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4.1. Analyse de discours ou analyse de contenu?

Notre hypothèse ayant maintenant été énoncée, il convient de voir de quelle manière nous avons l‘intention de la vérifier. À cette fin, nous allons dans la section qui suit aborder le cadre méthodologique général de notre recherche, lequel établira les fondations de notre étude de cas. Notre cadre méthodologique s‘appuie sur l‘analyse de contenu, telle que définie par Michael Kelly (1984), Paul Sabourin (2009), Laurence Bardin (1993) et Margaret G. Hermann. (2008)

Telle que proposée par Sabourin, l‘analyse de contenu « regroupe l‘ensemble des démarches visant l‘étude des formes d‘expression humaine de nature esthétique », tel que les productions visuelles et auditives, ainsi que langagières. En ce qui nous concerne, nous nous intéressons particulièrement à la production langagière, soit aux discours oraux (entrevues, allocutions…) et écrits (journaux, discours politiques, écrits administratifs…). (Sabourin, 2009: 418) Néanmoins, Sabourin fait la distinction entre l‘analyse de contenu dite traditionnelle et une approche plus moderne en la comparant à l‘analyse des

comportements verbaux et l‘analyse de discours. Ainsi, l‘analyse des comportements

verbaux privilégie « l‘observation en situation sociale des performances langagières orales […] et écrites », alors que l‘analyse de discours « étudie la production textuelle orale ou écrite dans le cadre d‘une analyse interne des documents ». (Sabourin, 2009: 418) Puisque la première approche est conçue pour l‘observation directe ou des expérimentations de type psychosociologique, elle n‘a pas été retenue pour le mémoire en cours. D‘autre part, considérant que les divisions traditionnelles de l‘analyse de contenu sont en mutation, la seconde approche, l‘analyse de discours, se rapproche aujourd‘hui davantage de l‘analyse de contenu. En effet, « l‘usage aujourd‘hui plus fréquent du terme analyse de discours plutôt que celui d‘analyse de contenu indique donc que l‘ « analyse de documents textuels, parmi l‘ensemble des documents possibles, est la plus utilisée comme modes d‘accès à l‘étude de la vie sociale » et que dans « l‘état de développement de l‘analyse de contenu, on préfère utiliser les documents textuels parce que ceux-ci s‘avèrent relativement plus ―simples‖ à interpréter ». (Sabourin, 2009: 419)

En d‘autres termes, nous préférons cette conception de l‘analyse de discours plutôt que sa conception traditionnelle qui s‘inspire davantage de la linguistique et autres sciences du langage et qui s‘attarde davantage à la forme du discours, plutôt qu‘au fond de ce dernier. De plus, comme le souligne Laurence Bardin, le concept d‘analyse de discours est porteur de définitions variables et source de confusion. Pour le courant anglo-saxon, le discours est « toute forme d‘interaction formelle ou informelle, tout langage dans son contexte social et cognitif, et s‘inspire de la psychologie, de l‘anthropologie, de la pragmatique et de l‘ethnométhodologie ». Pour l‘« École française », l‘analyse de discours est plutôt issue du « structuralisme et de la linguistique (analyse distributionnelle, grammaire générative et transformationnelle), mais ayant subi la remise en question du translinguistique, notamment par les théories de l‘énonciation […] ». En bref, Bardin résume la conception du discours dans ces mots : « Nous entendons par ―discours‖, essentiellement des organisations transphrastiques relevant d‘une typologie articulée sur des conditions de production sociohistoriques ». (Bardin, 1993: 287-288) Ce mémoire ne se rapprochant en rien d‘une étude linguistique, ou des approches anglo-saxonne ou française de l‘analyse de discours, comme définies dans les dernières lignes, notre analyse de discours se rapprochera davantage de l‘analyse de contenu, ou d‘une analyse plus « contemporaine » du discours.

Notre approche vise donc à comprendre le fond du discours plutôt que ses multiples formes. Comme le mentionne Bardin, si pour certains « linguistique et analyse de contenu ont le même objet : le langage », il n‘en est rien. (Bardin, 1993: 47) Bardin fait la différence entre les deux idées dans ces mots (Bardin, 1993: 48):

La linguistique travaille sur une langue théorique, envisagée comme un ensemble de systèmes autorisant des combinaisons et des substitutions réglées sur des éléments définis. Son rôle devient, indépendamment du sens laissé à la sémantique, à décrire les règles de fonctionnement de la langue, en dehors des variations individuelles ou sociales traitées par la psycholinguistique et la sociolinguistique. Par contre, l‘analyse de contenu travaille sur de la parole, c‘est-à-dire sur la pratique réalisée, par des émetteurs identifiables, de la langue. Pour reprendre la métaphore du jeu d‘échec utilisée par F. De Saussure, la linguistique ne cherche pas à savoir ce que signifie une partie, mais décrire quelles sont les règles qui rendent possible toute partie. La linguistique établit le manuel du jeu de la langue; l‘analyse de contenu, à l‘aide de parties observables, essaie par exemple de comprendre les joueurs ou l‘ambiance du jeu à un moment donné. Contrairement à la linguistique qui ne s‘occupe que des formes et de leur distribution, l‘analyse de contenu prend en compte les significations (contenu) et éventuellement leur

58 forme et la distribution de ces contenus et formes (indices formels, analyse de

cooccurrence).

