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L'élargissement d'une expérience muséale plurielle : à chaque lieu, ses attentes

Chapitre I. la démocratisation culturelle : vers un renouvellement de la muséographierenouvellement de la muséographie

E. L'élargissement d'une expérience muséale plurielle : à chaque lieu, ses attentes

Le Centre Pompidou propose de nombreuses activités culturelles telles que rencontres, débats, expositions et colloques sur des sujets variés qui peuvent intéresser plus spécialement chacun des visiteurs selon ses goûts individuels. Il peut

être considéré comme un « centre populaire» ou « une université de la rue» qui reflète

un aspect de la démocratisation culturelle. Cet aspect de démocratisation au niveau du musée moderne a été favorisé, on doit le souligner, par l’avènement, au XXe siècle, d’une société des loisirs et du tourisme, société qui avait déjà eu la chance de pouvoir développer un certain goût pour les spectacles, la lecture, les arts (ce qui au XIXe siècle était le privilège des élites).

Il existe une variété de lieux destinés à ces activités culturelles : bibliothèque, espace spectacles, cinéma, galerie des enfants, atelier. D'abord, pour les spécialistes, la bibliothèque Kandinsky qui se situe au troisième étage77

. Elle répond aux besoins des chercheurs dans le domaine de l'art du XXe siècle. Le Centre Pompidou se voit alors comme un « lieu de recherche »78

.

L'Espace Spectacles se situe au sous-sol du Centre Pompidou et peut accueillir 396 spectateurs. Il a été conçu en particulier pour attirer le public qui s'intéresse au théâtre, à la danse et à d'autres formes de spectacle, et pour ainsi le

75 Par exemple, ''Big Bang'' et ''elles@centrepompidou'' qui seront étudiées dans la Partie II.

76  Jean Davallon, L’Exposition à l’œuvre, Paris, L'Harmattan,1999, p.11.

77 la bibliothèque spécialisée du musée consacrée à l'art du XXe siècle. Elle trouve son origine dans la documentation rassemblée à l'hôtel Salomon de Rothschild par le centre national d'art contemporain (Cnac) et compte 200000 ouvrages imprimés, depuis l'acquisition en 2006 de la bibliothèque Paul Destribats, qui en a fait le fonds le plus riche au monde pour la première moitié du 20ème siècle. Elle peut accueillir jusqu'à 76 lecteurs sur une surface de 390 m2, http://bibliothequekandinsky.centrepompidou. fr/medias/medias.aspx?INSTANCE=INCIPIO

78 En 1974, le Premier ministre Jacques Chirac présente le discours devant l'Assemblée nationale, dans Centre Pompidou : trente ans d’histoire, Sous la direction de Bernadette Dufrene, éd. Centre

stimuler à découvrir les autres aspects du Centre. C'est ainsi qu'en 1979, le Centre accueille des danseurs et chorégraphes du Festival d'Automne qui se déroule alors à

Paris dans diverses salles de spectacles : « de nombreux chorégraphes, dont Dana Reitz et Douglas Dunn, viendront s'y produire. En venant au Centre, les artistes cherchent à présenter leurs œuvres au même titre que les créations artistiques conservées au musée »79. Ce désir des chorégraphes de présenter leurs créations «au même titre que les créations artistiques conservées au musée »80

(sculptures, peinture), est en soi très intéressant, car il correspond à l'esprit de pluridisciplinarité voulu par le Centre Pompidou (pluridisciplinarité que nous développons dans la troisième partie). Par

la suite, cette salle de spectacle participe à « l'émergence de nouvelles générations de danseurs ou de chorégraphes dont les recherches sont similaires à celles qui sont mises en œuvre dans les autres domaines, notamment dans le cinéma ou les arts plastiques »81

. L'Espace Spectacles, qui est caractérisé par cette vision d'ouverture sociale et culturelle pour répondre aux besoins de l'habitant, devient aussi un instrument nécessaire de transformation sociale d'un quartier autrefois défavorisé. Ce dispositif permet de renouer avec un public plus large.

Dans le même sens, est créée une salle de cinéma située au sous-sol et pouvant accueillir 150 spectateurs. Parce que l'avènement des médias de masse a changé la culture des loisirs du grand public, le cinéma est devenu un lieu de distraction et un mode de loisir dans la vie quotidienne, comme l'exprime l'historienne Arlette

Farge : « Le cinéma s'est imposé comme la seule langue maternelle des hommes du XXe siècle. Le cinéma parle à tout le monde, tout le monde peut parler du cinéma, il est une forme de légitimation de soi »82

. Ce « septième art » (selon l’appellation qui lui

est généralement attribué) fait déjà partie de la vie quotidienne, c'est donc un art

« démocratique » qui, en entrant au Centre, peut aussi favoriser la démocratisation du

Musée Pompidou.

