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Le siège de 1552 marque un tournant dans le paysage extra-muros de la ville de Metz. Son impact sur les structures restant hors les murs est en effet profond, définitif et crée une césure brutale entre la période précédente et celle qui s’ouvre. Ces changements sont initiés par une volonté de mise en défense de la ville, même si ces actions auront un effet dans des domaines autres que militaires.

L’acteur principal de ce chantier est le duc de Guise. Quand celui-ci arrive à Metz, il découvre une ville dont les défenses sont quasiment à l’abandon : fossés comblés, remparts en piteux état et de nombreux bâtiments proches de l’enceinte. Il fait donc relever le boulevard rond de la porte Serpenoise et la plate forme de tir de Ste marie mis en place par la cité en 1540. Mais surtout il met en place un glacis devant la ville, ordonnant même de raser les édifices religieux qui avaient toujours été épargnés par les messins1.

Ainsi, tout comme pour le siège de 1444, le parti est pris de raser les zones d’habitat restantes du Sablon (Bourg-aux-Arènes, Saint-Arnoul et Saint-Clément) et de l’est de la ville (Mazelle, le Bourg-aux-Allemands, Parnemaille et Saint-Julien) avec leurs portes avancées et leurs enceintes. Cependant, les édifices de culte ne sont cette fois pas épargnés. C’est ainsi que disparaissent définitivement dans les faubourgs est la résidence des chevaliers Teutoniques2 au Bourg-aux-Allemands, Saint-Maximin-des-Vignes et l’hôpital de Sainte-

Elisabeth3 ; et dans les faubourgs sud, l’abbaye de Saint-Arnoul4, la chapelle Saint-Fiacre,

l’église Saint-Eusèbe5, l’église Sainte-Bénigne, l’abbaye Saint-Clément6, la chapelle Saint-

Louis7, l’église Saint-Jean-Baptiste8, l’église Saint-Laurent, l’église Saint-Amand1, l’église

1 Même si ceux-ci ont déjà abattu leurs faubourgs comme en 1444 (pour les relever après), ils

n’avaient que très rarement touché aux édifices religieux (exception faite de Saint-Thiebaut et Notre- Dame-des-Champs).

2 Elle est rasée en 1552. 1558-1559 : enlèvement des décombres restants. Bour 1932.

3 Rasé en 1552 et disparition de la communauté teutonique de Metz qui le dirigeait en 1553. Des

vignes furent plantées sur son emplacement, comme à Saint-Arnoul, Saint-Clément et Saint- Symphorien. Bour 1932.

4 L’abbaye est rasée en 1552. Les corps des saints, rois et évêques sont transportés dans l'église des

Jacobins qui devient Saint-Arnoul dans les murs, par la suite une croix indiquera l'emplacement de l'ancien maître-autel. Bour 1907.

5 Elle est rasée en 1552, mais le titre perdure (deux mentions en 1640 et 1645). Bour, Klauser 1929. 6 Détruite en 1552. Par la suite une croix indiquera l'emplacement de l'ancien maître-autel. Bour,

Klauser 1929.

7 Elle n'apparaît plus sur les plans après 1552, on peut supposer qu'elle a été rasée en même temps

que le quartier. DEPAU 1992.

8 Elle est détruite en 1552. En 1634, il en restait encore "un monticule de décombres, couvert d'orties

et de chardons, autour duquel on découvre encore bien souvent, en bêchant la terre, des corps humains d'une grandeur extraordinaire." (Meurisse). Bour, Klauser 1929.

Sainte-Marie-aux-Martyrs, l’église Saint-Genest, le prieuré Saint-André, l’église Saint-Pierre- aux-Arènes2 et l’église Saint-Goery3.

Ces édifices ne seront jamais relevés, de même que les zones d’habitat du Sablon. À la volonté de mettre en défense les abords, a succédé un désir d’espace dégagé devant la ville. Cette rupture dans la façon d’organiser la défense est due à l’évolution de l’armement et à la modernisation des armes à feu. Jusqu’à présent les messins avaient toujours essayé, dans la mesure du possible, de préserver les églises et abbayes, surtout celles du Sablon qui témoignaient de l’histoire de la ville et, quelque part, cristallisaient leur identité. Maintenant, la portée des armes de siège augmentant, il devient nécessaire d’augmenter le rayon de l’espace dégagé entourant la ville et, pour assurer sa sécurité, de ne tolérer aucune exception quelle que soit l’importance de ces bâtiments dans le cœur des messins4.

Cependant, ce qui disparaît alors, ce n’est pas simplement un espace d’habitation aux nombreux édifices de culte, mais également l’emplacement des foires de Saint-Arnoul et Saint-Clément (qui ne sont plus attestées après cette date5), ainsi que les maisons fortes qui

s’y trouvaient (Montjoie, Cressonière) et les grands cimetières Saint-Louis et Champ-à- Panne.