Plus simplement, Bardin estime que la « linguistique étudie la langue pour décrire son fonctionnement », et que « l‘analyse de contenu cherche à savoir ce qui est derrière les paroles sur lesquelles elle se penche. La linguistique est une étude de la langue, l‘analyse de contenu est une quête, à travers des messages, de réalités autres ». [En italique dans le texte] (Bardin, 1993: 48) Qui plus est, faisant référence à une analyse de discours « contemporaine » comme le fait Sabourin, Bardin croit que « [l]‘analyse de discours travaille comme l‘analyse de contenu sur des unités linguistiques supérieures à la phrase […] », mais que « lorsque sa visée relève de la même dimension que la visée purement linguistique dont elle dérive par extension […] il est difficile de la situer aux côtés (voire en place) de l‘analyse de contenu ». (Bardin, 1993: 49) Voici donc comme nous comprenons l‘analyse de contenu et de discours et comment nous entendons l‘utiliser.

4.2. L’inférence

D‘autre part, si l‘analyse de contenu nous permet effectivement d‘en arriver à « analyser du contenu », l‘intérêt de cette approche ne réside pas dans la description du contenu proprement dit, mais plutôt dans ce qu‘il pourra nous apprendre, une fois « traité » concernant d‘autres choses. (Bardin, 1993: 42) Ainsi, le but de l‘analyse de contenu est : « l‘inférence de connaissances relatives aux conditions de production (ou éventuellement de réception), à l‘aide d‘indicateurs (quantitatifs ou non) ». (Bardin, 1993: 43) Si la description est la première étape et l‘interprétation, la seconde, l‘inférence, « est la procédure intermédiaire qui permet le passage, explicite et contrôlé, de l‘une à l‘autre ». (Bardin, 1993) Ces inférences peuvent répondre à deux types de questions, l‘une orientée vers les causes du message et l‘autre vers les effets possibles du même message. Nous pouvons alors inférer sur la source et le destinataire du message. (Bardin, 1993: 44) Dans le cas qui nous intéresse, les discours de souveraineté du gouvernement du Canada comblent un manque et sont possiblement causés par la non- reconnaissance d‘une souveraineté absolue sur les eaux arctiques ou sur l‘Arctique canadien en général, et en même temps, ces discours cherchent à créer et à construire le

message contraire. Nous pouvons alors faire le parallèle entre ce phénomène et les deux rôles du discours tels que vus précédemment : explicatif et performatif.

4.3. Note sur les discours étudiés

Notre étude de cas se fondera donc sur les discours du gouvernement du Canada entre 2006 et 2009 qui traitent des questions de souveraineté en Arctique. Nous entrerons en plus amples détails dans le Chapitre III, mais certaines informations méritent d‘être dévoilées à ce moment-ci. Nous créerons un corpus de discours pour la période donnée, et ce, pour les représentants du gouvernement du Canada qui sont les plus susceptibles de produire des discours sur les questions de souveraineté arctique canadiennes. Il s‘agira donc de tous les discours disponibles en ligne entre 2006 et 2009 des personnes ayant occupé les postes suivant : premier ministre (PM), ministre de la Défense nationale (MDN), ministre des Affaires indiennes et du Nord Canada (MAIN), puis ministre des Affaires étrangères du Canada (MINA). Nous retiendrons ainsi tous les discours de ces quatre représentants du gouvernement du Canada qui font une ou plusieurs références directes à la souveraineté du Canada en Arctique. Notre étude de cas étant une analyse de discours, nous sommes convaincus que ce sont ces discours publiés en ligne par chacun des ministères ou du Cabinet du premier ministre qui sont les plus fidèles aux positions d‘Ottawa et de chacune de ses personnalités politiques. En ce qui a trait à la période des discours retenus, elle sera justifiée en détail dans le chapitre suivant, mais en résumé, cette période de 2006 à 2009 se justifie par la presque-absence de discours sur la souveraineté du Canada en Arctique par Ottawa avant l‘arrivée au pouvoir du gouvernement Harper. En effet, comme nous le verrons, seuls quelques discours faisant référence à notre sujet de recherche ont été prononcés avant 2006 par les premiers ministres du Canada.

CHAPITRE III

ÉTUDE DE CAS