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La « conversion » écologiste de l’Eglise catholique en France : sociologie politique de l’appropriation du référent écologiste par une institution religieuse

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Academic year: 2021

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La “ conversion ” écologiste de l’Eglise catholique en

France : sociologie politique de l’appropriation du

référent écologiste par une institution religieuse

Ludovic-Pierre Bertina

To cite this version:

(2)

THÈSE DE DOCTORAT

De l’Université de recherche Paris Sciences et Lettres

PSL Research University

Préparée à l’École Pratique des Hautes Études

La « conversion » écologiste de l’Église catholique en France :

sociologie politique de l’appropriation du référent écologiste par une

institution religieuse.

École doctorale de l’EPHE – ED 472

Spécialité : Religions et systèmes de pensée

Soutenue par :

Ludovic-Pierre BERTINA Le 27 septembre 2017

COMPOSITION DU JURY :

Mme Céline BÉRAUD

Directrice d’études à l’EHESS (Sociologie) Membre du jury

Mr. Dominique BOURG

Professeur à l’Université de Lausanne (Philosophie) Rapporteur

Mr. Vincent DELECROIX

Directeur d’études à l’EPHE (Philosophie) Président du jury

Mr. Philippe PORTIER

Directeur d’études à l’EPHE (Science Politique) Directeur de thèse

Mr Bruno VILLALBA

Professeur à AgroParisTech (Science Politique) Rapporteur

Mr. Jean-Paul WILLAIME

Directeur d’études à l’EPHE (Sociologie)

Dirigée par :

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Table des matières

REMERCIEMENTS 13

LISTE DES ACRONYMES ET DES ABREVIATIONS 14

INTRODUCTION 17

I-LA CONVERSION : UNE DECLARATION QUI VA AU-DELA DE CE QU’ELLE DIT. 18

II-DE L’IMPORTANCE D’ETUDIER LA JUSTIFICATION DES ACTEURS INSTITUTIONNELS DANS LE PROCESSUS DE TRANSITION ECOLOGIQUE DES SOCIETES. 20

III- L’ÉGLISE CATHOLIQUE AU XXEME SIECLE : UNE INSTITUTION TRAVAILLEE PAR LEMERGENCE DE LA

MODERNITE. 26

IV-LA REMISE EN CAUSE DES PARADIGMES DE LA MODERNITE PAR L’ECOLOGIE. 29

V-ECOLOGIE ET CATHOLICISME : UN CHAMP D’ETUDE A EXPLORER. 32 VI-LE « RETARD » DES CATHOLIQUES FRANÇAIS SUR L’ECOLOGIE : L’EFFET D’OPTIQUE D’UNE MOBILISATION EFFECTUEE SOUS LE SIGNE DE LA SECULARISATION. 35

VII-PROBLEMATIQUE. 43

VIII-METHODE ET RESSOURCES. 44

IX-ANNONCE DU PLAN. 53

PREMIERE PARTIE : UN DISCOURS (VRAI CAR) EFFICACE FACE AUX CRISES ECOLOGISTES.

DEFENDRE UN PROJET INTEGRALISTE EN REGIME DE POSTMODERNITE. 55

CHAPITRE 1.SE RECONCILIER AVEC LA SCIENCE.LA FORCE DU CONSTAT SCIENTIFIQUE POUR LIQUIDER LE

POSITIVISME DES MODERNES. 59

1.1.LA SENSIBILITE DE L’ÉGLISE A L’IMAGINAIRE DES GRANDES DECOUVERTES DES SCIENCES NATURELLES. 59

1.1.1. Le différend historique de l’Église avec la théorie darwinienne. 60 1.1.1.1. Darwin où le « triomphe de l’histoire » par les sciences naturelles. 60 1.1.1.2. Une opposition de principe de l’Église qui s’accompagne d’un refus des conséquences

morales du darwinisme. 62

1.1.2. Un nouveau paradigme en phase avec les aspirations de l’Église. 63 1.1.2.1. L’invocation de l’imaginaire de la coopération par les découvertes de l’écologie

scientifique. 63

1.1.2.2. L’intégration des concepts de l’écologie scientifique par les papes. 67 1.2.DES DECOUVERTES ECOLOGISTESQUI AIDENT L’ÉGLISE A ETRE EN PHASE AVEC LA SOCIETE DE SON TEMPS.

70 1.2.1. Un ferment de la reconnaissance de la séparation entre foi et raison. 70 1.2.1.1. Pierre Teilhard de Chardin ou l’intégration du darwinisme par l’écologie globale. 71 1.2.1.2. L’héritage discuté mais assumé de Teilhard de Chardin dans la théologie de la

création de Jürgen Moltmann. 75

1.2.1.3. Contre la synthèse teilhardienne, un pluralisme scientifique qui arrange la hiérarchie

catholique. 77

1.2.2. Eléments pour retarder l’exculturation du catholicisme. 80

(7)

CHAPITRE 2.LA COSMOLOGIE CHRETIENNE JUGEE A SES EFFETS.L’ARGUMENTAIRE PRAGMATIQUE DE LA

DOCTRINE SOCIALE DE L’ÉGLISE SUR L’ECOLOGIE. 95

2.1LE CHRISTIANISME EST-IL ENCORE EFFICACEPOUR PROTEGER L’HOMME DE SA PROPRE DESTRUCTION ? 95

2.1.1. L’échec du puritanisme à protéger une nature qui ne serait pas sauvage. 95 2.1.2. Les racines chrétiennes de notre crise écologique ou la polémique autour de l’« affaire

Lynn White ». 98

2.1.3. Les effets d’une religion détermineraient-ils la valeur de celle-ci ? 103 2.2LA CRISE ENVIRONNEMENTALE : UNE « ERREUR ANTHROPOLOGIQUE » AVANT D’ETRE COSMOLOGIQUE. 105

2.2.1. Pour un chrétien, le respect dû au créé s’impose. 106

2.2.2. L’éloignement de Dieu : cause originelle de la crise environnementale. 107

2.2.3. L’éthique ne peut être matérialiste. 109

2.3.LE MODELE CATHOLIQUE : UNE ALTERNATIVE CREDIBLE A LA COSMOLOGIE DES MODERNES ? 114

2.3.1. L’anthropocentrisme chrétien : un juste milieu pour penser l’action responsable de

l’homme. 115

2.3.1.1. Affirmation de la culture par la destruction de la nature. 115 2.3.1.2. L’idolâtrie de la nature par la destruction de toute culture. 117 2.3.1.3. La représentation trinitaire du rapport de l’homme à la nature : condition nécessaire

pour une harmonie retrouvée. 119

2.3.2 Préserver le naturalisme tout en pensant l’interdépendance de la nature et de la culture. 121

2.3.2.1. Les penseurs de la fin de la Nature. 121

2.3.2.2. Vers un relativisme assumé ? 124

2.3.2.3. La nature humaine : solution à l’interconnexion et l’incommensurabilité des sphères

naturelle et culturelle. 133

2.3.3. Un discours qui se conforme aux règles de la discussion en contexte de postmodernité. 138 2.3.3.1. La « fictionnalisation » de la prétention à la vérité : état du discours religieux dans un

contexte postmoderne. 138

2.3.3.2. La mise en concurrence du « grand récit » de la Création. 141 2.3.3.3. L’attractivité de l’affirmation religieuse à l’heure postmoderne. 145 CHAPITRE 3. LA RELATION COMME PRINCIPE D’ACTION : LA FONCTION DE L’UTOPIE FACE A LA

CATASTROPHE TECHNOCRATIQUE. 150

3.1.LES VERTUS DE LA RELATION. 150

3.1.1. La portée heuristique de la relation. 151

3.1.1.1. Se mettre en relation avec la Relation. 151

3.1.1.2. La relation apporte la paix. 155

3.1.2. L’efficacité de la relation : la communauté pour dépasser l’égoïsme. 157 3.1.2.1. La relation pour contrer l’individualisme qui nous isole. 157 3.1.2.2. La mise en relation des différentes sphères d’activité permet de résoudre les intérêts

propres à ces sphères. 159

(8)

3.2.LE PRIMAT DE LA RELATION SUR LA NORME DANS UN MONDE INDIVIDUALISTE. 164

3.2.1. L’écologie de François est-elle particulière ? 164

3.2.2. Sans relation pas d’efficacité des normes. 167

3.2.3. La relation comme outil de pédagogie. 171

3.3.LE RAPPORT OPPORTUN A LA CRISE ECOLOGIQUE : L’OPTIMISME COMME MEILLEUR MOYEN D’Y FAIRE FACE.

