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Chapitre 1. L’ordinaire numérique des pratiques d’information juvéniles

1.2 Perspective sociale du rapport à l'information

1.2.1 La médiation numérique

 Internet et le Web comme technologies intellectuelles

Incarnation impromptue de l’adage « medium is message » de McLuhan73, le formulaire de recherche s’inscrit aujourd’hui comme un des supports principaux de la médiation et nous avons évoqué la place centrale de la requête dans les pratiques numériques et internautes. Marie-France Blanquet dans son ouvrage Science de l’information et philosophie : une communauté d’interrogations abordait la dimension philosophique de ces interrogations citant Léon Brunschvicg (Brunschvicg 1949) : « (…) la « philosophie n’est plus aujourd’hui une tentative pour augmenter la quantité du savoir humain. Elle est une réflexion sur la qualité de ce savoir ». (…) « c’est par l’intermediaire du livre, du périodique, du brevet, objets en papyrus, en papier ou en matériaux modernes, que l’homme entretient un rapport matériel avec le savoir »

71 DEVAUCHELLE, Bruno ; PLATTEAUX, Hervé ; CERISIER, Jean François. Culture informationnelle, culture

numérique, tensions et relations : Le cas des référentiels C2i niveau 2. Les Cahiers du numérique, vol.5, n°3, 2009

72 DONNAT, Olivier. Les pratiques culturelles des Français à l'ère numérique : enquête 2008. Paris : La Découverte ;

Ministère de la culture et de la communication, 2009 (Hors collection Sciences Humaines)

73 McLUHAN, Marshall. Understanding Media : The Extension of Man (1964). Pour comprendre les média : Les prolongements

(Blanquet 199774). En tant que support de mémoire, différent mais parmi d’autres, posant des questions nouvelles en particulier celle d’une apparente immédiation qui peut se comprendre comme le juste contraire de ce que Platon reprochait à l’écriture (Phèdre), l’internet est alors à envisager comme « technique intellectuelle ». Cela n’exclu pas la nature protéiforme de l’information (Fondin 200675), à la fois connaissance et savoir pratique ou renseignement ponctuel, démarche humaniste et facteur décisionnel. Ainsi, et pour sortir de cette image justement trompeuse du « virtuel », de la « désintermédiation », finalement de cette informalité que peut nous faire ressentir la plasticité immediate des techniques numériques, Sylvie Fayet- Scribe propose de « rendre visible ces techniques intellectuelles », ce qui « est important dans la mesure où justement elles ne semblent pas avoir d'histoire, ou si peu. Relèvent-elles alors de la mémoire et seraient-elles sans cesse réactivées par nos pratiques? Ou encore sont-elles un éternel présent? Car incorporées à nos pratiques, nous n'aurions pas conscience de leur existence? Prendre en compte leur histoire serait alors prendre des distances, et les rendre pleinement visibles » (Fayet-Scribe 199776). Jean-Claude Passeron évoque ce même niveau de globalité dans la prise en compte de cet aller-retour entre ruptures et continuités qui intéresse le sociologue : « Je préfère d’abord essayer de voir ce qui perdure et, comme Hoggart, ce qui permet de comprendre, dans le présent, les formes qui subsistent et les attitudes qui réinterprètent, à partir de ressorts des cultures passées, la nouvelle forme de consommation et de sociabilité. (…) À un certain seuil, il faut faire aussi une histoire des choses qui changent, par exemple dans la sexualité ou les moeurs, tout en se gardant de la tentation de crier aussitôt à une mutation telle que tous les problèmes changeraient en même temps non seulement d’échelle mais aussi de nature dans l’histoire de la culture » (Passeron 200277).

La notion de « technologie intellectuelle » se trouve explicitée par les travaux de Pascal Robert renvoyant à trois auteurs dont sa propre conception se fait l’héritière : la perspective centrée sur l’informatique et sa capacité à appréhender la complexité des sociétés post industrielles du sociologue Daniel Bell ; la perspective anthropologique de Jacques Goody préoccupé de « cet outil fondamental que constitue l'écriture » au fondement d’un rapport au monde spécifique ; le retour aux dispositifs informatiques et procédés hypertextuels proposé par le philosophe Pierre Lévy, enfin. Pascal Robert rappelle préalablement que « l'intelligence ne s'est jamais construite sans support technique »

74 BLANQUET, Marie-France. Science de l’information et philosophie : une communauté d’interrogations. Paris : ADBS

éditions, 1997

Cité : BRUNSCHVICG, Léon. La philosophie de l'esprit : Seize leçons professées à la Sorbonne (1921-1922). Paris: Les Presses universitaires de France, 1949 (Philosophie de la matière)

