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Le projet du The Lancet sur les mortinaissances

CHAPITRE 1 – Problématisation, contexte, démarche de recherche et d’analyse

1.2 Contexte d’analyse

1.2.2 Le projet du The Lancet sur les mortinaissances

Si cette thèse est largement inspirée des travaux de Foucault et Hacking, elle se situe dans un temps qui pointe moins vers le passé que vers le futur. Après tout, la gouvernementalité est d’abord stratégique et programmatique. En faire l’analyse aujourd’hui à propos du monde présent c’est aussi considérer notre avenir. Ainsi, c’est à « une anthropologie du passé récent et du futur proche » que nous avons affaire, selon l’appellation de Paul Rabinow (2003 : 153). Je prends ici l’occasion de dresser le contexte restreint de mon analyse qui correspond à la période 2011-2016, avec comme passé récent le début du XXIe siècle, incluant les Objectifs

du millénaire pour le développement 2000-2015 (ODM) de l’ONU, et comme futur proche

la date cible de réalisation du projet du The Lancet de mettre fin aux mortinaissances évitables pour 2030, date qui correspond aussi à l’échéance des Objectifs de développement

durable 2015-2030 (ODD) de l’ONU.

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Le 14 avril 2011, à Londres, New York, Hobart, Genève, New Delhi, Florence, et Cape Town, la réputée revue médicale britannique le The Lancet procède au lancement d’une série d’articles sur les mortinaissances (« Stillbirths »). Tirée de « recherches exhaustives » et d’une « analyse poussée », la série offre, selon ses promoteurs, « l’évaluation la plus complète du nombre et des causes des mortinaissances ainsi que des croyances et perceptions

de ce phénomène autour du monde » (Lawn et al. 2011a : 2). Les auteurs de la série y montrent « comment les mortinaissances ont été négligées par la communauté mondiale de la santé publique » (Lawn et al. 2011a : 2). C’est d’abord ce point de résistance que les promoteurs de la série tentent de renverser. Les promoteurs de la série, c’est d’abord Joy Lawn, puis le rédacteur en chef du The Lancet Richard Horton.

Cette série ne se contente pas de dresser un portrait des mortinaissances dans le monde, elle « propose aussi les solutions pour prévenir les mortinaissances, de même que les interventions possibles et les récentes innovations dans ce domaine » (Lawn et al. 2011a : 2). Non seulement cette série du The Lancet cherche à représenter la réalité des mortinaissances et à agir sur elles, mais les promoteurs de la revue usent de cette série comme fer de lance de l’introduction d’un changement face aux mortinaissances, autant au plan international, national, professionnel, local que familial. En effet, la série culmine sur un appel à l’action où les promoteurs du The Lancet (et tous les auteurs associés à la série) demandent :

À la communauté internationale :

• D’intégrer la réduction des mortinaissances dans toutes les initiatives de santé maternelle et néonatale.

• D’intégrer les mortinaissances dans tous les rapports de santé internationaux pertinents.

• D’obtenir et de diffuser des données exactes sur les taux de mortinaissance et les causes.

• De créer un système de classification universel des mortinaissances.

• De s’entendre et de mettre en œuvre un modèle efficace de réduction des mortinaissances.

• De créer des fonds publics et privés visant à réduire les mortinaissances. À chacun des pays :

• De créer un plan de réduction des mortinaissances lié aux soins maternels et des nouveau-nés et d’établir des objectifs et des échéanciers précis.

• De recueillir et de communiquer des données précises sur les mortinaissances et leurs causes.

• D’évaluer les différences entre les taux de mortinaissance selon l’origine ethnique et le pays de résidence et tenter de les réduire.

• De vérifier les causes et les méthodes de prévention des mortinaissances et d’agir selon les constatations.

Aux communautés et aux familles :

• De s’assurer que les femmes ont le pouvoir de formuler des plans de réduction des mortinaissances.

• D’instaurer des groupes communautaires pour améliorer la santé familiale. • De faciliter la planification et la communication des naissances et le transport des femmes enceintes.

• De réduire le stigmate lié aux mortinaissances.