175

3.3.1. Le principe Confiance face au principe Responsabilité. 176

3.3.2. L’occasion d’un nouveau discernement. 180

CONCLUSION PARTIELLE. 183

DEUXIEME PARTIE : « L’INTEGRALISME PAR LA PRATIQUE » : L’AUTONOMISATION DE LA MILITANCE POUR REPONDRE AUX DEFIS DE LA SITUATION POSTMODERNE. 187

Situation du catholicisme en France. 188

CHAPITRE 4.UNE MATRICE CATHOLIQUE TOURNEE VERS LA RECHERCHE DE L’ACTION EFFICACE. 192 4.1. LE REFUS DU LIBERALISME ECONOMIQUE. 193

4.1.1. Le refus d’un système productiviste qui ne se fixe aucune limite. 193 4.1.2. Face à « l’idéologie antichrétienne » que représente l’écologie, l’intransigeance consiste à

prôner le libéralisme économique. 197

4.1.2.1. L’« idéologie » écologiste et son panthéisme comme tropisme. 198 4.1.2.2. Laisser-faire le projet de Dieu : l’« écologie pascale » de Stanislas de Larminat. 201 4.1.3. Accepter les limites et agir en conséquence : face à l’hétéronomie des catholiques écolo-sceptiques, un discours catholique écologiste qui affirme l’autonomie humaine. 204 4.2. DES CATHOLIQUES ECOLOGISTES QUI S’ACCORDENT SUR UNE VISION COMMUNE DE L’HOMME ET DE SA

PLACE DANS LE MONDE. 207

4.2.1. La défense de l’anthropocentrisme chrétien. 207

4.2.1.1. L’homme maître de la technique. 208

4.2.1.2. Rapport à la nature : L’adhésion au discours de « l’intendance ». 209 4.2.1.3. Le refus du catastrophisme : un marqueur de l’espérance chrétienne. 214

4.2.2. Pour un développement humain intégral. 216

4.2.2.1. Des nuances économiques qui s’estompent. 217

4.2.2.2. La convergence de l’ordre et de la relation. 220

4.2.2.3. L’écologie humaine : un discours qui repose sur des valeurs partagées par les

militants catholiques écologistes. 225

4.3.L’ENQUETE SUR LES RESSOURCES ECOLOGISTES DU CATHOLICISME : UN PROJET COMMUNQUI PERMET DE GERER LE PLURALISME CATHOLIQUE. 228

4.3.1. Une enquête au service du pluralisme. 229

4.3.2. Changer notre façon d’agir sur le monde en se fondant sur la sensibilité franciscaine. 231

4.3.2.1. Une popularité qui devient problématique. 231

(9)

4.3.3. La règle bénédictine : un instrument rationnel pour une relation harmonieuse avec le

monde. 240

4.3.4. La méthode jésuite : un exercice de réflexivité pour repenser ses actions au quotidien. 245 4.3.4.1. Croire par l’émerveillement, juger par la compréhension du monde, agir par amour. 246 4.3.4.2. L’organisation de la Compagnie au service de la cause écologiste. 248 CHAPITRE 5.MILITER EN COMMENÇANT PAR SOI : L’INDIVIDUALISATION DE L’INTEGRALISME. 252 5.1. VIVRE L’EVANGILE AU QUOTIDIEN : LES APPORTS RECIPROQUES DE LA RELIGION ET DE LA PRATIQUE

ECOLOGISTE. 253

5.1.1. La symbolique religieuse de la pratique écologiste. 253

5.1.1.1. La « résistance ordinaire » du sujet acteur. 254

5.1.1.2. La performativité de l’acte symbolique. 256

5.1.1.3. La religion : support de l’engagement militant ? 258

5.1.2. La conversion par les petits sacrifices du quotidien. 260

5.1.2.1. La sphère privée comme espace de l’engagement catholique. 260 5.1.2.2. La contrainte écologiste : support d’un engagement religieux. 263 5.1.2.3. L’engagement écologiste comme reflet d’une conversion religieuse. 267 5.2.LE FAIRE ECOLOGISTE : RESSOURCE LEGITIMANTE DANS LE PROCESSUS D’AUTONOMISATION DU CROIRE.

269 5.2.1. Légitimer la subjectivisation du croire par l’engagement militant. 269 5.2.1.1. La quête de cohérence ou l’autonomisation du marqueur social écologiste. 269 5.2.1.2. Une individualisation de la militance que l’on retrouve dans le croire contemporain. 271 5.2.1.3. Comme conséquence de l’autonomisation de la militance catholique écologiste, la

reconnaissance modérée d’un relativisme pratique. 273

5.2.2. La « mise en scène » de l’authenticité par la minimisation de l’homogénéité sociale. 278 5.2.2.1. Une identité sociale non assumée par les militants écologistes. 278 5.2.2.2. Un profil de militant scientifique, croyant et pratiquant assumé par intermittence. 279 5.2.2.3. Un engagement qui se veut moral avant d’être situé socialement. 281 5.3.LE RAPPORT INDIVIDUALISE DES CATHOLIQUES ECOLOGISTES A L’ENGAGEMENT COLLECTIF. 284

5.3.1. De la marginalité à l’installation : le transfert d’utopie chez les néo-ruraux. 284 5.3.1.1. La communauté post-1968, foyer d’émergence de l’« intégralisme par la pratique ». 285 5.3.1.2. L’individualisation de l’utopie communautaire par les « installés ». 286

5.3.1.3. Le collectif contestataire des « ruraux alternatifs ». 288

5.3.2. La communauté n’est plus, vive le collectif ! 289

5.3.2.1. La ferme de la Chaux : un collectif de familles chrétiennes anarchistes qui ne veut pas

être « une secte ». 289

5.3.2.2. La rationalisation de l’expérience communautaire : un élément du récit de vie. 291 5.3.2.3. Le monastère : un attrait qui ne réside pas dans le témoignage d’une vie collective de

prière. 292

5.3.3. Le réseau : support d’une action éthicisée en dehors des clivages politiques et religieux. 296

5.3.3.1. Des militants « sans domicile fixe ». 296

5.3.3.2. À la recherche de l’action éthique, non clivante. 298

5.3.3.3. Le réseau comme structure adéquate de la mobilisation pour des militants

(10)

CHAPITRE 6. UNE PRATIQUE DE L’INTEGRALISME QUI AFFECTE LA TYPOLOGIE DU MILITANTISME

CATHOLIQUE. 308

6.1. LE RAPPORT AU MOUVEMENT ECOLOGISTE : REVELATEUR D’UN CLIVAGE DE NATURE PHILOSOPHIQUE AUTOUR DU STATUT DE LA VERITE. 309

6.1.1. Présentation du « Courant pour une écologie humaine ». 310

6.1.2. Une polémique sur le rôle de la protection environnementale dans l’ethos des sociétés

occidentales. 313

6.1.2.1. Reprendre le flambeau de la lutte écologiste en défendant l’humain. 313

6.1.2.2. L’écologie « intégrale » est toujours humaine. 316

6.1.3. Un clivage de nature philosophique : délibérer pour parvenir à la vérité ou défendre la

vérité révélée. 319

6.1.3.1. La confrontation des visions « cohérentes » du monde génère de la valeur ajoutée. 320

6.1.3.2. La « bienveillance » ou le refus de la compromission. 329

6.1.3.3. L’intransigeance des autres ou la frustration engendrée par un « faux » pluralisme. 338 6.2. L’ECLATEMENT DE LA MILITANCE CATHOLIQUE, OU LA DIFFICULTE DE PARLER DE « CATHOLIQUES D’OUVERTURE » ET DE « CATHOLIQUES D’IDENTITE ». 344

6.2.1. L’éclatement du pôle de l’identité. 346

6.2.1.1. La subsidiarité et l’expérience croyante de la vulnérabilité contre la norme institutionnelle : un pôle de la vérité qui s’autonomise par rapport à l’institution. 346 6.2.1.2. L’institution ecclésiale au service du dialogue et de la réflexion. 353

6.2.2. L’éclatement du pôle de l’ouverture. 359

6.2.2.1. Par respect pour les traditions de chacun, un engagement tourné vers la communauté

catholique. 360

6.2.2.2. L’expérience individuelle : un moyen privilégié pour parvenir à la vérité universelle. 367 6.3.TYPOLOGIE DE LA MILITANCE CATHOLIQUE ECOLOGISTE. 369

