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Création de normes autour du deuil périnatal

Dans le document Être gouverné : entre science et politique (Page 151-173)

CHAPITRE 3 – Être gouverné par la prévention

3.1 Créer des normes

3.1.2 Création de normes autour du deuil périnatal

J’ai commencé le présent chapitre par cette citation tirée du The Lancet : « Derrière chacun de ces décès, il y a l’histoire d’une famille dévastée par la perte du nouveau-né » (Lawn et

al. 2011a : 2). Cette phrase constitue la troisième phrase du sommaire exécutif de la série de

naissent sans vie. Une mort au moment où les parents pensent accueillir au monde un enfant qu’ils ont conçu » (Lawn et al. 2011a : 2). Au Chapitre 2, j’ai abordé ce que compter et quantifier les mortinaissances veut dire. Dans les pages qui précèdent, j’ai souligné que les mortinaissances évitables concernent les mort-nés de 28 semaines de gestation et plus et que selon les estimations du The Lancet la moitié survenait durant l’accouchement (taux de mortinaissance intrapartum – voir plus haut). Dans ce qui suit, c’est la manière de penser et d’agir concernant les mort-nés et leurs parents dont il est question. À regarder attentivement, il y a dans ces trois petites phrases, trois transformations majeures relatives à :

1. une attitude générale ; 2. une manière de nommer ; 3. des raisons d’intervenir.

Ces changements engagent la création de nouvelles normes et techniques autour de ce qu’il est convenu d’appeler le deuil périnatal. Le deuil périnatal figure dans cette thèse comme une catégorie importante du gouvernement par la science dans l’exemple de l’encadrement de la reproduction humaine et ses impacts. Reprenons, une à une, ces trois transformations et la production des normes et techniques associées.

La première transformation concerne l’attitude générale envers les mort-nés (et plus généralement les bébés morts) et leurs parents. À l’échelle mondiale, le The Lancet affirme que « dans la société, on cache les mortinaissances » (Lawn et al. 2011a : 2). Les promoteurs du The Lancet appuient cette affirmation sur les résultats d’un questionnaire concernant les perceptions à l’égard du mort-né et de la mère : « Les résultats d’une étude approfondie réalisée sur l’Internet auprès des professionnels de la santé et de parents de 135 pays montrent que l’on se débarrasse de la majorité des dépouilles des mort-nés sans acte de reconnaissance ni rituel » (Lawn et al. 2011a : 2). L’attitude générale consisterait à ce que la mère « should try to forget and have another child » (Froen et al. 2011 : 1355, tableau 1).

Or, c’est précisément cette attitude générale, plus particulièrement la première partie de l’énoncé (« should try to forget »), qui est radicalement remise en question depuis quelques

décennies. C’est aussi ce qui fait dire aux promoteurs du The Lancet que « même dans les pays à revenu élevé, la reconnaissance du deuil des parents après une mortinaissance est récente » (Lawn et al. 2011a : 2). Dominique Memmi en retrace la genèse et sa rapide diffusion dans les pays qui ont vu naître cette mutation souhaitée par ceux que je nomme les

experts-créateurs :

[E]n 1970 et 1971, respectivement en Grande-Bretagne et aux États-Unis, et en 1984 pour la France et la Belgique, apparaissent les premiers textes de professionnels remettant fortement en cause ces usages. De nouvelles pratiques se répandent alors assez vite sur les deux continents. Quinze ans plus tard, tout est dit. Des protocoles sont venus, sinon légalisés, du moins codifier ces pratiques au milieu des années 1980 en pays anglo-saxons, et au début des années 1990 en France, en tout cas dans les hôpitaux des grandes villes.

(Memmi 2011 : 25)

Memmi résume la transformation de l’attitude générale envers les bébés morts (incluant les mort-nés) et leurs parents comme suit : « Escamoter l’enfant mort et inciter les parents à “passer à autre chose”, tel était l’usage jusqu’alors. Apprendre à “faire son deuil”, telle est la règle désormais » (Memmi 2011 : quatrième de couverture). Encore plus percutante peut- être est cette brève formulation d’un manuel à l’intention des professionnels en périnatalité concernant la transformation de la stratégie de base à adopter en milieu hospitalier : « from

shielding parents from the death of their baby to supporting parents through the experience »

