• Aucun résultat trouvé

Ceffe donc d’animer ton Prince â fon fuppiiee » Et prés d'aveir bcfoin de toute fa bonté,

Dans le document [Oeuvres de Mr. de Voltaire]. T. [19] (Page 85-101)

Ceffe donc d’animer ton Prince â fon fuppiiee »

Et prés d'aveir bcfoin de toute fa bonté,

Ne le fai pas ufer

ie

toute fa juilice.

Monfieur Colbert, k qui l’on parla de ce fonftet injurieux , demanda fi le R o i y était offenfé ? On lui dît que non : j5 Je ne le fuis donc pas , répon» ,> dit le Miniftre.

Il ne faut jamais être la dupe de ces réponfes me. ditées, de ces difcours publics que le cœur défavoue.

Colbert paraiffait modéré , mais il pourfuivait la mort

de Fouquet avec acharnement. On peut être bon JV|i- njftre, & vindicatif. Il eft trille qu’il n’ ait pas fu être autfi généreux que vigilant.

Siècle de Louis X I V . Tom . II. F

3

82

L e T e l i i b e . S e g u i e r.

Un des plus implacables de fes perfécuteurs était

François Le Tellier , alors Secrétaire d’Etat & fon rival

en crédit. C ’eft celui-là même qui fut depuis Chan­ celier. Quand on lit fon oraifon fu n èb re, & qu’on la compare ayec fa co n d u ite , que p e u t-o n p e n fe r, fi- non qu’ une oraifon funèbre n’eft qu’une déclamation ? Mais Seguier le Chancelier d’alors, & le premier de fes juges,fut celui qui pourfuivit fa mort avec le plus d’a­ charnement , & qui le traita avec le plus de dureté.

Il eft vrai que faire le procès au Surintendant, c’était accufer la mémoire du Cardinal M azarin. Les plus grandes déprédations dans les finances étaient fon ou­ vrage, Il s’était approprié en Souverain plufieurs bran­ ches des revenus de l ’Etat. Il avait traité en fon nom & à fon profit des munitions des armées. „ II im pofait ( dit Fouquet dans fes défenfes ) „ par l i t r e s de ca- „ c h e t, des femmes extraordinaires fur res Générali- 3, tés ; ce qui ne s’était jamais fait que par lui & p o u r 33 l u i , & ce qui eft puniffable de mort par les ordonnan- „ c e s .ct C ’eft ainfi que le Cardinal avait amaffé des biens iram enfes, que lui-même ne connaiffait plus.

J’ai entendu conter à fea Monfieur de Caumartin Intendant des finances , que dans ft jeuneffe , quelques années après la mort du C ard in al, il avait été au palais

M a z a r in , où logeait le D uc fon héritier & la Dueheffe Hortenfe; qu’il y vit une grande armoire de marquet-

te r ie , fort profonde, qui tenait du haut jufqu’en - bas tout le fond d’un cabinet. Les clefs en avaient été per­ dues depuis longtem s, & l’on avait négligé d’ ouvrir les tiroirs. Monfieur de Caum artin, étonné de cette négligence , dit à la Dueheffe de M azarin , qu’ on trou­ verait peut-être des curiofités dans cette armoire. On l ’ouvrit : elle était toute remplie de quadruples, dé jetons d’o r , & de médailles d’or. Madame de M azarin

( / T J ’ai retrouvé depuis cette même particularité dans

St. Evrenumt. w t j M p

.

-...

.

...

.

... ... — ... iH i r ef flf » * l«

...

. ... — .. — ...

.

