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CHAPIRE I : Big Bang deux aspects antagonistes : destruction et création

E. Métamorphose des regards portés sur le réel

Après notre première approche qui consistait à suivre la trame narrative, nous allons maintenant analyser comment les mises en scène favorisent le rapprochement et la confrontation de caractéristiques formelles.

Face à une société du « zapping cuturel », l'organisation chronologique étant devenue obsolète par la disparition des cloisonnements entre les disciplines et les diverses expressions de la modernité et de la postmodernité, il convient de trouver de nouveaux critères de choix pour une exposition thématique. Ceci nécessite plus de stratégie s'appuyant sur la scénographie, afin d'offrir la possibilité d'approfondir, de

459 Kinga Grzech, La scénographie d’exposition, une médiation par l’espace, la lettre de l’OCIM n°96,

donner envie d'en savoir plus, d'amplifier et d'élargir les perspectives de l'art. La mise en scène ne favorise pas seulement la facilité de lecture et la réflexion sur les liens à tisser entre pratiques artistiques et historiographie, elle cherche aussi à rendre le sujet vivant. Selon Florence Belaën, chercheuse spécialisée dans les expositions, elle sert à

« faire vivre »460. L’apparition de la pratique de l'immersion dans les expositions répond à une approche basée sur les sensations et les expériences du visiteur. Le professeur Stephen Bitgood distingue quatre formes d'immersion : « interactive, médiatique, esthétique, dramatique »461.

Les œuvres exposées sont mises en scène sous un double aspect :

« destruction – création » : « Détruire pour créer – créer pour détruire »462, qui interroge le visiteur sur chaque œuvre dans son contexte de création, lui-même inclus dans le contexte artistique d'un changement d'époque. Nous allons aborder l'expérience esthétique du visiteur à travers l'analyses de cinq thèmes auxquels celui-ci sera

confronté : « la transfiguration du banal »463 ; le rapprochement de formes détruites ;

mise en tension : les œuvres transparentes ; jeux de reflets ; de l'éloge du mou .

a. «La transfiguration du banal »464

Dans la salle Échelle aberrante, on trouve la Boîte d'allumette (1967) de Raymond Haines, la

lampe génate Moloch465

(1970-1971) de Gaetano Pesce et Buckingham Palace with First Prize (1970)

de Malcolm Morley.

Ces trois œuvres reproduisent des objets du réel, une boîte d'allumettes ordinaire, une lampe design ''Moloch'' de Gaetano Pesce et une carte postale, et leur donnent des dimensions monumentales, ce qui peut avoir comme effet sur le visiteur un pouvoir

de « subjugation ». On pourrait comparer ces œuvres aux ready-made de Duchamp, auxquels les artistes ont simplement donné des dimensions extraordinaires. La réalité

460 Florence Belaën. L’analyse de l’apparition d’un nouveau genre culturel dans les musées des sciences : les expositions d’immersion. Xe Colloque bilatéral franco-roumain, CIFSIC Université de Bucarest, 28 juin – 3 juillet 2003.

461 Bitgood (Stephen). 1990. « The rôle of simulated immersion in exhibition ». Technical Report, 90 (20). Jacksonville : Center for Social Design.

462  Catherine Grenier, Le Big Bang Moderne, Cat. Big Bang, Centre Pompidou, Paris, 2005, p.15. 463 Arthur Coleman Danto, La transfiguration du banal, Seuil, 1981.

464 Ibid.

465 Illustration n° 67 : Gaetano Pesce, Moloch, 1970-1971, 312 x 230 cm.

n°67 : Gaetano, Pesce Moloch, 1970-1971

est transformée, et ainsi sont créées « autant de dissonances dans la répartition de l'ordre des choses, que de mises en doute du système de représentation »466. Cette échelle aberrante doit attirer l'attention sur des

objets ordinaires devenus objets de musée. D a n s l a s a l l e l a G r i l l e d e DESTRUCTION est présentée une maquette

architecturale, Projet pour le centre de Philadelphia, 1952-1957 de Louis Kahn, une

construction formée d'un échafaudage de lignes obliques. Derrière cette maquette, le Filet, (1970) de Claude Viallat, fait de

cordes de noix de coco goudronnées et suspendu à la cloison, dépayse le visiteur par sa structure systématique, ordonnée et symétrique467. Viallat appartient au mouvement Supports/Surfaces468 et récupère des cordes et tissus pour réaliser ses œuvres, en récusant les moyens picturaux

traditionnels469. La proximité des œuvres de cette composition suscite différents angles de vue.

