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Les agents pruritogènes exogènes ou endogènes, chimiques ou physiques, vont permettre la circulation de l’information prurigineuse jusqu’au système nerveux central en agissant sur les fibres sensitives. La molécule la mieux connue et la plus utilisée pour l’induction expérimentale d’un prurit reste l’histamine. Il existe cependant un très grand

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nombre de molécules pruritogènes et la plupart du temps leur implication est mise en évidence par un examen immunologique au niveau de la peau lésée chez les patients ou par une analyse de l’action d’antagonistes des récepteurs à ces médiateurs sur la sensation de prurit. Le schéma ci-dessous résume le mode d’action de quelques médiateurs de la démangeaison dont nous allons parler (Figure 13).

Figure 13 : récapitulatif du mode d’action de quelques pruritogènes. Schéma d’après (Wallengren 2005).

a - L’histamine

(Wallengren 2005)

Une grande variété de molécules est capable d’induire une sensation de démangeaison cependant il est évident que l’histamine reste l’agent endogène le mieux connu. Le développement d’antihistaminiques a eu un gros impact dans la recherche sur la démangeaison mais aussi dans son traitement. Ce sont les traitements antipruritiques les plus communément utilisés.

L’histamine a été découverte en 1910 par Dale et Laidlaw et son rôle dans les réactions anaphylactiques a été découvert en 1932. À l'état normal, on la trouve dans tous les tissus des mammifères, les plus riches étant le poumon, le foie et la peau. L'histamine se trouve surtout dans le cytoplasme des mastocytes. Le cerveau, en particulier l'hypothalamus, en contient aussi et les concentrations varient au cours du cycle

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nycthémère. Elle va être impliquée dans de nombreux phénomènes : contraction des muscles lisses, vasodilatation, augmentation de la perméabilité vasculaire, sécrétion de mucus, tachycardie, altération de la pression sanguine, stimulation de la sécrétion d’acide gastrique et stimulation des fibres nerveuses nociceptives. Elle joue aussi de nombreux rôles dans la neurotransmission, l’immunomodulation, l’hématopoièse, le rythme nycthéméral …

Nous allons nous intéresser plus particulièrement à son rôle dans la réaction d’inflammation et son rôle en tant que médiateur de la sensation de démangeaison.

Nous connaissons 4 récepteurs à l’histamine. Le récepteur H1 et plus récemment le H4 semblent jouer un rôle dans la médiation de la sensation prurigineuse car des antagonistes de ces récepteurs inhibent la réponse provoquée par l’histamine. L’implication du récepteur H2 est encore discutée alors que des antagonistes du récepteur H3 semblent amplifier la réaction liée à l’histamine. L’affinité de l’histamine pour ces récepteurs dépend du pH. Au niveau de la peau nous avons vu qu’il existait des terminaisons libres de fibres nerveuses de type C, à conduction lente et distinctes des fibres de la douleur et des autres fibres nociceptives. En stimulant ces fibres via les récepteurs H1, l’histamine va pouvoir induire une sensation de démangeaison. De plus la stimulation de ces fibres pruritoceptives va entrainer la libération de neuropeptides comme la substance P (SP), la neurokinine A (NKA) et le calcitonin gene related protréin (CGRP). La stimulation de la partie réceptrice de la fibre sensorielle par exemple par l’histamine entraine un potentiel d’action qui remonte le long de la fibre et avant d'atteindre les centres médullaires, il redescend par une branche latérale vers l'organe réceptif, et va entrainer la libération de neuromédiateur (SP, NKA, CGRP). C’est ce mécanisme d’inflammation neurogène que l’on appelle réflexe axonal et qui amplifie le processus d’inflammation (Figure 13). Les peptides ainsi libérés seront responsables, directement ou par l’intermédiaire d’autres transmetteurs secondaires (ex : histamine) qu’ils auront activés, de la sensation de démangeaison et des réactions d’inflammation pouvant l’accompagner. Ce reflexe axonal est responsable dans le cas de la triade de Lewis de l’érythème secondaire.

