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2 2 Métaphysiciens et représentants de l’abstraction : la contestation d’une épistémologie

Au fondement de toute métaphysique, la métaphysique religieuse. Mais ce ne sont pas seulement les dévots et la doxa qui doivent être combattus, ce sont tous ceux qui se portent garants d’une métaphysique abstraite, et qui contribuent à cette vision sclérosante du monde, imposée par la religion. France Marchal (1999 : 33) note que

à la Faculté de Théologie, Diderot construit son premier paradoxe en devenant ennemi de la théologie, non pour le fond, qui reste un domaine intéressant de la connaissance, mais pour l’apparence systématique que ces études revêtent.

Le terme « métaphysicien », chez Diderot, est un terme qui recouvre une réalité multiple. Dans son introduction aux Observations sur Hemsterhuis (690), Laurent Versini compare ce texte avec la Réfutation d'Helvétius. Il fait remarquer que les deux auteurs réfutés, de bords radicalement opposés, le sont finalement pour des raisons analogues :

Bien que les auteurs viennent de deux points opposés de l’horizon intellectuel, qu’Helvétius représente le matérialisme athée le plus radical, et Hemsterhuis le spiritualisme traditionnel, ils ont en commun d’être systématiques et de parler d’un « Homme » très abstrait, de l’essence de l’homme.

Helvétius le matérialiste se fait ennemi lorsqu’il systématise trop, et l’on n’est pas surpris de voir Diderot porter à son adversaire l’accusation d’être platonique : « Helvétius avait bien plus de platonisme dans sa tête qu’il ne croyait » (872). D’une façon on ne peut plus ironique, le trop matérialiste Helvétius est accusé d’une forme extrême d’idéalisme. Dans le contexte de l’œuvre diderotienne, le terme « platonisme » se charge alors de connotations négatives et fonctionne comme un synonyme de systématisme. Le système d’Helvétius se voit accusé d’être trop simplificateur et dogmatique, et Laurent Versini (774) de noter que

Diderot reproche […] à Helvétius de réduire la richesse et la diversité humaine à un modèle unique qui recrée au fond l’essence de l’homme, en un mot d’être un platonicien tout autant ou presque qu’Hemsterhuis, de créer un nouveau système, abstrait et a priori, sans jamais reconnaître où est la justice dans la vie publique et dans la vie privée. Donc, les maux ne cesseront pas pour les humains avant que la race des purs et authentiques philosophes n'arrive au pouvoir ou que les chefs des cités, par une grâce divine, ne se mettent à philosopher véritablement ». (Lettre VII, Belles Lettres, 29).

93 Malgré l’opposition rencontrée, il importe de continuer de tenter de persuader le Tiers. Selon Béatrice Didier

(2001 : 186), « le philosophe sait bien qu’il en est de l’histoire des idées comme des espèces animales : il faut du temps à leur développement, même si les transformations des mentalités sont moins lentes que les transformations biologiques ».

avoir observé les enfants et leurs caractères déjà tranchés, bref de se laisser aller au dogmatisme.

Si Diderot a beaucoup d’amis métaphysiciens, qui marchent à côté de lui pour mener son combat contre l’intolérance, face à eux, il se revendique chimiste94, physicien et

biologiste95. Il est vrai que géomètres et mathématiciens, dans le fond, sont loin d’être des

ennemis. On lit dans le Plan d'une Université (436) que « la géométrie est la meilleure et la plus simple de toutes les logiques ; la plus propre à donner de l’inflexibilité au jugement et à la raison » et que

c’est surtout en mathématiques que toutes les vérités sont identiques. Toute la science du calcul n’est que la répétition de cet axiome, un et un font deux ; et toute la géométrie que la répétition de celui-ci, le tout est plus grand que sa partie. Un peuple est-il ignorant ou superstitieux ? Apprenez aux enfants de la géométrie ; et vous verrez avec le temps l’effet de cette science.

