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Historique Diderot et la question religieuse : un désaccord grandissant

E SSAI DE TYPOLOGIE DES ADVERSAIRES

1. Historique Diderot et la question religieuse : un désaccord grandissant

Les situations de désaccord sont nombreuses, surtout lorsqu’elles concernent la question religieuse. Parti de la mise en cause des rites, des dogmes et des cultes, qui ne peuvent qu’engendrer guerres et conflits non seulement entre les peuples, mais aussi entre les hommes, sans parler des conflits internes se jouant en l’homme lui-même, Diderot passe assez logiquement à la mise en cause du dualisme, qui affirme l’existence de l’âme et celle de Dieu.

Elles sont nombreuses d’une part parce qu’elles concernent plusieurs aspects, et d’autre part, parce qu’elles n’impliquent pas seulement l’opposition avec ceux qui défendent l’idée de Dieu, la foi religieuse et la nécessité des cultes. Il s’agit aussi pour Diderot de trouver une solution, car s’il n’y a plus de Dieu, s’il n’y a plus d’âme, qu’est-ce qui peut les remplacer ? La discussion (et donc les oppositions) se fait également avec ceux qui sont globalement d’accord avec lui mais qui peuvent, parfois ou souvent, être amenés à le contredire. D’autant

que Diderot, du fait de l’évolution de sa pensée au fil de sa vie et de son parcours complexe, change d’adversaires, se trouve parfois en opposition avec lui-même, durcit ses positions à l’encontre de tel ou tel adversaire. Madame de Vandeul apporte pourtant le témoignage suivant dans ses Mémoires55 :

Je n’ai jamais vu les opinions de mon père ni varier, ni s’altérer ; il ne s’en occupait même pas. Il disait qu’il fallait laisser une canne pour s’appuyer à ceux qui n’avaient point de jambes. Il fut cependant dévot pendant quatre ou cinq mois ; dans le temps qu’il faisait ses études et qu’il voulait entrer aux Jésuites, il jeûnait, portait un cilice et couchait sur la paille. Cette fantaisie vint un matin et disparut avec la même vitesse.

Il n’en est pas moins vrai que sa pensée s’est construite par confrontations, et que le dialogue agonistique est partout56.

La question religieuse est l’une des problématiques propres au siècle des Lumières, marqué qu’il est par ses remises en question et sa volonté d’ouverture, portées par quelques hommes que sont les « philosophes ». Ce serait une erreur de considérer que la mise en cause du dogme religieux est une tendance générale : elle est certes amorcée, et la religion entre dans l’ère du soupçon, mais elle est du fait de quelques-uns, qui s’opposent à la doxa. L’éclatement du dogme religieux se prépare au XVIIIe siècle, mais n’est effectif que plus tard.

De même, il serait faux de croire que les philosophes des Lumières sont foncièrement anti-religieux. Notamment, la religion est politiquement très stratégique en ce qu’elle peut être la gardienne des peuples – Diderot lui-même insiste sur cet avantage –, et par ailleurs, la majorité d’entre eux demeurent croyante et refusent de rejeter l’idée de Dieu, même s’ils contestent la façon dont Il est servi par les plus fervents dévots. C’est pourquoi les partisans de la raison qui dénoncent les dérives catholiques – guerres, intolérance, persécutions, fanatisme – se tournent vers le déisme, doctrine déjà en expansion dans l’Angleterre du XVIIe

siècle. Selon Jacqueline Lagrée (1991 : 51), la fin du XVIIe siècle marque un tournant dans les

rapports entre la religion naturelle et la religion révélée dominante qu’est le christianisme : De position de secours ou de repli pouvant servir de base à une apologétique chrétienne en direction des sauvages, des peuples d’Extrême-Orient, des musulmans, voire même de chrétiens, elle devient progressivement une machine de guerre contre le christianisme ; alors qu’elle avait été présentée comme religion pour les simples, elle se transforme en religion aristocratique pour esprits déniaisés. Certes l’évolution n’est ni brutale, ni totale, ni définitive. Dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, chez Rousseau comme chez Kant, la

religion naturelle conservera la plupart des traits que lui avaient conférés les irénistes du