(Gilbert 2011 : 149). Ainsi se mettent en place des pratiques ritualisées qui « découlent d’un modèle du deuil prônant les bénéfices pour les parents d’avoir pu établir une relation avec l’enfant (William et al. 2008) » (De Montigny et al. 2010 : 24). Dans ce modèle du deuil, la relation à l’enfant est considérée se former d’abord durant la grossesse : « For decades, mothers (and fathers) were separated from their stillborn or dying babies in the belief that grief could be prevented if no attachments were formed. After it was established that attachment relationships between mother and child are already formed during pregnancy, (Giles 1970; Kennell 1970), research has focused on exploring the substantial impact of perinatal death on parents and families » (Koopmans, Wilson, Cacciatore et Flenady 2013 : 2). Mais l’établissement de cette relation suppose aussi certaines pratiques postnatales représentées dans le questionnaire évoqué plus haut par les entrées suivantes :

 la mère a regardé son bébé mort-né ;

 le père et d’autres membres de la famille ont vu le bébé mort-né ;  la mère a pris dans ses bras et a habillé son bébé mort-né ;

 la mère a donné un nom à son bébé mort-né ;  il y a eu des funérailles pour le bébé mort-né.

(Froen et al. 2011 : 1355, tableau 1, ma traduction)

Ce seraient là de bonnes pratiques pour favoriser le travail de deuil. Plutôt que de cacher les mort-nés pour protéger les parents, la nouvelle attitude invite les intervenants à proposer systématiquement aux parents, dans le but de les accompagner, de regarder leur enfant mort, cette dernière évolution étant qualifiée par Memmi comme « la plus surprenante » (Memmi 2011 : 10). Memmi précise que, suivant cette approche, « la perte d’un bébé ou d’un fœtus doit être matérialisée, incarnée : telle est la conviction qui accompagne les pratiques nouvelles » (Memmi 2011 : 97). Une telle conviction et de telles pratiques, jugées acceptables et souhaitables, s’inscrivent dans l’attitude générale d’accompagnement et de soutien aux parents endeuillés et prennent place aujourd’hui dans de nombreux pays : « Provision of an empathetic, sensitive, caring environment and strategies to support mothers, fathers and their families experiencing perinatal death are now an accepted part of maternity services in many countries » (Koopmans, Wilson, Cacciatore et Flenady 2013 : 1). Ce relatif succès de la transformation de l’attitude envers les mort-nés, en expansion à travers le monde, est toutefois basé sur « une vérité scientifique indécidable » (Memmi 2011 : 79- 90). La revue systématique de la Cochrane Collaboration abonde dans le même sens, concluant que « the true benefits of currently existing interventions […] is unclear » (Koopmans, Wilson, Cacciatore et Flenady 2013 : 1). Cette création de normes autour du deuil périnatal et la normalisation d’une nouvelle attitude envers les bébés morts et leurs parents est d’autant plus étonnante que les bases scientifiques sont incertaines. Le chapitre 4 va permettre de préciser les types d’interventions promues malgré « la tension entre aspiration normative et absence de fondement scientifique », selon la formulation de Memmi (2011 : 92).

La seconde transformation concerne la manière de nommer les mort-nés, d’associer particulièrement les mortinaissances évitables à la période périnatale et de là à considérer les parents endeuillés. En effet, une distinction nominative est repérable dans le sommaire exécutif de la série 2011 du The Lancet entre les mortinaissances après 22 semaines qualifiées de « grossesses perdues » et celles de 28 semaines de gestation ou plus qui donnent lieu à un « bébé » ; c’est selon ce dernier critère que doit être lue l’affirmation première selon laquelle « à chaque jour, plus de 7 300 bébés naissent sans vie » (Lawn et al. 2011a : 2, je souligne). Cette proposition n’est pas nouvelle dans la littérature savante britannique : « Dudfield recommend the use of “child” to mean born after 28 weeks LMP » (Woods 2009 : 22). Ainsi, selon une telle perspective, une normalisation des termes s’applique : ce n’est pas mort fœtale (« fetal death »), mais mortinaissance (« stillbirth »), ce n’est pas mort-né (« stillborn »), mais bébé mort-né (« stillborn baby ») ou enfant mort-né (« stillborn child »). De même, dans cette perspective, les bébés mort-nés sont moins à rapprocher des morts fœtales et des avortons que des nouveau-nés décédés dans la première semaine, de manière à former une catégorie commune et continue, celle de mortalité périnatale, qui inclut ensemble les mortinaissances et les décès néo-natals précoces. Il s’agit là d’un processus d’humanisation des bébés mort-nés jugé insuffisamment adopté et considéré ainsi par les promoteurs du The Lancet comme « unfinish business » (Froen et al. 2016 : 577, tableau 2). C’est une transformation qui vise implicitement la catégorie de produit de conception utilisée dans les documents de l’ONU et de l’OMS depuis 1950 et jusqu’à aujourd’hui, pour nommer autant les morts fœtales que les naissances vivantes. Le travail subpolitique du The Lancet a suscité par ailleurs l’adoption de leur perspective dans le plan d’action de l’OMS intitulé