Le cinéma s'inscrit aussi dans la dimension de différentes approches sensibles de l’art à la faveur des moyens qu'il emploie (scénario, musique, effets sonores, effets optiques, mise en scène) et qui touchent à plusieurs domaines de la sensibilité des visiteurs. D'autre part, le cinéma présente beaucoup d'avantages comme moyen d'attirer le public : c'est un art narratif qui, grâce à une forme théâtrale de mise en scène, permet d'aborder des thèmes idéologiques, culturels et sociaux, politiques,

historiques. C'est donc un art « démocratique », ouvert à tous.

79 voir site du Centre Pompidou, http://hdacentrepompidou.pagesperso-orange.fr/grand4.html 80 Ibid.

81 Ibid.

82 Arlette Farge, « Le cinéma est la langue maternelle du XXe siècle», entretien avec Antoine Baecque, Les

L'Espace Spectacles, lieu de convivialité et de théâtralité, séduit le public, et enrichit son expérience muséale, en multipliant les échanges entre différentes formes d'art. Cet espace peut être aussi ressenti comme une initiation à d'autres formes d'art.

La galerie des enfants est un autre de ces lieux. Elle est ouverte à tout enfant, accompagné le plus souvent de ses parents. Il n’est pas nécessaire de prendre rendez-vous pour s’y rendre. Le programme de la galerie des enfants est conçu pour s'adapter à la compréhension des enfants : les thèmes de l'exposition du MNAM y sont présentés de façon plus simple.83

L'accueil des groupes scolaires et l'atelier des enfants se situent au rez-de-chaussée et au niveau 1 ; cet espace spécifique réservé au jeune public permet une sensibilisation à l'art dès le jeune âge par des animations et des pratiques artistiques. L’Atelier des enfants a été ouvert en mai 1977, sous la direction de Pontus Hulten : la pédagogie qui y est développée en a fait « un lieu de référence »84

. Il s'agit de placer les jeunes publics au contact direct des œuvres d’art, et leur permet ainsi d'avoir une connexion importante à l’art et au patrimoine culturel 85

.

Le Centre Pompidou propose ainsi plusieurs « modes d'existence» pour

des publics différents, mais aussi pour une même personne désireuse de vivre des expériences plurielles. Nous remarquons que la pluridisciplinarité d'une collection et la variété de la programmation se sont développées à partir d'une intention très forte au départ. La vocation pluridisciplinaire s’affirme comme porteuse d’une capacité d’innovation, car, a priori, il existerait une évidente osmose entre les différentes disciplines par laquelle les différentes formes d’art s’enrichissent les unes les autres et enrichissent ces différents publics.

C'est sous l'impulsion de Pontus Hulten (1924-2006), premier directeur du Centre Pompidou, qu'une grande partie du projet a pu être mise en place : Georges Pompidou et son épouse l'avait déjà rencontré à Stockholm et avait admiré ses initiatives, ses réalisations et son parcours lié à l'art moderne et contemporain. Robert Bordaz86

le choisit en 1973 pour participer à la création du Centre. Pendant sa

direction de1977 à 1981, « L'action de Pontus Hulten fut exemplaire. Ses idées fortes sur l'organisation du Musée et notamment l'enrichissement de ses collections, sa conception novatrice de grandes expositions auxquelles tous les départements du Centre furent associés, son souci d'accueillir largement le public, ont fait du Centre Pompidou un 83  Nous aborderons plus précisément l'atelier des enfants dans la Partie III. chapitre III. pp. 378-414. 84  http://www.centrepompidou.fr/Pompidou/Manifs.nsf/AllExpositions/E6E13AF10A1B7272C1256 ED90050C303?OpenDocument

85  Nous développerons cette partie dans la partie III. La volonté d'ouverture vers tous : renouveler la transmission culturelle, pp. 317-418.

86 Robert Bordaz est nommé par le conseil des ministres délégué pour la réalisation du Centre Pompidou.

lieu unique, rayonnant tant en France qu'à l'étranger »87

. Une exposition lui fut même consacrée en 2004 pour son 80e anniversaire, car « ses huit années au Musée sont considérées comme un âge d'or pour le Centre, servant de référence à tous ceux qui l'ont dirigé après lui »88

.