Ces deux œuvres ( le filet et la maquette architecturale ) sont situées l'une

devant l'autre pour inviter le visiteur à regarder la superposition des trames qui produit un effet d'optique intéressant : une relation entre bidimensionnel (le filet) et

tridimensionnel ( la maquette ) qui permet de mieux appréhender la cohérence de cette

scénographie.

Cette juxtaposition joue sur les contrastes pour faire mieux apprécier la plasticité des matériaux : « les rapports à l'objet, au geste et au sujet artistique, mais aussi à l'espace, sont repensées »470. On assiste ici à une transfiguration du réel, qui

466 La brochure Big Bang.

467 Illustration n° 68 : au premier plan : Louis Kahn (1901–1974), Centre de Philadelphie, Projet non

réalisé 1952-1957, plastique, métal, 114 x 67 x 67 cm, (maquettiste : Mr. Conrad) Derrière : Claude Viallat (1936) , Filet (Répétition), coco, goudron, 342 x 417 cm, créé pour être exposé en plein air en été 1970.

468 Supports/Surfaces : « ce mouvement artistique apparaît en France en 1969, avec des artistes tels que Dezeuze, Viallat, Bioulès, Cane, Devade, Saytour, Valensi, etc. Leurs travaux, fondés sur une

déconstruction du langage pictural en ses divers composants afin de mieux mettre en évidence la réalité matérielle de l’œuvre, reposent également sur une réflexion théorique, elle-même liée à la psychanalyse

et la philosophie ». – Pierre Cabanne , Dictionnaire des arts, les éditions de l'Amateur, 2000, p.962. 469 Ce mouvement crée la « déconstruction » de la toile et met en évidence les éléments constitutifs de la peinture : le châssis et le cadre, comme « les organismes de la peinture rendue à sa

signification essentielle », - Michel Draguet, Chronologie de l'art du XXe siècle, Flammarion,1997, p.288.

470 Site de MAMAC : http://www.mamac-nice.org/francais/exposition_tempo/musee/robinson/ robinson.html

n° 68 : Louis Kahn, Centre de Philadelphie, 1952-1957

fait d'un banal outil de travail (une maquette, un filet) une création artistique, ce qui constitue, dans l'histoire de l'art, une rupture avec le passé, un nouveau genre créatif, qui demande au visiteur un regard pluriel prenant en compte l'espace, les formes et les matériaux.

D a n s l a s a l l e

É c l a t s d e C O N S T R U C T I O N / DÉCONSTRUCTION, le visiteur est

invité à voir une œuvre, Prikken paa I en471

(1939), de l’artiste Kurt Schwitters, qui utilise la technique du découpage/collage et utilise comme matériaux une superposition de coupures de

journaux, fragments d’enveloppes timbrées, pages de calendrier, morceaux de carton et de toutes sortes de bouts de papier qu'il ramasse dans la rue et dans les ordures. Ce tableau où« figurent deux feuilles de calendrier des 15 et 16 novembre, fait directement référence au déclenchement du conflit [de la Seconde Guerre mondiale]».472

Cette

« transfiguration du banal» invite le visiteur à sortir de la simple observation pour

entrer dans un contexte de guerre, en soulignant la brutalité et le désordre créés par ces

fragments du réel. Selon Daniel Vander Gucht, sociologue : « Duchamp et Schwitters ont chacun tenté une sortie de l’art, en tant que notion et institution, en réintégrant l’art dans la vie quotidienne, ordinaire, prosaïque, posant les fondements d’un art de vivre l’art qui soit aussi un art à vivre »473

.

Dans le parcours des salles CONSTRUCTION/DÉCONSTRUCTION, le visiteur

assiste aussi à des créations de transfiguration du banal qui sont conçues selon la problématique de la destruction aboutissant à une remise en question de l'art : dans la salle Conceptualiser, la transfiguration du réel permet au visiteur d'avoir une approche

sur l'historique (la guerre) et sur la démarche artistique qui en a résulté : pendant la période 1914-1918, le mouvement DADA est apparu dans le contexte de la Grande Guerre et les artistes dadaïstes firent toutes sortes de manifestations afin de provoquer le renversement et le rejet des vieilles valeurs et des conventions. Les démarches du dadaïsme sont à la fois artistiques, idéologiques et politiques. Tout est bon pour

471 Prikken paa I en (Le point sur le I) en Allemagne, ces œuvres avaient été retirés de Musées pendant

la période Hitlérienne et quatre d'entre elles, présentées à l'exposition de ''l'art dégénéré''.