6.3.1. Les quatre pôles de la militance. 370

6.3.1.1 Le pôle de la vigilance ou de l’exemplarité. 371

6.3.1.2. Le pôle de l’auxiliarité ou de la médiation. 372

6.3.1.3. Le pôle de la mobilisation des catholiques. 374

6.3.1.4. Le pôle de la spiritualité. 379

6.3.2. La collaboration de sensibilités stabilisées. 382

CONCLUSION PARTIELLE. 386

TROISIEME PARTIE : LE MOUVEMENT DE L’ÉGLISE EN FAVEUR DE L’ECOLOGIE AU DEFI DE L’ULTRAMODERNITE : DE LA DIFFICULTE D’AGIR POUR FAIRE SENS LORSQU’ON EST UN

ACTEUR DE LA SOCIETE. 389

CHAPITRE 7. L’INSTITUTIONNALISATION D’UN MOUVEMENT DE L’ÉGLISE STRUCTURE AUTOUR D’UNE

NEBULEUSE D’ACTIONS EXEMPLAIRES. 390

7.1.DES ENTREPRENEURS DE CAUSE LIMITES PAR LEUR STRATEGIE. 393

(11)

7.1.1.2. L’indépendance des intellectuels favorise l’encadrement de leur courant de pensée. 399 7.1.2. La polarisation des militants catholiques écologistes par les intellectuels : le paradoxe du

pôle de la mobilisation. 401

7.1.2.1. Des intellectuels qui œuvrent à la constitution de réseaux. 401 7.1.2.2. L’importance de l’engagement des militants pour susciter la convergence des réseaux. 404 7.1.3. Décrire le mouvement qui vient tout en le construisant : les intellectuels de la vigilance à

la merci de la réactivité de leurs militants. 406

7.1.3.1. Porte-paroles malgré eux : le paradoxe des intellectuels du pôle de la vigilance. 406

7.1.3.2. Pérenniser l’effervescence. 408

7.2.L’INSTITUTIONNALISATION DU MILIEU CATHOLIQUE ECOLOGISTE PAR LA VALIDATION EPISCOPALE. 412

7.2.1. Une minorité active dépendante de sa base militante. 414

7.2.2. Des instruments de légitimation à la disposition des évêques. 418 7.2.2.1. Institutionnaliser la réflexion : la formation sur le long terme du clergé. 418 7.2.2.2. La création de nouveaux centres pour accueillir la réflexion écologique. 421 7.2.2.3. Les diacres : relais entre l’institution et les militants. 425

7.2.3. Un réseau national d’incitation à l'initiative écologiste. 428

7.2.3.1. Une réflexion épiscopale tardive qui repose sur le volontariat des évêques. 429 7.2.3.2. Le pouvoir d’incitation du pôle « Ecologie et société », ex « antenne environnement et

mode de vie ». 430

7.3. TEMOIGNER PAR DES INITIATIVES CONCRETES DE L’INTERET DE L’ÉGLISE POUR L’ECOLOGIE ET DE SA

SPECIFICITE. 435

7.3.1. La spiritualisation du message politique : marque de fabrique des actions de

sensibilisation des catholiques écologistes. 438

7.3.1.1. Les campagnes « vivre autrement » ou la mise à profit des ressources symboliques de

la religion catholique. 439

7.3.1.2. Le jeûne climatique ou l’efficacité des instruments spirituels dans l’engagement en

faveur de l’écologie. 442

7.3.2. L’adoption négociée d’un répertoire d’action : l’exemple de la réflexion éthique des militants catholiques écologistes autour de l’enfouissement des déchets nucléaires. 444 7.3.2.1. La « jurisprudence Rouet » ou le détour par l’éthique pour répondre à la mobilisation

des catholiques écologistes. 446

7.3.2.2. La nécessaire « montée en neutralité » de la réflexion éthique autour du projet de

centre d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure. 448

7.3.2.3. Un répertoire d’action négocié induit par la dépendance mutuelle de la hiérarchie et

de la militance catholique écologiste. 454

7.3.3. L’institutionnalisation d’une nébuleuse d’actions exemplaires. 460 7.3.3.1. L’hétérogénéité des tâches du groupe diocésain : une garantie de son

institutionnalisation. 461

7.3.3.2. Des initiatives concrètes et exemplaires de réduction de l’impact environnemental

des communautés catholiques qui cherchent à s’inscrire dans la durée. 467

7.3.3.3. Une nébuleuse d’initiatives qui valorise l’autonomie individuelle au détriment de

(12)

CHAPITRE 8.L’EFFICACITE CONTRASTEE DES INTERVENTIONS DE L’ÉGLISE EN FAVEUR DE L’ECOLOGIE. 476 8.1. LE PLAIDOYER INTERNATIONAL INTERRELIGIEUX : LE DEFI DE L’UNIVERSALITE OU LE PIEGE DE LA SPIRITUALISATION DES ENJEUX GLOBAUX. 482

8.1.1. Le plaidoyer de l’Église en faveur de l’écologie : se faire l’avocat des populations

défavorisées. 482

8.1.1.1. Endosser la cause d’un autre sans intérêt particulier. 482

8.1.1.2. La sécularisation mal vécue du plaidoyer en faveur du développement. 484 8.1.1.3. Un plaidoyer sur l’environnement comme critique du paradigme

développementaliste. 488

8.1.2. Œcuménisme et dialogue interreligieux : le visage du plaidoyer international. 496 8.1.2.1. L’écologie comme prétexte à la « dynamique œcuménique ». 496 8.1.2.2. L’instrumentalisation du dialogue interreligieux par les ONG internationales pour

favoriser l’engagement des religions. 499

8.1.2.3. L’institutionnalisation de la militance internationale interreligieuse en faveur de

l’écologie. 501

8.1.3. L’appel aux spiritualités ou le risque de dilution du discours religieux dans le régime

ultramoderne ? 503

8.1.3.1. L’engagement lourd de Nicolas Hulot, et de l’État pour un plaidoyer interreligieux en

préparation de la Cop 21. 504

8.1.3.2. Parler à l’ensemble des consciences pour favoriser l’unité : la justification des

politiques. 505

8.1.3.3. Cibler le for intérieur des dirigeants : la justification interreligieuse des acteurs

religieux. 512

8.2.LA « PAROLE D’ÉGLISE » : LE DEFI DE L’AUXILIARITE OU LE PIEGE DU DIALOGUE ETHIQUE. 520

8.2.1. L’épiscopat et l’expertise collégiale : les conditions requises à l’expression d’une « parole

d’Église ». 523

8.2.1.1. Les attributs de l’évêque et du panel d’experts au service du succès d’une prise de

parole par l’Église. 523

8.2.1.2. De la nécessaire coordination de l’évêque et du panel d’experts. 526 8.2.2. Une préoccupation éthique qui ne parvient pas à devenir substantielle. 530

8.2.2.1. L’expertise de l’Église en matière d’éthique. 530

8.2.2.2. L’approche substantielle de la biopolitique par l’Église catholique. 534 8.2.2.3. Une polémique qui se nourrit des différentes approches de l’éthique. 536 8.2.2.4. L’Église renonce-t-elle à toute approche substantielle de l’éthique sur les questions

éthiques ? 539

8.2.3. Le dialogue comme mode d’action. 545

8.2.3.1. Un contexte favorable à l’émergence d’un nouvel acteur. 545

8.2.3.2. L’Église : auxiliaire de la « démocratie technique » ? 549

8.2.3.3. Influer sur le débat tout en étant un acteur de celui-ci : un rôle qui n’est pas sans

danger. 554

8.3.LE REGIME DU TEMOIGNAGE : LE DEFI DE LA PEDAGOGIE MISERICORDIEUSE OU L’INVISIBILISATION DES OBSTACLES INHERENTS A TOUTE DEMARCHE ECOLOGISTE. 560

8.3.1. La miséricorde et l’espérance : un mode de conversion dont l’efficacité échappe à

l’observation du sociologue. 561

8.3.2. L’apparence de la facilité ou la tentation du greenwashing. 569

8.3.2.1. De la difficulté d’instaurer une démarche éco-responsable. 570 8.3.2.2. Sans communication autour des obstacles inherents à la mise en place de pratiques

