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Méthode de collecte et corpus de données

CHAPITRE 1 – Problématisation, contexte, démarche de recherche et d’analyse

1.3 La démarche de recherche et d’analyse

1.3.2 Méthode de collecte et corpus de données

Cette thèse en anthropologie est en fin de compte, pour les raisons discutées, une thèse sur documents. Comme l’énonce Hacking dans ses enseignements au Collège de France, « ce n’est qu’après coup qu’on peut décrire les méthodes qui marchent » (Hacking 2005b : 12). C’est ainsi que j’en suis venu à conclure que la méthode nécessaire selon la manière dont j’ai posé le problème et l’exploration que j’en ai faite, est un terrain sur documents. Deux corpus principaux et un corpus secondaire forment la base documentaire de ma thèse. Dans la bibliographie, je distingue les références du corpus documentaire de la bibliographie

51 Bien que dans des perspectives différentes, l’approche que je retiens dans cette thèse concernant l’échelle

mondiale de gouvernementalité peut être rapprochée du travail entrepris par d’autres anthropologues, celui de Aihwa Ong sur des projets actuels du monde contemporain (dont Ong et Collier 2008) et celui de Ann Laura Stoler sur des projets impériaux des 18e, 19e et début 20e siècles (dont Cooper et Stoler 1997).

générale. La bibliographie du corpus documentaire est, de plus, subdivisée en trois corpus : (a) Corpus du The Lancet ; (b) Corpus de l’ONU-OMS ; (c) Autres références. Notons que les publications du Lancet et les documents de l’OMS et de l’ONU ne peuvent être dilués dans la bibliographie générale puisqu’il est important au plan méthodologique de circonscrire le corpus analysé afin d’assurer la reproductibilité de l’analyse. Je justifie ici comment j’ai procédé à la sélection des sources, comment chacune s’inscrit dans ma démarche de recherche et peut être justifiée.

Le premier corpus (a) est constitué d’une sélection de numéros thématiques, d’articles et de sommaires exécutifs de la revue médicale britannique le The Lancet. Je couvre principalement la période 2011-2016. Sur cette période, j’ai sélectionné deux numéros thématiques (2011 et 2016) qui forment une série consacrée exclusivement aux mortinaissances, et un numéro thématique (2014) consacré aux nouveau-nés (incluant les mort-nés). Le numéro thématique de 2011, simplement intitulé « Stillbirths » (mortinaissances, en français), est la base du projet scientifique et politique du The Lancet sur la prévention des mortinaissances. Le numéro thématique de 2016, intitulé Ending

preventable stillbirths (« Mettre fin aux mortinaissances évitables »), en est la suite. Entre

les deux, le numéro thématique de 2014, intitulé Every newborn (« Chaque nouveau-né »), inclut les mortinaissances et fonde le Plan d’action 2014 de l’OMS (je vais y revenir concernant le second corpus). Je n’ai pas systématiquement analysé tous les articles de ces trois numéros thématiques, mais une sélection, selon une manière de procéder que je vais détailler plus loin dans la démarche d’analyse. Cela dit, puisqu’il s’agit ici de définir le corpus du The Lancet, il convient d’en préciser la composition. J’ai retenu pour l’analyse les deux sommaires exécutifs des numéros thématiques de 2011 et 2016, puis dans le numéro de 2011, huit articles ; dans le numéro de 2016, huit autres articles ; dans la série 2014, trois articles. À cela s’ajoutent sept autres articles du The Lancet qui portent soit sur les mortinaissances, soit sur des aspects connexes, mais qui ne font pas partie des trois numéros thématiques et qui sont parfois antérieurs à 2011. Un nombre total de 28 textes analysés compose le premier corpus. Enfin, il faut ajouter quelques liens internet au site web du The Lancet et des liens internet à trois vidéos (deux provenant du The Lancet TV et le troisième du Global Health TV).

La collecte des données concernant le premier corpus s’est déroulée d’août 2014 à novembre 2016, ce qui m’a permis de tenir compte des trois numéros thématiques du The Lancet rattachés au projet sur les mortinaissances.