XVIe et XVIIe siècles. Mais la désacralisation de la religion opérée par la réflexion sur la

55 Diderot, Œuvres complètes, éd. Assézat, t. 1, p. 60.

56 Ainsi, C. Duflo (2003a : 65) écrit : « On sait que Diderot est un des grands auteurs matérialistes du dix-

huitième siècle. On sait moins que ce matérialisme n’est pas chez lui une position acquise d’emblée, mais qu’elle est bien plutôt conquise, à l’issue d’un débat avec lui-même ».

religion naturelle aboutit, dans la lignée du Traité théologico-politique de Spinoza relu par les libertins, à passer d’un christianisme très raisonnable et sans mystères à un christianisme mensonger et corrupteur de la civilisation, chez Voltaire et Diderot par exemple.

Diderot, donc, ne peut adhérer à ce christianisme qui s’oppose pour lui à la nature humaine, et qui tend même à la détruire. La religion catholique, ou au moins la façon dont elle s’exerce en France, est mauvaise car ses conséquences sont mauvaises. L’argument est pragmatique57 et indique d’emblée les avantages qu’aurait sa suppression.

Tout d’abord, la religion catholique est mauvaise car, étant une parmi d’autres, elle ne peut qu’entrer en conflit avec d’autres religions, et ne peut donc qu’entraîner la guerre. C’est bien sûr l’argument que brandissent tous les philosophes ; on pense notamment à Voltaire faisant la peinture toute pathétique de la guerre dans son article « Guerre » du Dictionnaire

philosophique58, une guerre dont sont responsables ces « meurtriers » qui font mourir les

soldats tout en bénissant les drapeaux et en invoquant Dieu. Diderot, quant à lui, n’a de cesse de rappeler que la religion catholique n’est qu’une parmi d’autres, lui infligeant ainsi un coup portant sérieusement atteinte à son narcissisme, et justifie dans le même temps cette idée selon laquelle elle porte en elle la guerre.

En outre, la religion catholique est mauvaise, car elle engendre le conflit à l’échelle des hommes. N’est-elle pas, en effet, un véritable poison capable de détruire les relations qui devraient être les plus tendres, comme celles qui unissent les frères59 ? Pour le philosophe

Diderot, il est clair que ce sont les croyances religieuses de son frère qui ont amené ce dernier

57 L’argument pragmatique, selon Chaïm Perelman et Lucie Olbrechts-Tyteca (1988 [1958] : 358), « permet

d’apprécier un acte ou un événement en fonction de ses conséquences, favorables ou défavorables ».

58 « Le merveilleux de cette entreprise infernale, c'est que chaque chef des meurtriers fait bénir ses drapeaux et

invoque Dieu solennellement avant d'aller exterminer son prochain. Si un chef n'a eu que le bonheur de faire égorger deux ou trois mille hommes, il n'en remercie point Dieu ; mais lorsqu'il y en a eu environ dix mille d'exterminés par le feu et par le fer, et que, pour comble de grâce, quelque ville a été détruite de fond en comble, alors on chante à quatre parties une chanson assez longue, composée dans une langue inconnue à tous ceux qui ont combattu, et de plus toute farcie de barbarismes. La même chanson sert pour les mariages et pour les naissances, ainsi que pour les meurtres : ce qui n'est pas pardonnable, surtout dans la nation la plus renommée pour les chansons nouvelles. […] On paye partout un certain nombre de harangueurs pour célébrer ces journées meurtrières ; les uns sont vêtus d'un long justaucorps noir, chargé d'un manteau écourté ; les autres ont une chemise par-dessus une robe ; quelques-uns portent deux pendants d'étoffe bigarrée par-dessus leur chemise. Tous parlent longtemps ; ils citent ce qui s'est fait jadis en Palestine, à propos d'un combat en Vétéravie. Le reste de l'année, ces gens-là déclament contre les vices. Ils prouvent en trois points et par antithèses que les dames qui étendent légèrement un peu de carmin sur leurs joues fraîches seront l'objet éternel des vengeances éternelles de l'Éternel ; que Polyeucte et Athalie sont les ouvrages du démon ; qu'un homme qui fait servir sur sa table pour deux cents écus de marée un jour de carême fait immanquablement son salut, et qu'un pauvre homme qui mange pour deux sous et demi de mouton va pour jamais à tous les diables. […] ».Voltaire, article « Guerre » du

Dictionnaire philosophique.

