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Des découvertes écologistes qui aident l’Église à être en phase avec la société de son temps

régime de postmodernité

Chapitre 1. Se réconcilier avec la science. La force du constat scientifique pour liquider le positivisme des

1.2. Des découvertes écologistes qui aident l’Église à être en phase avec la société de son temps

L’appropriation des concepts de l’écologie scientifique présente un double avantage pour l’Église catholique. Elle règle tout d’abord le différend entre Science et foi soulevé par la généralisation de la théorie de l’évolution. L’écologie scientifique, en rendant acceptable l’intégration d’une conception dynamique de la nature, permet ainsi à l’Église d’affirmer la séparation des sphères rationnelle et spirituelle, et de convenir, du moins officiellement, de la non-conflictualité des deux sphères. Elle peut ainsi se servir dans un second temps de l’universalisme des concepts de l’écologie scientifique pour soutenir certaines positions morales et éviter le « processus d’exculturation » du catholicisme des sociétés européennes.

1.2.1. Un ferment de la reconnaissance de la séparation entre foi et raison.

Les premiers signes d’ouverture de la part du Vatican à l’égard de la théorie de l’évolution s’observent lors du pontificat de Pie XII229 qui accorde du crédit à la lecture

227 Ibid., n°34, p.33.

228 Ibid., n°42, p.38.

229 Cf. notamment Philippe Portier, « L'église romaine et la question de l'évolution. Langage de la vérité et art du compromis dans le catholicisme contemporain », dans Philippe Portier, Michel Veuille, Jean-Paul Willaime (dir.), Op. cit. ; et François Euvé, Darwin et le christianisme, Paris, Buchet-Chastel, 2010, p. 59-63.

historico-critique des textes bibliques230. Sept ans plus tard, l’encyclique Humani Generis231 reconnaît à la théorie de l’évolution la qualité d’hypothèse – certes dangereuse – mais qui ne peut se confondre avec celle de l’erreur. Autre moment fort de ce processus de réhabilitation, les deux discours prononcés par Jean-Paul II à l’Académie pontificale des sciences, en 1981 d’abord, au cour duquel il reconnaît « que la Bible nous parle de l’origine de l’univers et de sa constitution, non pas pour nous fournir un traité scientifique mais pour préciser les justes rapports de l’homme avec Dieu et avec l’univers.232 » puis en 1996, où il affirme que : « la théorie de l’évolution est plus qu’une hypothèse.233 »

La relative concomitance234 de l’acceptation de « l’hypothèse darwinienne » avec l’intégration des thématiques environnementales n’est pas une simple coïncidence. Avec l’introduction de la théorie de l’évolution, certaines dispositions deviennent théologiquement insoutenables. Nous avons vu que le schéma darwinien entrait en conflit avec trois dispositions du christianisme : la spécificité de l’homme par rapport au reste de la création, la perspective téléologique de l’histoire et enfin la réalité du péché originel et de la Chute. Or les questions laissées ouvertes par l’écologie scientifique, que nous avons déjà évoquées, touchent au moins à deux de ces problématiques. Le brouillage induit par la capacité réflexive de l’homme et les interrogations autour des propriétés émergentes des écosystèmes ouvrent en effet la voie à l’élaboration de synthèses qui, sur ces deux points précis, peuvent résoudre le différend entre le christianisme et les sciences de la vie et de la Terre. Or, un homme fait figure de témoin privilégié de cette opportunité produite par l’émergence du paradigme écologique : Pierre Teilhard de Chardin.

1.2.1.1. Pierre Teilhard de Chardin ou l’intégration du darwinisme par l’écologie globale.

On connaît l’importance du père jésuite dans l’introduction de la théorie de l’évolution au sein du christianisme235. En suivant sa biographie, Anne Fagot-Largeault ou encore Jacques Grinevald, des historiens des sciences, ont relevé l’influence réciproque de Vladimir Vernadsky sur lui et Édouard le Roy236. La conséquente bibliographie consacrée à son œuvre

230 Pie XII, Lettre Encyclique Divino afflante spiritu, 1943.

231 Pie XII, Lettre Encyclique Humani generis, 1950.

232 Jean-Paul II, « Allocution à l’Académie pontificale des sciences », Documentation catholique, 1981 : p.958.

233 Jean-Paul II, « Allocution à l’Académie pontificale des sciences », Documentation catholique, 1996 : p.952.

234 Il se passe tout juste 20 ans, entre la timide ouverture accordée par Pie XII aux travaux portant sur la théorie de l’évolution et l’introduction de l’écologie dans la Doctrine sociale de l’Église par Paul VI.

