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Pour mérite premier, pour vertu finguîiêre, Il excelle à traîner un char dans la carrière »

Dans le document [Oeuvres de Mr. de Voltaire]. T. [19] (Page 103-108)

A difputer des prix indignes de fes mains,

A fe donner lui-même en fpectacle aux Romains.

Dès-lors il ne danfa plus en public : & lep o ëte réforma le Monarque. Son union avec M adame la D ucheffe de

la Valüre fubfiftait toûjours , m algré les infidélités

fréquentes qu’il lui faifait. Gès infidélités lui coûtaient peu de foins. Il ne trouvait guères de femmes qui lui réfiftaffent, & revenait toûjours à celle qui par la dou­ ceur & par la bonté de fon caractè re, par un amour v r a i , & même par les chaînes de l’habitude , l ’a­ vait fubjugué fans art. M ais dès l ’an 1 <569 elle s’ap- perçut que M adame de Montefpan prenait de l’afcen- d a n t; elle com battit a vec fa douceur ordkiaîre ; elle fupporta le chagrin d’être témoin longtem s du triomphe de fa rivale % & fans prefquç fp p laind re, ellç fp crut

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encor heureufe dans fa douleur , d’être confidérée du Roi qu’elle aimait toujours , & de le voir fans en être aimée.

Enfin , en 1 6 7 Ç , elle embraffa la relîource des âmes tend res, auxquelles il faut des fentimens profonds qui les fubjuguent. Elle crut que Di e u feul pouvait fuc- céder dans fon cœur à fon amant. Sa converfion fut auffi célèbre que fa tendreffe. Elle fe fit carm élite à Paris , & perfévéra. Se couvrir d’ un cilice , marcher pieds n u d s , jeûner rigoureufem ent, chanter la nuit au chœur dans u se langue inconnue ; tout cela ne rebuta point la délicateffe d’une femme accoutum ée à tant de gloire , de molleffe & de plaifirs. E lle vé cu t dans ces auftérités depuis 167$ jufqu’ en 1 7 1 0 , fous le nom feul de Sœur de la Mifèricorde. Un R o i, qui punirait ainfi une femme coupable , ferait un tyran ; & c’ eft ainfi que tant de femmes fe font punies d’avoir aimé. Il n’y a prefque point d’exemples de politiques qui ayent pris ce parti rigoureux. Les crimes de la poli­ tique fembleraient cependant exiger plus d’expiations que les faibleffes de l ’amour ; mais ceux qui gouver­ nent les âm es, n’ont guères d’ empire que fur les faibles.

On fait que quand on annonça à Sœur Louife de la

Mifèricorde la mort du D uc de Vermandois qu’ elle

avait eu du R o i , elle dit : J e dois pleurer fa naffance

encor plus que fa mort. Il lui relia une fille , qui fu t de

tous les enfans du R oi la plus reflemblante à fon père ,

& qui époufa le Prince Arm and de Conti coufin du

grand Condè.

Cependant la M arquife de Montefpan jouiflait de fa faveu r, avec autant d’éclat & d’empire queM adame de

la Valière avait eu de modeftie.

Tandis que M adame de la Valière & Madame de

E T D E M o N T E S P A N . 1 0 1 le cœur du R o i , toute la Cour était occupée d’intrigues d’amour. Luuvois même était fenfible. Parmi pjulieurs maîtreffes qu’eut ce M iniftre , dont le caractère dur fem blait fi peu fait pour l’ am o u r, il y eut une M adame du F r é m i, femme d’ un de fes com m is, pour laquelle il eut depuis le crédit d é fa ire ériger une charge ch ez îa Reine ; on la fit Dame du lit : elle eut les grandes entrées. Le R o i , en favorifant ainfi jufqu’aux goûts de fes M in iftre s, voulait juftifier les fiens.