Mais toute la critique diderotienne s’attache à montrer depuis longtemps le privilège que Diderot accorde aux sciences de l’observation et de l’expérience, par opposition aux sciences déductives que sont les mathématiques et la géométrie96. En cela, le philosophe est un bon

représentant du tournant que son siècle est en train de prendre97. Cette fascination du

philosophe pour ces sciences s’accorde bien avec ce « style concret » qui lui est propre, souligné par Jean-Pierre Seguin (1978 : 13). Ce dernier s’interroge pour commencer :

N’y aurait-il pas chez Diderot un « style concret », c'est-à-dire un ensemble de traits stylistiques permettant au sens de s’établir surtout par la désignation des choses dans ce qu’elles ont de sensible et donnant l’illusion de l’objet particulier ?

et finit par constater (162-163 et 184) :

94 Ainsi Jean-Claude Guédon (1979 : 188) souligne l’appui que constitue la chimie de Rouelle à la philosophie de

Diderot : « Pourquoi un lien entre la chimie rouellienne et le matérialisme de Diderot, en montrant que Diderot n’avait pas réellement d’autre option pour bloquer des stratégies opposées, et en particulier celles qui s’appuyaient sur l’appropriation du mécanisme newtonien. Il fallait en effet contrer l’image de la scientificité qu’avait créée Newton et ses disciples, parce que celle-ci servait très bien les intérêts des déistes et des partisans de la théologie naturelle ».

95 François Duchesneau (1999 : 196) note à propos de la biologie chez Diderot : « Diderot fut le témoin

enthousiaste de cet essor sans précédent de la pensée biologique, au point d’y voir, comme nous le savons, un dépassement programmatique des mathématiques et de la physique, parvenues à l’état de maturité et peu susceptibles désormais de mutation profonde ».

96 Günther Mensching (1992 : 132-133) explique à propos des mathématiques qu’elles « restaient un ensemble de

méthodes qui n’offrent pas un accès à l’essence des choses proprement dite, étant donné que cette manière de penser est surtout déductive : une formule est vraie quand elle est prouvée par des propositions supérieures qui, à leur tour, sont fondées par des axiomes, c'est-à-dire sur des principes. Mais la déduction physique n’est pas la même que la déduction mathématique. Une formule qui définit une classe de phénomènes ne saisit pas les particularités des objets en tant qu’êtres singuliers, car ces qualités qui constituent l’individualité des êtres ne découlent pas des axiomes. C’est pour cette raison que Diderot s’est méfié de la mathématique comme science universelle. Bien que les mathématiques, considérées en elles-mêmes, aient des résultats indubitables, leur certitude n’est pas complètement transposable à la science de la nature, puisque les objets matériels diffèrent de leur formule qui n’en donne qu’un image idéalisée […] C’est pour cette raison que Diderot veut réduire les mathématiques à un instrument que l’intellect humain applique pour dominer la nature ».

L’idée chez Diderot ne peut jamais aller au bout d’elle-même si elle ne trouve son expression la plus précise, la plus juste et la plus convaincante dans la représentation des choses. […] La thèse, chez Diderot, ne s’affirme avec toute son intention persuasive, que lorsqu’elle est tout entière incarnée, lorsque l’idée se fait image. […] Voilà donc une philosophie qui comporte autant de représentations sensibles que de raisonnements, qui progresse en s’articulant principalement sur des exemples, des expériences, des illustrations, des tableaux, des choses vues, des objets que nous ne connaissons que par ce qu’ils ont de perceptible, des mythes et des êtres imaginaires. C’est en eux que s’exprime, semble-t-il, l’essentiel de l’idée, plus que dans une traduction conceptualisée qui dans le texte est souvent vague, voire absente. Chacune de ces images et leur ensemble organisé […] ont donc un très fort pouvoir de signification et de persuasion, et il semblerait que l’on ait atteint ici le comble d’une philosophie par l’image.

Cette « philosophie par l’image » est incompatible avec toute métaphysique.