59 Pour Lucien Nouis (2009 : 67), Diderot prend parfois « le concept de fraternité comme métaphore du lien

à le détester ; de la même manière que quelques années plus tôt, ces mêmes croyances religieuses ont amené Pascal à s’éloigner de sa sœur qu’il adorait, sacrifiant l’amour humain à l’amour divin :

P.-S. – Pascal, empoisonné d’opinions religieuses, travailla tant sur son cœur qu’il le rendit

mauvais. Il parvint à désoler une sœur qu’il aimait et dont il était tendrement aimé, par la crainte que ce sentiment si naturel et si doux ne prît en elle et en lui quelque chose sur l’amour qu’ils devaient à Dieu. Pascal ! Pascal ! (Mélanges pour Catherine II, 272).

Il n’est pas étonnant ainsi de voir Madame de Vertillac, dans Est-il bon ? Est-il méchant ? (1438), refuser le mariage de sa fille avec Crancey, car ce mariage signifierait l’union avec une famille dont elle ne veut pas, composée notamment de « deux fanatiques bigotes de sœurs » qui « du matin au soir » passeraient leur temps à « se haïr, s’injurier, s’arracher les yeux sur des questions de religion auxquelles elles ne comprennent pas plus que leurs chiens ».

Il n’est pas étonnant non plus de voir se transformer la relation entre Jacques et son maître en relation entre deux théologiens, lorsque celle-ci est mise en péril par la mésentente : « Tandis que nos deux théologiens disputaient sans s’entendre, comme il peut arriver en théologie, la nuit s’approchait60» : « Prêchez tant qu’il vous plaira », lance Jacques à son

maître, « vos raisons seront peut-être bonnes, mais s’il est écrit en moi ou là-haut que je les trouverai mauvaises, que voulez-vous que j’y fasse61 ? » Le dialogue de sourds, qui explique

la guerre, semble bien l’apanage des théologiens.

Or, si la religion est capable de ternir les relations les plus « saintes », comme les relations fraternelles, n’est-elle pas capable, a fortiori, de détériorer tout type de relation ? Ainsi, elle contredit ses propres dogmes, car la parole d’amour proférée par le Christ n’est nécessairement pas suivie. Il le reproche à son frère en mettant en opposition les préceptes dont il se prétend le défenseur, et la manière dont il agit avec sa propre famille : « Je ne tiens rien de vous que des insultes. Je n’attends, ni moi ni les miens, de votre très haute sainteté que des injustices et des persécutions », lui dit-il par exemple dans la lettre du 13 novembre 1772 (Correspondance, 1151).

Enfin, la religion catholique est mauvaise car elle engendre un conflit en l’homme lui- même, conflit qui est destructeur de son être. C’est un motif récurrent dans le Supplément au

voyage de Bougainville (574-575) :

60 Jacques le fataliste, 717. 61 Jacques le fataliste, 717.

B. – Voulez-vous savoir l'histoire abrégée de presque toute notre misère ? La voici. Il existait un homme naturel ; on a introduit au-dedans de cet homme un homme artificiel, et il s'est élevé dans la caverne une guerre continuelle qui dure toute la vie. Tantôt l'homme naturel est le plus fort ; tantôt il est terrassé par l'homme moral et artificiel ; et, dans l'un et l'autre cas, le triste monstre est tiraillé, tenaillé, tourmenté, étendu sur la roue, sans cesse gémissant, sans cesse malheureux, soit qu'un faux enthousiasme de gloire le transporte et l'enivre, ou qu'une fausse ignominie le courbe et l'abatte. Cependant il est des circonstances extrêmes qui ramènent l'homme à sa première simplicité.