• De fournir le soutien nécessaire aux familles dans le deuil. (Lawn et al. 2011a : 7)

Sans entrer dans l’analyse, il me semble important de souligner que nous avons là un exemple de gouvernementalité où, au nom de la connaissance, les promoteurs du The Lancet aspirent à organiser l’action présente et à venir des uns et des autres. Cela va jusqu’à préciser la mission de chacun, par exemple :

 Les Nations Unies, particulièrement l’OMS, l’UNICEF et l’UNFPA, ont la mission d’améliorer les données, les lignes directrices et les programmes parallèlement à la Stratégie mondiale de santé des femmes et des enfants du secrétaire général de l’ONU.

 Les organisations professionnelles comme la Fédération Internationale de Gynécologie et d’Obstétrique (FIGO) et la Confédération Internationale de Sages-femmes (ICM) ont un rôle important à jouer en ce qui a trait à la défense des intérêts, la sensibilisation et la délégation des tâches. De plus, ces organismes ont aussi la responsabilité de s’assurer de l’amélioration des soins offerts durant la grossesse et l’accouchement par le biais d’associations nationales.

 Les groupes de parents ont aussi un mot crucial à dire pour promouvoir un vaste changement de mentalité.

(Lawn et al. 2011a : 7)

Il n’en va pas autrement concernant les thèmes de recherche prioritaires, les actions prioritaires, les interventions à appliquer et les buts à atteindre (Lawn et al. 2011a : 4-7). Sans les détailler ici, on aura compris que nous avons affaire non seulement à un état des lieux, mais à toute une programmation stratégique.

Dans son éditorial du 21 mai 2011, un peu plus d’un mois après le lancement de la série d’articles sur les mortinaissances, le The Lancet affirme que « the Series was covered by more than 1000 individual news organisations, including 100 US television stations and 200 other television networks and national television stations. Many outlets ran families’ personal experiences of stillbirths – voices that were previously silent. Almost a billion people heard about the Series via radio, television, print, and the internet » (Lancet 2011 : 1720). La revue prend aussi l’occasion de cet éditorial pour réitérer son objectif d’instituer les mortinaissances comme un nom dans les instances, les organisations, les groupes et les mouvements influents : « The Series aims to lift this recognition and action to new levels so that stillbirths are institutionalised in UN agencies, health ministries, and donor groups, and included in the global movement to reduce newborn, maternal, and child deaths » (Lancet 2011 : 1720). Les promoteurs du The Lancet ciblent ainsi une série de passeurs à travers qui assurer la promotion du projet.

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Les promoteurs du The Lancet vont s’impliquer eux-mêmes dans les instances clés pour s’assurer d’atteindre leur objectif de faire exister l’étiquette mortinaissances dans les institutions et les préoccupations prioritaires. En effet, la série de 2011 soulignait que « les organismes des Nations Unies et les rapports existants mentionnent à peine les mortinaissances » (Lawn et al. 2011a : 2). Comme je l’ai mentionné plus haut, les promoteurs du The Lancet considèrent que l’amélioration des données sur les mortinaissances et l’inclusion de celles-ci dans les lignes directrices et les programmes de santé mondiale fait partie de la mission de l’ONU et de ses agences.

Dès 2011, Richard Horton, rédacteur en chef du The Lancet, est nommé comme coprésident du groupe d’experts mandaté pour évaluer la Stratégie mondiale pour la santé de la femme

et de l’enfant (ONU 2010) : « In 2011, he was appointed co-chair of the UN's independent

Expert Review Group on Information and Accountability for Women's and Children's Health, part of whose remit is to monitor progress of the UN Secretary-General's Global

Strategy for Women's and Children's Health »34. Depuis l’adoption des Objectifs du

millénaire pour le développement (OMD 2000-2015), et particulièrement les cibles fixées

pour l’OMD 4 (réduire de deux tiers la mortalité des enfants de moins de 5 ans) et l’OMD 5 (réduire de trois quarts la mortalité maternelle et assurer l’accès universel à la santé génésique), la santé des femmes et des enfants est au centre des préoccupations de l’ONU. C’est dans ce contexte que s’insère, en 2010, la Stratégie mondiale pour la santé de la femme

et de l’enfant du secrétaire général de l’ONU (ONU 2010 : 4). Or, dans sa série sur les

mortinaissances, les promoteurs du The Lancet ont souligné que « les objectifs politiques, comme les objectifs du Millénaire pour le développement, omettent les mortinaissances » (Lawn et al. 2011a : 2). La Stratégie mondiale pour la santé des femmes et des enfants ne fait pas exception. Ainsi, les travaux de la Commission de l’information et de la redevabilité

pour la santé de la femme et de l’enfant (CoIA – Commission on Information and

Accountability) et son groupe d’experts, coprésidé par Richard Horton, le Groupe d’examens

indépendant sur l’information et la redevabilité pour la santé de la femme et de l’enfant

(iERG – The independent Expert Review Group on Information and Accountability), vont, dès le premier rapport de 2011, inclure les mortinaissances à l’OMD 4 : « Mortalité des enfants de moins de 5 ans, dont la proportion d’enfants mort-nés (nombre de décès pour 1 000 naissances vivantes) » (CoIA 2011 : 12, je souligne).