, . ... ... .u u u t

y w »' 1 . ... . " 1 ' ...— — ... »"■ '>ji ÿiM — ■ ■■» -.... — — --i— - ,■«» , ' > ■ i ' .n " -v pr

F

O U Q. V B T.

en jetta au peuple des poignées par les fenêtres , pendant plus de huit jours, ( / )

L ’abus que le Cardinal M azarhï avait fait de fa puif- fance defp otique, ne juftifiait pas le Surintendant ; mais l’irrégularité des procédures faites contre l u i , la longueur de fon procès , l’acharnement odieux du Chancelier Seguier,.co n tre l ui , le temps qui éteint l’envie publique & qui infpire la eompaffion pour les malheureux , enfin les fbllicitations toujours plus vives en faveur d’un in fo rtu n é , que les manœuvres pour le perdre ne font preffantes ; tout cela lui fauva la vie. L e procès ne fut jugé qu’ au,bout de trois ans en 1664. De vingt-deux juges qui o p in èren t, il n’ y en eut que n eu f qui conclurent à la mort ; & les treize a u tre s, ( g ) parmi lefquels il y en avait à qui Gourvïlle avait fait accepter des préfen s, opinèrent à un b a n n it fement perpétuel. L e R o i commua la peine en une plus dure. Cette févérité n’ était conforme ni aux an* ciennes lo is du R oyaum e, ni à celles de l ’humanité. Ce qui révolta le plus l ’efprit des citoyens , c’eft que le Chancelier fit exiler l ’un des juges nommé Roque-

fa n te qui avait le plus déterminé la Chambre de jultice

à l’ind ulgence. ( b ) Fouquet fut enfermé au château .de Pignerol. Tous ies hiftoriens difent qu’il y mourut en 16 8 0 , mais Gom ville aifure dans fes mémoires , qu’il fortit de prifon quelque tems avant fa mort. La Corn* teife de V aux fa belle-fille m’avait déjà confirmé ce fait ; cependant on croit le contraire dans fa fam ille. Ainfi on ne fait pas où eil mort cet infortu né, dont les moin­ dres aérions avaient de l’éclat quand il était puiffant.

L e Secrétaire d’Etat Guenegaüà , qui Vendit fa charge à Colbert, n’ en fu t pas moins pourfuivi par lâ; Ce ) Voyez tes mémoires je faurafi bafft mourir. S’if tïe Gourville,

prononça ces paroles, on ne

( h ) Racine a Hure dans fes peut tes eXcufer. Elles parSif-fent trop dures & trop r " eûtes.

84 S'x. E

v r e m o n t

.

Chambre de ju ftic e , qui lui ôta la plus grande partie de fa fortune. Ce qu’il y eut de plus fmgulier dans les arrêts de cette Chambre ; c’eft qu’un Evêque d’Avran- ches fut condamné à une amende de douze mille francs. Il s’appellait Bolève ^c’était le frère d’ un partifan dont il avait partagé les concuflions. (z)

/

S t. E vrem ont, attaché au Surintendant, fut enve­

loppé dans fa difgrace. Colbert, qui cherchait partout des preuves contre celui qu’il voulait perdre , fit faiûr des papiers confiés à Madame du PleJJis-Bellièvre ; & dans ces papiers on trouva la lettre manufcrite de S i.

Evremont fur la paix des Pyrénées. On lut au Roi cette

plaifanterie , qu’on fit paffer pour un crime d’Etat.

Colbert , qui dédaignait de fe venger de H a m au lt,

homme obfcur, perfécuta dans St. Evrem ont l’ami de

Fouquet qu’il h a ïffa it, & le bel efprit qu’ il craignait.

L e R oi eut l ’extrême févérité de punir une raillerie in n o cen te, faite il y avait longtéms contre le Cardinal

M azarin qu’il ne regrettait pas , & que toute la Cour

avait o u tra gé, calomnié & profcrit impunément pen­ dant plufieurs années. D e mille écrits faits contre ce M iniftre , le moins mordant fut le feul p u n i, & le fut après fa mort.