C ’eft un grand exem ple du pouvoir des préjugés & de la c o u tu m e ,q u ’il fût perm is à toutes les femmes mariées d’avoir des am ans, & qu’il ne le fû t pas à la petite-fille de Henri I F d’ avoir un mari. M adem oifelle, après avoir refufé tant de Souverains , après avoir eu l’efpérance d ’époufer Louis X I V , voulut faire à qua­ ran te-tro is ans la fortune d ’un Gentilhomme. E lle obtint la permiffion d ’époufer P é g u ilin , du nom de

Cnum ont, Comte de L a u fu n , le dernier qui fu t Capi­

taine d ’une compagnie des cent Gentilshommes au b e c -d e -c o r b in qui ne fubfiftent p lu s , & le prem ier pour qui le Roi avait créé la charge de Colonel-Général des Dragons. Il y avait cent exem ples de P rincelfes, qui avaient époufé des Gentilshommes : les Empereurs R o ­ mains donnaient leurs filles à des Sénateurs : les filles des Souverains de l ’A fie , plus puiffans & plus defpoti- ques qu’ un Roi de France , n’époufent jamais que des efclaves de leurs pères.

M adem oifelle donnait tous fes biens , eftimés vin gt millions , au Com te de L aufun ; quatre Duchés , la Souveraineté de Dombes , le Com té d ’Eu , le palais d’Orléans qu’on nomme le Luxem bourg. E lle ne fe réfervaît r ie n , abandonnée toute entière à l ’idée flat- teufe de faire à ce qu’ elle aimait une plus grande for­ tune qu’ aucun R o i n’ en a fait à aucun fujet. L e contrat était drefle. Laufun (ht un jour D uc de M ontÿcufer. Il ne manquait plus que la fignature. T o u t était p r ê t,

&

lorsque le R oi affailli par les repréfentations des

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çes , des Miniftres , des ennemis d’ un homme trop heureux , retira fa parole , & défendit cette alliance. Il avait écrit aux Cours étrangères pour annoncer le mariage ; il écrivit la rupture. On le blâma de l’avoir p erm is, on le blâma de l’avoir défendu. Il pleura de rendre M adem oifelle malheureufe. M ais ce même Prince qui s’etait attendri en lui manquant de p aro le, fit enfermer Ltutfun en Novembre- 1 6 7 0 ,au château de P ig n e ro l, pour avoir époufe en fe cretla P rin ce ffe, qu’il lu i avait permis quelques mois auparavant d’é- poufer en public. 11 fut enfermé dix années entières, ï ï y a plus d’un R oyaum e, où un Monarque n’a pas cette puiflance : ceux qui l’ont , font plus chéris quand ils n ’ en font pas d’ ufage. Le cito yen , qui n’ofFenfe point les loix de l’équité , doit-il être puni fi févérem ent pâr celui qui repréfente l ’Etat ? N ’ y a-t-il pss une très grande différence entre déplaire à fon Souverain,

& trahir fon Souverain ? Un R oi doit-il traiter un hom­

m e plus durement que la loi ne îe traiterait?

C eux qui ont écrit ( a ) que M adame de M ontef-

pnn , après avoir em pêché le m ariage, irritée contre

le Com te de Laufun , qui éclatait en reproches vio- lens , exigea de Louis X I V cette ven gean ce, ont fait bien plus de tort à ce Monarque. Il y aurait eu à la fois de la tyrannie & de la pufillanimité , à facrifier à la colère d’ une fem m e, un brave h om m e, un fa v o ri, qui privé par lui de la plus grande fortune , n’aurait fait d’autre faute qne de s’être trop plaint de Mada­ m e d,e Môntefpan. Q u ’on pardonne ces réflexions ; les droits de l’ humanité les arrachent. M ais en même tems l ’équité veut que Louis X J V n’ayant fait dans tout f o i règne aucune aétion de cette n a tu re , on ne l’ accufe pas d’ une injuftice fi cruelle. C ’ eft bien affez

. (a) L'origine de cetté im­ putation , qu’ori trouve dans tant d’hiftoriens , vient du

Segrsijima. C’eft un recueil

pofthume de quelques

con-vêrfatioiis de Ségruit, pref- que toutes ftlfifiées. Il eft plein de contradictions j & l'on fait qu’aucun de ces a«a ne mérite de créance.