75 FONDIN, Hubert. La science de l'information ou le poids de l'histoire. Les Enjeux de l’information et de la

communication, GRESEC Grenoble, 2005 http://w3.u-grenoble3.fr/les_enjeux/2005/Fondin/index.php

76 FAYET-SCRIBE, Sylvie. Chronologie des supports, des dispositifs spatiaux, des outils de repérage de

l'information. Solaris. n°4, décembre 1997. http://biblio-

fr.info.unicaen.fr/bnum/jelec/Solaris/d04/4fayet_0intro.html

77 PASSERON, Jean-Claude (Propos recueillis par Joël Roman). Quel regard sur le populaire ? Ville-Ecole-Intégration

quel qu’en soit son degré de sophistication mais s’interroge en même temps sur la « critérisation » possible de la notion : « Mais n'est-ce pas aussi entériner la dissolution même de la notion, puisqu'il semble que tout processus, dès lors qu'il relève d'une manière ou d'une autre du penser/classer, puisse être qualifié de technologie intellectuelle ? » (Robert 200078). Ainsi Pascal Robert articule-t‘il sa réflexion sur l’intention de régulation de la complexité sociale au principe de ces technologies intellectuelles : « Posons d'emblée qu'il s'agit d'un outil régulé de gestion du nombre (de la complexité) opérant une traduction de l'événement en document par la conversion des dimensions. (…) Une technologie intellectuelle est en effet un outil, c'est-à-dire, et a minima, une réalité technique matérielle. En ce sens, elle n'est pas réductible à un algorithme ou à une procédure, un ensemble ou une suite articulée d'opérations intellectuelles. Mais cet outil offre la particularité de ne pas se résorber pour autant dans cette seule matérialité. Celle-ci se présente d'abord comme le support d'une représentation (au sens large, incluant aussi bien la représentation classique que la simulation actuelle). (…) Un outil, quel qu'il soit, sert à quelque chose. Sinon il redevient un simple objet, plus ou moins esthétique. Il est construit, travaillé (fruit d'une intelligence conjuguant la main et le cerveau), activé par un opérateur ou actif par soi-même (automatique donc). N'en concluons pas pour autant qu'il a été obligatoirement construit dans l'intention de... Il est possible - fort possible même - qu'on l'ait utilisé pour faire quelque chose, pour desserrer un problème quelconque, sans que ce dernier n'ait en rien été la visée de son invention. (…) En ce sens nous ne disons pas que les technologies intellectuelles ont été créées afin de gérer le nombre, mais qu'elles permettent d'y faire face » (Robert 2000). L’histoire de ces techniques de mémoire est très longue et ne saurait figurer ni une linéarité tranquille de la succession des dispositifs technologiques, ni une définition arrêtée des pratiques qui leurs sont relatives, ainsi coexistent toujours plusieurs circonscriptions de l’acte de lire lui- même (Cavallo Chartier 200179). Affiliée aux techniques de pensée (classification du vivant, …) et aux appareillages d’observation (microscopes, …), elle englobe les supports de mémoire et les entreprises qui visent à se répérer à l’intérieur de ces supports comme à les classifier les uns par rapport aux autres (catalogues et bibliothèques).

Replacer le numérique dans l’histoire générale des supports d’externalisation de la mémoire humaine oblige ainsi à reposer la question de la numérisation de l’information et des savoirs par rapport à la question de la conservation et de la détermination de la connaissance. Les enjeux portés par cette perspective sont d’autant plus pesants dès lors que nous nous préoccupons des modes d’appropriation des supports de mémoire par les jeunes générations, et dans le sens où l’appropriation renvoie à la production possible de nouvelles connaissances. Si « information n’est