La démangeaison et la rougeur induite par l’histamine peuvent être diminuées par un prétraitement de la peau avec un anesthésique local la lidocaine, il existe donc bien un lien étroit entre ces cellules immunitaires et le système nerveux.

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Les antihistaminiques sont utilisés dans le cas de l’urticaire, de la mastocytose, et sont efficaces contre la triple réponse. Ils sont souvent utilisés en complément d’autres traitements.

b - Autres médiateurs

(Wallengren 2005)

L’histamine et les neuropeptides peuvent agir sur les fibres sensorielles pour déclencher un prurit mais bien d’autres comme la bradikinine, la sérotonine, l’acétylcholine, l’endotheline, la vanilloide, les proteinases peuvent être impliqués.

Les fibres sensitives vont libérer trois types de neuromédiateurs : SP, CGRP et NKA. SP, NKA, NKB se lient à des récepteurs différents présents sur les mastocytes, les fibroblastes, les kératinocytes, les cellules de Merkel, les cellules endothéliales et les cellules de Langerhans.

La libération de substance P lors du reflexe axonal va être responsable d’un œdème, d’une rougeur et d’une sensation de démangeaison. C’est un vasodilatateur. Elle induit la libération d’histamine par liaison avec des récepteurs présents sur les mastocytes. L’histamine à son tour induit la libération de SP par ces récepteurs présents sur les fibres nerveuses à SP.

La protéine relative au gène calcitonine (CGRP) est le plus abondant des

neuropeptides dans la peau chez l’homme et il est souvent colocalisé avec la SP (Wallengren and Hakanson 1987). C’est aussi un vasodilatateur. Le CGRP induit l’apparition lente d’une rougeur locale mais pas de sensation de démangeaison. Il va avoir un effet potentialisateur grâce à la synthèse de prostaglandines (PG) qu’il induit. Les PG augmentent l’effet prurigineux de certains médiateurs comme l’histamine (Stander, Steinhoff et al. 2003).

La neurokinine A est un vasodilateur. Elle va induire la dégranulation des mastocytes. En plus de l’histamine la dégranulation des mastocytes entraine la libération de

tryptase. Son rôle dans la démangeaison passe par l’activation du récepteur de la proteinase

2 (PAR 2) présent sur les fibres nerveuses sensorielles et les cellules endothéliales (Steinhoff, Neisius et al. 2003).

La bradikynine agit via la dégranulation des mastocytes et donc la libération d’histamine. Elle agit aussi par ses récepteurs présents sur les fibres nerveuses sensorielles

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en augmentant la libération de SP, de CGRP et PGE2. Elle va potentialiser l’action d’autres médiateurs.

L’interleukine 2 (IL2) semble être un médiateur possible car lors du traitement du

cancer par immunothérapie d’IL2 on peut induire des sensations de démangeaison.

La neurotrophine joue un rôle dans le développement des nerfs cutanés et dans la

reconstruction après une lésion ou un traumatisme. Elle va donc jouer un rôle dans le prurit car elle va entrainer la prolifération de ces neurones non myélinisés, augmenter leur sensibilisation et l’expression des neuropeptides.

La sérotonine est capable d’exciter les fibres C nociceptives.

Les prostaglandines n’ont pas d’effet direct sur la démangeaison mais sont capables

de diminuer le seuil de perception de celle-ci lorsqu’elle sera induite par de l’histamine.

Nous avons vu que l’histamine était le médiateur le plus connu dans la sensation de démangeaison et que c’est aussi la substance la plus utilisée pour induire expérimentalement un prurit. Ses récepteurs sont la principale cible des traitements antipruritiques. Cependant elle n’est pas le seul médiateur impliqué, c’est pourquoi les antipruritiques restent inefficaces dans le traitement de certaines pathologies. Ceci nous montre une fois de plus la complexité de la sensation prurigineuse aux mécanismes multiples. Elle reste un symptôme difficile à traiter.

c - Cas de la dermatite atopique (Stander, Steinhoff et al. 2003;