Ce « triste monstre », c’est bien l’homme, tiraillé entre sa nature et les artifices qu’on lui impose, cette culture au sens négatif, cette police, qui consistent essentiellement en la contrainte du corps, infligée par la religion. Toutes ses œuvres le disent, directement ou indirectement, qu’il s’agisse de fictions ou d’essais, de romans ou de dialogues philosophiques : la religion catholique, telle qu’elle est prônée par ceux qui en sont les plus fervents défenseurs, est synonyme d’enfermement, et de contraintes inhumaines imposées à l’humain.

Un enfermement, tout d’abord, physique et moral. Nous pensons notamment à Suzanne, enfermée dans son couvent et dans son corps, qui subit les sévices administrés par les religieuses62. C’est ainsi que le père de famille, dans l’œuvre qui porte son nom, refuse tout

net à sa fille son accord pour qu’elle entre en religion :

Mademoiselle, ne me parlez jamais de couvent… Je n’aurai point donné la vie à un enfant ; je ne l’aurai point élevé ; je n’aurai point travaillé sans relâche à assurer son bonheur, pour le laisser descendre tout vif dans un tombeau ; et avec lui, mes espérances et celles de la société trompées… Et qui la repeuplera de citoyens vertueux, si les femmes les plus dignes d’être mères de famille s’y refusent ? (Le Père de famille, 1213-4).

Mais la contrainte, à la fois physique et morale, concerne aussi un personnage comme

62 Sur la contrainte et l’enfermement dans la Religieuse, voir le chapitre de Colas Duflo (2003a) concernant cette

œuvre. Voir aussi la remarque de Béatrice Didier (1993 : 198) : « Le lieu sacré qui fascine Diderot, ce n’est pas l’espace ouvert au public de l’église, mais celui du couvent, lieu du renfermement. Il n’est pas nécessaire de relever toutes les occurrences où les mots de prison, de cachot reviennent dans le texte de La Religieuse ». Nous nous sommes toutefois attachée à faire le relevé du mot « prison », qui remplace significativement le mot « couvent ». Il apparaît précisément dix fois dans le texte, à chaque fois comme périphrase pour évoquer le couvent lui-même, ou l’une de ses parties : « J'entrai dans ma nouvelle prison, où je passai six mois, sollicitant tous les jours inutilement la grâce de lui parler, de voir mon père ou de leur écrire. On m'apportait à manger, on me servait […] » (287) ; « je me renfermai dans ma petite prison. Je rêvai à ce que ma mère m’avait dit. » « Quelques jours après ma sortie de prison » (293) ; « Qu'osez-vous me proposer ? un conseil qu'une bonne et sage supérieure devrait suivre avec toutes celles pour qui leur couvent est une prison ; et le couvent en est une pour moi mille fois plus affreuse que celles qui renferment les malfaiteurs ; il faut que j’en sorte ou que j’y périsse » (320) ; « On sent secrètement que, si l'on souffrait que les portes de ces prisons s'abattissent en faveur d’une malheureuse, la foule s'y porterait et chercherait à les forcer » (337) ; « Ah ! Quel sort ! être religieuse à jamais, et sentir qu’on ne sera jamais que mauvaise religieuse, passer toute sa vie à se frapper la tête contre les barreaux de sa prison ! » (342-343) ; « Combien ces journées me parurent longues ! Je tremblais qu’il ne fût survenu quelque obstacle qui eût tout dérangé. Je ne recouvrais pas ma liberté, mais je changeais de prison, et c’est quelque chose » (351) ; « On connaissait apparemment la voiture où nous étions, car en un clin d'œil toutes ces têtes voilées disparurent, et j’arrivai à la porte de ma nouvelle prison » (352) ; « on ne tarda pas à la séquestrer, mais sa prison ne fut pas si bien gardée, qu'elle ne réussît un jour à s’en échapper » (400) ; « ‘[…] À moi soeur Thérèse... À moi, soeur Suzanne...’ Cependant on l'avait saisie et on la reconduisait dans sa

