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Le siège de 1444-1445 aura un très fort impact sur l’espace extra-muros. La ville de Metz, à l’injonction des Sept de la Guerre, va mettre en place, juste avant le début de ce siège, un large espace dégagé de tout bâtiment autour de la ville afin d’empêcher l’ennemi de bénéficier d’un point d’ancrage aux abords de l’enceinte et de s’en approcher à couvert.

Disparaissent ainsi au sud de la ville, définitivement, les zones d’habitat de Notre-Dame- des-Champs, de Saint-Thiebault et de Saint-Symphorien avec la tour de Saint-Symphorien389 et

leurs édifices de culte les plus importants, à savoir le prieuré de Notre-Dame-des-Champs, la collégiale de Saint-Thiebault et l’abbaye de Saint-Symphorien. Les communautés des deux derniers édifices seront transférées intra-muros après cette guerre, Saint-Symphorien en 1449390, Saint-Thiebault en 1452391. Cependant, si l’abbaye Saint-Symphorien continue ainsi

d’exister avec ses reliques, l’un des emplacements d’inhumation des premiers évêques messins est dévasté. Ces disparitions définitives s’ajoutent aux disparitions des faubourgs est de Chaponrue, Stoxey et Sintefontaine qui avaient eu lieu à la période précédente. Un espace vide

387 À l’exception des croix symbolisant l’ancienne localisation des abbayes Saint-Arnoul, Saint-

Symphorien et Saint-Clément.

388 Bour 1907.

389 Elle est détruite en même temps que le bourg en 1444. DEPAU 1992.

390 L’abbaye est détruite en 1444, elle est transférée dans les murs (en 1449). Lager 1892.

391 Église détruite en 1444 et transférée dans les murs en 1452, dans le couvent des Repenties, juste de

l'autre côté du rempart. Bour, Klauser 1929.

de construction se met ainsi en place immédiatement aux pieds des remparts, et ce de façon définitive392.

Par ailleurs, les autres faubourgs sud, un peu plus éloignés, sont également détruits en prévision du siège. Ils sont cependant relevés par la suite et leurs importants édifices de culte (les abbayes Saint-Arnoul et Saint-Clément, par exemple) ne sont pas touchés. Sont ainsi rasés et reconstruits : le Bourg-aux-Arènes, le bourg de Saint-Arnoul et celui de Saint-Clément. À l’est, sont également rasés et reconstruits le Bourg-aux-Allemands, Mazelle, Parnemaille et Saint- Julien. Les chapelles Saint-Fiacre et Saint-Louis, le prieuré Saint-André et l’église Saint-Goery de Saint-Symphorien sont également abattus puis relevés. On remarque alors une différence entre cette période et la période précédente. En effet, le choix de raser les faubourgs aussi bien à l’est (gérés par la ville) qu’au sud (sous le contrôle des abbayes) implique que la ville intervient sur un espace qu’elle ne contrôle pas officiellement. Que cela soit fait en concertation ou non avec les autorités religieuses, le besoin de défendre la ville prend le pas sur les autres considérations. Cela se voit particulièrement dans le cas du Ban-Saint-Martin (sous domination lorraine), détruit puis relevé, son abbaye étant fortement endommagée et son église Saint- Maximin disparaissant définitivement. La ville prend alors, peut-être de force, la maîtrise de l’espace nécessaire à sa défense.

Si ces premières destructions peuvent être attribuées aux messins, à leur volonté de créer un début de glacis sur les côtés les plus exposés de la ville (aucun nouveau faubourg ne fera d’ailleurs son apparition au cours de cette période), d’autres, plus éloignées de la ville, peuvent être plutôt attribuées aux assiégeants. Ainsi, on sait que la zone d’habitat de Saint- Privat est incendiée par les Lorrains en 1444393 et que ceux-ci abattent le gibet en 1443394. Par

ailleurs, sans qu’il soit précisé s’il s’agit d’actions messines ou ennemies, les fermes de la Grange-aux-Ormes, de Saint-Eloy et de la Grange-aux-Dames souffrent également de destructions. Les maisons fortes de Magny et de Longeville disparaissent, elles, complètement des sources après 1444.

On assiste donc à un changement radical dans la façon d’envisager la défense extérieure à l’enceinte entre cette période et la période précédente. Alors qu’auparavant les Sept de la Guerre ordonnaient de fortifier des zones d’habitat, ils demandent maintenant de les raser. De plus, le caractère sacré et l’ancienneté de certaines structures ne sont pas respectés

392 Cette assertion dépend bien évidemment de l’état de nos connaissances des faubourgs. Ces derniers

sont en effet moins bien renseignés qu’à la période précédente.

