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Pour percevoir ces changements au sein de l’institution catholique, nous entendons donc, selon les principes de la sociologie pragmatique, nous intéresser aux justifications produites aux différents échelons de l’institution. Pour ce faire, nous mobiliserons trois instruments de la science politique et de la sociologie.

Tout d’abord, nous procéderons à une analyse du discours de l’Église catholique sur l’écologie pour comprendre comment celui-ci s’incorpore à la fois dans le corps doctrinal de l’enseignement social de l’Église tout en se positionnant dans le champ des discours écologistes produits au sein de la société.

Le discours d’une institution est – à l’image de la description que nous venons de faire de l’institution – un discours qui n’est pas figé ou imposé simplement par la hiérarchie. De nombreux travaux s’intéressant aux discours ont pu souligner la dimension « ethnologique » de celui-ci, en invitant notamment à ne pas se concentrer sur le seul contenu mais sur la forme qu’il a acquise du fait de l’action de ceux qui le produisent et le reçoivent dans des circonstances données. De telles théories mettent, de la sorte, en lumière le lien organique entre un discours et l’institution qui le rend possible141. L’Analyse du discours (AD) en s’attachant à définir ce qui constitue l’unité d’énoncés dispersés approfondit ces premières conclusions. Cette approche implique de concevoir tout texte dans sa dimension sociale, c’est-à-dire non seulement dans son contexte, mais également, dans ce que ce support choisi suppose et véhicule. S’inspirant des théories pragmatiques142, l’AD part du principe que l’énonciateur d’une « formation discursive143 » ne parle pas « en son nom », puisque ce dernier doit « assumer le statut d’énonciateur que définit la « formation discursive » dans laquelle il se trouve pris.144 » Pour prononcer un sermon, un prêtre devra ainsi pour être

141 La théorie des « champs » développée par Pierre Bourdieu rapporte ainsi le discours politique non à la société dans sa globalité, à qui il est censée être destiné, mais à un « champ » d’acteurs qui obéit à des règles spécifiques. Pierre Bourdieu, La distinction, critique sociale du jugement, Paris, Editions de minuit, 1979.

142 Notamment James Austin, Quand dire, c’est faire, Paris, Seuil, 1970. Titre en anglais : How to do things with words ; John R. Searle, Les actes de langage, Paris, Hermann, 1972.

143 Le concept de Foucault dans l’Archéologie du savoir est repris et réinterprété par Dominique Maingueneau.

144 Dominique Maingueneau, L’Analyse du Discours ; introduction aux lectures de l’archive, Paris, Hachette, 1991, p.18. Maingueneau reprend les réflexions de James Austin sur la dimension illocutoire du discours : « En plus du contenu propositionnel, tout énoncé dispose d’une force illocutoire, « qui indique quel type d’acte de langage est accompli quand on l’énonce et comment il doit être reçu par le destinataire. » Un énoncé, pour être « réussi », doit parvenir à véhiculer en plus du contenu une intention d’accomplir l’acte qui est énoncé. Pour cette raison, l’acte d’énonciation suppose que le locuteur et le destinataire s’entendent sur un ensemble de règles qui rendent possible l’énonciation : « Tout acte de langage implique un réseau de droits et d’obligations, un cadre juridique spécifique pour l’énonciateur et le destinataire. […] L’activité discursive met en œuvre des conventions qui règlent les relations entre les sujets, attribuant un statut à chacun. L’énonciateur est bien obligé

compris se mettre dans la posture de celui qui prononce un sermon, et supposer que son interlocuteur connaisse les codes de cette formation discursive. Cela fait dire à Dominique Maingueneau que « la langue, au niveau des actes de langage comme à celui des genres de discours, apparaît comme une vaste institution qui garantit la validité et le sens de chacun des actes qui tissent l’exercice du discours.145 ». Discours et institution apparaissent de ce fait intimement liés, l’institution devenant dans la perspective de l’AD un espace « qui délimite l’exercice de la fonction énonciative, le statut des énonciateurs comme celui des destinataires, les types de contenus que l’on peut et doit dire, les circonstances d’énonciation légitimes pour un tel questionnement.146 » Cette perspective implique donc de concevoir tout discours comme un produit objectivé de l’institutionnalisation147. Dès lors que l’on s’occupe du discours, la subjectivité du sujet n’occupe donc pas une place centrale, le sujet selon le rôle qui lui est dévolu au sein de l’institution se faisant le porte-parole de celle-ci. Or ce qui est vrai pour un énoncé donné doit l’être également a fortiori pour un ensemble d’énoncés produits par une pluralité de sources. Le discours institutionnel ne devra donc pas être perçu comme exprimant la seule volonté de sa hiérarchie, il sera bien plus le reflet d’un certain nombre de codes partagés par l’ensemble des membres appartenant à l’institution et sera à ce titre l’objectivation d’une construction historique.

