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b Méthode de localisation des données, élaboration des plans et échelle d’analyse.

La deuxième question de méthodologie, exposée en ouverture de cette partie, est celle du degré de précision dans la localisation grâce à une échelle d’analyse, que l’on doit choisir pour travailler et réaliser les plans. Ce problème a déjà été traité en partie par les concepteurs des D.E.P.A.U. En effet, ils avaient mis en évidence une imprécision plus ou moins grande quant à la localisation d’une structure par le biais de sources autres que les fouilles archéologiques. La transposition en plans de l’information nécessitait donc d’accepter une localisation à l’échelle de l’îlot plutôt qu’à celle de la parcelle, ce qui permettait de gommer les imperfections des connaissances topographiques tout en

104 Voir annexes - Tableaux, grille d’analyse et critères.

valorisant la vue synthétique. Ce problème de localisation s’accroît encore à mesure que l’on s’éloigne de la ville. Dans le cadre de cette étude, la représentation des structures et activités dans l'espace se fait en deux étapes. Tout d’abord en utilisant une localisation (au moins relative) des structures et ensuite en les positionnant de manière absolue sur les plans.

La première étape est aisée à réaliser pour la dernière phase de notre fourchette chronologique (17e-18e siècles). En effet, les plans de l’époque moderne sont suffisamment

précis et détaillés pour fournir une organisation spatiale satisfaisante. De manière générale, deux séries de plans peuvent être distinguées entre les premiers de la fin du 16e siècle et le

cadastre napoléonien. Les premiers ont avant tout une fonction militaire. La ville et ses abords apparaissent alors progressivement, en relation directe avec l'emprise croissante des systèmes défensifs sur l'espace périphérique. Une seconde série, après 1700, correspond plutôt à la valorisation de la ville royale, avec des plans qui la placent au centre d'un territoire large. Ces plans, toutefois, sont de qualité inégale. Il est également aisé de localiser les structures, toutes phases confondues, dès lors qu’elles ont été repérées par des opérations archéologiques ou sont encore en élévation aujourd’hui. Leur nombre toutefois, on l'a dit, est inversement proportionnel à la distance qui les sépare de la ville-centre.

Dans le cas de structures localisées uniquement grâce aux données textuelles, ce qui est quasiment exclusivement le cas avant la fin du 16e siècle, leur représentation est plus

complexe. En effet, si par le biais des chroniques urbaines, qui font état de l’existence des différents faubourgs, églises, couvents…, il est possible d’avoir une idée de la panoplie de structures entourant la ville, le passage de l’énumération à une représentation spatiale nécessite une méthode régressive. Le positionnement relatif se fait alors en tenant compte de la hiérarchie des structures. Les grands ensembles (couvents, cimetières, ...), les structures linéaires (routes, rivières, fossés...) et certains éléments plus ponctuels (tours de défense avancée, tuileries...) peuvent être des éléments sinon permanents du moins de longue durée dans le paysage des abords. Dès lors qu'un plan récent (ou une fouille) permet de les situer, il est possible de les transposer dans le passé par la méthode régressive. Mais ce n'est pas toujours possible : des éléments aussi importants que les premiers couvents mendiants, le grand hôpital de Strasbourg ou les abbayes suburbaines de Metz (qui n'ont eu qu'une courte existence hors les murs) ne sont localisables que de façon très vague. Les premières étapes de la constitution du glacis défensif, bien antérieures à toute représentation figurée de la ville, ont supprimé du même coup la possibilité de situer certains de ces éléments structurants importants puisqu’ils sont détruits en même temps que le

faubourg auquel ils appartenaient. Par conséquent, les abords des villes ont complètement changé de physionomie depuis le 13e siècle.