(13)

8.3.3. La paroisse ou la résistance de la communauté locale aux initiatives écologistes des

militants. 573

8.3.3.1. Une marginalisation de l’engagement écologiste, perçu comme trop politique, au sein

des communautés paroissiales. 574

8.3.3.2. Les mesures d’économies et de convivialité au prisme de la gouvernance paroissiale. 577 8.3.3.3. Re-territorialiser la paroisse pour favoriser le vivre-ensemble : un projet qui peut

concerner toute la communauté ? 580

CONCLUSIONPARTIELLE. 583

CONCLUSION 587

L’INTEGRALISME CATHOLIQUE EN QUESTION. 587

LES EFFETS DE L’APPROPRIATION DU REFERENT ECOLOGISTE DANS LA STRUCTURATION D’UNE INSTITUTION

RELIGIEUSE. 589

PERSPECTIVES DE RECHERCHE. 595

BIBLIOGRAPHIE 599

I-SOURCES PRIMAIRES 599

II-SOURCES SECONDAIRES 616

(14)

Remerciements

En dépit de son apparence, une thèse est un long travail collectif. À l’heure où je finalise celle-ci, je ne saurais me soustraire de cette tâche honorable qui consiste à remercier ceux qui m’ont soutenu. Encadrement, émulation, encouragements : mes proches ont su jouer de près ou de loin un rôle que je voudrais saluer ici.

J’adresse tout d’abord ma reconnaissance à Monsieur Portier pour sa confiance et sa disponibilité d’esprit. Au-delà du soutien et des opportunités qu’il m’a offerts, les discussions que nous avons eues ont été d’une grande fertilité et ont contribué à la structuration de ma pensée.

Je mesure par ailleurs la qualité de l’accueil qui m’a été fait à l’EPHE et au GSRL. Ce laboratoire m’a accompagné dans les initiatives collectives que j’ai menées, tout en soutenant mon enquête et la publicisation de mes recherches. Mes remerciements s’adressent tout particulièrement à Laurence Mabit dont l’attention et le professionnalisme n’ont (vraisemblablement) pas d’égal dans tout le CNRS !

Mon épanouissement intellectuel doit également beaucoup aux conseils et aux soutiens que j’ai pu recevoir de collègues professeurs, notamment au sein du laboratoire. Je m’estime également redevable auprès de Paul André, Sébastien Caré, Lauranne Chaignon, Olivier Chopin, Julie Janopy, Christophe Leduc, Séverine Mathieu, Sophie Poirot-Delpech, Corine Valasik, Aliocha Wald Lasowski et Chronique Editions pour les responsabilités qu’ils m’ont accordées, me permettant ainsi de me financer.

Je me dois, autrement, de mentionner l’atelier des doctorants du GSRL qui, tout en étant un formidable lieu de transmission et d’échange des savoirs, a su générer une saine émulation. Le réseau qui s’y est constitué et dépasse aujourd’hui les frontières du laboratoire a éveillé en moi ce goût pour l’échange académique. Des amitiés qui se sont nourries de ce terreau ont permis de belles collaborations. Morvarid Ayaz, Romain Carnac, Jean Chamel, Aurélien Fauches, Mathieu Gervais, Anahita Grisoni et Luis Martinez Andrade occupent, pour cette raison, une place toute particulière.

Mes proches ont su également trouver le temps et les mots pour m’encourager tout au long de ce projet de longue haleine. Par la sociabilité qu’ils ont entretenu, ma chambre ne s’est jamais transformée en une tour d’Ivoire. Cet équilibre si nécessaire à tout travail intellectuel, je le leur dois ! J’ai pu également profiter de leur aide notamment à l’heure des corrections. Je remercie pour cela Ingrid, qui a su se rendre disponible, puis Claire-Isabelle, David, Elsa, Iara, Lise, Marianne, Rémi et Stéphanie.

À un tout autre niveau, rien de tout cela n’aurait pu voir le jour sans le soutien de mes parents tout au long de mon cursus. J’ai envers eux une éternelle dette qui me rappelle, chaque jour, à quel point je suis privilégié de les avoir.

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Liste des acronymes et des abréviations

ACIPA – Association communale intercitoyenne des populations concernées par le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes

AFC – Associations familiales catholiques

AMAP – Association pour le maintien d’une agriculture paysanne

ANCCLI – Association nationale des comités et commissions locales d’information ANDRA – Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs

ARC – Alliance of religions and conservation ASN – Agence de sûreté nucléaire

ATD Quart-monde – Agir tous pour la dignité

CCC – Atelier chrétiens co-responsables de la création CCEE – Conseil des conférences épiscopales d’Europe

CCFD Terre Solidaire – Comité contre la faim et pour le développement

CCNE – Conseil Consultatif National d’Éthique pour les sciences de la vie et de la santé CCNUCC – Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques

CEA – Commissariat pour l’énergie atomique CEH – Courant pour une écologie humaine CERAS – Centre de recherche et d’action sociale

CESE – Conseil Economique Social et Environnemental CFCM – Conseil français du culte musulman

CMED – Commission Mondiale pour l’Environnement et le Développement

CIDSE – Coopération international pour le développement et la solidarité, en anglais :

International Cooperation for Socio-Economic Development

CIGEO – Centre industriel de stockage géologique CMR – Chrétiens dans le monde rural

CNDP – Commission nationale du débat public

CNUEH – Conférence des Nations Unies sur l’Environnement Humain

COE – Conseil œcuménique des Églises, en anglais : WCC – World Council of Churches COMECE – Commission des épiscopats de la Communauté européenne

CRCF – Conférence des Responsables de Cultes en France COP – Conference of Parties

CPDP – Commission particulière du débat public CUT – Chrétiens unis pour la Terre

CVX – Communauté Vie Chrétienne

DCC – Délégation catholique à la coopération DDT – Dichlorodiphényltrichloroéthane

EAP – Equipe d’Animation pour la Préparation EDF – Électricité de France

EELV – Europe écologie – Les Verts

EHESS – École des hautes études en sciences sociales EPHE – École pratique des hautes études

ESS – Économie sociale et solidaire

FAO – Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, en anglais : Food

and Agriculture Organisation of the United Nations

FMI – Fond monétaire international

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GIEC – Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat, en anglais : IPCC –

Intergouvernmental Panel on Climate Change

GPA – Gestation pour autrui

IPSL – Institut Pierre-Simon-Laplace LMPT – La Manif pour tous

LR – Les Républicains

MRJC – Mouvement rural de la jeunesse chrétienne NDDL – Notre-Dames-des-Landes

NIMBY – Not in my Backyard

NOEI – Nouvel ordre économique international NPA – Nouveau parti anticapitaliste

OGM – Organisme génétiquement modifié ONG – Organisation non-gouvernementale PAS – Politique d’ajustement structurel PMA – Procréation médicalement assistée

PNUD – Programme des Nations Unies pour le développement PNUE – Programme des Nations Unies pour l’environnement PS – Parti socialiste

PSU – Parti socialiste unifié RCF – Radio catholique française

RESMO – Religiously-based environmental social movement organizations SDF – Sans domicile fixe

SIDA – Syndrome d’immunodéficience acquise UDI – Union des démocrates indépendants UMP – Union pour un mouvement populaire.

UNCED – United Nations Conference on Environment and Development UNICEF – Fonds des Nations Unies pour l’enfance

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Introduction

Lorsque nous avons entamé notre thèse à la fin de l’année 2010, l’idée d’une encyclique papale sur l’écologie n’était pas du tout à l’ordre du jour. De même, imaginer qu’un pape puisse s’engager personnellement sur une des grandes thématiques écologistes apparaissait comme incongru et peu respectueuse de la fonction papale, comme nous l’expliquait un évêque1 qui dénonçait alors le comportement d’activistes politiques qui

avaient lancé la rumeur de la venue imminente de Benoît XVI à Notre-Dame-des-Landes ou sur le futur site d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure2.