Or si, comme l’affirme l’AD, tout discours doit s’appréhender dans son rapport à l’institution qui le rend possible, le discours religieux se veut d’autant plus lié à l’institution religieuse que celle-ci attache une importance particulière à le codifier, à le structurer, à l’unifier en une doctrine148. En suivant l’approche de l’AD quant au statut de l’énonciateur défini « par la « formation discursive » dans laquelle il se trouve pris », le discours de l’Église de supposer que le co-énonciateur partage avec lui tout un ensemble de présupposés : ce qui conduit certains auteurs à parler de « contrat », tacite évidemment. » Mais l’Analyse de discours ne se situe pas au niveau des seuls actes de langage, mais de manière plus englobante au niveau des discours. Là, aussi, il faudra que le destinataire associe au contenu le « genre du discours » pour pouvoir l’interpréter de façon correcte et se comporter de manière adéquate. Or « les genres de discours ne sont pas des catégories intemporelles mais des réalités historiques, inséparables des sociétés dans lesquelles ils émergent. » Cf. Dominique Maingueneau, L’Analyse du Discours ; introduction aux lectures de l’archive, chapitre « La Pragmatique », Paris, Hachette, 1991, p.169-205.

145 Ibid., p.173.

146 Ibid., p. 18. Cf. également Claire Oger, Caroline Olliver-Yaniv, « Analyse du discours institutionnel et sociologie compréhensive : vers une anthropologie des discours institutionnels », Mots. Les langages du politique, 2003, n°71, p.128.

147 Le terme d’institution dans l’AD a un caractère large qui n’implique pas nécessairement une structure hiérarchique comme le proposent les modèles types que sont l’Église et l’État. William Labov en travaillant sur le « vernaculaire noir-américain » a ainsi pu s’attarder sur « l’institution des insultes rituelles » qui répondent à des codes et des conduites précis. Jean-Pierre Esquenazi, « Principes d’une sociologie des institutions de discours », Questions de communication, 2006, n°9.

148 Cf. William Ossipow, La transformation du discours politique dans l’Église, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1979 ; Jacques Lagroye, Appartenir à une institution, Op. cit.

catholique ne peut ainsi être vu comme émanant du seul pape ou de ses plus proches collaborateurs à la Curie romaine.

Ce qui était vrai hier, l’est d’autant plus depuis Vatican II, l’aggiornamento ayant conduit à la codification de processus qui devaient être moins visibles auparavant. Comme le note Philippe Portier, la période post-conciliaire a facilité le passage d’un régime du « gouvernement » vers celui de la « gouvernance » au sein de l’Église et plus particulièrement encore au cœur de l’Église en France149. Les procédures dialogiques qui obligent à la négociation s’imposent comme méthode de travail, dont les synodes - qui se tiennent au sein des Églises locales ou au niveau international - ou encore les nombreux conseils paroissiaux en sont les expressions. Les prêtres et les évêques consultent ; la parole des laïcs se fait entendre150 et le discours de l’Église entend rendre compte de cette diversité même si celle-ci reste « ordonnée »151. Les textes les plus solennels, comme les encycliques, sont eux-mêmes le résultat de tractations qui sont désormais largement relayées. Cela n’a pas échappé à William Ossipow, qui, dès la fin des années 1970, suggère que « contrairement à une représentation sommaire de la structure de communication en matière juridictionnelle qui suggère un flux descendant et unilatéral, cette structure est semblable à celle des gouvernements civils et prend la forme désormais classique du circuit. Même l’opinion publique fait son apparition comme source d’informations pour les pasteurs.152 »

De fait, à revers des approches classiques de la sociologie des religions153, Jacques Lagroye ne voit pas dans l’adhésion des fidèles au discours de l’Église catholique, un simple geste de subordination à l’autorité : si les croyants accordent leur confiance aux « gardiens

149 Philippe Portier, « Pluralité et unité dans le catholicisme français », dans Céline Béraud, Frédéric Gugelot, Isabelle Saint-Martin (dir.), Op. cit.