St. Evrem ont, rétiré en A n gleterre, vécut & mou­

rut en homme libre & philofophe. Le Marquis de M i-

remont , fo n a m i, me difait autrefois à Londres , qu’il

y avait une autre caufe de fa d ifgrace, & que St. Evre-

mont n’ avait jamais voulu s’ en expliquer. Lorfque Louis X I V permit à St. Evremont de revenir dans fa patrie

fur la fin de fes jours , ce philofophe dédaigna de re­ garder cette permiffion comme une grâce ; il prouva que la patrie eft où l’ on v it h e u re u x , & il l’était à Londres.

L e nouveau Miniftre des finances , fous le fimple titre de Contrôleur-Général, juftifia la févérité de fes

; E t O B

E : D E

L O

D I S

X IV .

pourfuites, é a ,f etabliffantTofdpe qa« fe s ptaédéceffeurs avaient troublé , & en travaillant fans relâche ■ à la grandeur deL’E ta fr -v ’J ‘ V, ' !

■ • ’ . 'uS<4 y t/i .

La Cour devint y i e e ^ r e dès plàifirs & le m odèle des autres CoursJ :Le R o i« piqife d é âortder des fêtes qui fiffent oublier celles d f Vaux.

Il fem blàit°que la n atu # prît p liffiF é le ts àp rod u irè en France les plus grands-hQmrnïS-âalts fous -les arts j & à raffembler 4 laC o u r c e qu^il g avait jamais eü dé plus beau & d e mieux e n hommes « a femmes. Le R o i l ’emportait für fous fesScoértifôîkfippar ta r it cheffe de fa'taille & par la tieaq B nW jttefélife de fês traits. Lefcm d e Fâ v q k , tm blé^-toiléhâifti*g)lgnait lés cœurs qu’intimidait fa p réfeticei'Ilà^ altîu n e démarche qui ne pouvait c d à v e n irq u ’à iBtfàïîŒ âjn ra n g , & qui eût été ridicule en tout autre. L ’embafrras qu’ il infpfc rait à ceux qui lui p arlaien t, flattait en fecret la coin- plaifance avec laquelle il fentait fa fupériorité. Ce vieil Officier v q u i.fe troublaiC',i quêdjègayàîf en lui demandant une g râ c e , & ;q u f n é:pouvant achever fon d ifcàu rs, lui dit i , . Sire ,;je ne trem b lép as ainfi devant vos en nem is, ,n’e u t pas de peiné à obtenir c e qu'il

demandait. •

:

L e goût dé la fosiété n ’a vait pas encor reçu to u te fa perfection à la Cour. La R e in e-m ère, A nne d 'A u ­

triche , com m ençait à aimer ia retraite. La R ein e ré­

gnante favait à peine le français , & la bonté faxfait fon feul mérite, La Princefle d’Angleterre beile-fœur du R o i, apporta à la Cour les agrémens d’ une coriver- fation douce & animée , foutenue bientôt par la lec­ ture des bons ouvrages & par un go û t fûr & délicat. Elle fe perfectionna dans la connaiffance de la lan gu e, qu’ elle écrivait mal encor au tems de fon mariage. E lle infpira une émulation d’efprît nouvelle , & introdui- fit à la Cour une politeffe & des grâ ce s, dont à pei­ ne le relie de l’Europe avait l’idée. M adam e avait

. F iij

~ M:,A:..D'. A M Ei:

tout l’efprit: ÿeVbnr/es I I Ton Frère , em belli par les charmes d e ; fon .fexe , par i e don & par le défit de plaire. La Cour de Louis X I V refpiràit une galan­ terie que la décadence rendait plus piquante. Celle qui régnait à îa;Cdi*r;dè Gfgiplet ' i t détâit ipltis hardie , & trop degro ffiéjrété.en déshonorait les plaifirs.

*!