Assurément nous pouvons reconnaître une part de chance dans le fait que depuis la publication de l’encyclique Laudato Si’ en juin 2015 par le pape François3, il n’est plus besoin

de démontrer que l’attention catholique pour la préservation de la création est loin d’être un phénomène marginal susceptible d’être étudié par les sciences des religions. Néanmoins, l’histoire de cette sensibilité catholique pour l’écologie, bien que demeurée longtemps confidentielle en France, n’est plus si récente. Paul VI est ainsi le premier pape à s’être emparé du sujet : c’était en 1970 lors d’un discours à la FAO4. Depuis, les trois papes qui lui

ont succédé5 ont non seulement prononcé plusieurs discours consacrés à cette thématique6,

mais ils ont encore réservé plusieurs paragraphes dans leurs encycliques sociales à cette problématique7 et ont effectué des actes symboliques allant dans le sens d’un engagement de

1 Propos recueillis le 2 juillet 2013.

2 Cf. notamment http://www.villesurterre.eu/images/stories/bure-130109-pape-attendu-a-bure.pdf page consultée

15 Novembre 2016.

3 François, Encycl. Laudato Si’, Documentation Catholique, 2015, n°2519 (dénommée dorénavant LS). Nous

nous référerons dans cette thèse à l’édition publiée conjointement par Bayard, Cerf, et Mame : Paris, Bayard-Mame-Cerf, 2015. Les versions en Français de l’ensemble des encycliques citées dans cette thèse sont disponibles sur le site du Vatican.

4 Paul VI, « Discours à l’occasion du 25ème anniversaire de la F.A.O., 16 novembre 1970. », La Documentation

catholique, n°1575, p.1052-1056.

5 À l’exception, bien sûr, de Jean-Paul I, dont le pontificat fut trop court pour qu’il puisse se prononcer sur le

sujet.

6 Cf. notamment les deux principaux : Jean-Paul II, Message pour la XXIIIème journée mondiale de la paix, « La

paix avec Dieu créateur, la paix avec toute la création », 1er janvier 1990 ; Benoit XVI, Message pour la

célébration de la Journée de la Paix 2010, « Si tu veux construire la paix, protège la création », 1er Janvier 2010. 7 Avant la publication de Laudato Si’, quatre encycliques traitaient particulièrement de ce sujet : Jean-Paul II,

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l’Église8. Si bien qu’ils se sont successivement vus attribuer le titre officieux de « pape vert »

par les observateurs du catholicisme9. L’écologie s’est donc progressivement imposée dans la

Doctrine sociale de l’Église catholique, avant d’être pleinement médiatisée par Laudato Si’10.

Si donc cette médiatisation facilite notre tâche dans l’exposé de l’intérêt de notre thèse, dans un sens, nous n’avons pas eu d’autre intuition que de prendre au sérieux cette « conversion » de l’Église à l’écologie, à la lumière de l’importance – pour ne pas dire de l’urgence – des problématiques écologiques, dont la réalité ne dépend pas des éphémères campagnes médiatiques préludant aux grandes messes internationales sur l’environnement.

I- La conversion : une déclaration qui va au-delà de ce qu’elle dit.

On mesure toute l’ironie du titre de notre thèse – « La grande conversion écologiste » de l’Église catholique – lorsque l’on sait que nous avons pris soin tout au long de notre recherche d’éviter le concept de « conversion » qui nous semblait bien trop accrocheur pour ne pas apparaître comme une tentation linguistique. Dans notre esprit, la conversion se rapportait avant tout à un vocabulaire religieux, même si nous avions conscience d’un usage profane du terme, tout particulièrement dans le domaine des pratiques écologistes, où l’on parle par exemple de « conversion à l’agriculture biologique11 ». Aussi parler de « conversion

écologiste », pour un sociologue des religions, ne pouvait qu’être le fruit d’un abus de langage. La publication de l’encyclique du Pape François Laudato si’ lèvera cependant ces barrières psychologiques, pour rendre à ce titre toute son évidence.

8 Nous aurons l’occasion de documenter précisément ces diverses actions symboliques. Nous pouvons noter

toutefois que Paul VI a ainsi envoyé un message lors de la conférence internationale de Stockholm en 1972 ; Jean-Paul II a institué saint François d’Assise comme patron des écologistes dès la première année de son pontificat en 1979 ; il a de même participé au dialogue œcuménique en prononçant un discours avec le patriarche œcuménique orthodoxe en 2002 ; Benoît XVI a installé des panneaux solaires sur le toit du Vatican et a décidé de compenser l’ensemble des déplacements du pape et de ses collaborateurs. Pour un résumé de ces initiatives, cf. http://www.eglise.catholique.fr/sengager-dans-la-societe/developpement-durable/372028-la-sauvegarde-de-la-creation/ page consultée le 20 novembre 2016.

9 Pour juger de la persistance de cette expression, cf. notamment Mgr Jean-Louis Bruguès, « Préface », dans

Benoit XVI, Pour une écologie de l’homme, Les Plans sur Bex, Parole et Silence, 2012, p.8 ; Guy Aurenche et al., François, le pape vert, Paris, Temps Présent, 2015 ; Jean-Claude Pierre, « Je rêve d’un pape vert ! », La Vie, le 11 mars 2013, http://www.lavie.fr/religion/catholicisme/je-reve-d-un-pape-vert-11-03-2013-37588_16.php

page consultée le 15 novembre 2016.

10 François, LS, Op. cit.

11 Le ministère de l’agriculture parle ainsi « d’aides à la conversion et au maintien de l’agriculture biologique »,

cf. « Les nouvelles aides à la conversion et au maintien de l’agriculture biologique » :

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Comme le note Pierre Antoine Fabre, les définitions que l’on donne de la conversion entendent décrire soit le passage d’un univers englobant vers un autre soit l’accès à une sphère nouvelle au sein d’un même univers englobant. Pour le dire autrement, il est possible de l’envisager comme « un changement de signe (de geste, de costume, de nom, voire de paroles) ou par un changement dans les signes12 ». Le pape François qui consacre une partie

de son encyclique à ce thème spécifique de la conversion13 opte pour la seconde solution.

Bien qu’il appelle à une « conversion écologique », il n’est, bien sûr, pas question d’une conversion à la religion écologiste. Le retour vers la figure du Christ dans le for intérieur de chacun devrait avoir des conséquences sur les comportements des chrétiens puisque cette « conversion intérieure » « implique de laisser jaillir toutes les conséquences de leur rencontre avec Jésus Christ sur les relations avec le monde qui les entoure14. » L’acte de se convertir

dans le sens qu’en donne le pape François repose donc sur un changement dans le signe puisqu’il consiste à s’approprier une pratique qui n’était jusqu’ici que sociale et qui, par ce retour à Dieu, acquiert un sens particulier15.

Les historiens nous invitent cependant à respecter une distance critique par rapport au récit de conversion. Comme le remarque encore Pierre-Antoine Fabre, si ce genre narratif occupe une place centrale dans l’histoire médiévale, c’est essentiellement dû à la prise en compte par les chercheurs du « tournant linguistique » que celui-ci induit. La conversion a ainsi pour particularité d’échapper à son locuteur du fait même que sa revendication est partie intégrante du processus d’affirmation identitaire du locuteur : « Une conversion attestée est une conversion racontée, c’est un instant nécessairement déployé dans le temps, un événement tissé dans une intrigue – une intrigue dans laquelle le récit lui-même vient prendre sa place comme un terme, et par conséquent comme un élément. Aussi ce récit se trouve-t-il, par définition, exposé à témoigner, en même temps que d’une conversion passée, d’une conversion en cours, voire d’une conversion inachevée ; aussi peut-il jeter un trouble sur ses propres déclarations.16 »

12 Pierre Antoine Fabre, « Conversion : perspective historiographique », dans Régine Arzia, Danièle

Hervieu-Léger, Dictionnaire des faits religieux, Paris, Puf, 2010, p.188-190.

13 Cf. Pape François, LS, n°216-221. On compte quinze occurrences du terme de la « conversion » dans

l’encyclique.

14 Ibid., n°217, p.169.

15 Ibid., n°218 à 221, p.169-172. Il s’agit alors de reconnaître « ses erreurs et ses péchés », se mettre en relation

car une conversion écologique ne saurait ne pas être une « conversion communautaire », faire preuve de « gratitude et gratuité » en étant guidé par un « amour pour la nature » et mettre sa créativité au service de la responsabilité particulière de l’homme, tout en explicitant cette conviction personnelle qui relève de la foi.

(21)

Si donc nous parlons de « conversion », ce n’est pas parce que le pape nous y autorise. L’usage de ce terme a pour particularité d’ouvrir un champ d’analyse : celui de la « conversion écologique » de l’Église. Mais en suivant l’intérêt tout autant que la mise en garde des historiens, nous tenterons moins d’établir si nous sommes ou non en présence d’une « conversion écologique » – ce qui impliquerait de définir à partir de critères prédéfinies ce qu’est l’écologie et ce qu’elle n’est pas17 – pour nous concentrer davantage sur ce qui se

convertit et donc sur les effets de l’appropriation du référent écologiste.