Bien sûr, le terme métaphysique n’est pas à considérer comme le quasi-synonyme de philosophie (et plus spécifiquement de philosophie « à la recherche des causes, des premiers principes98»). Sous la plume de Diderot, le mot a plutôt son sens étymologique de « ce qui est

au-delà de la nature » : il peut donc apparaître comme un terme générique qui engloberait des termes plus spécifiques, comme la religion des dévots. L’étude de quelques occurrences du mot fait apparaître le principal reproche fait à la métaphysique : elle n’est que pure spéculation, pure abstraction, pure parole séparée des choses ; sa méthode ne se fonde ni sur les faits, ni sur l’expérience ; son moyen d’expression ne peut être que le traité systématique ; ses résultats ne peuvent donc être que nuls. En somme, la métaphysique ne peut en aucun cas constituer un chemin vers la vérité. Dans les Pensées philosophiques XVII à XX (22-25), dont voici les extraits qui nous intéressent, le philosophe insiste sur son inutilité :

Toutes les billevesées de la métaphysique ne valent pas un argument ad hominem. Pour convaincre, il ne faut quelquefois que réveiller le sentiment ou physique ou moral.

Ce n'est pas de la main du métaphysicien que sont partis les grands coups que l'athéisme a reçus. Les méditations sublimes de Malebranche et de Descartes étaient moins propres à ébranler le matérialisme qu'une observation de Malpighi. Si cette dangereuse hypothèse chancelle de nos jours, c'est à la physique expérimentale que l'honneur en est dû. Ce n'est que dans les ouvrages de Newton, de Muschenbroek, d'Hartzoeker et de Nieuwentit, qu'on a trouvé des preuves satisfaisantes de l'existence d'an être souverainement intelligent. Grâce aux travaux de ces grands hommes, le monde n'est plus un dieu ; c'est une machine qui a ses roues, ses cordes, ses poulies, ses ressorts et ses poids.

Les subtilités de l'ontologie ont fait tout au plus des sceptiques ; c'est à la connaissance de la nature qu'il était réservé de faire de vrais déistes. La seule découverte des germes a dissipé une des plus puissantes objections de l'athéisme. Que le mouvement soit essentiel ou accidentel à la matière, je suis maintenant convaincu que ses effets se terminent à des développements : toutes les observations concourent à me démontrer que la putréfaction seule ne produit rien d'organisé ; je puis admettre que le mécanisme de l'insecte le plus vil n'est pas moins merveilleux que celui de l'homme ; et je ne crains pas qu'on en infère qu'une agitation intestine des molécules étant capable de donner l'un, il est vraisemblable qu'elle a donné l'autre. Si un athée avait avancé, il y a deux cents ans, qu'on verrait peut-être un jour des hommes sortir tout formés des entrailles de la terre, comme on voit éclore une

foule d'insectes d'une masse de chair échauffée, je voudrais bien savoir ce qu'un

métaphysicien aurait eu à lui répondre.

Songez donc que je ne vous objectais qu'une aile de papillon, qu'un œil de ciron, quand je pouvais vous écraser du poids de l'univers. Ou je me trompe lourdement, ou cette preuve vaut bien la meilleure qu'on ait encore dictée dans les écoles. C'est sur ce raisonnement, et quelques autres de la même simplicité, que j'admets l'existence d'un Dieu, et non sur ces tissus d'idées sèches et métaphysiques, moins propres à dévoiler la vérité qu'à lui donner l’air du mensonge.

Il est chaque fois fait référence à l’impuissance des métaphysiciens dans le débat sur l’existence de Dieu, qui se justifie par la vacuité de leur parole, dénoncée avec force dès la première pensée grâce à cette formule qui ne laisse pas de doute sur le parti pris par le philosophe et qui donne le ton : « Toutes les billevesées de la métaphysique ne valent pas un argument ad hominem ». L’énoncé met en avant l’inefficacité pragmatique de la métaphysique, malgré le déploiement de ses moyens – notons le pluriel associé à l’indéfini

toutes qui s’oppose stylistiquement au singulier un actualisant l’argument ad hominem, plus