M à D S M O I S E . L L E. 1 0 3

qu’il ait puni avec tant de févérité nn mariage clan- deftin , une liaifon in n o c e n te , qu’il eû t m ieux fait d’ignorer. Retirer fa faveu r était très ju fte ; la prifon était trop dure.

C eux qui on t douté de c e m ariage fe c r e t, n’ ont qu’à lire attentivem ent les mémoires de M adem oifelle. Ces mémoires apprennent ce qu’ elle ne d it pas. O ù v o it que cette même P rin ce ffe , qui s’était plainte fi • amèrement au R o i de la rupture d e fon m ariage, n’ofa fe plaindre de la prifon de fon mari. E lle avoue qu’ on la croyait mariée ; elle ne d it po int qu’ elle ne l’ était pas ; & quand il n’ y aurait que ces paroles : Je

ne peux n i ne dois changer pour lu i : elles feraient

décifivcs.

Laufim 8c Fouquet furent étonnés de fe rencon­

trer dans la mêm e prifon ; mais Fouquet fu rto u t, qui dans fa gloire & dans fa puiffanee avait vu de loin Vèguilin dans la fou le com m e un Gentilhom m e de province fans fortune , le crut fou ”, quand ce­ l u i - c i lui conta qu’il avait été le favori du R o i , & qu’il avait eu la permiffion d ’époufer la petite-fille de

Henri I V avec tous les biens & les titres de la mai-

fo n de Montpenjîer.

Après avoir langui dix ans en p r ifo n , il en fortït enfin ; mais ce ne fu t qu’ après que M adam e d e

Montefpan eut engagé M adem oifelle à donner la Sou­

veraineté de Dom bes & le Com té d’E u , au D uc du M aine encor enfant , qui les pofféda après la m ort de cette Princeffe. E lle n e fit cette d o n a tio n , que dans l’ efpérance que M onfieur de L aufim ferait re­ connu pour fon époux ; elle fe trompa : le R o i lui per­ m it feulem ent de donner à ce mari fecret & infor­ tuné les termes de St. Fargeau & de T h iers , avec d’ autres revenus confidérables que L aufim ne .trouva pas fuffifans. Elle fu t réduite à être fecrettem ent fa fem m e, & à n’en être pas bien traitée en public.

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heur eu fe à la C ou r, m alheureufe ch ez e l l e , ordinaire effet des p allio n s, elle m ourut en 16 9 1. ( A )

iPoûr le Com te de L a u fu n , il paffa enfuite en An­ gleterre en 1688 Toujours deftiné aux avantures ex­ traordinaires , il conduifit en France la R eine époufe de Jacques I I & fon fils au berceau. Il fu t fait D uc. Il commanda en Irlande a re c peu de fu c c è s , & re­ vint avec plus de réputation attachée à fes avan tu res, que de confidération perfonnelle. Nous l ’avons vu mourir fort â g é , & o u b lié , comme il arrive à tous ceu x qui n’ont eu que de grands événemens fans avoir fait de grandes ehofes.

Cependant Madame de Montefpan était toute -puif- fante dès le commencement des intrigues dont on vient de, parler.

... Â th m d is de M ortetnat, femme du Marquis de M on-

ie jp a n , fa fœur aînée la Marquife de T hian ge, & fa

cadette pour qui elle obtint l ’abbaye de F on tevrau lt, étaient les plus belles femmes de leur tems ; & toutes trois joignaient à cet avantage des agrémens finguliers dans l ’efprït. L e D uc de Vivonne leur fr è r e , M aré­ chal de F ra n ce , était aufli un des hommes de la C o u r, qui avait le plus de goût & de lecture. C ’ était lui à qui le R o i difait un jour : M ais à quoi f i r t de lire .3

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) 0n a imprimé à la fin

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