II- De l’importance d’étudier la justification des acteurs institutionnels

dans le processus de transition écologique des sociétés.

La perspective générale de notre thèse emprunte ainsi à la sociologie pragmatique, dans le sens où elle construit son analyse à partir des justifications et des critiques émises par un acteur pluriel : l’Église catholique. A l’instar de la sociologie pragmatique18, il ne s’agira

pas de dénoncer des intérêts stratégiques derrière la revendication en apparence désintéressée d’une préoccupation écologiste, ou de percevoir, derrière une spiritualisation des enjeux environnementaux, des dispositions sociales qui facilitent la reproduction de rapports de pouvoir. Si ces éléments feront bien partie de notre réflexion, ils s’intégreront plus globalement comme une des nombreuses conséquences de l’affirmation d’une sensibilité écologiste par un agrégat d’individus.

De manière générale, nous pouvons dire que les controverses qui sont liées à la thématique écologiste sont induites par des pratiques qui obligent les acteurs à développer des

17 C’est par exemple ce que propose Dunlap et Van Liere, en établissant une liste de 15 questions permettant de

rendre compte du rapport idéologique à l’environnement : Riley Dunlap, Kent Van Liere, « The « new environmental paradigm »: A proposed measuring instrument and preliminary results », Journal of Environmental Education, 1978, vol. 9, p. 10-19 ; Riley Dunlap, et al., « Measuring Endorsement of the New Ecological Paradigm: A Revised NEP Scale », Journal of Socia Issues, 2000, vol. 56, no 3, p. 425-442 ; Riley

Dunlap, « The New Environmental Paradigm Scale: From Marginality to Worldwide Use », The Journal of Environmental Education, 2008, vol. 40, no 1, p. 3-18.

18 Comme l’affirme Yannick Barthe, Damien de Blic, Jean-Philippe Heurtin, Eric Lagneau, Cyril Lemieux,

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argumentaires (principe de rationalité19) susceptibles d’être reçus dans la sphère publique par

les autres acteurs participant à la controverse (principe de symétrie20). Or ce processus de

justifications produit en lui-même des effets sociaux, en modifiant ou reproduisant les relations de pouvoir existant entre les différents acteurs de la société21. Comme l’avance dans

un article programmatique un certain nombre de sociologues pragmatiques : « Ce ne sont certes pas les arguments échangés, les justifications données et les critiques émises qui, considérés en eux-mêmes, ont le pouvoir de transformer l’état des rapports sociaux. Reste que les actions consistant à argumenter, à justifier et à critiquer ont ce pouvoir, ne serait-ce que marginalement (ainsi, par exemple, amener par ses critiques un détenteur de pouvoir à devoir se justifier doit être considéré comme une altération, si minime soit-elle, des rapports sociaux et politiques préexistants). De ce point de vue, la prise au sérieux des justifications et des critiques mène, en sociologie pragmatique, à explorer les effets que peut avoir la critique sur la refonte des collectifs, la transformation des dispositifs socio-techniques et la réforme des institutions.22 » Le sociologue pragmatique s’attache ainsi à « devoir reconstituer les logiques

contradictoires de la pratique qui sont source de l’activité critique des acteurs23 », les agents

sociaux n’étant d’ailleurs pas tenus d’être a priori cohérents24. Ainsi, sans nous situer au cœur

19 Ibid., p. 201: « Il s’agit de décrire les appuis matériels dont chacun se sert pour prouver ce qu’il a à dire ou le

justifier publiquement. »

20 Idem. : « Il importe de suivre l’ensemble des « camps » ou, du moins, de ne pas prêter à l’un, a priori, des

compétences que l’autre n’aurait pas. »

21 Ibid., p. 195 : « Si la sociologie pragmatique ne se satisfait pas de résumer une situation, quelle qu’elle soit, à

travers une répartition préétablie des rôles de dominant et de dominé, ce n’est donc pas qu’elle méconnaîtrait l’existence des phénomènes de pouvoir. C’est qu’elle est à la recherche d’un niveau de description de ces phénomènes dans lequel ils puissent être vus et analysés en tant qu’accomplissements pratiques. Plutôt que d’essayer de rendre compte des actions observables en mobilisant la boîte noire des « relations de pouvoir », cette sociologie s’intéresse aux actions observables elles-mêmes en tant qu’elles produisent des relations de pouvoir. […] La sociologie pragmatique se donne donc pour tâche de décrire et de comprendre comment fonctionnent concrètement les dispositifs de pouvoir. Elle s’efforce d’identifier les appuis concrets dont se servent, en situation, ceux qui réussissent à faire faire à d’autres certaines actions. Elle cherche à analyser comment s’y prennent ceux qui tentent de remettre en cause le lien de dépendance ou de domination dont ils pâtissent, et les limites qu’ils rencontrent dans cette entreprise. »

22 Ibid. p.186. 23 Idem.

24 Ibid., p. 190 : « Ces vingt dernières années, en France, un des principaux renouvellements opérés dans les

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d’une controverse, comme la sociologie pragmatique en a l’habitude, il s’agira d’évaluer les fondements pratiques et les effets sociaux de l’appropriation du référent écologiste par et sur une institution.

En s’intéressant au rôle des institutions dans la prise en compte des enjeux environnementaux, nous désirons apporter un complément à la philosophie environnementale qui s’est édifiée historiquement autour de l’éthique environnementale25 et des philosophies de

la technique26 et des sciences27. A la faveur de la théorisation du « plafond électoral » des

partis écologistes à la fin des années 199028, cette réflexion s’est également concentrée sur le

problème de la dissonance cognitive en accordant une importance particulière à la psychologie individuelle et collective29. En parallèle, de nombreux travaux de politistes ont

porté sur les institutions démocratiques et sur la manière de les adapter aux enjeux écologistes30. Il s’agissait alors de procéder à « la démocratisation de la démocratie31 » par la

mise en place de nouveaux dispositifs tels que les forums hybrides ou de nouvelles Chambres

25 Si Serge Moscovici et Edgar Morin font figure de précurseurs, Catherine et Raphaël Larrère et Dominique

Bourg ont contribué à l’introduction de cette pensée anglo-saxonne dans les années 1990. Serge Moscovici, La société contre nature, Paris, Seuil, 1972 ; Edgar Morgin, Le paradigme perdu : la nature humaine, Paris, Seuil,1973 ; Catherine Larrère, Du bon usage de la nature, Paris, Flammarion, 1997 ; Dominique Bourg, Scénarios de l’écologie, Paris, Hachette, 1996. En langue française, l’anthologie de Hicham-Stéphane Afeissa fait également référence : Hicham-Stéphane Afeissa, Ethique de l’environnement : nature, valeur, respect, Paris, Vrin, 2007.

Les penseurs anglo-saxons ont été traduits plus tardivement. Cf. notamment : John Baird Callicott, Ethique de la Terre, Paris, Wildproject, 2010 ; Rachel Carson, Printemps silencieux, Paris, Wildproject, 2014 ; Aldo Leopold, Almanach d’un comté des sables suivi de quelques croquis, Paris, GF Flammarion, 2000 ; Arne Naess, Vers une écologie profonde, Paris, Wildproject, 2009 ; Arne Naess, Ecologie, communauté et style de vie, Paris, Ed. du Dehors, 2013.

26 Cf. notamment Jean Baudrillard, La société de consommation, Paris, Gallimard, 1970 ; Jacques Ellul, Le

système technicien, Paris, Cherche midi, 2012 ; André Gorz, Ecologie et politique, Paris, Seuil, 1978 ; Ivan Illich, La convivialité, Paris, Seuil, 1973.

27 Cf. notamment Michel Callon, « Eléments pour une sociologie de la traduction. La domestication des

coquilles Saint-jacques et des marins-pêcheurs dans la baie de Saint-Brieuc », L’Année sociologique, 1986, n°36, p.169-208 ; Bruno Latour, La vie de laboratoire, Paris, La Découverte, 1979 ; Edgar Morin, Le paradigme perdu : la nature humaine, Paris, Seuil, 1973.

