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Art et société : apprécier l'art par sa rencontre avec des objets du quotidienquotidien

Chapitre II. Le renouvellement du programme : développement de la stratégie de l'exposition thématique développement de la stratégie de l'exposition thématique

B. Organisation du parcours : style linéaire et style mosaïque

5. Art et société : apprécier l'art par sa rencontre avec des objets du quotidienquotidien

Au Centre Pompidou, les quatre premières expositions autour de Paris (de 1977 à 1981) et les expositions géo-culturelles extra-occidentales Japon des avant-gardes (1986), Les Magiciens de la Terre (1989), Alors, la Chine (2003), Africa Remix (2005) apportent une ouverture sur la vision de l'art à travers le monde. Ce

cheminement géo-culturel est une première étape qui a servi dans un premier temps à montrer comment Paris, dans ses rapports avec New-York, Berlin, Moscou et d'autres pays lointains, pouvait devenir, selon les vœux du Président George Pompidou, le centre du monde artistique.

Il nous a semblé nécessaire d'observer aussi l'évolution de la mise en place d'autres expositions qui ont précédé Big Bang, elles@ ou Danser sa vie218

, en choisissant en particulier les expositions Manifeste, une histoire parallèle, 1960-1990 (1993), Made in France 1947-1997 (1997), Les années Pop (2001), La Révolution surréaliste (2002)

et Le Mouvement des images (2006) qui évoquent l'évolution des rapports entre l'art

et la société. En effet, chacune de ces expositions met en scène, de façon plus évidente et plus particulière que dans les expositions géo-culturelles, les nouveaux domaines de l'art (design, architecture, photographie, cinéma, vidéo, arts du spectacle). Nous avons choisi cette méthode, car elle conjugue à la fois la description de ces nouveaux domaines avec la présentation d'expositions qui ont mené jusqu'à Big Bang, elles@ ou Danser sa vie dont nous traitons dans la deuxième partie de notre thèse.

Pourquoi et comment ces expositions thématiques, entre 1983 et 2006, mettent en scène les cinq domaines liés au quotidien – design, architecture, photographie, cinéma et vidéo – et marquent la nouvelle importance de ces nouveaux médias en les confrontant avec la peinture, la sculpture ?

Comment la scénographie et la répartition des œuvres dans l'exposition thématique peuvent-elles transmettre une vision sociale et culturelle concernant

218 Big Bang (2005-2006) n'a pas été précédé par l'une des expositions Les Mouvements des images

la globalité de l'histoire de l'art, ainsi qu'un enrichissement de la connaissance et une sensibilisation aux pratiques artistiques (sujets, techniques, matériaux, couleurs, composition, styles) représentatives des contextes sociaux ? Pour répondre à la question, nous allons aborder, grâce à ces expositions thématiques et à leur scénographie qui favorisent l'accès à l'art des différents publics, quatre croisements : le premier entre l'art plastique et le design, le deuxième entre l'art plastique et l'architecture, le troisième entre l'art plastique et la photographie et le quatrième entre l'art plastique et le cinéma.

A. L'apport du design dans trois expositions Manifeste, Made in France

1947-1997 et les années Pop

a. Programme pluridisciplinaire : l'exemple de Manifeste. Trente ans de création en perspective 1960-1990 et de Manifeste, une histoire parallèle, 1960-1990

En ce qui concerne la politique d'acquisition de la collection de design et d'architecture, deux périodes, celle où Dominique Bozo est directeur du MNAM de 1981 à 1986, puis celle où il est président du Centre Pompidou de 1991 à 1993219, sont importantes, car il affermit une politique d'achat ambitieuse dans deux domaines : le design et l'architecture. Il a mis en valeur leur place dans la collection. Et surtout il a ouvert des voies nouvelles en opérant, en 1992, la fusion de deux départements : le MNAM, spécialisé dans l'art moderne, et le Centre de Création Industrielle (CCI), spécialisé dans le design et l'architecture.

