• Aucun résultat trouvé

L’histamine est un médiateur important dans de nombreuses réactions biologiques. C’est le prurigène le mieux connu et le mieux décrit de tous. C’est aussi le médiateur le plus utilisé pour déclencher de façon expérimentale un prurit. Elle est impliquée dans la plupart des formes d’urticaire, les réactions aux piqûres d’insectes et les réactions cutanées aux médicaments notamment aux antibiotiques. Son rôle dans les autres dermatoses et dans le prurit généralisé lors de maladies systémiques est minimal. Cela est mis en évidence par l’inefficacité des antihistaminiques dans ces pathologies (Yosipovitch, Greaves et al. 2003).

Elle ne peut pas pénétrer passivement la peau ayant une fonction de barrière intacte (Darsow, Ring et al. 1996). Elle devra donc être insérée grâce aux techniques citées ci-dessus. Nous verrons plus en détail, dans le chapitre sur les voies de la démangeaison et les médiateurs, son mécanisme d’action (chapitre III - C - a).

La peau réagit aux injections d’histamine par une triple réponse (Darsow, Ring et al. 1996) décrite en 1927 par Lewis (Figure 2, Figure 8):

- une rougeur localisée due à l’augmentation du flux sanguin - un œdème, dû à une augmentation de la perméabilité vasculaire

- un érythème secondaire, en périphérie de l’œdème, dû au réflexe axonal.

Si l’histamine est insérée par la méthode du prick test la démangeaison apparait rapidement dans les cinq à soixante secondes après l’application d’histamine. La sensation maximum de démangeaison est atteinte au bout de deux minutes et dure entre deux et cinq minutes. Elle atteint en moyenne 30% de l’EVA. L’érythème est visible une minute après l’application d’histamine, l’œdème apparait au cours de la troisième minute. Après 2h30, la démangeaison ainsi que l’œdème et l’érythème ont complètement disparu. La démangeaison et l’érythème sont tous les deux causés directement par une activité neuronale des fibres C. L’œdème est un phénomène indépendant, dû à l’effet de l’histamine sur la perméabilité vasculaire. Il n’est donc pas nécessairement le reflet de la puissance d’activation des afférences pruritoceptives (Darsow, Ring et al. 1996).

L’histamine peut être insérée par microdialyse (Herde, Forster et al. 2007). Un

mélange d’histamine/codéine a été utilisé afin de provoquer une sensation de

Etat de l’art – induction expérimentale d’un prurit

31

(Herde, Forster et al. 2007). L’effet produit est alors plus fort qu’avec l’histamine seule. Après l’injection un érythème et un œdème apparaissent. La sensation de démangeaison apparait dans les vingt à soixante secondes après l’injection. Elle atteint un plateau au bout d’une minute. Elle atteind un score > 40% sur l’EVA. La sensation est stoppée par la lidocaine.

Après l’injection d’histamine par iontophorèse, la réponse triple est observée. Le flux sanguin augmente rapidement à l’endroit de la stimulation, environ trente secondes après la fin du courant (Heyer, Hornstein et al. 1989). Les différents temps de latence, temps d’apparition de la sensation maximum, durée du plateau et durée de la sensation sont fortement dépendants de la charge totale transférée. La sensation prurigineuse commence environ trente secondes après l’arrêt du courant, elle atteint un plateau dans les deux minutes et la sensation ne diminue pas significativement durant les huit minutes suivantes. La démangeaison dure en moyenne dix minutes (Schmelz 2001).

L’histamine introduite par sonophorèse induit la formation d’un œdème et d’un érythème et l’induction d’un prurit (Maruani, Vierron et al. 2010). Les effets sont augmentés dès que l’on augmente l’intensité de la stimulation qui à des niveaux trop élevés entraine des effets indésirables (Boucaud, Montharu et al. 2001; Machet and Boucaud 2002). L’œdème ainsi formé commence à diminuer au bout de deux heures et ne persiste pas au bout de vingt quatre heures. L’intensité du prurit varie de 1 à 3 sur l’EVA.

Nous venons de voir quatre façons d’induire un prurit via l’histamine. Chaque technique a ses avantages et ses inconvénients. Il convient donc avant d’en choisir une de savoir quels paramètres l’on veut étudier. Le prick test va provoquer une démangeaison qui est plus longue et plus forte que celle provoquée par l’iontophorèse ou l’injection intradermique. Il semble alors plus approprié pour tester des traitements antihistaminiques car la démangeaison est mieux perçue car plus intense. Cependant cette méthode est invasive et certains préféreront une méthode non invasive comme l’iontophorèse. Elle est aussi utilisée pour l’administration de médicaments, notamment des substances ionisées. Des macromolécules comme l’insuline ont déjà été délivrées par iontophorèse avec succès dans la peau de certains animaux diabétiques. L’utilisation des ces techniques couplées avec l’histamine permet d’obtenir une réponse cutanée caractéristique. La sonophorèse n’est pas encore utilisée dans les études sur la démangeaison. Son mécanisme d’action, proche de celui l’iontophorèse en font une technique utilisable pour ce type d’études.