Every newborn (OMS 2014), en cela que l’expression « chaque nouveau-né » comprend tout

autant les nouveau-nés nés vivants que les bébés mort-nés. Cette transformation nominative des mort-nés comme bébés qui sont morts et leur association avec les nouveau-nés morts constitue le double portrait qui, dans cette perspective, sert de base pour normaliser les catégories périnatales et pour sensibiliser à la prévention des mortinaissances :

In initiatives with explicit calls for stillbirth prevention or targets, two correlated portrayals of stillbirth stand out. First, stillbirths are humanised as babies that have died, rather than only enumerating them as stillbirths. Second, prenatal and newborn health are shown as an inseparable continuum, whether in pathology (shared pathophysiology with preterm birth, low birthweight, and newborn deaths) or health (prenatal biological potential for health). These concepts must be reinforced to overcome pervasive barriers identified in the Lancet Stillbirths Series: the stigma that impedes women’s voice, and the fatalism that stillbirths, as previously for newborn deaths, are not amenable to prevention and are lesser losses than newborn deaths.

(Froen et al. 2016 : 575)

Par ces déplacements dans la manière de nommer, les promoteurs de la prévention des mortinaissances évitables cherchent à s’éloigner de l’image des mortinaissances comme de

super fausses-couches pour instaurer l’existence des bébés mort-nés comme équivalente à la

tragédie de la mort d’un enfant né vivant. Cela est très bien illustré par Janet Scott de l’organisme britannique Sands (Stillbirth and Neonatal Death Charity) quand elle affirme dans les pages du The Lancet : « The death of a baby before birth is no less a death than the death of any other child » (Scott 2011 : 1387). Ces initiatives normatives se répercutent sur la manière de considérer les parents de ces mort-nés. La réponse à la question « qu’est-ce qu’un mort-né ? » se répercute sur la réponse à la question « qu’est-ce qu’un parent ? ». Cela pose aussi la question du rapport à soi, à savoir si ceux qui ont fait l’expérience d’une mortinaissance (par exemple lors d’une première grossesse) se rapportent à eux-mêmes comme parents ou non ; l’expression parents endeuillés peut ainsi s’avérer une contradiction dans les termes (Murphy 2012 : 125). Or, en transformant nominativement une mort fœtale en bébé mort, en normalisant certaines pratiques d’encadrement du deuil chez les intervenants en périnatalité, en incitant les parents à adopter ces nouvelles bonnes pratiques, en accommodant les législations86 ou les pratiques d’Église87, se crée des enfants et ainsi des parents susceptibles de vivre un deuil. L’élargissement des catégories enfants et parents mène aujourd’hui ces parents à témoigner du deuil de leur enfant, soit-il mort-né.

86 Par exemple en France, avec l’ « acte d’enfant né sans vie » (pour plus de détails voir Memmi 2011). 87 Par exemple en Islande, avec « l’entrée des mort-nés dans les cimetières islandais à partir de 12 semaines [de

La troisième transformation concerne précisément les raisons d’intervenir. Dès la série de 2011, les promoteurs du The Lancet énonçaient : « Le silence entourant les mortinaissances cache la gravité du problème et empêche l’investissement » (Lawn et al. 2011a : 2). Dans la série de 2016, les promoteurs du The Lancet soulignaient, dans le message des titres du sommaire exécutif, que les mortinaissances constituent un « lourd fardeau psychosocial et économique sur les familles et les nations » (Samarasekera et al. 2016 : 2). Il existe ainsi deux séries de raisons d’intervenir (de briser le silence) : d’une part, le silence cache la gravité du problème et un lourd fardeau psychosocial ; d’autre part, le silence cache un lourd fardeau économique et empêche l’investissement. Voyons cela de plus près.