Dans la collection design, douze œuvres avaient été acquises de 1977 à 1990,220

mais, sous la présidence D. Bozo, ce sont 264 œuvres qui entrent au MNAM en 1991 et surtout 873 pièces en 1992. Cette même année 1992, il programme Manifeste. Trente ans de création en perspective 1960-1990221

, panorama sans précédent de la création artistique ; c'est une grande manifestation pluridisciplinaire qui se déroule sur 7000m2 dans tous les espaces du Centre Pompidou222

, « le signe d'une nouvelle étape dans la vie du Centre George Pompidou »223

. Selon lui, Manifeste doit montrer « les intentions et les usages demeurés implicites d'un musée dans son activité de

219 Dominique Bozo est décédé en 1993, François Barré a succédé à ce poste.

220 Douze œuvres avaient été acquises par Pontus Hulten (1973 – 1981), Dominique Bozo (1981 – 1986), Bernard Ceysson (1986 – 1987), Jean-Hubert Martin (1987 - 1991).

221 Du 18 juin au 28 septembre 1992

222 Voir plan de l'exposition ''Manifeste, Trente ans de création en perspective 1960-1990'', dans l'annexe p.445.

223 Dossier de presse, Manifeste. Trente ans de création en perspective 1960-1990, du 18 juin au 28 septembre, p.27.

collectionneur. Manifeste conduit l'institution à se donner un autre horizon et à créer, en complément des œuvres plastiques, des collections d’architecture et de design. Ainsi s'assemblent les outils d'une réflexion qui nous permettront d'aborder la création à venir. Manifeste invite donc à examiner les couches sédimentées des acquisitions où se compose ce regard si particulier qui, au fil des ans, évalue, jauge, juge, intègre, taille, coupe, choisit et finit par constituer l'art ou le goût »224. Manifeste est « l'exposition inaugurale de la toute jeune collection du Centre de Création Industrielle »225 que Bozo venait de réunir avec le MNAM. Cette exposition, plutôt que d’essayer de trouver de nouveaux moyens

d'organiser une exposition, « manifeste» le désir de faire une sorte d'état des lieux

de toutes les possibilités d'un musée tel que le Centre Pompidou. Et c'est pourquoi

l'on assiste dans cette exposition à une série de « sous-Manifeste» (de Manifeste 1

à Manifeste 13) qui traitent de toutes les richesses et activités du Centre, ce qui sera utile pour les grandes expositions par la suite. Selon Jean-Marc Poinsot, historien de

l'art contemporain, c'est une sorte d’« inventaire ou échantillonnage d’un stock dont la mise en forme historique n’est qu’un repérage didactique à usage du grand public »226

. Le visiteur peut voir la répartition des œuvres dans l’espace de l’exposition qui s’appuie sur toutes les disciplines artistiques et tous les mouvements artistiques.

L'année suivante en 1993, le Président Bozo choisit Jean-Paul Ameline comme commissaire d'exposition pour organiser Manifeste, une histoire parallèle, 1960-1990.227

Si le Manifeste de 1992 avait été l’occasion d'une vaste présentation des diverses

collections contemporaines, ce nouveau « Manifeste » de dimension plus modeste

(située seulement dans la Grande Galerie du 5e étage) réunit environ 160 œuvres (peintures, sculptures et dessins) de 64 artistes (Picasso, Giacometti, Bacon...). Cette exposition est une continuation du premier Manifeste, mais seulement dans le domaine

de la peinture et de la sculpture, dont elle veut « manifester » le foisonnement à partir