235 François Euvé, Op. cit., 2010, p. 104.

236 Cf. Anne Fagot-Largeault, « La biosphère et la question de la responsabilité humaine », Cours au Collège de France, 12 Février 2009. et « La noosphère et le World Wide Web », 5 mars 2009. Fiches résumées

religieuse et à ses liens avec sa hiérarchie n’a pourtant pas assez souligné cette proximité. Émettons donc l’hypothèse que si Teilhard de Chardin a pu opérer la synthèse du christianisme et du darwinisme, ceci doit beaucoup aux travaux de Vernadsky, qui à travers les notions de « Biosphère » et de « Noosphère », elles-mêmes émises par Édouard Le Roy, a associé la biologie à l’écologie globale237.

La pensée de Teilhard de Chardin emprunte en effet au darwinisme le concept d’évolution, mais le principe qui l’anime n’est pas tant la sélection naturelle que « l’énergie » matérielle puis spirituelle qui se diffuse selon les lois de la thermodynamique le long des chaînes trophiques de l’existence. Marqué en cela par le lamarckisme et la philosophie bergsonienne, Teilhard élabore un système au sein duquel les éléments particulaires sont constitués d’une énergie tangentielle (qui le rend solidaire de tous les éléments de même ordre que lui), et d’une énergie radiale (qui le pousse vers un état plus complexe). Ce dernier mouvement vers la complexité ne se produit cependant pas que de l’intérieur de la particule – ce « dedans » qui fait émerger un degré supérieur de conscience238 – il doit encore s’accompagner par la mise en forme d’un milieu qui le favorise, comme l’explique Teilhard : « Ce qui laisse grandir les libertés élémentaires, c’est essentiellement l’accroissement en synthèse des molécules qu’elles sous-tendent. Mais cette synthèse elle-même ne s’opèrerait point si le Globe, dans son ensemble, ne reployait pas à l’intérieur d’une surface close les nappes de sa substance. Ainsi, en quelque point que nous considérions sur Terre, l’accroissement de Dedans ne se produit qu’à la faveur d’un double enroulement conjugué, enroulement de la molécule sur soi, et enroulement de la planète sur elle-même. » Et Teilhard rajoute en note : « Exactement les conditions que nous retrouverons beaucoup plus loin, à l’autre bout de l’Évolution, présidant à la genèse de la « Noosphère ».239 »

Les précautions prises par Teilhard pour insérer le mouvement vers la complexification des particules dans la complexification du milieu qui les englobe témoigne de cette synthèse opérée entre la théorie de l’évolution et les paradigmes de l’écologie globale et de l’écologie écosystèmique. Les notions de « Biosphère » et de « Noosphère » doivent se comprendre d’un point de vue holistique : les particules de matière puis d’esprit qui surgissent sont instantanément ordonnées par le principe englobant, tout en étant tout à fait unique du

téléchargeable :

http://www.college-de-france.fr/media/anne-fagot-largeault/UPL4824577494798506858_Cours_120209.pdf page consultée le 10 Avril 2016 ; et

http://www.college-de-france.fr/media/anne-fagot-largeault/UPL5775771599356799032_Cours_050309.pdf, page consultée le 10 Avril 2016. Cf. également Jacques Grinevald, « Vernadsky », in Dominique Bourg, Alain Papaux, Dictionnaire de la pensée écologique, Paris, PUF, 2013, p.1033-1037.

237 Cf. Vladimir Vernadsky, Op. cit.

238 Pierre Teilhard de Chardin, Le phénomène humain, Paris, Le Seuil, 1955, p.78.

fait de la cosmogénèse qui les insère dans une histoire dont ils sont acteurs240, ce qui autorise l’introduction d’un principe finaliste : « Si mince ait-il été, le premier voile de matière organique étendu sur la Terre n’aurait pu ni s’établir, ni se maintenir, sans quelque réseau d’influence et d’échanges qui fît de lui un ensemble biologiquement lié. Dès l’origine, la nébuleuse cellulaire a donc forcément représenté, malgré sa multiplicité interne, une sorte de super-organisme diffus. Non seulement une écume de vies, mais, jusqu’à un certain point une

pellicule vivante. Simple ré-apparition sous une forme et à un ordre plus élevés, de conditions

beaucoup plus anciennes présidant déjà à la naissance et à l’équilibre des premières substances polymérisées à la surface de la Terre juvénile. Et simple prélude aussi à la solidarité évolutive beaucoup plus avancée, dont l’existence, si manifeste chez les Vivants supérieurs, nous obligera toujours plus à admettre la nature proprement organique des liaisons qui les réunissent en un tout au sein de la Biosphère.241 »