28 Cf. notamment Guillaume Sainteny, Les verts, Paris, PUF, 1991 ; Guillaume Sainteny, L’introuvable

écologisme français ?, Paris, PUF, 2000 ; Sylvie Vieillard-Coffre, « Les Verts et le pouvoir. Regards géopolitiques sur les écologistes français : stratégies et représentations », Hérodote, 2001, Vol.100, n°1, p.120-150 ; Daniel Boy, « Les Verts, Cohn-Bendit, l'environnement et l'Europe », Revue française de science politique, 1999, Vol. 49, n°4-5, p.675-686.

29 Cf. notamment Jean-Pierre Dupuy, Pour un catastrophisme éclairé, Paris, Seuil, 2002 ; Emilie Hache, Ce à

quoi nous tenons, Paris, La Découverte, 2011. Celle-ci s’est également exprimée sous la forme d’une relecture des thèses de Felix Guattari ou de la psychologie sociale de Serge Moscovici : Felix Guattari, Les trois écologies, Paris, Galillée, 1989 ; Serge Moscovici, La psychologie sociale, Paris, Puf, 2014.

30 Cf. notamment Ulrich Beck, La société du risque, Paris, Flammarion, 2009 ; Dominique Bourg (dir.), Pour

une 6ème république écologique, Paris, Odile Jacob, 2011 ; Dominique Bourg, Kerry Whiteside, Vers une

démocratie écologique, le citoyen, le savant et le politique, Paris, Seuil, 2010 ; Michel Callon, Pierre Lascoumes, Yannick Barthe, Agir dans un monde incertain, essai sur la démocratie technique, Paris, Seuil, 2001 ; Bruno Latour, Politiques de la nature, comment faire entrer les sciences en démocratie, Paris, La Découverte, 1999.

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parlementaires capables d’intégrer le long terme ou d’accueillir les représentants des non-humains.

Nous voulons raisonner davantage à partir de l’optique de l’appropriation du référent écologiste par les institutions. Bruno Villalba, dans un ouvrage collectif autour de cette problématique, définit l’appropriation comme une étape entre la formulation et la diffusion qui correspond à une reformulation du projet, une réflexion sur les modalités d’application, au moment de sa mise en action32. Si, de manière plus globale, notre étude portera sur ces trois

moments, cette perspective a effectivement pour particularité de s’intéresser à la réflexivité à l’œuvre dans tout processus d’intégration et d’application de la thématique écologiste en ne considérant pas a priori que les multiples passages d’une étape à l’autre sont automatiques.

De plus, en parlant d’appropriation du référent écologiste, nous ne considérons pas la thématique écologiste comme un bloc idéologique unifié. La philosophie environnementale en réponse au pamphlet de Luc Ferry au début des années 1990, qui voulait dénoncer les racines réactionnaires de l’écologie politique33, s’est attachée à préciser les contours de

l’écologie en montrant la particularité de ses différents courants34. Si l’écologie politique ne

peut être décrite que dans la variété de ses composantes, il apparaît ainsi que tout acteur est libre de piocher dans cette diversité, ou même de complexifier cette cartographie, en puisant des éléments dans d’autres réserves de sens, pour répondre aux défis révélés par l’écologie scientifique.

Penser la transformation de la société et les résistances aux transitions écologistes à partir du cadre institutionnel nous apparaît donc comme particulièrement intéressant car, au-delà de la prise de conscience individuelle des problématiques écologistes, un certain nombre de comportements et de jugements produits par les individus sont induits notamment par les pratiques, les dispositifs, les règles et les rôles35 qui ont été objectivés dans des processus

d’institutionnalisation.

Par institution, nous ne voulons donc pas réduire celle-ci à un bloc compact et homogène clairement organisé dont les règles, les comportements et les croyances seraient fixés de façon irrémédiable. Sous l’influence du néo-institutionnalisme, des théories

32 Bruno Villalba (dir.), Appropriations du développement durable, émergences, diffusions, traductions,

Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaire du Septentrion, 2009, p.13-15.

33 Luc Ferry, Le nouvel ordre écologique : L’arbre, l’animal, l’homme, Paris, Fayard, 1992.

34 Cf. notamment Catherine Larrère, Les philosophes de l’environnement, Paris, PUF 1997 ; Dominique Bourg,

Les scénarios de l’écologie, Op. cit.

35 Nous reprenons ici les quatre marques de l’objectivité produite par les institutions proposées par Jacques

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relationnistes puis du pragmatisme36, la sociologie des institutions est revenue sur ce schéma

durkheimien d’une institution entendue comme organe du corps social, stable dans le temps, car présentant un caractère contraignant pour ses membres, invités, de la sorte, à intégrer un ensemble de normes prescrites par l’autorité au travers de conduites et de consignes orientées vers une finalité particulière. Sans présager des fonctions remplies par les institutions au sein de la société, les sociologues se sont attardés davantage sur le fonctionnement complexe de celles-ci, conduisant à s’extraire du paradigme substantialiste proposé par Durkheim. On peut mentionner les travaux de Michel Foucault sur les régimes de vérité, qui placent au centre du processus d’institutionnalisation la mise en adéquation d’une pratique effective avec un discours rationnel établi37, ou ceux de Boltanski et Thévenot, qui rappellent la nécessité pour

les institutions d’être « continuellement l’objet d’un procès de ré-institutionnalisation, si elles ne veulent pas perdre leurs contours et, en quelque sorte se défaire.38 » L’espace occupé par

une institution n’est, ainsi dans cette dernière optique pragmatiste, jamais donné, il est à construire, de même que l’appartenance n’est pas instantanée. Selon Virginie Tournay, elle « renvoie à une sélection après-coup, par « essais et erreurs », avec des ratés, des éliminations et des renforcements qui ne peuvent surgir qu’à l’épreuve des faits et qui ne sont donc pas connus d’avance mais seulement dans le déploiement de l’action. La constitution d’un « nous » suppose une grille de lecture collective pour décrire et ancrer la diversité des expériences sensibles individuelles dans un dispositif de délibération collective. Institutionnaliser revient à fabriquer un singulier général.39 »

S’intéresser à l’institution n’implique donc pas de se détourner des individus40, c’est

au contraire à partir de leurs perceptions, de leurs pratiques et de leurs critiques que peuvent être pensées les continuités et les changements au sein des institutions41. Comprendre

36 Pour un rapide aperçu de ce basculement théorique, cf. Virginie Tournay, La sociologie des institutions, Paris,

PUF, Que sais-je ?, 2011.

37 Cf. notamment Michel Foucault, Du gouvernement des vivants, cours au Collège de France, 1979-1980, Paris,

Gallimard, 2012.

38 Virginie Tournay, Op. cit., p.64. 39 Ibid., p.77.

40 Comme l’explique Sylvie Tournay : « L’institution n’est pas une convention arbitraire, ni un objet général

abstrait. Elle renvoie à un processus incitant les acteurs à se conformer à ces codes et à lui donner une forme tangible et identifiable. C’est le caractère ininterrompu et persistant de ce processus qui objective la substantialité de l’institution. En cela, comme le souligne Luc Boltanski, elle doit faire continuellement l’objet d’un procès de ré-institutionnalisation « si elle ne veut pas perdre ses contours et, en quelque sorte, se défaire ». » Sylvie Tournay, Penser le changement institutionnel, Paris, Puf, 2014, p.53.

41 Cf. Ibid., p.260 et 140 : « L’objectivité institutionnelle résulte donc d’une mise en équivalence conventionnelle

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l’institution suppose plus généralement de ne pas résoudre a priori les pressions réciproques entre l’instituant et l’institué, ou, autrement dit, entre l’institution qui contraint l’action individuelle des membres se reconnaissant dans l’institution et l’engagement individuel qui contribue à l’objectivation d’une structure institutionnelle susceptible de contraindre les individus. Mouvements ascendant et descendant se joignent et se répondent donc, contribuant sur l’autre axe au déplacement continuel des lignes de démarcation entre ce qui relève de l’espace institutionnel et le reste de la société. Appréhender l’institution dans une perspective englobante est de ce fait nécessairement complexe. Il ne s’agit ni de nier son existence, ni son uniformité, mais d’avoir à l’esprit que toute homogénéité repose et se construit en tenant compte d’une extrême diversité d’expériences et d’une pluralité d’appartenance.