de 1960. Elle renouvelle la présentation des œuvres dans l’espace en les répartissant suivant neuf thèmes, au cours desquels les peintres, sculpteurs, dessinateurs d'avant-garde se retrouvent rassemblés dans chacune des salles selon un thème particulier qui souligne une caractéristique essentielle à chacun d'eux : LE PEINTRE ET SON MODÈLE ; ASPHYXIANTE CULTURE ; FIGURATIONS/DÉFIGURATIONS ; ÉTOILE, FEMME, OISEAU ; LA PEAU DE L’ŒUVRE ; LE SIGNE ET L'ÉCRITURE ; LE GESTE ET LA COULEUR ; LES SURPRISES DE LA GÉOMÉTRIE et LE LIEU DE LA PEINTURE. Par exemple, dans LE GESTE ET LA COULEUR228, le visiteur peut voir des peintures : le dyptique, par exemple, de Joan Mitchell, issue du mouvement expressionniste abstrait (sa peinture Sylvie's

224 Ibid. Manifeste. Trente ans de création en perspective 1960-1990, p.4. 225 Ibid., p.8.

226 Jean-Marc Poinsot, « L’art contemporain et le musée », dans les Cahiers du MNAM, n° 42, hiver 1992, p.26-27.

227 Manifeste. Une histoire parallèle 1960-1990, exposition du 23 septembre au 13 décembre 1993.

sunday229

,1976). Joan Mitchell peint des tableaux de paysages, dit-elle « transformés » : « Je préfère laisser la nature à elle-même. Je n’entends pas l’améliorer, je ne pourrai jamais la refléter. J’aime mieux peindre ce qu’elle me laisse en dedans »230

; le tableau de son compagnon Jean-Paul Riopelle, dont le style est proche de l'automatisme231

(Mitchikanabikong232

, 1975), ou le monochrome d'Olivier Debré, issu de l'abstraction lyrique (Jardin sombre, Grand noir233

, 1965). Olivier Debré peint des paysages sous forme de grands tableaux monochromes ponctués d'un élément qui donne à ces monochromes un sentiment d'espace, la couleur du monochrome n'est pas la couleur du paysage, mais de l'émotion qu'il a ressenti.

Debré dit : « je crois moi que ce qui compte en art c'est l'émotion »234.

Ces artistes sont caractérisés par une grande liberté gestuelle. Ici, la confrontation du geste et des couleurs vives des œuvres évoque une différence d’approche formelle et conceptuelle.

On voit, en particulier, grâce à ces œuvres, que ces expressions de l'abstrait (que ce soit les lignes dynamiques et contournées de Mitchell et Riopelle ou bien les monochromes de Debré) représentent une émotion. Pour les tableaux, si le visiteur ne les comprend pas, et s'il ignore les concepts des œuvres appartenant à chaque section, il peut être guidé par les titres et les thèmes de chaque salle qui lui donnent les définitions des caractéristiques artistiques. Ce parcours thématique, clairement marqué par les titres des différentes sections, facilite pour le visiteur la compréhension d'artistes d'avant-garde, peu souvent exposés, mais dont les œuvres ont été acquises par des achats ou des dons. Leur présentation est une occasion de compléter le bilan commencé en 1992 avec le premier grand Manifeste, mais, cette fois-ci, le design et l'architecture

ne sont pas exposés dans cette exposition, comme si ce second Manifeste ne cherchait

qu'à souligner l'avant-gardisme d'artistes (peintres, sculpteurs, dessinateurs) dont les disciplines ont été traditionnellement reconnues par les musées.

Ces deux « Manifestes » sont perçus aussi comme une réflexion « autour de la 229 Joan Mitchell (1926 – 1992), Sylvie's sunday (Un dimanche dans la vie de sylvie), 1976, Huile sur toile, 280,5 x 442 cm, Diptyque

230 Maurice Ulrich, ''Joan Mitchell, la peinture telle qu’en elle-même'' Journal L'Humanité, 2 Septembre, 2014.

231 Le mouvement artistique est apparu en 1942, le style est non figuratif.

232  illustration n°11: Jean-Paul Riopelle (1923 – 2002), Mitchikanabikong (1975), Huile sur toile, 195,5 x 391,5 cm, Triptyque.

