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L’agrandissement de l’enceinte de la ville est certes l’évolution la plus marquante des structures défensives à cette période, mais elle est loin d’en être le seul élément défensif. Un certain nombre de zones d’habitat extra-muros ont également été fortifiées. C’est le cas : • Du Bourg-des-Allemands, attesté fermé en 1324199.

• De Saint-Julien, dont l’enceinte est attestée dès le 13e siècle200.

198 Bour, Klauser 1929.

199 En 1324 on parle de la fermeture de part et d’autre du bourg.

En 1444, elle est détruite puis relevée. Rasée définitivement en 1552. Bour 1932.

200 Dès le 13e siècle, le village est enceint.

• Et du bourg abbatial de Saint-Arnoul201 (11e siècle).

De plus, en 1324, à l’approche de la guerre des Seigneurs, les Sept de la Guerre202

ordonnent aux zones d’habitat de l’est de Metz (bourg des Allemands, Mazelle, Stoxey, Chaponrue, Sintefontaine, Parnemaille et Saint-Julien) de se fortifier (même s’il ne s’agit que de palissades)203 ou de revoir leurs fortifications.

Ainsi le choix est fait, en cas d’attaque, non pas de rapatrier les habitants des faubourgs à l’abri de l’enceinte de la ville, mais au contraire de fortifier ces faubourgs de manière indépendante. Ceci implique une maîtrise, une autorité suffisante sur l’espace pour avoir le pouvoir d’ordonner l’édification de fortifications. On perçoit alors une nette différence entre les faubourgs est de la ville, situés entre le rempart et les coteaux de Bellecroix, et les faubourgs sud, situés sur la terrasse alluviale. En effet, il est logique de penser qu’en 1324 l’ordonnance des Sept de la Guerre s’applique de façon uniforme à l’ensemble de l’espace sous l’autorité du conseil de la ville. Or, cette ordonnance ne s’applique qu’aux faubourgs est. La totalité des faubourgs de la terrasse alluviale semble alors échapper au contrôle de la ville et ne dépendre que des abbayes qui s’y sont installées.

Cette même réflexion peut s’appliquer aux portes situées au-delà de l’enceinte de Metz, à savoir :

• La fausse porte de Parnemaille204,

• La fausse porte de Mazelle205,

• La porte de Chaponrue206,

• La porte de Sintefontaine207,

• La porte de Stoxey208,

Cette enceinte est rasée 1552. Audouy 2001.

201 L’enceinte est bâtie aux environs de 1050, par l’abbé Anstée.

Et est rasée en 1552 Le Moigne 1986.

202 D’après Mendel 1932, p. 169, les septeries de Metz étaient des commissions de sept membres

délégués des paraiges (un pour chacun des cinq paraiges et deux pour le commun) chargées d’assurer la marche d’un des grands services publics de la cité. Les Sept prenaient toutes les décisions que comportaient leurs fonctions, mais l’exécution en revenait uniquement au conseil des Treize. Les Sept de la Guerre sont créés au 14e siècle à l’occasion de la guerre des Seigneurs (1324)

et constituent jusqu’au milieu du 16e siècle la plus haute autorité de la ville avec le maître-échevin, les Treize et le conseil. Leur rôle est d’ordonner et de conduire la guerre. Tâche essentielle au vu de la position « internationale » de Metz.

203 Huguenin 1838 p. 47, par exemple.

204 Sa première mention date de 1267. Bruneau 1929.

205 D'après la Chronique, durant la guerre de 1444, les assiégeants vinrent le long de la rivière jusqu'à la Folie, près de la fausse porte en Mazelle où il trouvèrent 5 soldats qu'ils pendirent à un arbre. Bour

1932.

206 Porte de Chaponrue : 1298, 237 Wichmann.

207 1284 : « maix ke fut preste Martin devant la porte en Sintefontaine ». Lunesu 1997. 208 1327 : « maison defuers la porte de Stoxey, ke fut Simonin Perral ». Lunesu 1997.

• La porte Abacon à Saint-Clément209,

• La porte aux Loups210 de Saint-Arnoul211.