fort à lui tout seul) –, et sa vanité, soulignée par le terme très péjoratif « billevesées ». D’ailleurs, qu’il s’agisse de « billevesées » ou de « méditations sublimes99 », la métaphysique

est toujours coupable de produire des raisonnements abstraits (pensée XVIII) ; et les métaphysiciens (Malebranche et Descartes) ne sont rien face aux physiciens (Malpighi, Newton, Muschenbroek, Hartzoeker et Nieuwentit), seuls capables de soutenir le débat religieux. Dans la pensée XIX est valorisée la méthode innovante de l’observation, qui a su démontrer au je que la perfection de la nature ne pouvait se justifier que par l’intervention de Dieu, ainsi que dans la pensée XX, qui met en scène le débat entre un athée et un déiste, confiant dans le raisonnement qu’il oppose au premier, puisqu’il s’appuie sur des observations et non sur des abstractions aussi nombreuses qu’inutiles. L’expression « tissus d’idées sèches et métaphysiques » rend de façon très significative les adjectifs « sèches » et « métaphysiques » quasi synonymes, et, par ailleurs, le mot « idées » nous situe dans ce contexte du côté de l’abstraction. Le GN est régi par le nom noyau « ces tissus », utilisé dans un sens métaphorique et péjoratif pour exprimer l’idée de grand nombre (comme dans l’expression « toutes les billevesées de la métaphysique ») et d’un enchevêtrement malencontreux.

99 Un peu plus tard, dans la Promenade du sceptique (72-73), il est fait référence aux « spéculations sublimes de

la métaphysique ». En tant que détachée de l’observation des choses, la spéculation est en général vue de façon très négative chez Diderot : « Dans une espèce de labyrinthe, formé d'une haute charmille coupée de sapins élevés et touffus, il ne manquait jamais de m'entretenir des erreurs de l'esprit humain, de l'incertitude de nos connaissances, de la frivolité des systèmes de la physique et de la vanité des spéculations sublimes de la

Finalement, c’est moins une école de pensée qu’une façon de penser qui est décriée100, si

bien que les métaphysiciens ne sont pas les seuls à essuyer les critiques du philosophe : n’importe qui adoptant une méthode s’éloignant trop de l’observation et de l’expérience se voit accusé de faire de la métaphysique. Ainsi dans les Pensées sur l’interprétation de la

nature (561), dans lesquelles le reproche fait par les géomètres aux métaphysiciens est

retourné contre eux :

Lorsque les géomètres ont décrié les métaphysiciens, ils étaient bien éloignés de penser que toute leur science n'était qu'une métaphysique. On demandait un jour : « Qu'est-ce qu'un métaphysicien ? » Un géomètre répondit : « C'est un homme qui ne sait rien. » Les chimistes, les physiciens, les naturalistes, et tous ceux qui se livrent à l'art expérimental, non moins outrés dans leurs jugements, me paraissent sur le point de venger la métaphysique, et d'appliquer la même définition au géomètre. Ils disent : « À quoi servent toutes ces profondes théories des corps célestes, tous ces énormes calculs de l'astronomie rationnelle, s'ils ne dispensent point Bradley ou Le Monnier d'observer le ciel ? » Et je dis :

heureux le géomètre, en qui une étude consommée des sciences abstraites n'aura point

affaibli le goût des beaux-arts ; à qui Horace et Tacite seront aussi familiers que Newton ; qui saura découvrir les propriétés d'une courbe, et sentir les beautés d'un poète ; dont l'esprit et les ouvrages seront de tous les temps, et qui aura le mérite de toutes les académies ! Il ne se verra point tomber dans l'obscurité ; il n'aura point à craindre de survivre à sa renommée. Véronique Le Ru (1994 : 217) explique à propos de la querelle qui oppose d’Alembert et Diderot que les deux adversaires se reprochent, pour le premier, les défauts de méthode de la science expérimentale, pour le second (comme on le voit dans la citation), les défauts de méthode de la géométrie trop abstraite. Diderot ironise en tout cas sur le fait que d’Alembert fasse, lui qui tombe dans l’abstraction, des reproches à la métaphysique. Ce qui pousse Véronique Le Ru à constater que, de toute évidence, le métaphysicien est un faux ennemi commun aux deux amis-adversaires dans le sens où il ne désigne pas vraiment la même personne pour l’un et pour l’autre :