78 ROBERT, Pascal. Qu'est-ce qu'une technologie intellectuelle ? Communication et langages, n°123, 2000

79 CAVALLO, Guglielmo ; CHARTIER, Roger. Histoire de la lecture dans le monde occidental. Paris : Seuil, 2001 (Points

pas savoir » selon la formule de Denis de Rougemont80, l’accès à l’information d’une part et la capacité, surtout, à la traiter et à lui donner un sens, conditionnent aujourd’hui grandement la possibilité du savoir et de la connaissance. Et la convocation ici du terme d’information nous oblige à nous engager un moment dans l’exercice difficile de sa définition. L’information est un terme dont la polysémie a pu être disséquée, par exemple par Yves Jeanneret81 dans son ouvrage Y a-t-il (vraiment) des technologies de l'information ?. Il y distingue deux acceptions majoritaires que sont d’une part l’information mathématique, le codage informatique qui autorise la transmission, d’autre part, l’information au sens social qui renvoie à la production culturelle et collective d’objets entendus comme documents en particulier par les historiens : « Le travail de distinction terminologique auquel nous venons de nous livrer nous permettra par la suite une certaine économie d’expression : nous parlerons de medias informatisés pour désigner notre objet, et nous emploierons le terme « information » dans un sens exclusivement social (information2), puisque la production sociale des objets culturels est ce qui nous intéresse, sous oublier jamais le rôle que l’information mathématique (information1) joue dans le fonctionnement des medias contemporains et sans abandonner le projet de nous demander toujours quel jeu s’établit entre information1et information2 » (Jeanneret 2000). Ainsi l’information dans son sens social se déduit premièrement de ce qu’elle n’est pas, une donnée, en ce que cette information n’existe qu’au travers du regard que porte sur elle l’être humain susceptible de lui donner un sens. « Un processus dont le regard humain est absent ne comporte aucune information » écrit Robert Escarpit, « l’information, la connaissance et le savoir ne sont pas des caractères qui pourraient appartenir en propre aux objets, mais des effets de l’appropriation possible de ces objets par des sujets », nous dit encore Yves Jeanneret. La connaissance est entendue comme activité cognitive constructive, a contrario d’une information définie comme « un ensemble de données formatées et structurées, d’une certaine façon inertes ou inactives » (Foray 200082) et parallèlement au concept de « savoir » possiblement entendu « pour caractériser les formes de connaissance qui sont reconnues par une société, qui y reçoivent un statut répertorié au sein d’une politique de la culture » (Jeanneret 2000). Quant à ces notions siamoises d’information, connaissance et savoir, Yves Jeanneret a donc délimité leurs acceptions en expliquant que « nous pouvons employer le terme d’information pour désigner la relation entre le document et le regard porté sur lui », « celui de connaissance pour indiquer le travail productif des sujets sur eux mêmes pour s’approprier des idées ou des méthodes », et « celui de savoir pour caractériser les formes de connaissance qui sont reconnues par une société ». Il formule ensuite les relations de réciprocité entre ces notions qui « se conditionnent mais n’équivalent pas l’une à l’autre » (Jeanneret

80 ROUGEMONT, Denis de. Information n’est pas savoir. Diogène, n° 116, 1981

81 JEANNERET, Yves. Y a-t-il (vraiment) des technologies de l'information ?. Villeneuve d’Ascq : Presses Universitaires du

Septentrion, 2000 (Savoirs mieux)

200083). Recentrant la réflexion sur la nature protéiforme de cette information « intentionnelle » ou « communiquée », Alexandre Serres (Serres 200884), après Daniel Bougnoux (Bougnoux 200585), distingue ainsi les cas de figure dans lesquels le terme désigne soit les nouvelles (« information news »), les données (« information data ») ou le savoir en général (« information knowledge ») : « Dans les expressions passe-partout, « technologies de l'information, société de l'information, recherche d'information, culture de l'information », il ne s’agit pas de la même information et la confusion de sens est générale entre les diverses catégories de l'information. Notamment entre « l'information-machine » (l'« info-data ») et « l'information sociale » (comprenant « info-news » et « info-knowledge ») ». L’ « information data » renvoie donc aux processus de codage et de transmission informatique des données. L’ « information knowledge » et l’ « information news » se différencient l’une de l’autre de par l’intention qui préside à leur consultation et de par l’action qui en découle. La démarche qui vise à acquérir des éléments de connaissance comme celle qui se rapporte à la consultation de sources journalistiques et à l’élaboration d’une vision du monde contemporain, les deux nous intéressent qui contribuent à part égales à définir l’action de s’« informer », au sens d’acquérir des connaissances vraies et pertinentes (Huyges 200586) mais également, pourrions-nous rajouter, utiles (Fondin 200687). Nous aurons bien sûr l’occasion d’y revenir largement. Retenons pour le moment que la démarche qui consiste à s’informer et qui motive la consultation de medias, l’interrogation d’outils de recherche,… s’incarne dans la pratique informationnelle. Rappelons aussi que nous entendons l’expression de « pratiques informationnelles » au sens de l’effort fourni par une personne pour s’informer, englobant l’activité ponctuelle de recherche d’information (Ihadjadene Chaudiron 200888). Quant à dégager précisément la spécificité des pratiques d’information des jeunes avec l’internet de l’ensemble de leurs pratiques numériques, nous notons que les recherches, inscrites principalement aux champs