À partir du début juillet 2013, dans les suites des recommandations de la CoIA (2011), l’OMS (avec l’UNICEF) entreprend une série de consultations et l’élaboration d’un Plan d’action qui inclut en priorité les mortinaissances et se présente comme une réponse aux objectifs du

millénaire pour le développement de l’ONU et à la Stratégie mondiale pour la santé de la femme et de l’enfant du secrétaire général de l’ONU. Ce Plan d’action considère que la santé

du nouveau-né et les mortinaissances font partie du « programme inachevé » des Objectifs

du millénaire pour le développement :

Recently, renewed commitments to saving newborn lives and preventing stillbirths have been made by many governments and partners in response to the United Nations Secretary – General’s Global Strategy for Women’s and

Children’s Health and its accompanying Every Woman Every Child initiative, Committing to Child Survival: A Promise Renewed, and to recommendations

made by the Commission on Information and Accountability for Women’s and Children’s Health [CoIA et iERG] and the United Nations Commission on Life- Saving Commodities for Women and Children.

(OMS 2014 : 5)

Or, le Every Newborn Action Plan (ENAP), dont le « But 1 » est de « Mettre fin aux décès néonatals évitables » et dont le « But 2 » est de « Mettre fin aux mortinaissances évitables » (OMS 2014a : 4-5), figure en fait comme le plan d’action qui accompagne la nouvelle série du The Lancet, précisément intitulé Every Newborn35 et dont le lancement a eu lieu à New York le 20 mai 201436. C’est que derrière les personnes morales du The Lancet et de l’OMS se trouvent des comités et des personnes. À cet égard, il est intéressant de constater que Joy Lawn (avec Mary Kinney) ont occupé une position de direction à la fois sur les groupes d’études et les comités du The Lancet et sur les comités du plan d’action de l’OMS : « leadership in the Every Newborn Lancet series and Action Plan »37. À quoi bon en effet se

contenter d’influencer une des agences de l’ONU de l’extérieur, s’il est possible d’assurer cette même influence de l’intérieur, jusqu’à participer soi-même à la rédaction des documents ?38 Dans cette affaire, Joy Lawn, épidémiologiste périnatale devenue professeur

à la London School of Hygiene & Tropical Medicine en 2013, non seulement a codirigé les séries du The Lancet de 2011 et 201439, mais figure comme première auteure ou coauteure

35 Cette série du The Lancet, Every Newborn (2014), fait suite à une série antérieure du The Lancet intitulée Neonatal Survival (2005). Alors que la série de 2005 ne tenait pas compte en priorité des mortinaissances, la

série de 2014 place les mortinaissances au centre de ses préoccupations.

36 L’ébauche du Every Newborn Action Plan (ENAP) est soumise à la discussion lors de l’Assemblée mondiale

de la Santé du 19 au 23 mai 2014 à Genève en Suisse et adoptée en séance plénière le 24 mai 2014 (Résolution WHA 67.10) ; le lancement du Plan d’action Chaque nouveau-né (« Every Newborn: an action plan to end

preventable deaths ») a eu lieu à Johannesburg en Afrique du Sud le 30 juin 2014. 37 https://www.lshtm.ac.uk/aboutus/people/lawn.joy, consulté le 1er décembre 2016.

38 Joy Lawn et Mary Kinney dirigent l’équipe de rédaction et de la série du The Lancet (Lawn et al. 2014a : 8)

et du Plan d’action de l’OMS (OMS 2014 : 55).

