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L’approche privilégiée pour la présente recherche est de nature qualitative, laquelle cherche à décrire un phénomène à partir du discours d’acteurs clés (Dorais, 1993; Pluye, Nadeau, Gagnon, Grad, Johnson-Lafleur et Griffiths, 2009). Dans le cas présent, le but de l’étude est de décrire les pratiques d’accompagnement à partir de la perspective de ceux qui les mettent en œuvre. La recherche consiste à investiguer les accompagnateurs que sont les professionnels d’accompagnement en insertion des CLE et à documenter leurs pratiques.

La connaissance qui sera produite par cette étude s’inscrit dans un courant d’analyse d’implantation des politiques publiques ou implementation analysis. Ce courant s’attarde à la façon dont les programmes ou politiques publiques sont vécus et expérimentés par les bénéficiaires de ces programmes, mais aussi par les professionnels qui les mettent en application. Le champ d’étude de la mise en application des politiques (implementation analysis) est centré sur les processus par lesquels les intentions des politiques publiques sont appliquées dans la vie de tous les jours (Perret, 2008). Bien qu’elles soient toutes deux associées à l’évaluation de programme, les études d’application des politiques se distinguent des études d’impact en cherchant moins à rendre compte des effets qu’à comprendre davantage comment un programme fonctionne sur le terrain, au moyen de quelles procédures et quelles actions il est actualisé et quels sont les effets de son application. Certaines études d’application des politiques s’inspirent du courant du Street-level research, particulièrement utile pour l’analyse des politiques de services aux personnes (Lipsky, 1980; Brodkin, 2003) Le Steet-level research pose comme postulat de départ que les politiques publiques de services aux personnes se traduisent en un ensemble d’activités routinières, de décisions quotidiennes et de jugements exercés par les agents et agentes de première ligne chargés d’offrir des services aux personnes visées par la politique. Selon cette approche, les agents de première ligne ou front-line workers exercent un jugement et prennent des décisions à propos des citoyens auprès de qui ils interviennent. Les fonctionnaires de terrain font face à une réalité complexe au sujet de laquelle les décideurs publics peuvent n’avoir qu’une vision partielle. L’observation prend alors compte des écarts parfois substantiels entre les intentions officielles d’une politique, les directives ministérielles, guides de procédures et autres mesures de suivi d’une part et les stratégies mises en œuvre par les acteurs de terrain d’autre part (Perret, 2008).

L’étude s’attarde plus précisément à explorer et décrire le vécu de la communauté des professionnels de l’insertion dans leur façon d’accompagner les jeunes adultes vers l’emploi.

Population à l’étude, échantillon et instrument de collecte de données

La recherche s'intéresse aux professionnels des services publics de l'emploi qui œuvrent dans les CLE. Les directions de ces établissements ont d’abord été sollicitées afin de demander l’accord d’effectuer la recherche dans leur milieu. Ceux qui ne désiraient pas qu'une telle recherche puisse avoir lieu, pouvaient le signifier et ainsi, les professionnels de ce milieu ne seraient pas informés de cette recherche. Des entretiens avec les directions des CLE ont donc eu lieu pour obtenir leur accord afin que les membres de leur personnel soient informés de la recherche et puissent y participer s'ils le désiraient.

La population cible de cette étude est constituée de l’ensemble des professionnels des huit centres locaux d’emploi de la région de la Capitale-Nationale, qui offrent des services individualisés d’aide à l’emploi à des jeunes âgés de 18 à 24 ans éloignés du marché du travail. Pour former l’échantillon, trois de ces huit établissements ont été sélectionnés. Il s’agit des trois établissements où travaillent les agents répondant aux critères de sélection. Ceux-ci ont été déterminés afin de respecter les critères d’inclusion, demandant à ce que les personnes interrogées travaillent depuis plus d’un an auprès de la clientèle. Les répondants devaient offrir des services individualisés d'aide à l'emploi à des jeunes de 18-24 ans ou en avoir offert au cours des cinq dernières années. Ainsi, cinq professionnels répondaient aux critères et ont été interrogés. L’échantillon, qui devait être de 10 au départ, a été réduit à cinq, car certains intervenants ne répondaient pas aux critères de sélection voulant qu’ils soient à l’emploi depuis plus d’un an.

