la NASA/DOE en partenariat avec Mechanical Technology Inc. (MTI) [77]. En 1986 , le moteur "MOD II" (figure 2.17) était considéré comme une réussite technique [71], mature pour un développement pré-commercial. Malgré près de 30 ans de recherche, une amélioration des performances et une baisse drastique des coûts de fabrication [78], qui rendaient ce développement potentiellement réalisable en 1990, la prédominance des moteurs MCI rend la concurrence de tout autre moteur pratiquement impossible sur le marché automobile [79], d'autant plus qu'à l'époque le cours du pétrole était en baisse.

Dans le domaine des faibles différences de températures, le moteur de Stirling affiche de capacités sans pareilles : Quelques degrés de différence de température [80], voire jusqu'à un demi degré [81], suffisent à ces moteurs pour fonctionner. Si ces "gadgets" de puissance dérisoire ont un rendement pratiquement nul, ils suscitent néanmoins un intérêt scientifique et technique certain car ils démontrent la possibilité de réaliser des moteurs compacts à source de chaleur pauvre.

De nombreux moteurs expérimentaux ont été conçus durant les vingt dernières années, dont la vocation est la valorisation de rejets thermiques à basse et moyenne température [82] [83] [84] [85], l'utilisation d'énergie solaire [86] [87] [88] [89] [90] pour alimenter des petits systèmes (figures 1.17 et 1.18) et d'autres applications plus spécifiques (figure 2.18) [91] [92] pour des puissances plus importantes.

Figure 2.18 : Générateur expérimental composé de deux modules MSPL / générateur en opposition : Prévu pour des applications spatiales, dimensionné pour une puissance continue de 2×12,5kWe. L'alimentation thermique moyenne température (solaire ou nucléaire) se fait dans la partie centrale par un sel fondu ; deux générateurs linéaires sont logés dans les extrémités de l'appareil, le tout étant hermétique. Un module testé sous 75 bars d'hélium (mi-puissance) produit 6,5kWe avec des sources chaude à 630K, un puits froid à 315K et un rendement global de 20% . (NASA / MTI, 1986)

S'il n'existe pas aujourd'hui de moteur commercial spécifiquement conçu pour les basses et moyennes températures au dessus de l'ambiance, le moteur de Stirling a dans ce domaine des avantages certains :

L'absence d'organes de commande interne (clapets ou soupapes) permet l'usage de mécaniques simples.

Le caractère inversable des machines de Stirling, à la manière des moteurs électriques, laisse entrevoir la possibilité d'une gestion intelligente et économique de l'énergie thermique : Une machine composée de plusieurs modules indépendants pourrait être une solution pour pallier aux variations soudaines de la demande d'électricité, chaque module pouvant passer rapidement de moteur à récepteur (frein moteur à récupération thermique), en limitant en amont la consommation d'énergie thermique et contribuant également à la protection du matériel électrique contre les surcharges.