il est clair que les deux hommes ne confèrent pas la même référence au sens péjoratif du terme métaphysicien. […] « Métaphysicien » est une étiquette injurieuse que les penseurs se renvoient à défaut de mettre au jour leurs divergences philosophiques profondes.

Il n’est pas étonnant de constater que Diderot met en scène cette opposition entre lui- même et le géomètre dans le Rêve. « Nous le savons fort bien », écrit Jean Starobinski (1995 :

100 Même si nous ne prendrons pas le temps de développer ces propos, on peut noter que Diderot se joue de la

métaphysique dans les œuvres romanesques, et notamment dans Jacques le fataliste. Hans Robert Jauss (1984 : 149) remarque ainsi à propos de l’incipit qui déconstruit l’attente : « Les cinq questions du lecteur implicite mettent d’abord en lumière les présupposés de la fiction propre au roman traditionnel, notamment la téléologie attachée aux notions de début, du milieu et de la fin. Mais la déception de l’attente la plus naturelle vise plus fondamentalement l’explication chrétienne du monde – la téléologie des réponses péremptoires concernant l’origine et le but de l’existence humaine. Le texte ironise sur les antinomies de l’individualité personnelle et du destin anonyme, du hasard et de la prédestination, du maître et de l’esclave. Au cours du récit où la théorie et la pratique se relayent de façon tout aussi ironique, la religion et la métaphysique, soi-disant dépositaires des réponses ultimes, sont placées dans l’aporie ».

175),

s’il a commencé par témoigner du respect pour la science des géomètres, il a finalement opté pour un matérialisme vitaliste qui met en œuvre une sensibilité, – ‘propriété générale de la matière’– échappant à tous calculs. Après avoir pris, contre les faits surnaturels, le parti des raisonnements géométriques, il prendra ensuite, contre les raisonnements géométriques, le parti des faits naturels.

Pierre Hartmann (2003 : 106-7) relève ainsi, à l’arrière-plan de l’Entretien, « le conflit d’ordre épistémologique qui n’est livré à découvert que dans les Pensées sur l'interprétation

de la nature » : Diderot incarnerait ce conflit en « deux figures concurrentes », d’une part, une

épistémologie expérimentale conquérante et efficace, pratiquée par le personnage Diderot, et d’autre part, une épistémologie d’un ancien temps, toute métaphysique, pratiquée par le personnage de d'Alembert. Évidemment, ainsi que le remarque Pierre Hartmann, la bataille est perdue d’avance pour le géomètre, qui ne peut qu’admettre, au fur et à mesure, le brillant de la pensée de son adversaire – pensée à laquelle il sera complètement soumis lorsqu’il se mettra à rêver :

Le lecteur est mis en présence d’un agresseur et d’un agressé, entre lesquels il lui faut prendre un parti auquel oblige la disposition même du texte, toute entière au service du premier. C’est en effet à une maïeutique fallacieuse, à une maïeutique sous contrainte que procède ce dialogue philosophique opposant un récit conquérant à une pensée rétive et sceptique. En témoigne la mise en scène des répliques, pour peu que l’on déplace l’attention de leur contenu de pensée à leur pointe polémique. […] D’où le caractère de forçage de la résistance pris par le dialogue, caractère à la fois révélé et atténué par la longue série des formules d’acquiescement placées dans la bouche de l’adversaire : « j’avoue » (l’Entretien s’ouvre significativement in medias res, sur une première concession de d'Alembert »), « soit » - « assurément » - « j’en conviens » - « je crois que vous avez raison », etc. Le dialogue procédant ainsi par paliers qui marquent autant d’aveux