393 Cette zone d’habitat est brûlée par les Lorrains en 1444. Haefeli 1980.

394 En 1443, il est abattu alors qu'il portait 32 hommes, et refait à neuf. Bruneau 1929.

puisqu’elles sont soit endommagées, soit détruites définitivement. Cependant, le glacis n’est pas encore fermement établi puisque certaines zones d’habitat sont relevées avec leurs fortifications et restent enceintes jusqu’en 1552395.

Par ailleurs, des bâtiments sont fortifiés de manière individuelle, s’ajoutant aux granges et aux églises fortifiées de la période précédente. Apparaissent ainsi au cours de cette période le château de Montigny396, une maison forte à Saint-Julien397 et la Haute-Maison de Cléry à

Woippy398.

Il s’agit donc d’une période où la ville utilise ses abords pour sa défense de façon mixte : l’alliance d’un glacis permanent (mais imparfait) et l’utilisation d’espaces ou de bâtiments fortifiés. En fait, même si la ville subit des incursions plus nombreuses de la part du duc de Lorraine (par exemple en 1490), cela n’entraîne pas de changements majeurs dans le paysage global de ses abords après 1445.

Cette nouvelle manière d’envisager la défense va entraîner un certain nombre de problèmes pour l’abbaye Saint-Martin-devant-Metz. En effet, les messins s’étant rendus compte du danger qu’il y avait à avoir aussi près de leurs murs une abbaye échappant à leur juridiction, pratiquèrent une politique de harcèlement vis-à-vis de l’abbaye, par exemple en interdisant aux bourgeois messins de faire ou d’aider à faire construire dans le Ban-Saint-Martin399. Et ce

jusqu’à ce que l’abbé de Saint-Martin se sente obligé, en 1478, de justifier auprès de la ville de Metz (alors qu’il ne dépend pas d’elle), les réparations effectuées à son abbaye, en précisant qu’il ne s’agit pas de fortifications établies contre elle400.

Cependant, un autre siège de la ville, en 1518, montre les limites de cette défense. En effet, le passage du chevalier-brigand Franz de Sickingen entraîne de nouvelles destructions, cette fois essentiellement de la part de l’ennemi. En effet, bien que les Sept de la Guerre aient essayé d’anticiper la défense, par exemple en faisant abattre les arbres situés trop près de la

395 Il demeure l’enceinte du Bourg-aux-Allemands avec sa porte, celle de Saint-Arnoul et celle de Saint-

Julien, ainsi que la fausse porte de Mazelle et celle de Parnemaille.

396 Il est attesté au début du 16e siècle comme une « forte maison ». Reitel, Atz 1988.

397 1518 : « Nicolle Dex avait un biaulx manoir et lieu de plaisance scitués et essis au bout du bourg

Sainctz Jullien, dessus le ruyt de Waillier. Et en ce lieu, y avoit un mollin à papier, et paireille y avoit une bonne tour en la maison, avec la court et les murailles entours, essés suffisante et forte, se sambloit pour une course. ».

1521 : la fort maison. Bruneau 1933.

398 Elle existerait peut-être dès le 14e siècle.

Mais la première mention n'est attestée qu'en 1481. Burnand 1989.

399 François, Tabouillot 1775b p. 109. 400 François, Tabouillot 1775b p. 203.

ville401 et la fausse porte de Parnemaille402, le Bourg-aux-Allemands est brûlé avec le chaukeur

l’Évêque et la maison de Sainte-Élisabeth403. Par ailleurs, ce même siège montre la difficulté de

se défendre efficacement dans un bâtiment fortifié individuellement. Les défenseurs de la maison forte de Saint-Julien, pourtant à proximité immédiate de l’enceinte de la ville, en font l’amère expérience :

Pour ce temps, le seigneur Nicolle Dex avoit et tenoit ung biaul manoir et lieu de plaisance scitué et assis au bout du bourg Sainct Jullien, dessus le ruyt de Valliere ; et en ce lieu y avoit ung mollin à papier et une bonne tour en la maison, avec la cour et les murailles entour, assés souffisantes et fortes ce sembloit pour une course. Parquoy le devantdit seigneur Nicolle, non pensant né doubtant que les ennemis deussent venir si pres de la cité, delibera de y mettre aulcuns gentilz compaignons pour seulement la tenir close et la gairder, que aulcuns malvais gaisons adventuriers n’y meissent le feu. Et pour ce faire y envoiait ung sien serviteur en qui moult se fioit, nommé Baistien, et aimoit moult celluy seigneur ledit son serviteur ; car il l’avoit trouvé loyal en plusieurs ses affaires. [Nicolle lui adjoint un certain nombre de compagnons]. Iceulx neuf ou dix josnes hommes furent mis et commis à la gairde d’icelle maison, comme dit est devant, pour la tenir fermée, et ne craindroient pas que les ennemis fussent si osés de s’y trouver n’y de se venir esbaitre si pres de la cité. Mais leur cuydier les decceut, et en fut aultrement ; car plusieurs adventuriers de iceulx ennemis vindrent illee aborder et avec biaulx copts de haiche, sans crainte nulle, descoupairent les huis et les portes de la maison, et