233  Olivier Debré (1920 – 1999), Jardin sombre, Grand noir, 1965, Huile sur toile, 194 x 226 cm. 234 Maïten Bouisset, "Olivier Debré nature abstraite", Beaux-Arts Magazine n°98, février 1992, p.41.

problématique de l'espace et de l'étude spatiale par rapport à l’œuvre d'art, en essayant d'engager des réflexions sur le réaménagement du bâtiment. 'Repenser l'espace' pour permettre de construire un dialogue plus attentif entre limites spatiales, architecturales et marges conceptuelles et identitaires, en partant de l’œuvre spécifique, pour créer, ensuite, une structure enveloppante et accueillante »235. Grâce à cette réflexion sur l'accrochage, Beaubourg engage un dialogue avec son public.

b. Place faite au design et à l'architecture : l'exemple de Made in France 1947-1997

En 1997, le Centre Pompidou fête ses 20 ans et organise l'exposition rétrospective Made in France 1947-1997. Ce titre Made in France est explicite, puisque l'exposition présente exclusivement des œuvres réalisées en France. L'exposition propose un panorama de l’art en France depuis cinquante ans réalisé à travers les collections du MNAM et du CCI. La vision reste totalement nationaliste, car cette exposition n'oublie pas de souligner le fait que, même si, parmi les grands maîtres de l'art moderne comme Braque, Calder, Chagall, Duchamp, Matisse ou Picasso, certains sont d'origine étrangères (Calder est américain, Chagall russe, Picasso espagnol), ils ont tous vécu et travaillé à Paris, en fréquentant les artistes français de l'époque : Buren, César, Dubuffet, Klein, Boltanski. (On peut dire que, comme avec Paris-Paris en 1981, ici le Centre veut souligner l'importance de la France dans le monde artistique.)

L'exposition Made in France se déroule suivant quatorze thèmes qui traitent des arts plastiques : ESPACE ET MOUVEMENT ; L'OBJET EN SOI ; RÉDUCTION ; RYTHME ET PLÉNITUDE; GESTE ET EXPRESSION ; L'IMAGINAIRE; L'ART COMME PRÉSENCE ; ÊTRE EN SOI ; ÊTRE AU MONDE ; ESPACE ET COULEUR ; ORIGINES ET SINGULARITÉ ; DÉTOURS DE LA MÉMOIRE ; CONCEPT, FORME, MÉTAPHORE et MÉTAMORPHOSES DE L'OBJET

236

Une salle spéciale est réservée au design et une salle avoisinante à l’architecture :

DESIGN et ARCHITECTURE se situent à la fin du parcours après les salles consacrées aux quatorze sections d'arts plastiques. Cette exposition est conçue et réalisée par Germain Viatte, directeur du MNAM-CCI de 1992 à 1997, qui a voulu que : « Cet accrochage du Musée propose le parti pris d'une lecture libre et pluridisciplinaire de la création sur la scène française depuis cinquante ans »237. Les thèmes fonctionnent comme des références qui permettent de placer le visiteur dans un contexte pour l'aider à comprendre les œuvres, et à les situer dans un mouvement artistique. Les titres des salles favorisent

ainsi la visite et jouent le rôle d'« annonces d’expositions »238. Ils offrent une aide au

235 Pamela Bianchi, « 1992-1993 : La collection se manifeste ! », Site : http://histoiredesexpos. hypotheses.org/1299

236 Petit journal, Made in France 1947-1997, Centre Pompidou, 30 janvier 1997 - 24 mars 1997.

237 Ibid.

parcours proposé et ont un rôle explicatif en tant qu’interface entre l’exposition et le public.

