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La présente étude cherche à explorer le concept d’accompagnement de façon concrète, en examinant de quelle façon il s’actualise auprès des jeunes adultes en difficulté dans le réseau des services publics de l’emploi. Comment s’actualise le processus d’accompagnement réalisé par les professionnels auprès des jeunes de 18 à 24 ans dits éloignés du marché du travail et quelles en sont les différentes composantes?

Selon le dictionnaire Larousse 2004, le terme accompagner se décrit comme suit : Aller avec, conduire, escorter, assister, aider. Il renvoie aussi à la mise en place de mesures et de programmes visant à atténuer les effets négatifs de quelque chose. Dans les écrits plus spécifiques sur l’accompagnement dans le domaine de l’insertion en emploi, les définitions du concept d’accompagnement sont multiples et ne désignent pas toujours précisément la même chose. Les pratiques d’accompagnement sont plurielles, il est donc fréquemment mentionné que le concept s’avère complexe à définir, puisque l’accompagnement ne relève ni d’une procédure, ni d’une modalité écrite (Suisse, 2001). Pour certains, les politiques d’insertion sont elles-mêmes responsables du caractère vague de la notion d’accompagnement (Dugué et al., 2001).

Chose certaine, l’acte d’accompagner inclut un engagement personnel important et s’avère d’une grande complexité (Le Guellec, 2001). Dartiguenave et Garnier (2008, p.85) soulignent que le concept d’accompagnement désigne aujourd’hui « à peu près tout et n’importe quoi », parce qu’il est utilisé globalement pour désigner toute pratique d’intervention sociale. Pour eux, l’accompagnement se définit par « les moyens que l’on mobilise pour parvenir aux fins que l’on s’est fixées » (Dartiguenave et Garnier, 2008 p.79). L’accompagnement représente donc une aide offerte à ceux qui présentent des manques les empêchant de franchir une ou des étapes données. Pour le présent travail, ces manques font références aux compétences nécessaires à une insertion en emploi. Ainsi, l’accompagnement peut être envisagé comme un phénomène se présentant sous forme d’aide au développement de compétences et de qualifications (Le Guellec, 2001).

Le concept d’accompagnement se définit donc à l’aide de différents termes. Accompagner, c’est catalyser, faciliter, questionner (Lagnel, 2001). C’est aussi partager une responsabilité (Dartiguenave et Garnier, 2008) ou encore, soutenir les projets du client, ou favoriser la relation qu’il entretient avec son environnement (Suisse, 2001). Devant l’ambigüité que rapportent les

écrits quant à la définition de la notion d’accompagnement, il s’avère pertinent de s’intéresser à une définition plus concise et de se demander plus précisément ce qu’est l’accompagnement dans le monde de l’insertion en emploi.

En ce qui concerne l’insertion, le dictionnaire Larousse (2004) renvoie à l’action d’insérer et définit ce mot comme suit : faire entrer, assimiler, trouver place dans un milieu, s’intégrer, s’introduire. Quant au dictionnaire le Petit Robert (2009), celui-ci parle de l’insertion comme étant l’intégration d’un individu ou d’un groupe dans un milieu social différent.

D’un point de vue historique, le concept d’insertion n’est pas très ancien. Damon (1998), affirme que le terme insertion a remplacé les concepts d’intégration ou de réadaptation qui ont pris naissance à l’époque des Trente Glorieuses. Les objectifs d’insertion étaient au départ associés aux allocations d’assistance sociale dites de dernier recours. Avec le temps, la notion d’insertion a évolué et répond aujourd’hui à des objectifs plus larges, par l’instauration d’actions et de programmes visant la lutte contre l’exclusion.