Il y eut d’abord entre Madame & le Roi beaucoup d e -ces coquetteries, d ’e fp r^ i& -de; cette intelligence fe e rç tte i qui jfg: remarquèrent, dans de petites fêtes fbugent répéiéet-;: L e R o i Ipi-envoyait des ve rs; elle y répondait j i s^f#vft ;que le Jn.êiK^ tontine fut à la fuis le confident; du R oi & de Madame dans ce com­ m erce ingétjjepXi, C ’était le Marquis de Dangemt. Le R o i ie, ç^argeaîp d’é^rite poqr lui ; <& la Princeflet Ren­ gageait Ji r é p q p d r ^ Il les férvit ainfi tous deux , fans lajfTer foupconner à l ’ un f qu’il fut em ­ ployé pçur l ’atttrft i .& ce fpt une des càufes de fa fèf£un#.jï';3‘M ,h;v . -■ *' . î

. C ette intelligence jetta des allarmes dans la famille royale. L e R o i réduiût l’ éclat de ce commerce à un fonds d’eftime & d’amitié * qui ne s’altéra jamais. L ord ijue M adame fit depuis travailler Racine & Corneille à la tragédie de Bérénice, elle avait en vue non-feu­ lem ent la rupture du Roi avec la Connétable Calon- m v v ffiftM e . frein q tfelle - même a va it mis à.fon'pro- p^è'penchant s d e peur qu’il ne devînt dangereux.

Louis X I V elt alfe'z défigné dans ces d eu x vers de

1i Rêténke. ^, 'R«cme : , .

:

. , Qû'efi'quelque obfcnrité que le ciel l’eût Fait naître,

Le mqnde en le voyant eût reconnu fan maître. Ces amufemens firent place à la pafiion plus férieu- fe & plus fuivie,, qu’il eut pour M adem oifelle de la

Valiere, fille d’honneur de Madame. Il goûta avec

elle le bonheur rare d’être aimé uniquement pour lui- même. Elle fu t deux ans l’objet caché de tous les

L a V a l i I r e .

87

amufemens galan s, & de toutes les fêtes que le Roï donnait. U n jeune valet de chanfbre du R oi nommé

B eiloc, compofa plufieurs r é c its , qu’on m êlait à des

d an fes, tantôt chez la Reine , tantôt ch ez M adam e; & ces récits exprim aient avec m yftère le fecret de leurs cœ u rs, qui cefla bientôt d’être un fecret.

T ous les divertiffemens p u b lic s , que le R o i don­ nait , étaient autant d’hommages à fa maîtreffe. O n fit en 1662 un carroufei , v i s - à - v i s les T u ile ­ ries , ( k ) dans une vafte en ce in te , qui en a retenu le nom de la place du cccrroufel. Il y eu t cinq qua­ drilles. L e R o i était à la tête des Romains ; fon frè re , des Perfans; le Prince de Condé, des T u r c s ; le D uc d 'Engbien fon fils , des Indiens ; le D uc de Uaife , des Américains. Ce D uc de Guife était p e tit-fils

t

du Balafré. Il était célèbre dans le monde

,

par l ’audace malheureufe avec laquelle il avait entre­ pris de fe rendre m aître de Naples. Sa p rifo n , fes d u e ls, fes amours romanefques , fes profufions , fes avantures , le rendaient fingulîer en tout. Il fem blait être d’un autre fiécle. O n difait de l u i , en le voyant courir avec le grand C o n d é ; Voilà les héros de l'bif-

toire Ê? de la fable.

La R e in e -m è re , la Reine régn an te, la R ein e d ’An­ gleterre veu ve de Charles J , oubliant alors fes mal­ h eu rs, étaient fous un dais à ce fp ed acle. L e Com te de S a id t, fils du Duc de Lefdiguières, remporta le p r ix , & le reçut des mains de la R ein e-m ère. Ces fêtes ranimèrent plus que jamais le goût des devifes & des em blèm es, que les tournois avaient mis autre­ fois à la m o d e , & qui avaient fubfifté après eux.

