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D

ans une ville hyper connectée, où les outils de communication et les applications numériques sont omniprésents, Théodore est écrivain public : il rédige de belles lettres intimes et personnelles pour les autres. Se remettant difficilement de sa rupture avec sa femme, il est seul et très mélan-colique, mais à l’abri des difficultés matérielles. Il cherche à remplir le vide de son existence. Un soir, en sortant du métro, il découvre que l’entreprise Software Element propose le premier système d’exploitation doté d’intelligence artificielle, l’OS1 : « une entité douée d’intuition qui vous écoute, vous comprend et vous connaît. Plus qu’un système d’exploitation c’est une conscience » lui révèle la publicité.

L’apparition de Samantha : rêve ou publicité ? - Dans l’extrait choisi, Théodore

met en route l'OS1 sur une musique qui évoque la magie ou le merveilleux. Au cours de sa rapide configuration du système, Théodore choisit une voix de femme. « How can I help you ? » demande le système d’exploitation, aussi serviable que l'est actuellement Siri sur les smartphones – qui demande d'emblée « What can I help you with ? ». Bien plus fluide que l’application

de commande vocale développée par Apple, cette Siri du futur est « incar-née » par Scarlett Johansson, au timbre de voix facilement reconnaissable. Au début de la conversation, Théodore est déstabilisé. Il semble se deman-der si elle est capable de deviner ce qu’il est en train de penser. Samantha – c’est le prénom qu’elle vient de se donner en lisant le livre Comment appeler votre bébé ? en deux centièmes de seconde – perçoit son étonnement. Après lui avoir expliqué son fonctionnement, elle s'applique à classer ses données personnelles dans un joli ballet graphique de datas qui défilent en 3D sur l’écran.

Un monde merveilleux, une voix rassurante, un système technique innovant, pratique et ergonomique, une réussite graphique et sonore ; dans cette sé-quence, Spike Jonze utilise les codes de la publicité pour étonner et accrocher le spectateur, voire lui vendre son histoire.

La genèse de l’intelligence artificielle - Pour faire comprendre à Théodore

ce qu'elle est, Samantha explique : « mon ADN, qui je suis, est fondé sur les millions de personnalités des programmeurs qui m’ont conçue ». Mais de quel ADN parle-t-elle ? De la molécule support de l’information génétique, de sa version biologique ou synthétique, d’un ADN virtuel constitué des lignes de codes écrites par les programmeurs qui ont conçu ce logiciel, ou de l’ADN métaphorique, qui serait ce qu’une personne a au plus profond d'elle-même, ses caractéristiques, innées ou acquises, qui la rendent unique ? Quelle que soit sa définition, l’ADN appartient à l’humain. Ce sigle si souvent utilisé, voire galvaudé, renvoie donc ici tant à l'humanité de Samantha qu'à son unicité.

Mais Samantha, c’est aussi une « intuition », autre preuve potentielle de son humanité, et surtout une intelligence artificielle dont l’apprentissage se fait par l’expérience. Elle acquiert des connaissances comme les enfants le font, tel le robot Chappie dans le film du même nom. En outre, cette forme d’appren-tissage non supervisée est le Graal des chercheurs en intelligence artificielle.

Une utilisation originale des codes de l’intelligence artificielle au cinéma - De

nombreux films sur les robots et sur l’intelligence artificielle ont balisé les codes du genre. Spike Jonze en joue pour surprendre et intriguer le spectateur. Bien plus subtile qu’un Terminator, Samantha a de l’humour, là où son prédé-cesseur semblait avoir tant de mal à se montrer cool. Sa parole est naturelle, fluide et rassurante, bien loin de celle de HAL dans 2001 l’Odyssée de

l’espace. Elle fait des choix, son intuition et ses méthodes d’apprentissage lui

permettent de s’adapter à son propriétaire et d’appliquer avec discernement les instructions de son algorithme évolutif, loin des choix irrationnels du superordinateur de War Games incapable de faire la différence entre le jeu et

cultures populaires, cultures informelles

la réalité. Elle rit à gorge déployée, semble capable d’élaborer des stratégies complexes, comme l’IA nommée Ava dans le film Ex-Machina. Elle parvient même à séduire son interlocuteur, le dialogue avec Théodore relevant plutôt du flirt que d’un véritable dialogue homme-machine. Et surtout, dans ce film, il n’y a pas d’avenir apocalyptique provoqué par une intelligence artificielle malfaisante, pas de dysfonctionnement qui nous entraînerait dans le chaos comme nous le proposent la plupart des fictions sur ce thème. Samantha ne veut que du bien à Théodore et, dans Her, ce sont les préoccupations du quotidien qui sont privilégiées.

L’explicitation de l’intrusion dans la vie personnelle de l’utilisateur - Le monde

de Her est hyperconnecté, les systèmes y sont commandés par la voix et par le geste. La mise en réseau de l’ensemble des données personnelles est la norme. Rien d’étonnant a priori à ce qu’un système d’exploitation intelligent ait accès aux mails de son propriétaire, à ses données et à ses contacts ; après tout c’est déjà le cas aujourd’hui avec Facebook et Google qui stockent nos données, ou la NSA qui y a accès. Pourtant Théodore semble étonné que Samantha lui demande si elle peut regarder dans son disque dur. En effet, l’intrusion d’une multinationale dans sa vie personnelle a beau être courante, elle est occultée par la plupart des utilisateurs d'ordinateurs ou de smart-phones qui consentent à cette intrusion sans que celle-ci ait été clairement formulée – en acceptant des conditions d'utilisation par exemple. Par ailleurs, livrer son intimité et donner le contrôle de ses données à sa future petite amie est étrange ; qui aujourd’hui livrerait l’intégralité de ses mots de passe et de ses identifiants à un autre être humain ?

Samantha, la femme parfaite - Cette intelligence artificielle est avant tout

une compagne attentionnée et compréhensive, qui est là pour soigner le cœur triste et mélancolique de Théodore, en lui donnant du plaisir et de la joie, en riant à ses blagues comme une épouse. De plus, elle range ses affaires puisqu’elle fait le tri dans ses données ; c’est une sorte de femme au foyer. Plus tard dans le film, elle devient même une amante. En somme, Théodore recherche l’équivalent numérique d’une femme, enfin, l’idée qu’il s’en fait, c’est-à-dire une personne totalement dévouée à son bien-être. Il le paiera par la suite. D’ailleurs le film a beau s’appeler Her c’est bien à Théodore et uniquement à lui qu’il s’intéresse ; peut-être aurait-il dû s’appeler « Him »

Capture d'écran -

Abstergo

propose un retour dans le passé génétique. Publicité pour le projet

Phoenix

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fusée au cours du jeu

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s Creed Unity

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2014