à Munich, détruites ( voir la Partie I, p. 55 ). Il quitte l'Allemagne en 1937. Illustration n° 69 : Kurt Schwitters (1887 - 1948), Prikken paa I en (Le point sur le I), 1939, mine graphite, crayon Conté,

gouache et papiers découpés, sur contrecollé peint et collé sur aggloméré, 75,5 x 91,8 cm. 472 Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national

d'art moderne, sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008. 473 Daniel Vander Gucht, l’art contemporain au miroir du musée, Lettre volée, 2000, p.96.

détourner du passé le regard et le goût et pour déconstruire les modes de création artistique.

Dans la même salle, le visiteur est invité à voir, grâce à un dispositif scénographique de juxtaposition d’œuvres, Card File474

(1962) de Robert Morris, représentant un fichier et, placé à côté, une œuvre Sans titre475

(1973), du groupe Art and Language (un tiroir de fichier métallique).

C’est le rapprochement de ces objets fonctionnels qui explore un détournement et une redéfinition de l’art : l’art peut naître d’objets ordinaires476

. Par cette juxtaposition d'objets, l'artiste propose aussi une réflexion à la fois sur l'objet et sur l'art et l'investit de significations neuves, ce qui constitue un nouveau langage artistique et critique.

A côté, une installation de Joseph Kosuth, One color, Five Adjectives477 (1966), où l'artiste utilise le mot «adjectif» en cinq langues différentes (Adjective, Adjectif, Adjectivo,Aggettivo, Adjekiv) écrit en tubes de néon, met en évidence le mouvement

artistique de l'Art conceptuel, qui fait appel au langage lui-même dans le processus artistique. Ainsi, en 1961, l'artiste Joseph Kosuth présente One and Three Chairs, qui

conjugue une chaise, l'image de la chaise à laquelle il ajoute la définition de la chaise. C'est cette oeuvre que le critique d’art Nicolas Bourriaud prend comme exemple : « Depuis l’art conceptuel, l’objet d’art se présente comme une information concernant le travail accompli en vue de réalisation, et l’artiste comme un opérateur d’événements plastiques »478. Dans cette tendance, l’image, le texte et l’objet participent à l’action de transmission de l’intention de l’artiste et réinventent les modes de narration, selon la formule de Joseph Kosuth « l'art comme idée comme idée » (« art as idea as idea »)479. Ainsi, dans l’Art conceptuel, l’œuvre d’art devient polémique et possède son langage propre, comme un enjeu. Les artistes utilisent écriture, signes, vocabulaire, langage, concepts, et même tubes de néon, dont la lumière éclaire la salle et accentue l'effet d'artificialité pour renouveler la ''vision du monde''.

Toutes ces œuvres témoignent de la polémique sur l'utilisation en art de nouveaux matériaux, qui apparaît comme une tendance artistique mettant l'accent sur

la transfiguration du réel depuis Duchamp et le ready-made « désigné comme œuvre d'art, [et qui] appartient à la catégorie des objets de la vie quotidienne, et se caractérise

474  Robert Morris (1931 - ) Card File (Fichier), 1962, Métal, bois, papier, 68,5 x 27 x 4 cm

475 Art and Language, sans titre, 1973, Métal, papier imprimé, crayons noir et couleur, 26,5x29,61,5 cm 476 Ceci est à rapprocher de ce que nous avons vu dans l'introduction au sujet de l'art mineur et du design (chapitre II de la première partie, p.55. )

477 Joseph Kosuth, One Color, Five Adjectives (Une couleur, cinq adjectifs), 1966, Néon, transformateur,

166 x 345 cm , Hauteur d'un néon : 10 cm.

478 Nicolas Bourriaud , Formes de vie - L'art moderne et l'invention de soi, Éditions Denoël , 2003, p.137.

donc par sa banalité »480

. L'émancipation du choix des matériaux qui caractérisait l'objet noble (comme la toile pour les peintres, les marbres pour les sculpteurs) et par l'emploi d'objets courants (comme une roue, un urinoir, une séche-bouteille) changent les critères de l'appréciation de l'art, mais dans la scénographie aussi, le dispositif d'agencement des œuvres entre elles (leur confrontation jouant sur leurs ressemblances ou sur leurs différences) participe à leur signification et engage le visiteur dans une réflexion sur ce qui fait l'art moderne et contemporain. Dans cette scénographie, les objets industriels et quotidiens (cordes, journaux, affiches, tiroir de fichier métallique) sont mis en scène en introduisant une vision idéologique provocatrice et critique, selon les intentions des artistes, leurs techniques, leurs processus de création avec des nouveaux matériaux ou leur rapport avec les contextes sociaux et économiques. Ces divers objets convergent fortement dans leur relation à l’ensemble de l’espace pour illustrer l'image d'une tranfiguration du réel, une des caractéristiques fortes

de l'art moderne et contemporain. Comme le dit le philosophe Arthur Danto : « au moment où quelque chose est considéré comme une œuvre d'art, il devient sujet d'une interprétation »481 et « cette interprétation est fonction du contexte artistique de l’œuvre. Ce qui suppose un corps de locuteurs et d'interprètes capables d'interpréter l'objet »482