39 Les remerciements du rédacteur en chef du The Lancet, Richard Horton, dans la série de 2014 sont parlants :

« We owe a huge amount of gratitude to Joy Lawn and Zulfiqar Bhutta in particular: they have led the development, discussions, and drafting of the five papers in the Series » (Samarasekera et Horton 2014 : 108). Notons que Zulfiqar Bhutta fait partie du groupe d’experts de l’iERG, co-présidé par Richard Horton.

sur la moitié des articles de la série de 2011 (quatre des huit articles) et sur la totalité des articles de la série de 2014 (cinq des cinq articles)40. Le leadership de la part des promoteurs

du The Lancet (ici particulièrement Richard Horton et Joy Lawn) sur les arrière-scènes de l’ONU et de l’OMS est non négligeable, voire considérable, dans l’avènement du projet de faire exister les mortinaissances dans les institutions et les organisations mondiales. L’ampleur et la rapidité de cette mobilisation initiale (14 avril 2011 au 30 juin 2014) peut être simplement illustrées : le 14 avril 2011, en entrevue au Global Health TV, Richard Horton parlait des mortinaissances dans les termes suivants : « This is one of the most neglected, marginalised, stigmatised issue in global health today; we simply dont talk about stillbirths »41 ; le 30 juin 2014, le lancement du Every Newborn Action Plan, dont le but 2 est de mettre fin aux mortinaissances évitables, mobilisait la communauté internationale, suivant son adoption, le 24 mai 2014, par les 194 pays membres de l’Assemblée mondiale de la santé42.

Précisons que si Horton et Lawn assument un leadership certain, il ne s’agit pas moins d’un projet collectif. Sans être exhaustif, mentionnons les membres (2011-2015) de l’independent

Expert Review Group on Information and Accountability for Women’s and Children’s Health

(iERG), co-présidé par Richard Horton et Joy Phumaphi43, les membres (2011) du The

Lancet’s Stillbirths Series steering committee44 et les membres (2014) du The Lancet Every

Newborn Study Group45. Mentionnons aussi, à l’avance de notre propos, les membres (2016) du The Lancet Ending Preventable Stillbirths study group46. Si la liste peut paraître longue, plusieurs noms se répètent et seulement 16 personnes différentes composent les groupes d’études du The Lancet pour les séries visées de 2011, 2014 et 2016, y compris

40 Dans mon décompte, j’ai inclus les articles d’analyse (« Papers ») et les articles de recherche (« Issue Articles »), mais j’ai exclu les articles de commentaires.

41 https://www.youtube.com/watch?v=tMyewmiywW4, consulté le 23 janvier 2017.

42 https://www.healthynewbornnetwork.org/issue/every-newborn/, consulté le 13 octobre 2017.

43 Nommément : Carmen Barroso, Zulfiqar Bhutta, Kathleen Ferrier, Sejal Hathi, Dean Jamison, Tarek Meguid,

Miriam Were – et pour 2011-2012, Marleen Temmerman (iERG 2015 : v).

44 Nommément : J Frederik Froen, Joy E Lawn, Zulfiqar A Bhutta, Robert C Pattinson, Vicki Flenady, Robert

L Goldenberg, and Monir Islam (Lawn et al. 2011a : 11).

45 Nommément : Joy E Lawn, Zulfiqar A Bhutta, Gary L Darmstadt, Kim E Dickson, Mary V Kinney, Elizabeth

Mason, and Lori McDougall (Lawn et al. 2014a : 8).

46 Nommément : J Frederik Frøen, Joy E Lawn, Alexander E P Heazell, Vicki Flenady, Luc de Bernis, Mary V

l’omniprésence de Joy Lawn. Lorsque je me réfère en introduction de cette thèse aux personnes non élues qui prennent des décisions qui affectent la vie des populations et imposent leurs vues à des organismes puissants comme l’OMS et les gouvernements nationaux, c’est à Richard Horton et les membres de l’iERG ainsi qu’à Joy Lawn et les 15 autres personnes des groupes d’étude du The Lancet que je pense47.

*

Le 19 janvier 2016, un peu moins de cinq ans après la publication de la première série sur les mortinaissances, le The Lancet procédait au lancement d’une nouvelle série d’articles. Trois points sont particulièrement à souligner, qui lient ensemble l’édition 2011 du The Lancet sur les mortinaissances et la série de 2016, qui en est la suite.