éfenses pouvaient avoir leur utilité dans le cas d’escarmouches légères, dans le cas d’attaques plus sérieuses, voire de sièges, elles ne protégeaient pas suffisamment les habitants. La défense consiste donc à se replier

tellement que ceulx de dedans n’y peulrent mettre remede qu’ilz n’entraissent en la baisse court et se combatissent ensemble [les ennemis tuent la plupart des défenseurs et pillent la maison]404

De fait, les messins vont se rendre compte que si ces d

derrière l’enceinte de la ville.

401 1518 : ordre donné par la municipalité de couper les arbres des jardins qui se trouvaient autour du

chaukeur l’Evêque (Bourg-aux-Allemands), ordre qui ne fut guère exécuté. Bour 1932.

402 En 1518, on fait abattre la fausse porte avec tous les arbres autour.

En 1522, on fait abattre la fausse porte avec tous les arbres autour, par peur du retour de Franz de Sickingen. Bruneau 1929 / Bruneau 1933.

403 Il est brûlé en 1518 par les gens de guerre de Frantz de Sickingen : « brûle la menandie Sainte-

Elizabeth, la maison de Bibray, le gerdin messire Françoy le Gournay et tout le bourg ». Bour 1932.

404 Huguenin 1838 pp. 725-726.

b. Économie

Si les évolutions de la défense peuvent être décrites avec suffisamment de précisions, ce n’est pas le cas du secteur économique. En effet, les rôles de ban de Metz ne sont pas retranscrits pour cette période. On perd donc une source de renseignements sur les champs, les vignes,

tinuité ou un changement dans l’occupation du sol entre cette période et la précéd

tionné, à l’occasion de sa destruction en 1518. Cette perte d’inform

l’île de la Moselle du Petit Saulcy405. Par ailleurs, le moulin de Saint-Julien subit une évolution,

puisqu’il est dit moulin à papier en 1518406 et les moulins de la Moselle intra-muros (dépendant

exclusivement de la ville de Metz depuis 1425) ont également des fonctions diverses (huilerie ou

les jardins et sur le détail des « parcelles bâties » et seules certaines données émergent. Ainsi, tout comme à la période précédente, les foires de Saint-Arnoul et Saint-Clément constituent les seuls critères urbains présents extra-muros.

Par contre, en l’absence de rôles de ban édités et de plans de cette période, il est par contre impossible de restituer une image du paysage cultivé autour de la ville et donc de percevoir une con

ente. Cependant, on peut affirmer que la répartition des domaines agricoles reste stable. On ne note en effet aucune différence avec la période précédente, la liste des fermes attestées restant la même.

De même que pour les champs, il est impossible de donner une image du vignoble à cette époque. Seul le chanoine R.-S. Bour donne deux indications d’emplacement de vignes. Dans son article de 1907, il parle de vignes situées aux Wassieux entre 1444 et 1552, et dans l’article de 1932, il évoque des vignes « en Plantière » en 1485, derrière le Bourg-aux- Allemands. Ainsi, si la culture de la vigne est attestée à cette période, son extension reste inconnue. Par ailleurs seul le chaukeur l’Évêque, parmi tous les pressoirs de la période précédente, est encore men

ations est de nouveau due au fait que les rôles de ban postérieurs à 1338 ne sont pas édités. Le même souci touche également les jardins, puisqu’on n’en trouve aucune attestation sur l’ensemble de la période.

À côté de ces espaces de cultures, d’autres éléments issus de la période précédente sont à nouveau attestés. Ainsi, le lieu de déchargement de bois aux Wassieux et les moulins, excepté ceux de Borny et celui des Arènes. A contrario, un moulin à vent fait son apparition sur

405 Il est bâti en 1472.

Et est mentionné jusqu'au moins 1551. Huguenin 1838.

406 1518 : « Nicolle Dex avait un biaulx manoir et lieu de plaisance scitués et essis au bout du bourg

Sainctz Jullien, dessus le ruyt de Waillier. Et en ce lieu, y avoit un mollin à papier, et paireille y avoit une bonne tour en la maison, avec la court et les murailles entours, essés suffisante et forte, se sambloit pour une course. » Bruneau 1933.

moulin à papier par exemple)407. Enfin, une première auberge est mentionnée à la toute fin de

cette période. Il s’agit de l’auberge Notre-Dame, située à Plantière408.

c. Religieux et accueil