Dans leur sommaire exécutif, les promoteurs du The Lancet rapportent que « les symptômes psychologiques négatifs sont fréquents chez les parents endeuillés, et souvent durent des années après la mort de leurs bébés » (Samarasekera et al. 2016 : 6-7). Plus précisément, selon l’article de Heazell et al. (2016) qui fonde les propos tenus dans le sommaire exécutif : « The most frequently reported experiences after stillbirth were negative psychological symptoms, including high rates of depressive symptoms, anxiety, post-traumatic stress, suicidal ideation, panic, and phobias » (Heazell et al. 2016 : 606). On comprend que nous avons affaire ici à de graves problèmes, mais reste à savoir dans quelle proportion ces symptômes psychologiques sont reliés significativement ou non au deuil du mort-né. Les promoteurs du The Lancet gomment la question, mais les auteurs de l’article rappellent que des symptômes dépressifs surviennent aussi après une naissance vivante et conviennent que « most studies evaluated these symptoms subjectively rather than with a formal clinical diagnosis » (Heazell et al. 2016 : 606). Malgré ces limitations méthodologiques et épistémologiques, les auteurs avancent quelques pourcentages et proportions : « Although most studies evaluated these symptoms subjectively rather than with a formal clinical diagnosis, 60-70% of grieving mothers in HICs reported grief related depressive symptoms that they regarded as clinically significant 1 year after their baby’s death. These symptoms endured for at least 4 years after the loss in about half of cases » (Heazell et al. 2016 : 606)88.

88 Les auteurs se réfèrent également à une autre étude : « In the Listening to Parents study in the UK (n=473),

68% of mothers and 44% of partners reported four or more negative psychological symptoms at 10 days, reducing to 35% of mothers and 13% of partners at 9 months. This situation is over three times greater than after a livebirth, when 8-13% of mothers and 3% of fathers report depressive symptoms at about 9 months after

C’est sur cette série de précautions (« although », « reported », « regarded as ») et d’incertitudes scientifiques (« most studies evaluated these symptoms subjectively rather than with a formal clinical diagnosis ») que se fonde l’affirmation délibérément vague des promoteurs pour qui les symptômes psychologiques négatifs chez les parents endeuillés sont fréquents (sans préciser à quelle fréquence) et que cela dure souvent des années (sans préciser ni la fréquence ni le nombre d’années). Ici comme ailleurs (voir chapitre 2), les promoteurs du The Lancet font usage de diverses techniques discursives et argumentatives (par exemple : amplification, atténuation, gommage, omission) pour faire passer leur message.

Les promoteurs affirment aussi qu’ « environ 4,2 millions de femmes vivent avec une dépression associée à une mortinaissance » (Samarasekera et al. 2016 : 7). Il s’agit là d’une estimation, elle-même calculée à partir du nombre estimé de mortinaissances : « If these figures are extrapolated to the 2,6 million women who had a stillbirth each year, an estimated 4,2 million women are living with depressive symptoms after stillbirth » (Heazell et

al. 2016 : 606). C’est minimalement à cela que se réfère le lourd fardeau psychosocial sur les

familles et les nations, la lourdeur en question ayant le poids relatif d’une estimation.

À ces graves problèmes et ce lourd fardeau, jugés comme des raisons d’intervenir, correspond une solution : « ces symptômes pourraient être atténués par des services de maternité respectueux, notamment l’assistance aux personnes endeuillées » (Samarasekera et al. 2016 : 2). Les deux objectifs de base de ces services et de ces soins préventifs « are to maintain the integrity of the family unit and promote healthy, uncomplicated grief » (Gilbert 2011 : 165). En d’autres mots, l’objectif des interventions préventives relatives au deuil périnatal vise à éviter ce que j’appelle la possibilité d’un double échec. L’avènement d’une mortinaissance pourrait, par exemple, entraîner le divorce du couple, la dislocation des relations familiales, un deuil pathologique sévère, voire la mort des parents.

the birth of their baby » (Heazell et al. 2016 : 606). Reste qu’il s’agit d’une seule étude, menée seulement en Angleterre, auprès de 473 répondants, dont les conditions méthodologiques ne sont pas précisées et dont la valeur de généralisation demeure limitée.