Finalement, l’organicisme dynamique de Teilhard adopte les caractéristiques de l’écosystème tel que défini par Clements, dans le sens où, une fois constituées, la « Biosphère » puis la « Noosphère » acquièrent des propriétés émergentes qui empêchent toute équivalence entre le tout et la somme des parties. La distinction entre l’homme et le monde animal devient ainsi possible, ce premier appartenant bien à la « Biosphère » de par ses propriétés physiques mais s’en extrayant de par sa capacité réflexive242. L’introduction des thèses avancées à l’époque par l’écologie scientifique permet donc à Teilhard de Chardin de nuancer deux des grandes réserves exprimées par l’Église catholique à l’égard du transformisme de Darwin.

Reste uniquement comme problématique non résolue, l’épineuse question du péché originel qui est introduit dès le commencement de l’histoire cosmique par Teilhard induisant de ce fait une théodicée englobante243. Bien sûr, cette dernière proposition de la cosmologie

240 Claude Cuénot, Teilhard de Chardin, Paris, Seuil, 1962, p.76.

241 Pierre Teilhard de Chardin, Op. cit., p.85-86.

242 Ibid., p.148 : « La loi est formelle. Aucune grandeur au monde ne saurait croître sans aboutir à quelque point critique, quelque changement d’état. […] Tant que l’évolution ne représentait à nos yeux qu’une simple marche au complexe, nous pouvions concevoir qu’elle allât se développant indéfiniment pareille à elle-même : aucune limite supérieure, en effet, à la pure diversification. Mais tenant que, sous l’intrication historiquement croissante des formes et des organes, se découvre à notre regard l’augmentation irréversible, non seulement quantitative, mais qualitative, des cerveaux (et partant des consciences), nous nous trouvons avertis qu’un événement d’ordre nouveau, qu’une métamorphose était inévitablement attendue pour clore, au cours des temps géologiques, cette longue période de synthèse. C’est ce grand phénomène terrestre, aboutissant à l’Homme, qu’il nous faut maintenant signaler les premiers symptômes. »

243 Cf. Pierre Teilhard de Chardin, « Notes sur quelques représentations possibles du péché originel », dans Pierre Teilhard de Chardin, Comment je crois, Paris, Seuil, 1998. Il y affirme ainsi p.62-63 : « Plus nous ressuscitons scientifiquement le passé, moins nous trouvons place ni pour Adam ni pour le paradis terrestre. […] A perte de vue, en arrière, dominé par le Mal physique, imprégné de Mal moral, le monde se découvre à nous en état de péché originel. »

hétérodoxe de Teilhard, qui ne l’est d’ailleurs plus tant puisque le pape François, en reconnaissant un mal physique, distinct du mal moral, au sein de la création, se rapproche selon François Euvé, de la perspective de Teilhard d’un processus évolutif qui ne peut avancer sans souffrance244 – ne justifie pas à elle seule la censure dont il a été victime. La phénoménologie teilhardienne respecte peut-être l’esprit du récit biblique, comme pouvait l’affirmer à la même époque la théologie d’un Karl Barth, mais elle en révise la lettre. À une époque où le catholicisme dominé par « la théologie des manuels » était encore attaché au concordisme, cette liberté justifiait à elle seule l’interdiction faite à Teilhard de communiquer sur ses essais de théologie et sa mise à l’écart par ses supérieurs au sein de la Compagnie de Jésus245.

La réhabilitation de Teilhard n’interviendra que cinq ans après sa mort, peu de temps après l’ouverture officieuse du procès en révision de « l’hypothèse » darwinienne. L’influence d’Henri de Lubac et de sa lecture de l’œuvre de Teilhard – présentée comme structurée autour d’une intuition première, même lorsqu’elle apparaît sous la forme d’une argumentation théologique246 – finira par inspirer les papes247 et le concile Vatican II248.

244 Cf. François Euvé, Pour une spiritualité du cosmos, Paris, Salvator, 2015 ; François Euvé, « De la création à l’espérance », dans François, Encyclique Laudato Si’, Edition commentée, Les Plans sur Bex, Parole et Silence/Collège des Bernardins, 2015, p.189.