Ces titres, placés à l'entrée de chaque section, donnent une première idée de l’exposition que le visiteur pourra voir, ils doivent donc d’abord être accrocheurs pour

attirer le public. Selon Verena Tunger : « Le titre donne les premiers renseignements sur le contenu de l'exposition tout en essayant de développer une force d'attraction […] les titres apparaissent souvent sur des documents publicitaires destinés à attirer les visiteurs »239

. Le passage d’un thème à l’autre, au fil du parcours, est mis en œuvre pour reformuler la logique narrative et cognitive des œuvres.

Dans l'organisation du parcours, une place à part est offerte au design et à l’architecture pour souligner leur spécificité et leur modernité en tant qu'objets de l'art muséal et ainsi continuer à un élargissement du champ de l'art. Le design est représenté par 34 œuvres, et l'architecture par 18. Les salles de design et d'architecture de Made in France se situent à la fin du parcours, car ces disciplines, qui ont récemment acquis leur

place dans les musées, apparaissent comme faisant partie de cet esprit de renouveau

en muséologie voulu par le Centre Pompidou. Dans les premières expositions (  Paris-Berlin ; Paris-Moscou ; Paris-Paris ), certains objets de design et d'architecture étaient

déjà présents, mais ils concernaient seulement la période de 1908-1957240. Dans Made in France, ce sont surtout des œuvres plus contemporaines (1947-1997) qui sont

présentes, comme si le Centre tenait à se montrer à la pointe de l'actualité. Et c'est seulement en 2001 que sera présentée une exposition consacrée plus spécialement au design et à l'art populaire ainsi qu'à l'architecture : Les années Pop. Il est dommage que

nous ne voyons pas encore clairement la résonance du croisement entre l'art plastique, le design et l'architecture avec Made in France.

c. le design et l'art populaire : l'exemple de Les années Pop, métaphore d'un changement social

L'exposition Les années Pop, qui se déroule au Centre Pompidou du 7

mars au 18 juin 2001, traite des années 50 et 60, (avec l'accent mis sur les différents mouvements Pop Art, Nouveau Réalisme et Archigram). Elle permet de mieux comprendre l'évolution de la stratégie de la scénographie, qui a cherché à tisser des liens plus étroits entre l'art et la culture populaire.

L'objectif de Les années Pop est, selon Bernadette Dufrêne, de traduire

« l'extraordinaire confluence des recherches dans les différents domaines des arts et du spectacle qui a marqué les années 1950 et 60 – années charnières - et a préludé aux 239 Verena Tunger, op.cit., p.8.

240 Paris-Berlin, rapports et contrastes, 1900-1933 ; Paris-Moscou, 1900-1930 ; Paris-Paris, Créations en France 1937-1957.

mouvements contestataires de la fin des années 60. De l'émergence d'un mode de vie moderne, d'une culture populaire portée par la vague du renouveau économique et social, rayonne un dynamisme qui irradie toute la vie artistique, tant dans l'Ancien que dans le Nouveau Continent »241

. L'objectif de l'exposition est caractérisé par une vision sociale et culturelle pour répondre à la mission du Centre Pompidou : la démocratisation de l'art qui permet au public de mieux comprendre les artistes qui traitent ainsi de questions sociales et la culture populaire. Elle ajoute : « l'idée que Paris ne doit pas rester à la périphérie d'une nouvelle forme de culture et les idées-forces du programme de Beaubourg: nouvelle muséologie ayant comme souci, outre la conservation, une pratique dont la volonté est de <combler le vide entre art et vie, théorie et pratique, culture cultivée et culture de masse> (Bordaz, 1977), qui privilégie dans ce but l'ouverture et l'animation, la pluridisciplinarité, l'accessibilité des œuvres pour le plus grand nombre »242

.

C'est ce que propose cette exposition Les années Pop avec un accrochage

différent de Made in France (où architecture et design étaient séparés des autres

disciplines), car ici toutes les formes artistiques sont mêlées.