Figure 16 : porte de Saint-Arnoul, représentée sur Le Plant de la ville et Siège de Metz, ainsi qu'il fut

présenté au Roy par Monseigneur de Guyse, en l'an 1552 (Guise 1552).

Les deux dernières sont clairement des créations des abbayes Saint-Arnoul et Saint- Clément (dont on ne sait d’ailleurs pas précisément s’il s’agit de portes de fortifications ou de clôture abbatiale) alors que les cinq premières ont de fortes chances d’avoir été établies par la ville. Sans avoir forcément un rôle défensif, celles-ci sont peut-être un moyen de marquer l’expansion urbaine des faubourgs gérés par la ville, un moyen de matérialiser l’espace qu’elle contrôle.

Enfin, il existe trois structures, appelées « tour » dans les rôles de ban, qui semblent fonctionner hors de toutes enceintes : une à Saint-Symphorien212, une à Saint-Clément213 et

une à Chaponrue214.

Cependant, ces enceintes ou éléments d’enceintes ne sont pas les seules structures défensives des abords de la ville. On y trouve en effet plusieurs maisons fortes215 ou

châteaux. Certaines sont situées dans les faubourgs, comme celles de Montjoie216 et de la

Cressonière217 au Sablon, mais la plupart se situent dans les villages périphériques. Ainsi,

Borny en possède une218, tout comme Magny219, Longeville220, La Maxe avec celle de

Thury221, Montigny avec le château de Grignant222, Woippy223

209 1333 : « p. vigne a la porte Abacon, a S. Clement » Lunesu 1997. Porte de l’enceinte de l’abbaye

Saint-Clément, Huguenin p. 256, 279-80, 711

210 Dans la déclaration des droits de l’abbé de Saint-Arnoul au 14e siècle, dite Wolfstor en allemand.

D’après Pierre-Edouard Wagner.

211 1373, entrée du bourg Saint-Arnoul ? Bour 1907.

212 Elle est détruite en même temps que le bourg en 1444. DEPAU 1992. 213 « Grainge sus lou tour a S. Clément dezouz l'Orme ». Dosdat 1980.

214 « En Chaponrue, sus lou tor davant lou pux ». (1279-398). Wichmann IV p. 164.

215 Ce que les textes des chercheurs actuels appellent « maisons fortes » pour la région messine

correspond souvent à des fermes qui ont été fortifiées.

216 Mention en 1372. Bour 1907.

217 C'est une maison forte située aux confins des bourgs Saint-Arnoul et Saint-Clément, attestée à

partir de 1430, disputée par les deux abbayes. Grapin 1996.

218 En 1238 elle est constituée d'une fromagerie, d'une tour, d'écurie, étable, bergerie, terre, bois et

près. En 1929, il reste la maison d’habitation carrée. La Chaise 1929.

Figure 17 : Château de Woippy d’après A. Bellevoye 1878 (Guy, Wagner 1974).

et Ladonchamps224. De ces maisons fortes ou châteaux, un certain nombre sont encore en

élévation (au moins en partie) au début du 20e siècle, marquant toujours le paysage messin.

Par ailleurs, les églises de Saint-Martin à Magny et de Saint-Julien sont fortifiées225. Ces

éléments (tours, maisons fortes et églises) ne sont pas à mettre au crédit de la ville mais à des initiatives personnelles, soit de particuliers (maisons fortes), soit de collectivités de villages (églises). La ville n’a donc pas le monopole de la défense des abords.

Sous l’action ou non de la ville, on assiste donc à la volonté de mettre en défense cette zone proche des remparts : la population habitant extra-muros est d’abord censée

219 Mention en 1444. Bruneau 1929. 220 Mention en 1444. Bruneau 1929.

221 Le château existerait en 1324 d'après Quépat, mais la maison forte ne serait construite qu'en 1586

d'après La Chaise. Haefeli 1972-3-4-5.

222 Il est bâti aux environs de 1350 sur le ban de Moulins mais proche de Montigny et très remanié

depuis.