Pour le reste (maisons, jardins, croix...), les règles de localisation relative qui ont prévalu jusqu'à l'invention du cadastre rendent la tâche plus que malaisée et même, dans la plupart des cas, impossible de façon précise. Les documents notariés, terriers, rôles de ban..., dont le propos est pourtant de situer des propriétés, des droits, des activités... font référence à des lieux-dits, des éléments remarquables (arbres, monticules...) et même souvent à des noms de propriétaires voisins. Par exemple, en 1395 à Strasbourg, Dina dite Rotendine veuve de Johannes Mummenheim vend à Kunigundi veuve de Michahelis dit Suntheim une rente annuelle sur la maison et area située dans la Krutenau « in Hellevegersgesselin » à côté de Peter dit Lampreht d'une part, et de Jeckelinum dit Helleveger d'autre part105. De ce fait, les structures ne peuvent être situées que si des

éléments remarquables de cette localisation nous sont déjà connus, soit les grands ensembles, structures linéaires… cités précédemment. Par ailleurs, les sources donnent rarement la possibilité d’obtenir une image de l’ensemble d’un quartier, a fortiori, de la totalité des abords d’une ville. Enfin, ces sources soulèvent un problème, elles ne sont pas homogènes (comme l’est un cadastre ou un terrier), et ne renseignent donc pas tous les espaces avec la même exactitude.

Au total, la somme des informations topographiques forme un immense puzzle dont certains points peuvent être localisés, dont d'autres peuvent être situés par une relation de proximité et dont quelques uns restent irréductibles à tout positionnement dans l'espace. De même, le plan (dimensions, limites) de la plupart des structures et activités reste imprécis voire inconnu pour une bonne part des éléments les plus anciens et pour partie des récents.

Pour la seconde étape, soit la confection des plans et les localisations dans l'absolu, les principes retenus ont été ceux qui régissaient les D.E.P.A.U. Une base à l'échelle du 5.000e ayant alors été choisie, avec comme unité de référence l'îlot bâti, délimité par le

réseau viaire. L'objectif était de proposer une localisation des structures assez précise à l'échelle de la ville, mais négligeant le niveau de la parcelle, impossible à connaitre dans beaucoup de cas (fouilles anciennes, textes médiévaux).

Le même objectif est utilisé ici, dans le cas des abords, mais les unités spatiales ne peuvent être les mêmes. Déjà en termes d'échelle, la faible densité des structures (en comparaison de l'organisation intra muros) et la taille de l'espace concerné (les communes actuelles), nécessitent des plans au 10.000e. Par ailleurs, les îlots actuels pourraient rester l'unité de localisation, mais la grande variation de leur taille est dissuasive. Ont donc été

105 Urkundenbuch 1900 p. 795.

privilégiées ici des structures-repères ponctuelles (par exemple un couvent) ou linéaires (voies, chemins…) pour positionner ensuite de façon relative les autres données. Même si le degré d’imprécision de localisation des premières structures-repères a été précisé dans le catalogue, il est alors négligé au profit d’une visualisation globale de l’information sur le plan. De même sur ces mêmes plans, des choix ont du être faits, notamment pour les activités agricoles dont les plages spatiales retenues sont souvent hypothétiques.

En somme, plus nous avons de structures-repères, dont la localisation nous a été transmise par la mémoire longue ou les découvertes archéologiques, mieux nous cernons la réalité du terrain. De ce fait, les périodes les plus récentes et les structures les plus proches du centre ancien sont souvent les mieux localisées ; inversement, les périodes anciennes et les confins de l'espace des abords sont souvent les plus mal documentés.

3. Quelle hiérarchisation des données ?

Les méthodes d’exploitation de l’information évoquées précédemment permettent donc de localiser sur des plans les types et sous-types de structures définies dans la grille d’analyse, le tout par grandes phases chronologiques. Cependant, une étape supplémentaire est encore nécessaire afin de hiérarchiser au mieux ces données et pouvoir en faire une analyse statistique et cartographique. Tout l’intérêt de la zone d’étude est qu’elle est susceptible de recouvrir à la fois des espaces urbanisés et des espaces ruraux.