En ce qui concerne le parcours : « L’armature de cette section, qui n’établit pas de chronologie entre les mouvements, mais organise des passages et des confrontations, est constituée par le vis-a-vis de deux grands ensembles d’art, l’un européen, l’autre américain »243

. Cette organisation permet de voir des caractéristiques identiques ou des différences entre les œuvres exposées.

Catherine Grenier, commissaire de cette exposition, propose aussi des clés qui rendent l’exposition lisible : celles de la continuité du cheminement, de l’évolution des œuvres et de la conception de l’artiste.

Pour rendre le parcours plus clair aux visiteurs, Les années Pop est basé sur

trois séquences,

L’art et la culture populaire/ les Nouveaux réalismes

Un renouveau iconographique: les Pop arts

– Rêve et Contestation (développements et détournements du «Pop») 244

C'est une organisation, on l'a vu, qui repose sur un style à la fois linéaire et mosaïque : le linéaire correspond à une trame narrative qui recrée l'atmosphère de la période Pop en mêlant arts plastiques, design, architecture, musique, cinéma ;

241  http://www.centrepompidou.fr/Pompidou/Manifs.nsf/AllExpositions/E668CB7271601365C125 69220034EC4A?OpenDocument&L=1

242  Dufrêne Bernadette. La série des expositions internationales du Centre Georges Pompidou : pour un nouveau modèle. In : Publics et Musées. N°8, 1995. p.78.

243  Dossier de press de l'exposition ''les années pop'', p.4. 244  Ibid., p.4.

le mosaïque permet une confrontation en regroupant différentes œuvres des arts plastiques, du design, du vêtement, de l'architecture et de la photographie, par techniques (assemblages de Robert Rauschenberg ou d'Arman), par formes futuristes (l'architecture245

de Matti Suuronen ou le photomontage de la création vêtement246 d'André Courrèges ), ou par matériaux nouveaux ( les meubles gonflables ). Pour faciliter

le parcours où se mêlent linéaire et mosaïque, le visiteur, dès l'entrée de l'exposition, trouve une signalétique rouge au sol prévue pour le guider et qui lui permet de suivre les trois grandes séquences qui structurent l'exposition.

La première séquence « appréhende toutes les expressions internationales d'une création directement nourrie par l'environnement urbain, les objets, les images prélevées et détournées par les artistes. Le cinéma est intégré au parcours des arts plastiques, lui-même en étroite correspondance avec les sections d'architecture et de design »247

. Par exemple, les artistes américains Robert Rauschenberg et Jasper Johns, ou le mouvement des Nouveaux Réalistes en France, né dans le contexte des années 60, avec des artistes tels qu'Arman, César, Jean Tinguely, Daniel Spoerri et Martial Raysse, proposent une réflexion sur l’environnement urbain et sur la société capitaliste. Comme

le dit le critique d'art Pierre Restany : « Par le truchement de ces images objectives, c'est la réalité toute entière, le bien commun de l'activité des hommes, la Nature au XXe siècle, technologique, industrielle, publicitaire, urbaine, qui est assignée à comparaître »248

. Les artistes se mettent à récupérer les matériaux issus de la société industrielle (Compression Sunbeam,249

de César) ou de la vie quotidienne (Flashlight II250

de Jasper Johns) pour se les approprier et servir de base à un message critique par rapport à cette société de consommation.

Dans une section Détournement et grande consommation, le visiteur peut remarquer des caractéristiques communes : les objets du quotidien (arts ménagers, radio, télévision, coussin, lampe, affiche, pochette de disque, bijoux divers ...) créés par des créateurs anonymes. Cette section « aborde deux phénomènes imbriqués. Avec le début de la société de consommation naît un nouvel <art de vivre> qui va devenir très vite accessible au plus grand nombre, grâce aux nouveaux matériaux et à la production de masse. Au même moment apparaît dans les arts plastiques la notion de détournement, dont les designers industriels, graphiques et de mode vont s'emparer »251