Comme le mentionne Damon (1998), l’insertion peut prendre plusieurs formes. Elle peut être professionnelle, économique, sociale et culturelle. La présente étude s’intéresse plus particulièrement à l’insertion professionnelle. Plusieurs choses sont en jeu dans ce phénomène, car l’insertion en emploi touche à plusieurs dimensions de la société en ayant des répercussions sur le monde social, politique, éducatif et économique (Gaude, 1997). L’insertion est donc liée dynamiquement à une multitude d’éléments de la société. Le concept peut également être envisagé en termes de moyen d’accès à l’emploi (Gaudet, 2007). Dans cette optique, l’insertion professionnelle consiste à lier l’individu au marché du travail et inclut une prise d’autonomie et une indépendance, non seulement sur le plan financier, mais aussi d’un point de vue identitaire. La Stratégie nationale de lutte à la pauvreté et l’exclusion sociale parle de l’insertion en instituant principalement un lien avec l’aspect financier. En effet, l’insertion s’avère le moyen privilégié pour l’atteinte d’une autonomie financière et d’un mode de vie décent (MESS, 2002). Gaudet (2007) définit aussi l’insertion en ce sens, en parlant d’entrée vers l’autonomie et d’indépendance financière. Le besoin d’insertion est alors considéré comme un besoin d’intégrer des normes sociales. Ainsi, la notion d’insertion inclut une activité salariée sur le marché du travail, une autonomie financière décente ainsi qu’une certaine autonomie sociale. Cette façon d’établir ce qui définit l’insertion cadre bien avec les propos de Dartiguenave et Garnier (2008),

qui soulignent que dans le langage du travail social, la notion d’insertion s’est imposée comme un moyen communément associé à la lutte contre l’exclusion.

La notion d’accompagnement social apparaît à partir du milieu des années 1990 dans le domaine de l’insertion à l’emploi au moment de la mise en œuvre des politiques globales de lutte contre l’exclusion sociale et la pauvreté (Morel, 2002; Noël, 2003; Groulx, 2003; Provencher, 2004, 2008; Provencher et Bourassa, 2005; Ulysse et Lesemann, 2004). Auparavant associé à l’action de « se joindre à quelqu’un pour aller où il va en même temps que lui », l’accompagnement prenait traditionnellement la forme du « suivi social » effectué par les travailleurs sociaux et les éducateurs auprès des clientèles desservies. À partir du milieu des années 1980, l’accompagnement apparaît progressivement dans différents domaines de la vie sociale (accompagnement pédagogique, spirituel, thérapeutique, de fin de vie, accompagnement/management dans les entreprises, etc.) (Maela, 2002; Guele et al., 2003). Globalement, l’accompagnement fait référence aux trois processus liés que sont (1) l’accueil et l’écoute, (2) l’aide au discernement et à la délibération et (3) le suivi dans le temps de la personne accompagnée. Il s’agit d’une fonction centrée sur le passage à l’action plutôt que sur l’atteinte d’un résultat visé, ce qui le différencie, par exemple, du « coaching » professionnel (Le Bouëdec, 2002). Davantage associé à un ensemble de tâches et d’objectifs à atteindre qu’à une définition théorique commune, l’accompagnement en emploi se déploie dans le cadre d’une dynamique relationnelle contractualisée entre un professionnel et une personne en difficulté d’intégration au marché du travail (Le Bossé, 2000; Guele et al., 2003; Béchrouri et Dô-Coulot, 2008).

Les « parcours individuels d’insertion » prennent forme à l’intérieur de dispositifs multiples et évolutifs (stages, formations, projets spéciaux d’insertion en emploi). Ces programmes, activités et mesures servent de support aux chargés d’accompagnement, lesquels ont pour fonction d’offrir aux personnes fragilisées par le marché du travail des moyens pour surmonter une période d’inactivité ou trouver un premier emploi (Criff-Formation et conseil, 2005). Dès lors, si l’accompagnement représente une fonction institutionnelle mise en œuvre dans le cadre d’organisations formelles, elle repose de manière fondamentale sur la relation nouée avec la personne en difficulté. Globalement, les résultats des études menées sur les pratiques d’accompagnement en emploi montrent qu’il s’agit d’une professionnalité à forte composante

relationnelle qui demeure mal définie parce que s’inscrivant dans des organismes variés dont les missions évoluent (Bompard, Daubech, Gélot et Nivolle, 2000).