Un antiquaire , nommé d’ O uvrier, imagina alors pour Lotus X I V l ’emblème d’un foleil dardant fes rayons fur un glo b e , avec ces mots : nec pluribus

irn-i

( £ ) Non dans la place 1 royale, comme le dit l'hiftoi- 1

re de h H a ie, fous le nom delà Martinüre. F iiij

....

.

.

« S iX S S \

'i

..

J-J

....

.

..

fttU

B

i

SS

F i

t

E

fa r . L ’idée était un peu imitée d’une devife efpagno-

l e , faite pour Philippe l t , 8 c plus convenable à ce R o i , qui poffédait la plus belle partie du nouveau Monde & tant d’ Etats dans l’a n c ie n , qu’à un jeune Roi de France qui ne donnait encor que des efpé- rances. C ette devife eut un fuccès prodigieux. Les armoiries du R o i , les meubles de la couronne , les tapilferies, les fculptures en furent ornées. L e Roi ne la porta jamais dans fes carroufels. On a repro­ ché injuftement à Louis X I V i e faite de cette devi­ f e , comme s’il l ’avait choifie lu i-m ê m e ; & elle a été p e u t-ê tre plus juftement critiquée pour le fond. L e corps ne repréfente pas ce que la légende fignifie ; & cette légende n’a pas un fens affez clair & affez déter­ miné. Ce qu’on peut expliquer de plufieurs m anières, ne mérite d’être expliqué d’aucune. Les d e v ife s , ce relie de l ’ancienne chevalerie , peuvent convenir à des fê t e s , & ont de l’agrém en t, quand les allufions font ju lle s, nouvelles & piquantes. Il vaut mieux n’en point avoir que d’en fouffrir de mauvaifes & de baffes , comme celle de Louis X I I s c ’était un porc-épic avec ces paroles : jQui s’y frotte s’y pique. Les devifes font par rapport aux infcrip tion s, ce que font des maf-

carades en comparaifon des cérémonies auguftes. La fête de Verfailles en 1664 furpaffa celle du car- roufel , par fa fingularité , par fa magnificence , & les plaifirs de l’e fp rit, qui fe mêlant à la fplendeur de ces divertiffemens , y ajoutaient un goût & des grâces dont aucune fête n’avait encor été embellie. Verfailles commençait à être un féjour d é lic ie u x , fans approcher de la grandeur dont il fu t depuis.

L e $ M ai le Roi y vin t avec une Cour compofée de fix cent perfonnes, qui furent défrayées avec leur fuite , auffi-bien que tous ceux qui fervirent auxapprêts de ces enchantemens. Il ne manqua jamais à ces fê­ tes que des monumens conftruits exprès pour les don­ ner , tels qu’ en élevèrent les Grecs & les Romains.

d e

V

e r s a i l l e s

. 89

Mais la promtitude avec laquelle on conftruKit des théâtres, des amphithéâtres , des portiques^, ornés avec autant de magnificence que de g o û t, était une merveille qui ajoutait à F iilu fio n , & qui diverfifiée de­ puis en mille m anières, augmentait encor le charme de ces fpectacies.

1

Il y eut d’abord une efp èce de carroufel. C eux qui devaient courir, parurent le premier jour comme dans une revue ; ils étaient précédés de h érau ts-d ’armes , de p a g es, d’ é c u y e r s , qui portaient leurs devifes & leurs boucliers ; & fur ces boucliers étaient écrits en lettres d’or des vers compofés par Pèrigni & par Ben-

J'erade. C e dernier furtout avait un talent fingulier

pour ces pièces galantes , dans lefquelles il faifait toujours des allufions délicates & p iq u ah tes, aux caradères des perfonnes , aux perfonnages de l’an­ tiquité ou de la fable qu’on rep réfe n tait, & aux paillons qui animaient la Cour. L e Roi repréfen- tait Roger : tous les diamans de la couronne brillaient fur fon habit , & fur le cheval qu’il montait. Les Reines , & trois cent Dames , fous des arcs de triom­ phe , voyaient cette entrée.