La pertinence du premier corpus, celui du The Lancet, se justifie en trois points. D’abord, la primauté accordée aux sciences médicales dans la Constitution de l’OMS signée en 1946 et en vigueur depuis 1948 : « L’admission de tous les peuples au bénéfice des connaissances acquises par les sciences médicales, psychologiques et apparentées est essentielle pour atteindre le plus haut degré de santé » (OMS 1948 : 1, je souligne). Ensuite, la réputation et le facteur d’impact du The Lancet : « The Lancet has an Impact Factor of 47,831 and is currently ranked second out of 151 journals in the Medicine, General & Internal subject category (2016 Journal Citation Reports, Clarivate Analytics 2017) »52. Enfin, si j’ai choisi

le The Lancet plutôt que le New England Journal of Medicine (NEJM) (« The most recent (2016) impact factor for NEJM is 72.406, the highest among general medical journals »)53, c’est que le The Lancet est le plus influent sur les enjeux de santé globale (« Global Health ») auprès de l’OMS et que le Plan d’action de l’OMS (2014), dont un des deux objectifs est de mettre fin aux mortinaissances évitables, est directement fondé sur les recherches publiées dans le numéro thématique de 2014 du The Lancet, qui lui-même réfère au numéro thématique de 2011.

Le second corpus (b) est formé d’un ensemble important de documents de l’OMS (14 documents) et de quelques documents de l’ONU (quatre documents). Les documents de l’OMS vont de 1948 à 2015. Ils se composent de cinq documents directement ou partiellement liés aux mortinaissances ; deux documents liés aux classifications statistiques internationales des maladies ; un document sur les indicateurs de santé (y compris la mortinatalité) ; quatre documents d’évaluation ; et un document général, soit celui de la

52 http://www.thelancet.com/lancet/about, consulté le 15 octobre 2017.

53 http://www.nejm.org/page/media-center/fact-sheet, consulté le 15 octobre 2017. Les facteurs d’impact du The Lancet et du NEJM sont comparables sur la base du calcul suivant : « This is the number of all the citations

in the two previous years of a journal’s articles divided by the number of articles published in those two years », , consulté le 15 octobre 2017.

Constitution de l’OMS. Parmi les 14 documents de l’OMS, 12 documents mentionnent au moins une fois les mortinaissances (les deux documents qui n’en font pas mention sont OMS 1948 et OMS 2009a). Parmi les quatre documents de l’ONU dont je fais usage dans le cadre de mon analyse, deux sont des documents techniques des statistiques de l’état civil. Les deux autres documents sont la Stratégie mondiale pour la santé de la femme et de l’enfant de 2010 ainsi que la nouvelle Stratégie mondiale pour la santé de la femme, de l’enfant et de

l’adolescent (2016-2030) du secrétaire général de l’ONU.

La collecte de données concernant le deuxième corpus s’est déroulée en deux temps. Dans un premier temps, dans le cadre de mes recherches sur la périnatalité au Québec (2007-2014), j’ai rencontré quelques-unes des références à l’OMS (OMS 1950, 1971, 1993, 2006). Dans un deuxième temps (depuis août 2014), c’est le corpus du The Lancet qui m’a amené à explorer certaines références à l’OMS et à l’ONU (OMS 2005, 2009, 2009a ; ONU 1993, 2015), ainsi que plusieurs autres références provoquées par l’implication même des promoteurs du The Lancet à l’ONU ou à l’OMS (CoIA 2011, iERG 2014, OMS 2014, OMS 2015, iERG 2015; ONU 2015a).

La pertinence du second corpus est rattachée à trois aspects. Le premier est que dès 1950, l’OMS a formé un comité d’experts pour définir et classifier les mortinaissances, et que le terme « produit de conception » s’est imposé dans le langage technique. Le deuxième aspect est que cette préoccupation s’est maintenue (OMS 1971, OMS 2006), sans pour autant que les recommandations de l’OMS à l’égard des statistiques comparées ne soient largement adoptées. Le troisième aspect de la pertinence de ce corpus est la dynamique d’influence récente (depuis 2011) entre le The Lancet et l’OMS (puis l’ONU, surtout auprès du secrétaire général) et l’enjeu des mortinaissances comme une priorité dans l’agenda politique mondial (pour l’après-2015).

Le troisième corpus (c) est complémentaire. Il contient quelques articles scientifiques, un manuel professionnel et surtout une sélection restreinte de documents issus de ma recherche sur la périnatalité au Québec (2007-2014) : un document de la Société canadienne de

pédiatrie, un autre du Collège des médecins du Québec, des documents de l’INSPQ, de l’INESSS, de l’ISQ, du MAS et du MSSS, et quelques autres. Ils permettent d’ajouter des exemples précis, tirés du Québec, peu connus à l’international.

Toutes les données documentaires amassées sont accessibles et disponibles soit directement par internet (par exemple les documents de l’ONU et de l’OMS), soit via la bibliothèque (de l’Université Laval), directement sur les rayons ou par les accès internet de l’institution (par exemple les articles du The Lancet). Ainsi, cette thèse sur documents est assez facilement reproductible à qui voudrait refaire la recherche avec les mêmes références.