83 JEANNERET, Yves. Y a-t-il vraiment des technologies de l’information ? Villeneuve d’Ascq : Presses universitaires du

Septentrion, 2000

84 SERRES, Alexandre. La culture informationnelle. In PAPY, Fabrice (dir). Problématiques émergentes dans les sciences de

l'information. Paris : Hermès Science Publications, 2008 (Traité des sciences et techniques de l'information)

85 BOUGNOUX Daniel. La communication contre l’information. Paris : Hachette, 1995 (Questions de société).

86 HUYGHE, François-Bernard. Qu'est-ce que s'informer ? La Lettre Sentinel, n°32, Décembre 2005

www.huyghe.fr/dyndoc_actu/493a8e539a957.pdf

87 « Le croisement de ces deux critères permet d'identifier quatre types spécifiques d'information intentionnelle :

- une information à la fois éphémère et utile : l'information pratique ; - une information à la fois éphémère et gratuite : l'information de presse ; - une information à la fois durable et utile : l'IST ;

- une information à la fois durable et gratuite : l'information culturelle »

FONDIN, Hubert. La science de l'information ou le poids de l'histoire. Les Enjeux de l’information et de la communication, GRESEC Grenoble, 2005 http://w3.u-grenoble3.fr/les_enjeux/2005/Fondin/index.php

88 L’expression de « pratiques informationnelles » s’emploie ainsi pour « désigner la manière dont l’ensemble de dispositifs, de

sources, d’outils, de compétences cognitives sont effectivement mobilisés dans les différentes situations de production, de recherche, traitement de l’information. Nous englobons dans ce terme de « pratiques » les comportements, les représentations et les attitudes informationnelles de l’humain (individuel ou collectif) associés à ces situations » IHADJADENE, Majid ; CHAUDIRON, Stéphane. L’étude des dispositifs d’accès à l’information électronique : approches croisées. In PAPY, Fabrice (dir). Problématiques émergentes dans les sciences de l’information. Paris : Hermès, Lavoisier, 2008 (Traité des sciences et techniques de l’information)

des sciences de l’information et de la communication, des sciences de l’éducation ou de la library and information science, ciblent le contexte scolaire d’une part, et le comportement de recherche d’autre part, deux aspects en effet suffisamment denses pour constituer chacun un objet d’étude à part entière. Il nous semble toutefois important d’élargir la focale en rapportant la pratique informationnelle en général, y compris donc et surtout celle des jeunes, à sa dimension sociale (Ihadjadène et al 200989). En effet, s’informer, se documenter, n’est pas savoir. Cependant, donc, l’accès à l’information et la capacité générale à s’informer s’énoncent comme conditions de possibilité de savoir. Or, il nous semble que savoir s’informer ce n’est pas seulement se documenter, ce n’est pas seulement savoir où se trouve l’information mais c’est pouvoir l’identifier, la caractériser, la resituer par rapport à son propre savoir et par rapport à la connaissance en général. Bruno Devauchelle, Hervé Platteaux et Jean François Cerisier insistent : « Le travail mené sur le C2i niveau 1 dans de nombreux établissements universitaires montre la place que les compétences informationnelles ont réellement prise dans le développement plus général des apprentissages universitaires et plus généralement d’une culture (Caron et al., 2009) » (Devauchelle et al 200990). S’il est indispensable donc de pointer les questions nouvelles que pose la numérisation, il convient de les replacer dans une dimension historique et sociale permettant d’en percevoir les incarnations : « La focalisation sur un unique principe explicatif, une fois que celui-ci a fourni son apport scientifique, risque de la transformer en un obstacle épistémologique. A supposer donc que l’on retienne définitivement le bit comme principe actif et élément fondamental unifiant les supports de la connaissance et de la communication et que le vocable numérique s’impose durablement à partir de ce postulat, il reste un énorme travail à accomplir, qui resitue, à l’inverse, les paramètres de l’individualisation et de la différenciation des objets composés à partir de cet unique matériau » (Cotte 200891). Ainsi, le texte, vécu comme support principal de la culture suivant une perspective classique et scolaire, le document « traité », porté comme preuve par la tradition info documentaire, constituent deux éléments d’un paradigme qui se voit bouleversé, dans les années 60 par la montée en puissance de l’audiovisuel et au tournant des années 2000 par l’émergence