celui de l’Aumônier dans le Supplément. Ce dernier, accueilli par Orou à Tahiti, est invité à se conformer aux mœurs tahitiennes, notamment en honorant la famille de son hôte en tentant de mettre enceinte Thia, la dernière de la famille. Évidemment, l’Aumônier s’offusque et s’exclamera de façon comique tout au long du conte « Mais ma religion, mais mon état ! », véritable formule figée et tout à fait vaine puisque le personnage, tout en tenant ces paroles, les contredit par ses actes en cédant finalement aux charmes de Thia, puis de ses sœurs, puis de sa mère. Le dialogue entre Orou et l’Aumônier est ponctué par le récit suivant :

Le bon aumônier raconte qu'il passa le reste de la journée à parcourir l'île, à visiter les cabanes, et que le soir, après souper, le père et la mère l'ayant supplié de coucher avec la seconde de leurs filles, Palli s'était présentée dans le même déshabillé que Thia, et qu'il s'était écrié plusieurs fois pendant la nuit : « Mais ma religion ! mais mon état ! », que la troisième nuit il avait été agité des mêmes remords avec Asto, l'aînée, et que la quatrième il l'avait accordée par honnêteté à la femme de son hôte. (Supplément au voyage de

Bougainville, 569).

Non seulement l’Aumônier cède, mais il retrouve peu à peu sa nature d’homme, se débarrassant au fur et à mesure de ses remords : le narrateur, en passant du discours direct (« Mais ma religion ! mais mon état ») au discours narrativisé puis, enfin, en décrivant un personnage se conformant de son plein gré, par honnêteté, aux mœurs de l’île, mime l’abandon complet de ce dernier à sa nature. Toujours est-il que c’est l’occasion pour le Tahitien de donner une leçon au religieux, en présentant les lois imposées par ses supérieurs comme arbitraires et contraires à la nature humaine :

Je ne sais ce que c'est que la chose que tu appelles religion ; mais je ne puis qu'en penser mal, puisqu'elle t'empêche de goûter un plaisir innocent, auquel nature, la souveraine maîtresse, nous invite tous ; de donner l'existence à un de tes semblables ; de rendre un service que le père, la mère et les enfants te demandent ; de t'acquitter envers un hôte qui t'a fait un bon accueil ; et d'enrichir une nation, en l'accroissant d'un sujet de plus. Je ne sais ce que c'est que la chose que tu appelles état ; mais ton premier devoir est d'être homme et d'être reconnaissant. (Supplément au voyage de Bougainville, 552).

La religion de l’Aumônier se résume très simplement en l’aliénation de son corps, aliénation qui ne peut qu’aboutir à une libération violente, qui se joue dans l’œuvre sur un mode comique.

Mais cet enfermement est également symbolique. Lorsqu’il prône la religion naturelle contre la religion dogmatique, Diderot considère que le sentiment de Dieu ne peut se trouver enfermé dans des lieux de culte comme l’Église : il doit au contraire se trouver dans le cœur humain, ce qui aurait d’ailleurs l’avantage de réconcilier des peuples d’obédiences différentes. Dans les Pensées philosophiques (XXVI, 27), il conseille : « détruisez ces enceintes qui rétrécissent vos idées ; élargissez Dieu ; voyez-le partout où il est, ou dites qu'il n'est point ».

La religion, chez Diderot peut-être plus que chez d’autres philosophes, porte en elle- même la guerre et la porte partout où elle va : elle ne peut donc que nuire à la polis. Aussi, dans les Mélanges pour Catherine II (422), se fait-il un devoir de montrer à la souveraine la nécessité de séparer politique et religion :

La faculté de théologie a réglé ses études sur les circonstances présentes ; elles sont tournées vers la controverse avec les protestants, les luthériens, les sociniens, les déistes et la nuée des incrédules modernes. Elle est elle-même une excellente école d’incrédulité. Il y a peu de sorbonistes qui ne recèlent sous leur fourrure ou le déisme ou l’athéisme. Ils n’en