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dans l’engrenage, Charlot se trouve pris tout entier, happé par cette machine terrifiante. C’est cette image mythique que nous avons choisi de distinguer, ainsi que la séquence de deux minutes de film à laquelle elle appartient s'est imposée dans toutes les mémoires.

Rappelons brièvement le synopsis de cette scène mythique : Charlot travaille à la chaîne dans une usine gigantesque. Il serre des boulons. Le directeur ordonne une augmentation de cadence. Ne pouvant suivre le rythme, Charlot est happé dans le ventre de la machine et roule entre les engrenages. Rendu complètement fou, il se met à danser au milieu de l’usine, à serrer tout ce qui lui fait penser à des boulons : le nez de ses collègues, les boutons de la robe de la secrétaire, jusqu’à ce que la décision soit prise de l’évacuer dans un fourgon sanitaire.

Les Temps modernes est le premier film à message de Chaplin. Le fait de

pouvoir distinguer autant d’images fortes, de plans et de scènes fameuses – telle celle de la machine à avaler ; de la scène du restaurant et des pitreries de Charlot serveur et chanteur à la fois, s'exprimant dans un charabia pseu-do-italianisant ; la scène des patins à roulettes dans le grand magasin ; et bien entendu la scène finale légendaire dans laquelle Charlot et de la gamine vont sur la route marchant vers de nouveaux horizons – atteste de la très forte portée mythique de ce chef d’œuvre.

Mais l’image la plus symbolique du film reste celle que nous avons choisie, celle de Charlot dont le corps s’emmêle dans les rouages de la machine. L’homme et la machine exécutent alors un véritable ballet. Ils ne forment plus qu’un. La virtuosité avec laquelle le cinéaste impose une chorégraphie étonnante, orchestrée par Charlot dans le cœur ou le ventre de la machine, est comparable à celle, encore plus acrobatique et vertigineuse, où, dans le grand magasin, le héros se livre à des acrobaties en patins à roulettes, dos au vide.

Ces images et scènes des Temps modernes sont d’autant plus fortes que Chaplin, à l’aube du cinéma parlant, fait le pari risqué de la continuité de l’utilisation du muet, préférant remplacer les dialogues par une gestuelle importante des personnages, jouant sur les mimiques, les gags, les sourires, les larmes…

On est bien là, à travers ces quelques images inoubliables et cette scène légendaire de la dévoration par la machine et du ballet de Charlot dans les engrenages, dans l’appropriation, par l’image et le cinéma, de tout un pan de la culture populaire qui dénonce, sinon les méfaits de la technologie, du moins

cultures populaires, cultures informelles

l’aliénation de l’homme par le machinisme industriel ; il en ira de même, plus tard, dans la littérature et le cinéma de science-fiction, dans la déshumanisation provoquée par l’hyper-robotisation.

Car la réalisation de ce film marathon, qui demande à Chaplin quatre années de tournage, n’est pas un simple film comique. Il consacre le personnage clownesque de Charlot. Il est beaucoup plus un film politique et humaniste, prenant pour cible le modèle taylorien et fordiste de l’industrie américaine. Inquiet des effets socio-économiques de la crise de 1929, et rentrant d’un tour du monde durant lequel il a rencontré Gandhi, Chaplin propose pour la première fois, à sa manière, c’est-à-dire comique, un film social sur les « factory workers », ces ouvriers d’usine, simples rouages auxquels on retire toute humanité, vulgaires moutons d’un immense troupeau entrant dans l’usine du dieu Moloch pour y être dévorés vivants. Dans le film Métropolis de Fritz Lang, une machine se transforme également en une divinité monstrueuse, appelée Moloch, qui avale les travailleurs infortunés. Le film de Chaplin, sorti en 1936, ne reçut qu’un accueil mitigé, une partie de la presse lui reprochant une tentative de propagande des idéologies communistes.

L’homme, devenu machine, n’est plus qu’un esclave des machines qui l’entourent. Ainsi, Chaplin revisite le mythe de Frankenstein.

Pochette de l’album Dark Side of The Moon, sorti aux États-Unis le 10 Mars 1973 Studios Hipgnosis

U

n fond noir éblouit l’image. Aucun titre, aucun personnage mis en lumière. En plein centre, une figure géométrique attire rapidement notre attention. Un triangle aux contours illuminés est traversé sur son côté gauche par une lumière blanche. Le trait s'épaissit à l'intérieur du polygone et se prolonge en dehors du triangle en six lignes de couleurs parfaitement rectilignes. Jaillissant soudainement du côté droit, elles semblent se prolonger vers un monde inaccessible. Un équilibre visuel parfait pour amener notre regard jusqu’au bout de ces lignes divergentes. Illusion d’optique ou réelle perspective ?

Il n’est pas nécessaire d’être un scientifique émérite pour deviner que l’objet est un prisme. Un bloc de verre taillé, composé de trois faces sur une base triangulaire, dispersant la lumière en six éléments constitutifs. L’image tente de reconstituer l’expérience de la diffraction de la lumière par un prisme de verre, réalisée quatre siècles plus tôt par le mathématicien et physicien anglais Isaac Newton. L’œil avisé du scientifique remarque que la couleur