Il est toujours debout en 1929. Haefeli 1972-3-4-5.

223 Il est bâti en 1324.

« C'est un robuste cube de pierre autrefois crénelé, placé au milieu d’une cour carrée dont les murs, haut de 6 m., sont flanqués de tourelles rondes armées de meurtrières ».

Il s'agit d'une demeure seigneuriale du chapitre de la Cathédrale.

En 1667, on pratique la pêche dans ses fossés : AD/ 3E 3648, La Chaise 1929.

224 Il est construit en 1315-1325.

Et démantelé en 1552.

Il est rebâti avec transformations aux 18e et 19e siècles. Rasé définitivement en 1944. Burnand 1989.

225 Voir les travaux de F. Audouy sur les églises fortifiées du pays messin et notamment Audouy 2001.

112 trouver refuge près de chez elle, soit sous la protection de son village ou bourg qui aura été enceint, soit dans des bâtiments qui ont été plus spécifiquement fortifiés (maisons fortes, fermes, églises fortifiées…). Mais dans les faits et à travers les différentes attaques que la ville de Metz a subies (notamment lors de la guerre des Seigneurs), on se rend compte que si ces défenses pouvaient avoir leur utilité dans le cas d’escarmouches légères (de « courses », comme les nomment les chroniques), dans le cas d’attaques plus sérieuses, voire de sièges, elles ne protégeaient pas suffisamment les habitants ou pouvaient même fournir un point d’appui aux assiégeants. Cela entraîne, à la fin de cette période, la disparition de Chaponrue, Sintefontaine, et Stoxey, que l’on perçoit de façon progressive dans les sources entre 1380 et 1390. La ville laisse alors ces faubourgs-ci s’étioler.

Figure 18 : Disparition des faubourgs est, en 1380-1390. (DAO CX).

Cette disparition marque une évolution dans la façon d’envisager la défense de Metz. Plutôt que de fortifier l’ensemble des zones d’habitat, celles jugées trop proches des remparts sont rasées, sur ordre des Sept de la Guerre. Ceux-ci peuvent également ordonner de raser les arbres et les jardins226 situés à proximité. Le but en est double : d’une part,

empêcher l’ennemi de s’approcher à couvert de l’enceinte, et d’autre part l’empêcher de trouver des abris ou des matériaux (bois, nourriture…) sur place. Cependant, on se rend compte que seuls les faubourgs ne possédant pas d’édifices fortifiés (comme une maison

forte ou une église), ni d’enceinte digne de ce nom227 disparaissent. Il semblerait donc que

l’idée de mettre en défense des abords de la ville (à condition que cela soit en dur) reste encore prépondérante. Par ailleurs, ces disparitions se cantonnent à un espace susceptible d’être géré par la ville.

Mais les structures purement défensives ne sont pas les seuls aspects pris en compte par la ville hors de ses murs pour assurer sa sécurité. En effet, la seule véritable digue attestée à cette période, la digue de Wadrineau, placée sur la Moselle, permettait de faire fonctionner les moulins situés intra-muros sur la Moselle aux abords du Saulcy, Longeterre et Boweiterre (près de la place de la Comédie) en arrêtant et détournant le cours de la Moselle à la pointe du pré de l'hôpital. Il s’agissait donc d’un élément essentiel à la vie de la ville, au point que les messins y assuraient des rondes en cas d’approche d’ennemis pour éviter qu’elle ne soit endommagée. En 1425 la ville entre même en possession juridique de la digue, les meuniers n’étant plus en mesure d’assurer son entretien228. Enfin, on peut

remarquer la présence d’un espace servant à la fois à étendre les draps et à l’entraînement des archers229.

Ainsi, on se trouve en présence de deux autres éléments dont la ville a besoin de maîtriser pour sa vie quotidienne : la digue, et donc ses moulins, et le terrain des archers. Or le contrôle de ces éléments implique le contrôle de l’espace sur lequel ils se situent. Si on ne sait pas comment l’acquisition du terrain des archers se fait, le cas est très clair pour la digue qui devient possession de la ville par décision judiciaire.

b. Économie