En s’intéressant aux justifications et aux pratiques produites à l’intérieur d’une institution, l’étude du processus de « conversion » d’une institution prend donc ses distances par rapport aux discours normatifs sur cette institution, que ceux-ci soient élogieux ou réprobateurs, notamment lorsqu’ils s’attachent à dénoncer les tentatives de greenwashing. Bien évidemment, cette prudence ne s’explique pas par le fait que cette stratégie de communication, qui consiste à recouvrir d’un vernis vert des pratiques qui ne le serait pas, serait inexistante, mais parce que ces discours normatifs risqueraient de ne pas pouvoir - ni vouloir - voir les causes, les effets mêmes minimes, ou les résistances à une rhétorique verte qui serait adoptée par une institution.

La perspective que nous adoptons n’est, de ce fait, pas dépourvue d’intérêt pratique, puisqu’elle peut, dans l’optique d’une démarche de recherche-action, repérer les facteurs favorables au changement, tout en isolant les points d’achoppement et les manières d’y remédier. Cette thèse s’inscrit cependant également dans un projet scientifique plus vaste qui entend donc cartographier les effets de l’intégration de la thématique écologiste sur les institutions.

Reste donc à considérer les particularités de l’institution qui sera l’objet de notre étude : l’Église catholique.

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III- L’Église catholique au XX

ème

siècle : une institution travaillée par

l’émergence de la modernité.

Notre étude de l’Église catholique à partir du cadre institutionnel s’inscrit dans le prolongement des travaux de Jacques Lagroye qui font autorité dans la sociologie des religions en France42. Celui-ci trouve dans l’Église un des modèles de l’institution complexe,

au même titre que l’armée ou l’école, puisqu’il y décèle pratiques ritualisées considérées comme naturelles, dispositifs de contrôles, normes objectives et rôles symboliques. L’Église catholique apparaît comme un terrain d’étude d’autant plus stimulant que l’objectivité y est poussée à son extrême, avec « des réseaux serrés de coutumes, d’obligations, de contraintes », des contrôleurs de l’orthodoxie, et des fidèles qui y sont attachés, mais aussi parce que les modalités d’appartenances et les formes d’engagement y sont aujourd’hui d’une grande variété43. « Traiter l’Église comme une institution, explique-t-il ainsi, c’est en définitive

donner trois dimensions à la recherche. C’est s’intéresser à ce qui, en elle, est durablement objectivé, notamment ses pratiques, ses savoirs et ses rôles. C’est ne pas oublier pour autant de travailler sur les investissements variés de ses membres, qui produisent constamment sa figure concrète et des usages possibles de l’institué. C’est enfin s’attacher à l’étude des conflits dont cette figure et ces usages sont l’enjeu.44 » Or, pourvu que l’on s’intéresse à la

période contemporaine, suivre ces trois axes programmatiques revient à étudier le rapport que l’Église catholique entretient avec la modernité depuis la fin du XIXème siècle et qui structure

son histoire récente.

L’historien Émile Poulat en édifiant le concept d’intransigeantisme45 a isolé les

spécificités du positionnement d’une Église catholique qui au tournant du XXème siècle

renvoie dos à dos le libéralisme bourgeois et le socialisme. Théorisé d’abord comme un intransigeantisme de position symbolisé par le Syllabus de Pie IX et qui est marqué par le refus de la modernisation technique46 et surtout politique des États pontificaux, ce

positionnement de l’Église évolue avec Léon XIII en un intransigeantisme de mouvement où

42 Cf. notamment Jacques Lagroye, La vérité dans l’Église catholique, contestations et restauration d’un régime

d’autorité, Paris, Belin, 2006 ; Jacques Lagroye, Appartenir à une institution, catholiques en France aujourd’hui, Paris, Economica, 2009.

43 Jacques Lagroye, Appartenir à une institution, Op. cit., p.3. 44 Jacques Lagroye, La vérité dans l’Église catholique, Op. cit., p.19.

45 Cf. notamment Emile Poulat, Église contre bourgeoisie, introduction au devenir du catholicisme actuel, Paris,

Casterman, 1977 ; Emile Poulat, Catholicisme, démocratie et socialisme. Le mouvement catholique et Mgr Benigni, de la naissance du socialisme à la victoire du fascisme, Paris, Casterman, 1977 ; Emile Poulat, Intégrisme et catholicisme intégral, Paris, Casterman, 1969.

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ceux qui se réclament du « parti de l’Église » sont appelés à combattre le modernisme dans le but non plus de restaurer l’ordre ancien, mais d’établir une nouvelle chrétienté. Au refus de transiger avec la modernité est ainsi associée la prétention à répondre de façon intégrale aux défis contemporains, comme en témoigne la formalisation de la Doctrine sociale de l’Église suite à la publication de l’encyclique Rerum novarum en 189247.

Ce projet restitutionniste – restaurer l’éclat du catholicisme dans la société contemporaine - entre néanmoins rapidement en crise48. Les intellectuels catholiques

subissent ainsi de sévères recadrages tout au long du XXème siècle49. De même, en mobilisant

les fidèles laïcs à partir de la fin des années 1920, les différents mouvements de l’Action catholique ne peuvent éviter la prise d’autonomie des laïcs qui veulent faire corps avec les problèmes et besoins du milieu dont ils sont appelés par la hiérarchie à prendre la charge50.

Alors que Vatican II devait légitimer cette Église à l’écoute des signes de son temps, ce projet est lui-même largement retoqué par la « crise catholique » décrite par Denis Pelletier51, qui est

marquée par un mouvement de contestation de l’exercice du pouvoir au sein de l’institution. Confrontée aux défections et à la chute des vocations52, l’affirmation d’un catholicisme de

gauche53 est ainsi l’affaire d’une « parenthèse54 » qui est belle et bien refermée lorsqu’est

lancée « la nouvelle évangélisation » par Jean-Paul II au moment même où s’observe une

47 Denis Maugenest (dir.), Le Discours social de l'Église catholique de Léon XIII à Jean-Paul II, Paris, Le

Centurion, 1985.

48 Danièle Hervieu Léger, Vers un nouveau christianisme, Paris, Cerf, 1986, p.317-320.

49 Cf. notamment Mil neuf cent, 1995, n°13, « Les intellectuels catholiques » ; Etienne Fouilloux, « Intellectuels

catholiques ? Réflexions sur une naissance différée », Vingtième siècle, 1997, Vol. 53, n°1, p.13-24 ; Jean-Louis Loubet del Bayle, Les non-conformistes des années 30, Paris, Seuil, 2001 ; Claire Toupin-Guyot, Les intellectuels catholiques dans la société française. Le Centre catholique des intellectuels français (1941-1976), Paris, PUR, 2002.

50 Yvon Tranvouez, Catholicisme et société dans la France du XXème : Apostolat, progressisme et tradition,

Paris, Karthala, 2011, p.43-84.

51 Denis Pelletier, La crise catholique, Paris, Payot, 2005, p.8 : « S’il est une période du catholicisme français

dont le souvenir collectif reste dominé par l’idée de crise, c’est bien celle qui sépare la clôture du Concile Vatican II (8 décembre 1965) de la mort de Paul VI (6 août 1978) : déclin accéléré des vocations sacerdotales et de la pratique régulière ; politisation à l’extrême d’une frange du catholicisme français, au point que certains acteurs y voient a posteriori une crise d’anti-intellectualisme formulée au nom de la révolution ; crise de l’Action catholique spécialisée et, plus généralement, des mouvements chrétiens, victimes d’une hémorragie qui les laisse exsangues, faute d’avoir su retenir leurs militants ; dissidence intégriste, marquée par la rébellion de Mgr Lefebvre et, au-delà des rangs de ses adeptes, par le désarroi d’une masse de fidèles en manque de latin d’église et constatant avec amertume « qu’on leur a changé la religion » : crise du magistère, ouverte par les polémique de 1968 autour de l’encyclique Humanae vitae, et qui s’approfondit à la faveur des débats sur l’avortement, la contraception, l’émancipation féminine et, de manière générale, la libération des mœurs. »

52 Le fameux article de François Roustang témoigne alors de cette prise de conscience : François Roustang, « Le

troisième homme », Christus, 1966, Vol. 13, n°52, p.561-567.

53 Denis Pelletier, Jean-Louis Schlegel (dir.), A la gauche du Christ, Paris, Seuil, 2012.

54 Jean-Louis Schegel, « Vers la fin d’une parenthèse ? », dans Denis Pelletier, Jean-Louis Schlegel (dir.), Op.

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