L e R o i , parmi tous les regards attachés fur l u i , ne diftinguait que ceux de M adem oifelle de la Valière. La fête était pour elle feule ; elle en jouiffait con­ fondue dans la foule.

i

La cavalcade était fuivie d’un char doré de dix- huit pieds de h a u t, de quinze de la r g e , de vingt-qua­ tre de lo n g , repréfentant le char du Soleil. Les qua­ tre â g e s , d’o r , d’a rg e n t, d’airain & de f e r , les lignes celeftes, les faifons , les heures fuivaient à pied ce char. T o u t était caraétérifé. Des bergers portaient les pièces de la barrière , qu’on ajuflait au fon des trom­ p e tte s, auxquelles fuccédaient par intervalle les mu- fettes & les violons. Quelques perfonnages qui fui­ vaient le char d'A p o llo n , vinrent d ’abord réciter aux

90

F

ê t e s

,

R e in e s , des vers convenables an Heu , au te m s, au Roi & aux Dames. Les courfes fin ies, & la nuit ve ­ nue , quatre mille gros flambeaux éclairèrent l ’efpace où fe donnaient les fêtes. Des tables y furent fer- vies par deux cen t perfonnages, qui repréfentaient les faifons , les Faunes , les Sylvains , les Dryades , avec des porteurs , des vendangeurs , des moiffonneurs.

Pan & D ' i n e avançaient fur une montagne mouvan­

te , & en d é te n d ire n t pour faire pofer fur les ta b le s, ce que les c .mp ignes & les forêts produifent de plus délicieux. Derrière les tables en d em i-cercle, s’éleva to u t-d ’ u n -coup un théâtre chargé de concertans. Les arcades qui entouraient la table & le th é âtre, étaient ornees de cinq cent girandoles vertes & a rgen t, qui portaient des bougies; & une baluftrade dorée fermait cette vafte enceinte.

Ces fêtes fi fupérieures à celles qu’ on invente dans les romans , durèrent fept jours. Le R o i remporta quatre fois le prix des j e u x , & laifla difputer enfuite aux autres chevaliers , les prix qu’il avait gagnés , & qu’il leur abandonnait.

. La com édie de la Princeffe £ E lid e , quoiqu’ elle ne

fo'it pas une des meilleures de M olière, fut yn des plus

agréables ornemens de ces je u x , par une infinité d’ al­ légories fines fur les mœurs du te tn s , & par des à- propos qui font l’agrément de ces fêtes , mais qui font perdus pour la poftérité. On était encor très entêté à la Cour de l’artronomie judiciaire : plufieurs Princes p e n fa ie n t, par une fuperftition orgueilleufe , que la nature les diftînguait jufqu’à écrire leur deftinée dans les aftres. Le Duc de Savoie Ficlor - Ame die , père de la Ducheffe de B ourgogne, eut un aftrologue au­ près de l u i ,. même après fon abdication. Molière ofa attaquer cette illufion dans les Amans magnifiques.

On y voit auffi un fou de Cour. Ces miférables étaient encor fort à la mode. C ’était un refte de

Kj,çpS^£sesse5a

F i n s .

sg ^ S tS lf^ Ê È ts:

-kkhm m

9 1 b arie, qui a duré plus longeons en Allem agne qu’ail- leurs, t e befoin des amufemens , l’im puiflance de s’en procurer d’agréables & d’honnêtes dans les tems d’ignorance & de mauvais g o û t , avaient fait imaginer ce trifte plaifir , qui dégrade l’efprit humain. L e fo u , qui était alors auprès de Louis X I V , avait appartenu au Prince de Coudé : il s'ap p e la it l’ Ange li. L e Com te de Grammont d ifa it, que de tous les fous qui avaient

Dans le document [Oeuvres de Mr. de Voltaire]. T. [19] (Page 85-101)