245 Cf. René D'Ouince, Un prophète en procès : Teilhard de Chardin dans l'Église de son temps, Paris, Aubier, 1970.

246 Cf. Henri de Lubac, La pensée religieuse du Père Teilhard de Chardin, Paris, Aubier, 1962, p.20-21 : « Même quand l’œuvre se présente sous une forme très construite, sa force d’accent (on pourrait presque dire de percussion) vient de cette première étincelle qui a tout illuminé. » cité par René D’Ouince, op. cit., p.217.

247 Jean XXIII refusera ainsi de placer à l’index l’œuvre de Teilhard mais permettra à la Curie romaine d’imprimer une mise en garde dans l’Observatore Romano du 30 Juin 1962 ; Paul VI louera l’homme et sa quête authentique de vérité mais notera également ses égarements, cf. Paul VI, « Discours dans un établissement de chimie pharmaceutique », 24 février 1966 dans Paul VI, Insegnamenti 4, (1966), p.992-993.

Depuis la fin du pontificat de Jean-Paul II, les papes se montrent plus enclins à intégrer les considérations théologiques de Teilhard de Chardin. Cependant les références portent avant tout sur sa christologie. Ainsi Benoît XVI, lors de la veillée pascale en 2006, qui se réfère aux seuils décrits par Teilhard ne retient que le dernier de ces seuils produit par l’avènement du Christ : « Si nous pouvons pour une fois utiliser le langage de la théorie de l’évolution, la résurrection du Christ est la plus grande « mutation », le saut absolument le plus décisif… qui ne soit jamais advenu dans la longue histoire de la vie : un saut d’un ordre complètement nouveau, qui nous concerne et concerne toute l’histoire. » L’encyclique du pape François, Laudato Si’ qui cite Teilhard dans cette même approche christologique, compile dans une note l’ensemble des références des papes au célèbre scientifique. cf. François, LS, n°83, p.70.

248 Mgr Garrone se remémore l’influence du jésuite sur l’aggiornamento : « L’ébranlement produit par cet homme était sensible bien plus largement qu’il ne paraissait. Aucune théologie ne peut raisonnablement prétendre trouver dans les écrits du Père de quoi se construire. Mais le problème auquel il a voulu répondre était trop réel et travaillait trop profondément un grand nombre de consciences pour qu’il ne fût pas présent formellement dan la pensée de bien des Pères. » Mgr Garrone, Le concile, orientations, Ed. Ouvrières, 1966, p.61. Cette influence se ressent dans la constitution sur la révélation Dei Verbum, et plus particulièrement dans la constitution pastorale Gaudium et spes, notamment le chapitre 7, n°48 : « L’Église, à laquelle dans le Christ Jésus nous sommes tous appelés et dans laquelle par la grâce de Dieu nous acquérons la sainteté, n’aura que dans la gloire céleste sa consommation, lorsque viendra le temps où sont renouvelées toutes choses (Ac 3, 1) et que, avec le genre humain, tout l’univers lui-même, intimement uni avec l’homme et atteignant par lui sa destinée, trouvera dans le Christ sa définitive perfection (cf. Ep 1, 10 ; Col 1, 20 ; 2 P 3, 10-13). » Cf. également Loïc

Cette influence motivera tout autant l’introduction de la théorie de l’évolution que l’implication des chrétiens dans l’effort de développement demandée par Paul VI dans

populorium progressio249. Elle participera ainsi, au même titre que d’autres théologies progressistes250, au grand « tournant anthropocentrique » revendiqué par Karl Rahner. Elle n’est donc pas la porte d’entrée par laquelle se diffusera la pensée écologiste. Même si l’on se remémore désormais plus facilement sa christologie cosmique, telle qu’il a pu l’exprimer dans la Messe sur le monde, il n’y a pas lieu ici de faire de Teilhard de Chardin un pionnier de l’écologie. Bernard Charbonneau ou Carl Amery ne s’y sont pas trompés dans leur critique du positivisme teilhardien251. Mais l’usage des concepts de l’écologie scientifique par Teilhard entame une réévaluation de la place de la nature dans l’histoire humaine qui ouvre la porte à l’intégration de l’écologie politique dans la Doctrine sociale de l’Église.