Les promoteurs des séries de 2011 et 2016 sur les mortinaissances ont mis l’accent sur les symptômes psychologiques négatifs, mais l’article de Heazell et al. (2016) souligne aussi la possibilité des ruptures familiales et de couples (ou la qualité de ces liens) :

Ultimately, this tension might lead to relationship breakdown, which some studies report as more frequent in parents who have a stillborn child compared with a livebirth (odds ratio 1·40, 95% CI 1·10–1·79). In another study, the proportion of families that divorce is unchanged, but perceived relationship quality changed between married (improved) and single women (deteriorated). (Heazell et al. 2016 : 606)

Dans un autre article du The Lancet, antérieur aux deux séries sur les mortinaissances, c’est la possibilité de la mort des parents suite à la mort d’un enfant qui est soulignée : « The death of a child is associated with an overall increased mortality from both natural and unnatural causes in mothers, and an early increased mortality from unnatural causes in fathers » (Li, Precht, Mortensen et Olsen 2003 : 363). C’est principalement en référence à cette étude que, à titre d’exemple, la Politique de périnatalité de 2008 du Gouvernement du Québec a introduit, pour la première fois, le deuil périnatal comme problème de santé publique89. Les résultats de l’étude sont résumés comme suit dans la Politique : « Dans les années suivant la perte d’un enfant, le risque de décès des parents augmenterait de 22 %. Chez les mères, la hausse serait de 43 % » (MSSS 2008 : 112). L’étude en question non seulement ne concerne pas le Québec (« Mortality in parents after death of a child in Denmark: a nationwide follow- up study »), mais surtout n’inclut pas les mortinaissances (ou plus largement la mort fœtale) pas plus qu’elle ne concerne spécifiquement les décès néonataux précoces (avant le 7e jour

de vie révolu (< 168 heures)), les deux catégories qui généralement définissent le décès périnatal90. En procédant ainsi, le MSSS réalise un double glissement : 1. la mort, qu’elle

89 La référence à cette étude est placée en exergue à la section sur le deuil périnatal. Une seule autre référence

savante (sur la perception de l’intensité du deuil suite à la mort d’un enfant) est utilisée pour légitimer l’introduction du deuil périnatal comme problème de santé publique. Les autres références sont les directives de la Société canadienne de pédiatrie sur le soutien des familles après un décès périnatal et des documents gouvernementaux plus ou moins liés (Registre des événements démographiques du Québec ; Politique en soins palliatifs de fin de vie ; Normes en matière de soins palliatifs pédiatriques).

90 Les définitions sont ici tirées du CEMMP (2002 : 4-5). La définition d’un décès périnatal est ici en adéquation

advienne avant ou après la naissance, est considérée tout autant comme la mort d’un enfant ; ainsi l’étude du Danemark s’applique ; 2. les catégories de décès périnatal et de deuil périnatal n’ont pas à correspondre ; le deuil périnatal peut couvrir la période et les situations qui vont du projet de conception à l’âge d’un an, voire de deux ans : « Aux situations évoquées plus haut [morts infantiles ; soins intensifs de néonatalogie et soins palliatifs pédiatriques] s’ajoutent celles vécues en cours de grossesse ou à la naissance. L’avortement spontané, l’interruption volontaire de grossesse, quel qu’en soit le motif, et les mortinaissances sont autant de circonstances qui conduisent à un deuil périnatal » (MSSS 2008 : 113).

Ce que je tiens à souligner c’est qu’à mesure que les raisons d’intervenir se multiplient, le champ d’intervention préventif du deuil périnatal s’élargit. La légitimité scientifique, elle, se trouve parfois réduite à un rôle de caution ; une référence en apparence pertinente suffit. Ainsi, plusieurs solutions se trouvent peu fondées, comme dans cet autre exemple : « Nearly 40% of grieving mothers in a convenience-sample survey in the USA were prescribed psychiatric drugs despite an absence of evidence for the efficacy of these drugs in this population » (Heazell et al. 2016 : 606).

Mais il y a plus. Là où les promoteurs du The Lancet voient des conséquences aux mortinaissances, Dominique Memmi amène plutôt à y voir les effets de transformations sociales. Après avoir fait un inventaire des premières explications possibles, Memmi propose

Dans le document Être gouverné : entre science et politique (Page 151-173)