Ainsi, les choix politiques de la ville influent directement sur l’espace qui l’entoure. Accepter la présence française a pour conséquence un nouvel essor dans la dynamique de gestion de l’espace. La France, au travers de son représentant le duc de Guise, impose une gestion totalitaire de l’espace puisqu’une seule autorité ordonne des destructions qui couvrent plusieurs entités différentes. Elle passe en effet au-dessus des droits ecclésiastiques des églises, abbayes et bourgs abbatiaux, augmentant les enchères par rapport à la période précédente puisque les destructions sont totales et, le plus souvent, définitives. Il ne s’agit donc pas d’un consensus temporaire entre plusieurs autorités, les bâtiments n’étant pas relevés. Les individualités s’effacent au profit d’une société urbaine globale.

1 Rasée en 1552, la chapelle est transférée dans l'église Saint-Vincent. La paroisse est supprimée en

1557 et unie à la chapelle Sainte-Croix à Saint-Vincent appelée depuis Sainte-Croix-et-Saint-Amand. Bour, Klauser 1929.

2 Elle est rasée en 1552, pourtant la persistance du titre est attestée jusqu'au moins en 1590,

puisqu'on parle à cette époque de la mort d'un de ses prieurs. Bour, Klauser 1929, Gauthier 1986.

3 Elle disparaît définitivement en 1552, son titre est réuni à celui de Saint-Eusèbe. Bour, Klauser 1929. 4 Par exemple, l’église de l’abbaye Saint-Arnoul, considérée comme l’une des plus belles et une des

plus importantes de Metz. L’installation d’artillerie sur son toit la rendait trop menaçante vis-à-vis du quartier de la citadelle.

5 « La ville conquise est placée sous protectorat royal, ses échanges et débouchés commerciaux

traditionnels de la fin du 15e siècle Pays-Bas luxembourgeois et Rhénanie lui sont désormais fermés. La ville devient jusqu’au milieu du 17e siècle une cité de petits boutiques qui ne survivent que grâce au

soldat. » (Pierre-Edouard Wagner).

La première couronne d’habitat n’est pas la seule à être touchée. Les abbayes de Sainte-Croix1 et Saint-Martin2 vont également définitivement disparaître, ainsi que le moulin

du Petit Saulcy3 et la grange fortifiée de Châtillon4. La zone d’habitat de Saint-Privat ne sera,

quant à elle, abattue que provisoirement5.

Après le siège, on assiste certes à la renaissance de faubourgs, notamment ceux du Bourg-aux-Allemands, de Saint-Julien et de Mazelle, mais cette fois la notion d’un glacis, même s’il est occupé par des vignes et des jardins6, vient clairement s’installer comme une

ligne de défense supplémentaire au-delà du fossé. Les faubourgs relevés ne retrouveront d’ailleurs jamais l’ampleur qu’ils possédaient auparavant : les enceintes et portes ne sont pas relevées et Mazelle se contente de quelques maisons.

Les modifications apportées à la défense au cours de cette période (création d’une citadelle à partir de 1565 et d’un glacis, modernisation du rempart), préfigure le rempart de Cormontaigne qui transformera Metz en ville retranchée derrière ses remparts, fortification stratégique dans le jeu du roi de France face à l’Empire Germanique, rompant ainsi avec la tradition des alentours de la ville ouvrant la cité sur l’extérieur. Cormontaigne, en effet, réalisera entre 1728 et 1741 les travaux préconisés par Vauban dans un mémoire de 1675. Cela se concrétisera par la construction des doubles couronnes de Fort-Moselle et de Bellecroix (qui entraîneront notamment le déplacement de Saint-Julien et la disparition de Mazelle), ainsi que de nombreuses casernes et la destruction de l’enceinte médiévale. Il s’agit alors d’une autre conséquence du passage de la ville à la France puisque l’autorité ici est celle du roi de France et non d’un pouvoir urbain local. La ville devient un pion dans sa politique étrangère.

Ce besoin de moderniser les défenses de la ville et d’empêcher à tout prix que l’ennemi puisse s’installer à proximité des remparts a entraîné un autre aménagement du premier cercle ou plus exactement de la Seille à l’entrée de la ville. En effet, à côté des digues de Wadrineau et des Pucelles sur la Moselle, apparaît une écluse sur la Seille. Celle- ci, appelée écluse des Arènes est due à Vauban7, tout comme le projet de modernisation de

l’enceinte qui sera appliqué par Cormontaigne. Son but, identique à celui du barrage Vauban

1 Rasé en 1552 : les religieux sont transportés à l'hospice de Saint-Eloy dans la ville (qui deviendra les

Carmes déchaussés).