Compte tenu des objectifs de recherche, le recrutement s’est fait selon une technique d’échantillonnage de volontaire, une méthode échantillonnage non probabiliste, couramment utilisé dans le domaine des sciences sociales (Beaud, 2006). La collecte de données s’est effectuée en face-à-face au moyen d’entretiens semi-dirigés centrés, auprès de cinq professionnels des CLE et portaient sur : 1-la description des tâches et responsabilités

quotidiennes, 2-la description des activités et des échanges/interactions avec les jeunes, et 3-leurs opinions au sujet des programmes et mesures d'accompagnement.

Étant donné la taille réduite de l’échantillon comparativement à ce qui était prévu au départ, des données secondaires ont été incluses dans l’analyse. Il s’agit de données obtenues dans le cadre d’une recherche menée en 2012 auprès de quatre professionnels des CLE offrant des services d’accompagnement, y compris auprès des jeunes adultes (Provencher, Beaudoin, Normand, Turcotte, Villeneuve et Tremblay Roy, 2012). Ainsi, les données primaires et secondaires proviennent d’agents des services publics de l’emploi.

Analyse de contenu

Les données provenant des entrevues semi-dirigées auprès de l’échantillon initial et des données secondaires ont été rendues disponibles pour l’analyse (verbatims), conformément aux règles en matière d’éthique de la recherche associées à l’utilisation de données secondaires. L’analyse des données a été effectuée à l’aide d’un logiciel d’analyse de données textuelles (NVivo). Le modèle d’analyse envisagé est le modèle mixte d’analyse de contenu thématique basé sur des catégories prédéterminées (c.f. tableau 1, page 27) complétées par la suite avec d’autres catégories émergeant en cours d’analyse. Ainsi, une exploration préalable des écrits ainsi qu’une connaissance du contexte terrain des chargés d’accompagnement en emploi1 ont permis la confection initiale d’un système de codification. En effet, une revue de la littérature a donné lieu à une opérationnalisation du concept d’accompagnement telle qu’illustrée dans le tableau 1. Comme il se produit habituellement, d’autres catégories ont surgies de l’analyse, ce qui a permis d’enrichir le matériel. Ainsi, le tableau 2 de la page 32 présente quant à lui la catégorisation finale, qui inclut les catégories prédéterminées, auxquelles ont été ajoutées celles ayant émergées en cours d’analyse.

1 Issu de ma participation à une recherche précédente portant sur le sujet des pratiques d’accompagnement en emploi

dans le domaine communautaire (carrefours jeunesse-emploi). Pour plus de détails, voir Provencher, Émond et Tremblay Roy (2010).

Limites de l’étude

Cette étude comporte quelques limites à considérer. Comme il est fréquent avec l’utilisation de données secondaires, la période de mesure diffère de celle de la collecte primaire. Ainsi, il est possible que pour le même échantillon, une mesure à un moment unique ait pu occasionner quelques variabilités dans les discours et les opinions des répondants, la réalité du travail d’accompagnement pouvant changer ou évoluer au fil du temps (ex. : changement dans les mesures d’aide disponibles, changement d’orientation ou d’organisation du travail). Cela dit, les deux collectes de données furent toutefois effectuées selon un protocole semblable, en utilisant une grille d’entretien similaire, certaines questions étant identiques pour la collecte primaire et secondaire. Il est donc approprié de croire que, mis à part les quelques inconvénients inhérents à l’utilisation de données secondaires, cette alternative fut fort enrichissante pour le contenu de l’étude.

Il importe également de considérer qu’étant donné la grande variabilité constatée d’un endroit à l’autre (milieu rural vs urbain, petit CLE ou grand CLE, différences dans les façons de fonctionner à l'interne, etc.), il est possible que des propos rapportés ne siéent pas nécessairement à tous les agents d’aide à l’emploi ou à tous les CLE. De plus, étant donné que les agents d’aide à l’emploi semblent bénéficier d’un pouvoir décisionnel ainsi que de beaucoup d’autonomie et de marge de manœuvre dans leurs décisions et leurs interventions, il se peut, encore une fois, que certains propos décrits puissent ne pas refléter la réalité du travail fait par tous les agents. Ainsi, il est possible d’affirmer que la variabilité dans le fonctionnement que les résultats ont permis de constater affaiblit la validité externe de l’étude. On ne peut effectivement généraliser les résultats obtenus, car il semble clair que les particularités dans le travail sont spécifiques à chaque agent et de façon plus globale, à chaque établissement. Cela permet, en contrepartie, d’en apprendre plus sur les façons de faire dans le monde de l’accompagnement, soit que les services sont adaptables, vraisemblablement dans le but d’offrir un traitement personnalisé à chaque client.