89 « Les sciences de l’information ont constitué un courant qui ne s’intéresse plus à l’utilisateur comme individu isolé face à un dispositif

mais comme un usager situé dans son contexte social, culturel et linguistique. Est alors intégré dans l’analyse des pratiques informationnelles l’impact des dynamiques interpersonnelles et sociales »

IHADJADENE, Majid ; FAVIER, Laurence ; RANJAHALY, Stephan. Pratiques informationnelles et pauvreté. In KIYINDOU, Alain. Fractures, mutations, fragmentations : De la diversité des cultures numériques. Paris : Hermès, Lavoisier 2009 (Traité des sciences et techniques de l'information)

90 DEVAUCHELLE, Bruno ; PLATTEAUX, Hervé ; CERISIER, Jean François. Culture informationnelle, culture

numérique, tensions et relations : Le cas des référentiels C2i niveau 2. Les Cahiers du numérique, vol.5, n°3, 2009 Citées : CARON, Valérie ; DELECROIX, Sandrine. Le certificat informatique et internet : formation à la méthodologie documentaire à la bibliothèque universitaire santé/médecine de Clermont-Ferrand. BBF, tome 54, n° 3, 2009 http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2009-03-0057-003

91 COTTE, Dominique. A la rencontre des objets « DU numérique » l'occasion d'un nouveau paradigme pour les

études de communication en organisation In COUZINET, Viviane ; CHAUDIRON, Stéphane. Sciences de la société : Organisation des connaissances à l’ère numérique, n°75, octobre 2008

des réseaux. Cette strate s’insère en tant que telle dans l’histoire générale des supports de la pensée mais elle peut aussi être étudiée pour elle-même car une strate ne se confond pas totalement avec les autres, même si toutes prises ensemble constituent la globalité d’où l’on peut partir. Ainsi, le potentiel de socialisation des TICs et des technologies de la pensée en général doit être envisagé à un niveau épistémique comme ce qui aide à aller vers l’autre, vers ce qui n’est pas soi, et à un niveau politique comme ce qui permet de prendre part à la vie publique et ce dans les différents domaines que sont la vie personnelle et affective, la vie professionnelle et citoyenne, etc… Cette perspective sociale, englobe mais ne se limite pas au contexte scolaire largement fréquenté par les adolescents. Pragmatique, elle replace aussi l’information comme service, contributive de l’action, et amplifie la perspective culturelle qui la regarde essentiellement sous l’aspect des usages intellectuels, des loisirs ou de l’oisiveté créatrice.

Il est possible de rapprocher cet arrière-plan réflexif, touchant au plan des concepts d’une part et au plan des implications sociales d’autre part, de la notion, dont le caractère émergent en sciences de l’information et de la communication est signalé par certains auteurs, de « culture de l’information » ou « culture informationnelle » (Serres 200892, 201093). Ces deux notions sont sensiblement dissemblables, intégrant chacune différemment les aspects relatifs aux aptitudes et connaissances propres à un individu particulier et la culture du monde de l’information et des medias en général. Les deux se distinguent du concept de « maîtrise de l’information » traduction approchante d’« information literacy94 » recouvrant des habiletés majoritairement procédurales. Brigitte Juanals, dans l’ouvrage qu’elle lui a consacré, définit la « culture de l’information » comme la clé de voûte de notre relation aux objets techniques de culture et de savoir, dépositaires des enjeux du rapport à l’information aujourd’hui : « la culture de l’information (ou culture informationnelle), ce troisième degré de compétence95 nous paraissant supposer un niveau de culture générale (prise dans le sens d’instruction, de savoir), une connaissance des medias, une prise en compte de considérations éthiques et une intégration sociale dépassant largement une compétence documentaire et informatique » (Juanals 200396). Dans

92 SERRES, Alexandre. La culture informationnelle. In PAPY, Fabrice (dir). Problématiques émergentes dans les sciences de

l'information. Paris : Hermès Science Publications, 2008 (Traité des sciences et techniques de l'information)

93 SERRES, Alexandre. La culture informationnelle : une thématique émergente ? In SERRES, Alexandre (coord.),

Groupe de recherche sur la culture et la didactique de l'information Culture informationnelle [GRCDI]. "Culture informationnelle et didactique de l'information" : Synthèse des travaux du groupe de recherche 2007-2010. Rennes : Septembre 2010 http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/docs/00/52/00/98/PDF/2010_Rapport-GRCDI.pdf

94 “Information literacy is knowing when and why you need information, where to find it, and how to evaluate, use and communicate it in