150 Cf. Jacques Palard, Le gouvernement de l’Église catholique. Synodes et exercice de pouvoir, Op. cit. ; Olivier Bobineau, Dieu change en paroisse, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2005 ; Céline Béraud, Prêtres, diacres, laïcs. Révolution silencieuse dans le catholicisme français, Paris, PUF, 2007 ; Dominique Barnerias, La paroisse en mouvement : l’apport des synodes diocésains français de 1983 à 2004, Paris, Desclée de Brouwer, 2011.

151 Cf. James Beckford, Social Theory and Religion, Cambridge, University Press, 2003. La Curie d’aujourd’hui ne diffère pas en cela de la Curie pré-conciliaire qui craignait les divisions à l’intérieur de l’Église et avait entamé pour cela une centralisation autour de la figure (et de la voix) papale en pariant notamment sur les nouveaux moyens de communications (cf. Michel Lagrée, La bénédiction de prométhée, Op. cit.). Aujourd’hui encore, la hiérarchie catholique s’inquiète de l’unité de l’Église, et, comme le remarque Philippe Portier, au « mouvement centrifuge » marquée par l’intégration des laïcs s’oppose un « mouvement centripète » porté par la hiérarchie catholique et qui vise à préserver intacte la substance du catholicisme et donc à « fixer les existences dans la fidélité aux énoncés magistériels. » Il s’agit donc d’encadrer le pluralisme notamment par l’affirmation d’un discours reconnu comme vrai par tous. Philippe Portier, « Pluralité et unité dans le catholicisme français », Op. cit.

152 William Ossipow, La transformation du discours politique dans l’Église, p.34.

153 Sans remonter à Kant ou Feuerbach, la sociologie des religions s’est construite à partir du paradigme de la sécularisation, ou pour le dire en terme durkheimien, de l’entrée dans les sociétés organiques, cf. Jean-Paul Willaime, Introduction à la sociologie des religions, Paris, Puf, 1995.

des certitudes » que sont les évêques, c’est moins l’aveu d’une infériorité dans l’appréciation de la vérité que la reconnaissance d’une capacité à « faire accepter une interprétation des croyances partagée par tous les membres en dépit de la diversité de leurs modes d’appartenance et de leurs « sensibilités religieuses » et de rappeler que certaines représentations sont inacceptables.154 » On comprend de ce fait qu’une part non négligeable de la légitimation du discours catholique, et par répercussion du clergé catholique, auprès des croyants repose dans leur capacité à prononcer des vérités qui soient recevables par tous - que cet universalisme soit vérifié ou seulement supposé. Le discours institutionnel est donc à l’image de la communauté qui le prononce : il doit refléter celle-ci ; et tout porte à croire que s’il est certes produit par le haut, il procède au moins partiellement de consultations de la base.

Cette correspondance entre le discours catholique et la communauté des croyants s’éclaire à la lumière de travaux d’historiens et de sociologues qui se sont intéressés aux grandes évolutions du catholicisme. Ainsi dans la période contemporaine, Denis Pelletier a traduit dans La crise catholique le mouvement qui, suite au « moment gauchiste » de l’après 1968, éloigne les « catholiques de gauche » désireux de changer non plus l’institution mais la société tandis qu’éclate de l’autre côté du spectre politique une « crise intégriste ». Ces « déplacements du catholicisme » qui redéfinissent le champ de l’adhésion à l’institution s’accompagne de modifications au sein d’un discours catholique qui tend vers une relecture de Vatican II à partir de la fin du pontificat de Paul VI : « Il a fallu plusieurs années aux évêques pour s’accorder sur une position en quelque sorte « médiane » entre contestation gauchiste et dissidence intégriste, pour que leur discours sur le pluralisme se transforme en défense de la communion d’Église et, en somme, pour qu’une ouverture à l’innovation au nom des « signes des temps », à laquelle ils n’ont jamais renoncé, se double d’un recentrage sur la notion d’Église, avec son contenu de tradition.155 » Cette « position médiane » adoptée par la hiérarchie se confronte néanmoins à l’effondrement des vocations parmi les catholiques de gauche, ouvrant alors un espace dans lesquels vont s’engouffrer courants charismatiques et traditionnalistes qui vont former une nouvelle génération de militants catholiques, de clercs et de diacres156.