Etat de l’art – induction expérimentale d’un prurit

32

b - 2 - Autres molécules

En dehors de l’histamine qui est la molécule la plus utilisée pour induire un prurit d’autres substances ont été testées.

Les réactions cutanées et de démangeaison accompagnant l’injection de ces différentes substances, les effets des antihistaminiques sur celles-ci et la comparaison avec les réactions suite à l’application d’histamine sont résumés dans le tableau suivant (Tableau 1).

Tableau 1 : réactions cutanées accompagnant l’injection de différentes substance, effet des antihistaminiques et comparaison avec l’effet de l’histamine (SP =

substance P).  Le cowhage ou poils à gratter

Le « cowhage » ou Mucuna Pruriens (M.Pruriens), appelé en France le pois mascate ou encore poils à gratter, est utilisé comme médiateur expérimental du prurit (Figure 9).

Etat de l’art – induction expérimentale d’un prurit

33

Figure 9 : Mucuna Pruriens

Shelley et Arthur dans les années 1950 utilisent des spicules du fruit M. Pruriens pour déclencher une sensation de démangeaison (Shelley and Arthur 1957). Il est formé de pois couverts de poils qui pénètrent facilement la peau humaine ou animale. Ces pois sont pressés sur la peau permettant leur passage à travers la barrière cutanée (Johanek, Meyer et al. 2007). Une sensation de démangeaison déclenchée par le cowhage n’induit qu’une faible rougeur localisée (Johanek, Meyer et al. 2007). L’intensité maximum de démangeaison atteint 20% sur l’EVA. La latence est de trente secondes, le maximum est atteint en une minute et dure deux minutes. La sensation disparait au bout de 6 min. Il n’y a pas d’effet des antihistaminiques sur la sensation ainsi déclenchée. M. Pruriens contient des protéases, ligands des PAR-2 et PAR-4, et induit ainsi un prurit histamine indépendant.

 Les allergènes :

Les allergènes induisent un prurit moins rapide, plus long et plus intense que celui induit par l’histamine. Le flux sanguin est aussi plus important avec les allergènes (Leknes, Bantick et al. 2007). Le fait que la latence pour les allergènes soit plus longue que pour l’histamine peut venir du fait que lorsque l‘on injecte l’allergène il faut d’abord contact entre celui-ci et les IgE avant d’avoir dégranulation des mastocytes, alors que quand on injecte l’histamine la réaction est directe (Leknes, Bantick et al. 2007).

 La substance P

L’application de substance P (SP) chez l’humain induit un prurit, un érythème et un œdème (Hosogi, Schmelz et al. 2006). L’intensité et la durée du prurit ainsi que la taille de l’érythème et de l’oedeme induit par la SP sont inférieurs à ceux produis par l’histamine (Hosogi, Schmelz et al. 2006). La démangeaison ainsi que l’érythème sont significativement

Etat de l’art – induction expérimentale d’un prurit

34

diminués par l’administration d’antihistaminiques, alors que l’œdème perdure (Hosogi, Schmelz et al. 2006).

 La sérotonine

Quand elle est appliquée chez des sujets sains, elle induit un prurit et un érythème moins intense que ceux provoqués par l’histamine. L’application de sérotonine sur une peau normale n’entraine pas d’œdème. La sérotonine est un prurigène histamine-indépendant car l’administration d’antihistaminiques n’a aucun effet sur la réaction cutanée induite par la sérotonine (Hosogi, Schmelz et al. 2006).

 La bradykinine

Chez des sujets sains la bradykinine entraine un prurit faible. Son application n’entraine pas d’œdème ni d’érythème. Les antihistaminiques n’ont aucun effet sur la réaction cutanée à la bradykinine, suggérant un mécanisme indépendant de l’histamine.

 La neurokinine

L’application de neurokinine A sur une peau normale induit un prurit et un œdème moins intenses que ceux provoqués par l’histamine.

 La Trypsine et le PAF (facteur d’agrégation plaquettaire)

Lors de leur application sur une peau normale un prurit ainsi qu’un œdème apparaissent. Ils sont cependant moins importants que lors de l’application d’histamine (Thomsen, Sonne et al. 2002).