Se reportent alors sur plan les questions soulevées dans la problématique de la définition de la ville, tant dans ses limites physiques que ses types d'activités. C'est également la définition du monde rural qui pose question, un concept qui, pour le coup, n'a guère été évalué par les historiens. Néanmoins, ces définitions ne pourront être précisées, bien évidemment, qu’au terme de l’étude. Un point de départ est cependant nécessaire afin d’effectuer une première caractérisation des données et définir ainsi des espaces à dominante urbaine et des espaces à dominante rurale. On choisit donc ici de parler d’espace « à dominante, ou à tendance urbaine (ou rurale) » plutôt que d’espace urbain (ou rural) puisque des activités ou fonctions urbaines sont susceptibles de se trouver en milieu rural (par exemple les gibets), et inversement des activités agricoles sont susceptibles de se trouver en espace urbain. Le type (urbain ou agricole) d’une fonction ou activité est donc dissocié du type (urbanisé ou rural) de son lieu d’implantation.

Afin d’être le plus objectif possible, la méthode utilisée pour déterminer la « dominante » d’un espace s’inspire de celle des critères de centralité utilisée par Jean-Luc Fray et Bernard Metz. Il s’agit en effet, au sein des sous-types de la grille d’analyse, de considérer certains sous-types comme critères urbains, d’autres comme critères agricoles, et

d’autres enfin comme étant des critères mixtes à savoir qu’ils ne sont spécifiques ni de la ville ni de la campagne (une abbaye par exemple peut aussi bien s’installer en ville tout comme au sein d’un vallon désertique). En s’appuyant sur la démarche de Bernard Metz, un coefficient est alors attribué à chacun de ces critères en fonction de leur importance d’urbanité ou de ruralité. Un critère fortement urbain sera ainsi noté 3 alors qu’un critère plus faiblement urbain sera noté 1. De même un critère rural « fort » sera noté 3 et un « faible » 1. Pour exemple, nous présentons ici le début du tableau des critères ruraux (les tableaux complets des critères ruraux, urbains et mixtes sont présentés dans le volume d’annexes) :

Critère Valeur / coefficient

Domaine agricole 3

1-20 champs 1

21-40 champs 2

40-60 champs 3

forêt 2

Tableau 3 : Début du tableau des critères ruraux (le tableau complet est en annexe - Tableaux, grilles d’analyse et critères).

La démarche sera alors appliquée à chaque zone d’habitat (tant l’espace bâti que l’espace cultivable qui lui est rattaché) afin de déterminer si une organisation de la zone d’étude est perceptible entre espace à tendance urbaine, espace à tendance rurale et, peut- être entre les deux, un espace mixte.

Si on prend le cas de l’espace de Saint-Clément à Metz entre 1200 et 1445, le calcul s’effectue ainsi : il bénéficie de deux critères urbains, une foire (coefficient 3) et un hôpital (coefficient 1). Sa note « urbaine » est donc de 4. De même, il possède une maison forte (critère rural de coefficient 2) et 48 champs (critère rural de coefficient 2). Sa note « rurale » est donc de 4. Enfin, il bénéficie d’un certain nombre de critères mixte : une porte (X1), une tour (X2), un pressoir (X1), des mentions de vigne ( 75 mentions correspondent à un coefficient de 2), des mentions de jardins (13 mentions correspondent à un coefficient de 1), cinq églises (X3), un prieuré (X1), une abbaye (X2), une chapelle (X1) et un cimetière (X1). La note « mixte » est donc égale à : 1X1 + 1X2 + 1X1 + 2 + 1 +5X3 + 1X1 + 1X2 + 1X1 +1X1 soit 27. La zone de Saint-Clément sera donc considérée comme à « tendance mixte ».

Ceci étant posé, il s’agit alors de déterminer, au vu de l’historiographie, comment répartir les différents sous-types selon un critère ou un autre.