Suppression de l’abbaye Sainte-Croix sous Henri IV (1597) : les revenus servent à fonder le collège des jésuites à Metz. D'ailleurs, les Petites Tappes passent aussi aux Jésuites. Quépat 1878.

2 Rasée (définitivement) en 1552. Bour, Klauser 1929. 3 Il est mentionné jusqu'au moins 1551. Bruneau 1929. 4 La maison forte est détruite en 1552. Haefeli 1972-3-4-5.

5 Rasée en 1552. On doit attendre 1563 pour reparler de la métairie de Saint-Privat. Haefeli 1980. 6 L’emplacement des anciennes abbayes du Sablon va ainsi être occupé par des vignes.

7 On n'en connaît pas la date de construction exacte, peut-être 1676 mais dans tous les cas avant

1737, Bour 1932. « L’inondation de la vallée de la Seille est mise a l’essai en 1734 devant le gouverneur de Metz, elle s’étend jusqu’à Magny ». (Pierre-Edouard Wagner).

à Strasbourg, est d’inonder les abords de la ville en cas d’attaque, grâce à l’apport de l’eau de l’étang de Lindre situé en aval. Cela implique également de maîtriser un espace beaucoup plus vaste que celui situé immédiatement aux pieds des remparts. Inonder une vaste surface a en effet un fort impact économique et humain. La ville intra-muros est alors privilégiée, contrairement à la première phase où on essayait de sauvegarder les structures extérieures.

Que ce soit dans la création du glacis ou la mise en place de l’écluse, la défense de la ville est toujours assurée par ses magistrats (sur ordre du gouverneur ou de son représentant). Le premier cercle a donc désormais comme fonction principale de défendre la cité.

b. Économie

L’évolution des défenses de la ville a également un fort impact sur le paysage économique extra-muros. Ainsi, avec la disparition des faubourgs du Sablon on perd la trace des deux foires de la ville et du lieu de déchargement de bois aux Wassieux. Il s’agit peut- être de la fin d’une ville économique forte. On ne trouve ainsi plus trace d’économie urbaine hors de ses murs.

Par contre, l’économie rurale est très stable. Sur les 24 domaines agricoles présents à l’époque précédente, 21 sont toujours en activité. Seules les granges de Châtillon, de la Cornue Géline1 et de la Petite-Saint-Ladre ne sont plus mentionnées après 1552. Par

ailleurs, les plans de l’époque moderne font état de la forte extension des cultures. Ainsi, le plan Naudin (1728-1739) montre que toute la terrasse alluviale sud, entre la Moselle et la Seille et de Marly à Montigny est occupée par des champs. C’est également le cas de la partie nord, entre Woippy et la Moselle, et de Metz jusqu’aux Petites-Tappes. Les zones situées au-dessus des coteaux, au niveau de Grimont, Bévoyes et Borny sont aussi représentées comme des champs. Cette image d’une forte extension est néanmoins à nuancer car elle se fait en l’absence de points de comparaison avec la période précédente. Le seul point certain est la réutilisation de l’espace des faubourgs par des cultures, lesquelles prennent le pas sur l’habitat et les autres fonctions économiques.

Le plan Naudin montre également que tous les coteaux sont occupés par des vignes comme c’est également le cas de l’ancienne zone de faubourgs entre Montigny et la ville. L’image présentée par le plan Ockley (1754) permet lui aussi d’observer un accroissement des zones viticoles. Ainsi, la vigne dépasse les coteaux proprement dits pour s’étendre sur les espaces plus plats au niveau de Bévoyes, Plantière et Grimont. Cependant, si la culture

1 La Cornue Géline est mentionnée comme lieu de quarantaine en 1560. (Pierre-Edouard Wagner).

viticole semble prendre de l’envergure, on ne trouve mention à travers la documentation étudiée que d’un seul pressoir. Il s’agit du pressoir l’Evêque, au Bourg-aux-Allemands1.

À côté des vignes et des champs, le plan Naudin représente enfin une vaste zone dévolue aux jardins. Il semble en effet que les anciennes zones de faubourgs entre Saint- Clément et la ville soient dorénavant totalement occupées par des espaces maraîchers.

D’autres structures économiques apparaissent hors les murs à cette période. Ainsi, on y fait mention pour la première fois d’auberges. L’une est située à Plantière, c’est l’auberge Notre-Dame2, et l’autre, à Woippy, a pour nom la Maison-Rouge3. Par ailleurs, un

ensemble de huit fours a été mis au jour en Chambière, sans que leur fonction exacte n’ait pu être déterminée4. Enfin, même si les moulins de Magny, Marly et Saint-Julien sont

toujours attestés, on ne peut que noter le peu de fonctions économiques autres que les cultures.

c. Religieux et accueil : le passage au

protestantisme