Les agents ont à la fois des responsabilités envers l’État et des responsabilités envers les clients (MacDonald et Marston, 2005). Ils doivent donc servir la clientèle, tout en répondant aux exigences de l’établissement qui les emploie. Non seulement le mandat des chargés d’accompagnement est multiple, mais leurs rôles et buts semblent aussi très variés (Roulleau- Berger, 1998). L’accompagnement peut en effet inclure un volet individuel où sont travaillées les habiletés personnelles du client, ou encore, des tâches plus techniques permettant plutôt de lui fournir des outils et de l’information (Brégéon, 2008; Guele et al., 2003). Somme toute, il ressort que l’accompagnement est vu comme un processus, où certaines dimensions s’observent. Tout commence par une prise de contact permettant à l’évaluation initiale d’être effectuée. Suite à ce premier contact, un contrat d’accompagnement peut être mis sur pied. Il s’agit alors de baliser les termes du projet et de clarifier les conditions et exigences de part et d'autre. Pour qu’un client s’associe à une démarche, il faut élaborer le projet en analysant les besoins de la personne, son degré de motivation, ses capacités, etc. Dans le suivi qui est effectué par l’agent, il faut aider le client à développer son autonomie, renforcer sa responsabilisation et faire en sorte qu’il demeure motivé malgré les obstacles qu’il peut rencontrer dans son cheminement socioprofessionnel. Tous ces éléments constituant le processus d’accompagnement peuvent être facilités ou encore compliqués par certains aspects. Par exemple, la création d’une bonne relation entre l’agent et le client peut faire une grande différence dans la réussite des démarches. À l’inverse, le caractère involontaire des démarches d’insertion en emploi vient souvent nuire au processus puisqu’il amène à travailler avec des personnes peu motivées ou rébarbatives à recevoir des services d’aide à l’emploi. Le fait que cette clientèle soit souvent aux prises avec des problématiques importantes vient également compliquer la réussite des démarches.

Opérationnalisation du concept d’accompagnement

Tel qu’illustré au tableau ci-dessous, les pratiques d’accompagnement peuvent être étudiées en fonction des cinq dimensions que représentent 1) le processus d’accompagnement; 2) la nature et

les fonctions du travail des accompagnateurs; 3) les facteurs qui limitent le travail d’accompagnement; 4) ceux qui le favorisent et 5) le discours sur les accompagnés. Dans mon étude, j’ai tenté de comprendre les différentes visions que les professionnels ont de leur mandat et des buts à atteindre dans le cadre de leur travail. Le fonctionnement dans l’établissement au sein duquel les professionnels travaillent, ainsi qu’avec les partenaires internes et externes, a également été examiné de façon à mieux connaitre leur façon de fonctionner, les compétences qu’ils doivent posséder, la latitude dont ils ont besoin pour effectuer leurs tâches, ainsi que leurs opinions quant aux services actuellement offerts.

Tableau 1: Catégorisation initiale ayant servi à l'analyse des résultats 1. Processus d’accompagnement

- Accueil et prise de contact - Identification d’un projet - Informations

 Sur les programmes et mesures d’accès à l’emploi

 Sur le marché du travail - Évaluation des besoins

- Clarification du projet du demandeur - Évaluation du potentiel et des forces - Engagement dans une démarche/contrat - Suivi/maintien du lien d’accompagnement

2. Nature et fonction du travail d’accompagnateur

- Recrutement

- Ampleur du travail, nombre de dossiers - Collaboration et références

 Externe (employeurs, écoles)  Interne (collègues)

- Description des tâches

- Objectifs professionnels (mandat)

3. Facteurs qui limitent le travail d’accompagnement 4. Facteurs qui favorisent le travail d’accompagnement 5. Discours sur les accompagnés (les jeunes)