154 Jacques Lagroye, Appartenir à une institution, Op. cit., p.46.

155 Denis Pelletier, La crise catholique, Op. cit., p.227.

156 Un colloque portant sur le catholicisme d’identité a été organisé par Céline Béraud, Bruno Dumons, Frédéric Gugelot le 27, 28 octobre 2014 à l’EHESS. Bruno Dumons, Frédéric Gugelot, Catholicisme et identité : regards croisés sur le catholicisme français contemporain (1980-2017), Paris, Karthala, 2017.

Fort de ces conclusions induites par l’Analyse du Discours, nous accorderons une importance toute particulière aux corpus de textes pontificaux qui, de Paul VI à nos jours, traitent des problématiques écologiques. Ceci inclut prioritairement les encycliques157 et les lettres apostoliques158, mais d’autres discours, par l’importance qui leur a été accordée par les commentateurs de l’écologie catholique, entreront en ligne de compte, tout particulièrement ceux prononcés à l’occasion de la journée de la paix en 1990 et 2010 par Jean-Paul II et Benoît XVI159. D’autres textes papaux lus à l’occasion de leurs voyages officiels et rassemblés depuis dans des anthologies pourront compléter notre analyse160 au même titre que les compilations écrites par la Curie romaine, notamment dans le Compendium de la Doctrine

sociale de l’Église dirigé par le Conseil Pontifical Justice et Paix161 ou encore les discours prononcés par les nonces apostoliques participant aux différents sommets internationaux sur l’environnement.

Cette priorité accordée à la Doctrine sociale de l’Église pour évaluer le discours de l’Église catholique sur l’écologie se nourrira d’un corpus beaucoup plus conséquent, qui visera à situer ce premier dans les champs de controverses qui ont permis son institutionnalisation. Il faudra en effet étudier ce discours à la lumière des polémiques qui ont justifié « l’intransigeantisme de mouvement162 » voulu par l’Église catholique pendant une grande partie du XXème siècle, ce qui suppose de revenir sur l’histoire du catholicisme contemporain, et plus particulièrement son rapport à la science. Ceci nous permettra ainsi de revenir sur les théologiens qui ont contribué à l’émergence d’une théologie de la création. Par

157 De nombreuses encycliques traitent indirectement de l’écologie en s’intéressant notamment au développement économique et technique. Un nombre plus restreint s’y confronte de manière frontale. On retiendra donc particulièrement : Jean-Paul II, Encycl. Solicitudo rei socialis (dorénavant dénommée SRS): AAS 80 (1988) 513-586 ; Jean-Paul II, Encycl. Centesimus annus (dorénavant dénommée CA): AAS 83 (1991) 793-867 ; Jean-Paul II, Encycl. Evangelium vitae (dorénavant dénommée EV): AAS 87 (1995) ; Benoit XVI, Encycl. Caritas in veritate (dorénavant dénommée CIV), Paris, Salvator, 2009 ; et François, Encycl. Laudato Si’ (dorénavant dénommée LS), Documentation Catholique, 2015, n°2519, p.5-71, n°23.

158 On pense tout particulièrement à celle écrite par Paul VI, Lettre apost. Octogesima adveniens: AAS 63 (1971) 401-441. Disponible également sur le site du Vatican.

159 Jean-Paul II, Message pour la Journée Mondiale de la Paix, 1er janvier 1990, « La paix avec Dieu créateur, la paix avec toute la création » : AAS 82 (1990) ou Documentation Catholique, 1990, n°87, p.10 ; Benoit XVI, Message pour la journée mondiale de la Paix, 1er Janvier 2010, « Si tu veux construire la paix, protège la création », 2010.

160 Cf. notamment Jean-Paul II (présentation de Jean Bastaire), Les gémissements de la création, Les Plans sur Bex, Parole et Silence, 2006 ; Benoit XVI, Pour une écologie de l’homme, Les Plans sur Bex, Parole et Silence, 2012 ; Marybeth Lorbiecki, Dans les pas de Saint François d’Assise, l’appel de Jean-Paul II en faveur de l’écologie, Paris, Dervy, 2014 ; Thomas Michelet, Les papes et l’écologie, Paris Artège, 2016. On peut se référer aux anthologies de Dominique Lang, même si celles-ci ne portent pas exclusivement sur les papes : Père Dominique Lang, L’Église et la question écologique, Paris, Arsis, 2008 ; Père Dominique Lang, Petit manuel d’écologie intégrale, Paris, Saint-Léger Edition, 2015.