Premièrement, une des visées de la série Ending preventable stillbirths est de faire le point, depuis l’appel à l’action de la série de 2011, sur « ce qui a changé et ce qui doit changer davantage » (Samarasekera et al. 2016 : 3). Dans ce qui tient lieu d’éditorial à la série de 2016, Richard Horton (avec Udani Samarasekera) résume le chemin parcouru depuis 2011 et celui à accomplir :

Not all global health issues are truly global, but the neglected epidemic of stillbirths is one such urgent concern. The Lancet’s first Series on stillbirths was published in 2011.Thanks to tenacious efforts by the authors of that Series, led by Joy Lawn, together with the impetus of a wider maternal and child health community, stillbirths have been recognised as an essential part of the post-2015 sustainable development agenda, expressed through a new Global Strategy for Women’s, Children’s and Adolescents’ Health which was launched at the UN General Assembly in 2015. But recognising is not the same as doing. We now present a second Series on stillbirths, which is predicated on the idea of ending preventable stillbirth deaths by 2030. As this Series amply proves, such an ambitious goal is possible. The five Series papers offer a roadmap for eliminating one of the most neglected tragedies in global health today.

(Horton et Samarasekera 2016 : 515)

47Notons que Zulfiqar Bhutta est à la fois membre du groupe d’experts de l’iERG et membre des groupes

Les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD 2000-2015) étant dépassés, ce sont les priorités pour l’après 2015 qui retiennent l’attention. D’où l’importance soulignée par Horton et Samarasekera du renouvellement de la stratégie du secrétaire général de l’ONU et l’inclusion des mortinaissances dans l’édition de 2015 (contrairement à l’édition 2010) : « la prévention de la mortinaissance est incluse dans la vision de la nouvelle Stratégie mondiale pour la santé des femmes, enfants et adolescents » (Samarasekera et al. 2016 : 4). Or, si le leadership de Joy Lawn a assurément contribué à la promotion (la mise en vitrine) de la marque mortinaissance, il ne faut pas sous-estimer le travail de l’iERG, sous la coprésidence d’Horton, qui visait justement à évaluer les progrès rendus possibles ou non par la Stratégie

mondiale pour la santé de la femme et de l’enfant (ONU 2010). Dès 2011, je l’ai déjà

mentionné, la proportion des mort-nés (pour 1000 naissances totales) avait été ajoutée pour évaluer la mortalité des enfants de moins de 5 ans. En 2014, le rapport de l’iERG rappelait que « les grandes priorités trop souvent négligées à l’échelle mondiale et dans les pays sont notamment la mortalité néonatale et les mortinaissances » (iERG 2014 : 4). En 2015, le rapport final de l’iERG considère les mortinaissances, et particulièrement les mortinaissances intrapartum, comme « a highly sensitive marker of the quality of care in a health system » (iERG 2015 : 15). Par conséquent, La stratégie mondiale pour la santé de la femme, de

l’enfant et de l’adolescent (2016-2030) place les mortinaissances sous les décès évitables

rattachés aux problèmes de santé des enfants et liés à l’inégalité de la couverture des interventions d’importance vitale, elle-même plus largement associée à l’inadéquation du développement social et économique (ONU 2015a : 26). Mais ce n’est pas tout. Suivant le Plan d’action de l’OMS (2014), « les “100 indicateurs sanitaires de base” de l’OMS comprennent [depuis 2015] le taux de mortinaissance » (Samarasekera et al. 2016 : 4)48. À cela il faut également ajouter que « le Groupe Inter-agence des Nations Unies pour l’Estimation de la Mortalité Infantile a accepté de surveiller le taux des estimations de mortinaissance pour l’après-2015 » (Samarasekera et al. 2016 : 4). Sans juger s’il s’agit là de progrès, ces nouveaux acquis dénotent certainement un certain succès dans l’entreprise de stabiliser le nom mortinaissance dans la communauté mondiale de la santé publique et

48 Pour être exact, le nom de l’indicateur, en français est « Taux de mortinatalité (pour 1000 naissances totales) »

d’instituer son importance comme catégorie statistique, des sciences biomédicales vers l’administration des populations.

Deuxièmement, les objectifs à atteindre établis originalement en 2011 par le The Lancet donnaient le ton à adopter dans la nouvelle série de 2016 : « Pour les pays affichant un taux de mortinaissance supérieur à cinq sur 1000 naissances, le but pour 2020 est de réduire le taux de 2008 de 50 %. Pour les pays affichant un taux inférieur à cinq mortinaissances sur 1000 naissances, le but est d’éliminer toutes les mortinaissances évitables et de réduire le fossé en matière d’équité » (Lawn et al. 2011a : 7). Suivant l’objectif établi pour les pays affichant un taux inférieur à cinq mortinaissances sur 1000 naissances, la nouvelle série