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Chapitre1 Le contexte historiographique, géographique et historique.

III. Avant 1200 : la mise en place d’une ville épiscopale

1. Chronologie et société

Malgré quelques traces d’occupation néolithique, le site de la ville de Metz n’est véritablement occupé qu’à partir de La Tène. Les fouilles archéologiques ont en effet permis de mettre en évidence un oppidum gaulois qui peut être mis en relation avec la présence des Médiomatriques dans la région.

L’agglomération change totalement de dimension lorsque les Médiomatriques sont rattachés à la province de Belgique (capitale Reims) après la conquête des Gaules par Jules César, elle porte alors le nom de Divodurum132. Son statut n’est néanmoins que celui d’un simple chef-lieu d’une civitas, héritière du pagus médiomatrique. Située au carrefour de voies fluviales qui véhiculent la céramique, les céréales, les pierres de constructions mais également le sel du Saulnois, elle est prospère sur le plan commercial et économique133. Les

stèles funéraires retrouvées évoquent aussi la présence d’une corporation de marchands de draps et de potiers. Même si elle ne joue aucun rôle politique, l’évolution du limes, sous les Flaviens, la place comme relais de l’approvisionnement des armées sur le Rhin, la transformant ainsi en base arrière militaire.

Les difficultés rencontrées par l’Empire (notamment la perte des Champs Décumates qui le poussent à rétablir le limes sur le Rhin et à renoncer à la Germanie) à partir du 3e

siècle et le début de ce qu’on a appelé « les Grandes Invasions »134 influent sur le rôle de la

ville. Il est possible qu’elle devienne alors ville de garnison. La table de Peutinger la présente d’ailleurs comme une des villes étapes des grandes voies de communication. Elle souffre également d’une diminution de son territoire suite aux réformes administratives de Dioclétien. Cependant, la ville garde un certain dynamisme. En effet, le partage de la province de Gaule Belgique en deux entités (Belgique Seconde à l’ouest et Belgique Première à l’est) fait de la ville de Trèves une résidence impériale. La proximité de Metz par rapport à cette dernière garantit sa vitalité.

Il semblerait le christianisme soit présent très tôt dans la ville. En effet, la liste épiscopale messine indique que le cinquième ou sixième évêque de la ville accède à

131 Ce chapitre s’appuie très fortement sur le D.E.P.A.U. de Metz : DEPAU 1992.

132 Nom mentionné pour la première fois par l’historien Tacite à la fin du 1er siècle de notre ère.

DEPAU 1992 p. 15.

133 La ville est en effet située au carrefour des routes Lyon-Trèves et Reims-vallée du Rhin et sur deux

axes fluviaux importants : la Moselle et la Seille. DEPAU 1992 p. 15.

134 « Même si les effets sont à relativiser, les textes parlent néanmoins de destructions en 352, 406 et

451 ». DEPAU 1992 p. 25.

l’épiscopat en 356. Un évêque aurait donc été présent à Metz dès le 3e siècle, soit avant la

conversion de l’empereur Constantin en 312.

L’histoire de la ville est ensuite mal documentée jusqu’au 6e siècle. Annexée par

Clovis, elle échoit à sa mort (511) à Thierry (Théodoric) avec le royaume de Reims. Celui-ci deviendra l’Austrasie à partir de Sigebert (561-575). Ce même roi fait de Metz sa capitale et sa résidence principale. Les nobles francs accèdent désormais à l’épiscopat de la ville. Le plus célèbre en est Arnoul, noble laïc allié à Pépin de Landen, qui acquiert le soutien du roi des Francs, Clothaire. Ce dernier permettra à Arnoul d’accéder à l’épiscopat messin135. Celui-ci et Pépin de Landen marient alors leurs enfants qui assureront la lignée des Pippinides, dont le dernier représentant, Pépin-le-Bref, sera le père de Charlemagne. Les patrimoines réunis des Arnulfiens et des Pippinides formeront d’ailleurs une partie des biens royaux carolingiens.

Ceci explique pourquoi Metz reste une cité importante sous les Carolingiens, même si elle a perdu son statut de capitale. Ville épiscopale de saint Arnoul, ancêtre de Charlemagne, elle est en effet considérée comme le berceau de la dynastie carolingienne, et l’abbaye Saint-Arnoul est l’une de leurs nécropoles attitrées. On y trouve en effet les corps d’Arnulfiens, de Pipinnides et de Carolingiens136. La ville est également l’un des centres de

la « renaissance carolingienne ». C’est là que l’évêque Chrodegang (742-766) va uniformiser la liturgie, créer une école de chant (l’antiphonaire messin donnant par la suite naissance au chant grégorien) et réformer la règle des chanoines en s’inspirant de celle de saint Benoît. Cette renaissance s’accompagne alors de tout un artisanat tournant autour des livres : enluminures, ivoires, reliures… Si la ville n’est plus capitale politique, elle est une capitale culturelle, une capitale des arts et assure une légitimation religieuse à la dynastie. L’importance de la ville sera encore mise en évidence quand Drogon (823-855), un des fils de Charlemagne, accédera à l’épiscopat. L’intérêt que l’empereur porte à cette cité se traduit essentiellement par l’immunité qu’il lui accorde en 775 : il interdit alors aux agents royaux de pénétrer sur les terres de l’évêché pour y lever des taxes, y faire des réquisitions ou y exercer la justice. Ainsi, l’évêque devient le véritable seigneur de la ville.

Suite à la mort de Louis-le-Pieux et au traité de Verdun en 843, Lothaire hérite de Metz qui fait alors partie de la Lotharingie. Puis, après la mort de son fils, Lothaire II, Metz passe sous la domination des rois allemands. Cependant, au 10e siècle la frontière

linguistique entre pays romanophone et pays germanophone se fixe un peu au sud de Thionville et place définitivement Metz en zone francophone. L’évêque détient alors les droits comtaux qu’il délègue à un comte nommé par lui. Deux types de juridiction se mettent alors

135 Il reste évêque de 614 à 629 avant de se faire ermite à Remiremont (Vosges) où il meurt en 640. 136 Par exemple saint Arnoul, Hildegarde (femme de Charlemagne) ou Louis-le-Pieux.

en place : celle touchant la ville et sa banlieue, qui dépend du judex civitatis et celle touchant à l’évêché et au Pays Messin, héritier du pagus mettensis. Ce dernier correspond au comté de Metz, dépendant du comte.

Au 11e siècle, la querelle des Investitures137 éloigne l’évêque de la direction de la

ville. La bourgeoisie en profite alors pour s’affirmer, peut-être aidée en cela par des considérations économiques comme l’émergence des foires. L’évêque perd peu à peu son pouvoir sur la ville. Sous l’épiscopat d’Etienne-de-Bar (1120-1163), le pouvoir de ban passe aux mains des trois maires de la ville choisis par l’évêque. On a alors, en 1160, les premières mentions du ban de Metz, qui remplace le ban du chapitre détenu jusque-là par l’évêque. À la fin du 12e siècle, les échevins sont choisis par « le clergé et par le peuple ». On commence alors à parler de la communauté des bourgeois, du conseil des Treize138 et

des paraiges139. La communauté urbaine commence à avoir plus de poids face à l’évêque.

Metz est certes une ville épiscopale, mais l’évêque n’en est plus le seigneur absolu.

2. Organisation de l’espace : de l’oppidum à la ville enclose