161 Conseil Pontifical Justice et Paix, Compendium de la Doctrine sociale de l’Église, Paris, Bayard, Cerf, Fleurus-Mame, 2008.

ailleurs, il faudra aussi situer ce discours dans les débats qui entourent la formalisation des problématiques écologiques au sein de la société civile. Les causes de cette crise, les remèdes pour en sortir sont autant de sujets où l’Église catholique, si elle intervient, devraient chercher à se démarquer. Il conviendra donc de se nourrir des réflexions des auteurs de l’éthique environnementale et de la philosophie de la technique pour percevoir les particularités du discours écologiste catholique. Cette double perspective d’histoire des idées politiques et de philosophie politique nous permettra ainsi d’isoler ce que le processus de « conversion » à l’écologie du discours catholique révèle mais aussi implique sur le Magistère catholique.

Si le discours produit par l’institution n’est donc jamais le seul fait de la hiérarchie, on ne peut toutefois éluder les enjeux d’une juste réception de ce discours par les croyants. L’interprétation, ou si l’on préfère l’appropriation, de ce discours par les différentes sensibilités du catholicisme est une étape importante qu’il convient d’étudier. Confrontés à l’autonomisation du croire, les croyants sont eux-mêmes susceptibles d’anticiper sur ce discours en élaborant des justifications et en développant des pratiques qui résolvent, pour partie et à leur niveau, les problématiques écologistes.

Pour saisir toutes les nuances de ces actions individuelles et communautaires, nous avons procédé à une enquête qualitative, que nous avons combiné à une analyse sociologique des discours des différents groupes catholiques participant de cette mouvance catholique écologiste.

Nous avons dû ainsi délimiter le champ de notre enquête, car le discours papal sur l’écologie, surtout depuis Laudato Si’, fait l’objet de nombreux commentaires qui vont au-delà de la seule sphère catholique, en s’immisçant notamment dans les réseaux de l’écologie politique163. Ce phénomène nouveau possède, certes, de l’intérêt pour notre analyse, à condition toutefois d’être envisagé comme un élément travaillant l’institution de l’extérieur, de façon indirecte donc. Par ailleurs, comme l’a parfaitement mis en évidence Jean-Marie Donegani, un certain nombre de catholiques ne construisent pas leur existence autour d’une attestation fidéiste. Ainsi, qualifie-t-il de marginalistes ceux pour qui « le religieux apparaît comme un système de valeurs à part qui n’est pas relié psychologiquement à l’ensemble des attitudes et des comportements.164 » Or, parmi ces marginalistes catholiques, il est tout à fait possible de retrouver des militants écologistes. Un certain nombre de chercheurs ont d’ailleurs

163 Cf. notamment Fabien Revol (dir.), La réception de Laudato Si’ dans la militance écologiste, Paris, Cerf, 2017.

164 Jean-Marie Donegani, La liberté de choisir : pluralisme religieux et pluralisme politique dans le catholicisme français contemporain, Paris, Presses de la FNSP, 1993, p.37.

mis en lumière les origines chrétiennes de militants écologistes165 qui dans leurs actions quotidiennes ne revendiquent pas d’appartenance catholique tout en restant attentifs aux actions de l’Église. Au regard de notre problématique, il n’était cependant pas question d’aller rencontrer ces personnes sur la base de rumeurs ou même d’une analyse biographique plus poussée, leurs discours et leurs pratiques écologistes n’étant pas réalisées au nom de l’Église catholique.

Pour toutes ces raisons, nous avons décidé de nous concentrer sur les personnes revendiquant publiquement une double sensibilité catholique et écologiste, en élaborant, à cet effet, le concept de « militant catholique écologiste ». Il s’agissait donc de repérer des personnes s’engageant activement dans la promotion d’une écologie catholique - ou chrétienne. Une fois le profil de nos interviewés isolé, nous avons effectué une cartographie par internet des différents courants de l’écologie catholique afin d’embrasser toute