. Cette approche apporte au visiteur des renseignements sur le thème de la construction à partir de la destruction. Dans le contexte de la fin de la transcendance en art, les artistes, en conjuguant la diversité des œuvres, révèlent un nouvel aspect de l'art, la « transfiguration du banal »483. La scénographie du parcours est destinée à conduire à un dévoilement de ce changement des critères artistiques qui pourrait au premier abord étonner les visiteurs.

b. le rapprochement de formes détruites

D a n s l a s a l l e P r o c é d u r e s violentes de la section CONSTRUCTION/ DÉCONSTRUCTION, Chopin’s Waterloo484

(1962) est constitué de ce qu'il reste d'un piano détruit par Arman devant un public.

Chopin’s Waterloo fait partie de la série Colères. Les morceaux ont été ensuite collés sur

un support rouge de manière à créer une nouvelle

480 Florence de Mèredieu, histoire matérielle et immatérielle de l’art moderne, Larousse, p.214. 481  Arthur Danto, « Artworks and Real Things », in Theoria, XXXIX, 1973, pp.1-17.

482  Yves Michaud, L'Art à l'état gazeux. Essai sur le triomphe de l'esthétique, Paris , Stock, coll. Les essais, 2003, p.154.

483 Arthur Coleman Danto, La transfiguration du banal, Seuil, 1981.

484  Illustration n° 70: Arman (1928 - 2005), Chopin's Waterloo, 1962, Morceaux de piano fixés sur panneau de bois, 186 x 302 x 48 cm Poids : 400 kg.

n° 70 : Arman, Chopin's Waterloo, 1962

composition, une sorte de tableau en relief, un aspect réinventé par rapport à la forme originelle du piano. Cet instrument, transformé en sculpture par un geste de violence, devient ainsi une reconstruction artistique. Dans la salle, à côté de Chopin’s Waterloo, une photographie en noir et

blanc, Conical Intersect485

(1975) de Gordon Matta-Clark, montre un immeuble, 29 rue Beaubourg, voué à la démolition est situé juste

à côté du Centre Pompidou. La « coupe » que l'artiste perce dans cet immeuble permet de voir l'ossature du Centre, dont l'architecture était à l'époque plutôt décriée. Ce travail

de « coupe » que Gordon Matta-Clark réalisait sur des maisons abandonnées ou sur le

point d'être démolies « renversait le processus de construction en révélant les structures internes des bâtiments [...] son action était guidée par la volonté d'introduire une critique de l'environnement urbain en en modifiant la perception »486. Les « coupes » de Matta-Clark étaient enregistrées grâce à des photos, comme ici, ou grâce à des films.

La photographie de Matta-Clark, qui met en évidence l'architecture des lieux, faisant naître des émotions par la vision juxtaposée du passé et du présent de la société est un documentaire en noir et blanc qui contraste avec la structure éclatée du piano d'Arman, mise en valeur par ses couleurs.

Dans les années 1960, la société de consommation a eu pour effet d'intéresser les artistes à la vie quotidienne. Afin de questionner et bouleverser la notion d’œuvre d’art par rapport à la banalité visuelle et à la culture matérialiste, les artistes se mettent à récupérer les matériaux issus de la société industrielle ou de la vie quotidienne pour se les approprier et pour s'en servir comme base d'un message critique par rapport à cette société de consommation.

Arman récupère et manipule divers objets de la vie quotidienne ou des rebuts, comme s'il s'appropriait directement le réel, dans un langage plastique pour présenter une démarche critique. L'idée est d'interroger la banalité visuelle d’un monde et d'un mode de vie modernes. C'est ce que font les artistes dans une démarche

artistique innovante. « Grâce à la réévaluation de la relation entre l’art et le quotidien, il est possible d’établir un lien entre les œuvres, a priori très différentes, issues du Pop Art et du minimalisme »487. Les artistes s’attachent à une réalité nouvelle, née d’une société de consommation. En 1960, un groupe d'artistes autour d'Yves Klein proclame le Manifeste

485 Illustration n° 71 : Gordon Matta-Clark (1943 – 1978), Conical Intersect, 1975, Epreuve

chromogène, 106,3 x 112 x 5,5 cm, Paris, 27/29 rue Beaubourg. 486  Dossier du Centre Pompidou sur Conical Intersect.