1.2.1.2. L’héritage discuté mais assumé de Teilhard de Chardin dans la théologie de la création de Jürgen Moltmann.

La preuve la plus éminente de cette influence sur la pensée chrétienne de l’écologie s’observe dans l’œuvre du théologien protestant Jürgen Moltmann252. Sa théologie de la création entend repenser le rapport entre création et rédemption. En s’éloignant du platonisme qui déprécie la matière, Moltmann cherche à rétablir la dignité de la création, dont l’existence découle dès les premiers temps d’un renoncement/retrait de Dieu en faveur de son fils et du monde : « L’éternité prend une inspiration, pour expirer l’Esprit de la vie.253 » Ainsi, l’acte d’incarnation n’est plus une conséquence de la Chute, tandis que la création n’est plus ce lieu Figoureux, « La conversion de la Compagnie à Teilhard de Chardin dans les années 1960 », dans Etienne Fouilloux, Frédéric Gugelot (dir.), Jésuites français et sciences humaines (Années 1960), Chrétiens et sociétés, Documents et Mémoires n°22, p.63-88.

249 Paul VI, Lettre Encyclique Populorium progressio, 26 Mars 1967, Op. cit..

250 On pense à Karl Barth et Karl Rahner. Mais également en France, au personnalisme d’Emmanuel Mounier et à Michel De Certeau.

251 Carl Amery critique la pensée du scientifique pour son progressisme qui justifie le sacrifice de cultures et d’espèces dans ces crises que traverse l’histoire universelle en marche vers le point oméga. cf. Carl Amery, Fin de la providence, Paris, Seuil, 1976, p.152-155. Pour Bernard Charbonneau, Teilhard renonce à la liberté de l’homme en insérant celle-ci dans le mouvement de « l’Evolution », là où elle devrait être justement sa négation. Cf. Bernard Charbonneau, Teilhard de Chardin, prophète d’un âge totalitaire, Paris, Denoël, 1963 ; notamment p.193-218. Cf. Introduction.

252 Cf. Jürgen Moltmann, Dieu dans la création, Traité écologique de la création, Paris, Cerf, 1988. On peut lire également l’anthologie rassemblée par Jean Bastaire, cf. Jürgen Moltmann, Le rire de l’univers, Parole et silence, 2004. Enfin, on remarquera, même si sa pensée, célèbre aux États-Unis, n’a pas encore été introduite en France, que le théologien catholique américain, Thomas Berry est lui aussi très marqué par la pensée de Teilhard de Chardin. Thomas Berry, Befriending the Earth: A Theology of Reconciliation Between Humans and the Earth, Mystic, CT, Twenty-Third Publications, 1991.

253 Jürgen Moltmann, Trinité et royaume de Dieu, Paris, Cerf, 1984, p.140-145 ; cité dans Jürgen Moltmann, Op. cit., 2004, p.59.

souillé par le péché de l’homme, mais devient intimement liée à l’avènement du Christ254. De ce fait, l’histoire naturelle s’inscrit dans l’Histoire universelle qui est elle-même guidée par l’Esprit. Pour rehausser la nature, Moltmann choisit donc de s’inscrire dans la filiation du

Christus evolutor de Teilhard de Chardin. La création est continue car « Dieu maintient et

protège ce qu’il a créé dans une situation où il y a une tension entre l’ordre et le chaos.255 » La théorie de l’évolution a donc ceci de particulier qu’elle associe l’avenir de l’homme à celui de la nature256. Pour les théologiens soucieux de la préservation de l’environnement, cela ne peut être que bénéfique au regard des eschatologies spiritualistes qui valorisent l’âme humaine au détriment de la matière. La théologie de la création, telle qu’elle s’est développée aujourd’hui dans le catholicisme en France257, s’accorde donc pour l’essentiel avec cette conception évolutionniste qui rehausse la création.

Moltmann ne reproche finalement à Teilhard que sa conception du « mal en genèse258 ». Le théologien allemand nous explique ainsi que le mal est non seulement issu du péché, contrairement à ce que pensait Teilhard, mais encore que le Christ en bon thérapeute vient sauver l’homme et toute la création souffrant de cette forfaiture. Le Christ est donc du côté des victimes de la sélection, comme l’explique Moltmann : « Aux yeux de [Teilhard], l’idée du Christ evolutor n’était destinée qu’à compléter la doctrine chrétienne du Christus

redemptor, afin de mettre en lumière la face créatrice de la rédemption qui avait été négligée

254 Jean Bastaire qui se présente comme un disciple de Moltmann complète : « Que l’incarnation du Verbe fût de toute éternité et pour toute éternité dans le dessein du Père, quelles que dussent être les aléas gravissimes rencontrés par la mise en œuvre de cette initiative, c’est ce qu’a enseigné Duns Scot. […] Loin d’être postérieur