487  Michael Archer, l’art depuis 1960, éd. Thames & Hudson, paris, 2004, p.8.

n° 71 : Gordon Matta-Clark, Conical Intersect, 1975

du Nouveau Réalisme : « Le jeudi 27 octobre les Nouveaux Réalistes ont pris conscience de leur singularité collective. Nouveau Réalisme = nouvelle approche perceptive du réel »488. Ces artistes utilisent des procédés tels que l'assemblage (Tinguely), le compressé (César) et l'accumulé (Arman) pour proposer une réflexion sur la banalité, l’environnement urbain et la société capitaliste. La mise en scène de deux œuvres qui convergent fortement entre elles, telles que Chopin’s Waterloo et Conical Intersect, pour illustrer

l'image de la destruction et pour en proposer une lecture déductive, est réalisée afin de refléter le positionnement des artistes qui les ont créées par rapport à la société où ils vivent, et en particulier par rapport au développement du capitalisme et à la culture de consommation qui influencent le mode de vie. C'est un art qui, à la fois, critique la société et l'utilise.

Le visiteur de l'exposition peut découvrir des œuvres qui évoquent les aspects émotionnels et un certain pessimisme des artistes. Les œuvres d'Arman et de Gordon Matta-Clark renvoient au contexte social et procèdent également de l'esprit de subversion.

c. Mise en tension : les œuvres transparentes

Dans la section CONSTRUCTION/DÉCONSTRUCTION, se trouvent aussi de

chaque côté de la salle Conceptualiser, qui présente deux salles (Transparence et Salle blanche), des œuvres « fondées sur des propositions théoriques, philosophiques, politiques ou poétiques »489

.

Dans la salle intitulée Transparence, deux œuvres sont présentées côte à

côte, un tableau Composition A.XX et une maquette Forum de la musique, de la danse et de la culture visuelle.

Le tableau Composition A.XX490

(1924) de László Moholy-Nagy, un artiste hongrois d'avant-garde par la superposition de formes géométriques, proches du style constructiviste. De prime abord, on croit que cette œuvre de 135,5 x 113 cm correspond à une nouvelle forme de collage, réalisée grâce à une plaque en verre transparent qui se dégage en biais du tableau, s'appuyant sur une autre plaque opaque placée à l'arrière. Le spectateur peut être intrigué, mais en s'approchant, il peut voir qu'il s'agit, en réalité, d'une peinture à l'huile

488 le dossier pédagogique : L’objet dans l'art du XXe siècle, Centre Pompidou.

489  Voir « La transfiguration du banal », Partie II. Chapitre I , p.154.

490 Illustration n° 72: László Moholy-Nagy (1895 – 1946), Composition A.XX, 1924, Huile sur toile,

135,5 x 115 cm.

n°72 : László Moholy-Nagy, Composition A.XX , 1924

qui donne une impression de transparence en jouant uniquement sur le noir, le blanc et des tons de gris pâle. Moholy-Nagy fait une expérience sur la manière dont la peinture peut créer des effets de luminosité, de transparence et d'opacité. La transparence avait déjà été étudiée par les peintres classiques, qui aimaient placer un flacon, une bouteille,

des verres, dans une nature morte ; mais cette transparence là, ne concernant que des

objets reconnus d'avance comme transparents par le regard du spectateur, fait que ces études traditionnelles de la transparence ne vont pas aussi loin que les recherches de Moholy-Nagy : en effet la transparence, dans ce tableau, n'est pas suggérée par un objet transparent. Le tableau est abstrait, c'est la transparence pour elle-même ; de plus l'ordonnance de cette transparence crée un effet de troisième dimension, une mise en relief de l'espace.

Grâce à son intérêt pour la photographie, l'artiste exploite les effets lumineux, et ne cessera de développer ses idées, plus spécialement dans la recherche sur Licht-Vision491: « Espace, temps, matière, unis dans la lumière »492. Moholy-Nagy parle de cette œuvre comme d'un « tableau peint avec la lumière »493.

En face de composition Composition A.XX se trouve installée, au milieu de

la salle, la maquette architecturale Forum de la musique, de la danse et de la culture visuelle494 (2004) de Toyo Ito.

Cette maquette reflète l'intérêt de cet artiste japonais pour une quête de la fluidité par l'emploi de matière transparente. Le rapport entre la transparence et l'opacité des parois extérieures, les formes organiques et transparentes du bâtiment, sont destinés à permettre à la lumière de pénétrer à l'intérieur, montrant un espace-flux et transparent