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Le prurit est donc défini comme une sensation désagréable conduisant au désir de se gratter. Il va donc falloir au niveau cérébral des structures capables d’identifier la sensation, de la localiser, d’évaluer son intensité et sa nature désagréable.

a - 1 - Le cortex somatosensoriel S1

S1 code les caractéristiques spatiales et temporelles d’un stimulus nocif et non nocif (Drzezga, Darsow et al. 2001). Il est impliqué dans les processus de discrimination sensorielle dans le cas de la douleur (Drzezga, Darsow et al. 2001). L’activation de S1 n’est pas retrouvée systématiquement dans le cas de la démangeaison (Figure 15). Elle serait peut être dépendante de l’intensité de la stimulation (Hsieh, Hagermark et al. 1994). Si la stimulation est trop faible alors on ne retrouve pas d’activation en S1. Dans le cas de la douleur son activation semble dépendante de l’intensité de la sensation, de la taille et de si la stimulation est immobile ou en mouvement (Peyron, Laurent et al. 2000). Son activation, dans la démangeaison, est retrouvée corrélée avec l’intensité et le coté désagréable de la sensation prurigineuse (Drzezga, Darsow et al. 2001). S1 serait donc impliqué dans les processus de discrimination sensorielle aussi pour le prurit.

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a - 2 - L’insula

L’insula peut être divisée en deux parties l’insula antérieure et l’insula postérieure. Ces deux parties sont impliquées dans la perception d’un stimulus prurigineux (Darsow, Scharein et al. 2001; Drzezga, Darsow et al. 2001; Herde, Forster et al. 2007; Leknes, Bantick et al. 2007; Mochizuki, Sadato et al. 2007; Valet, Pfab et al. 2008) (Figure 16). L’insula antérieure et postérieure seraient responsables de l’intégration somatosensorielle en général.

Figure 16 : exemple d’activation au niveau de l’insula antérieure et postérieure (Mochizuki, Sadato et al. 2007)

L’insula antérieure est impliquée dans les expressions de dégoût, dans les émotions

négatives (Mochizuki, Sadato et al. 2007). Elle joue aussi un rôle dans les processus somatosensoriels. Des études de connectivité ont montré que l’Insula antérieure était liée à la partie postérieure du cortex cingulaire antérieur (pCCA) et à la partie antérieure du cortex cingulaire médian (aCCM). Elle intègre les informations provenant de l’insula postérieure en y incorporant l’aspect émotionnel (Taylor, Seminowicz et al. 2009). Son rôle dans la douleur est reconnu et plus particulièrement celui dans le codage de l’intensité du stimulus douloureux (Peyron, Garcia-Larrea et al. 1999; Peyron, Laurent et al. 2000). Son rôle dans la démangeaison n’est pas systématique. Son activation pourrait dépendre, comme pour S1, du niveau d’intensité du stimulus (Leknes, Bantick et al. 2007).

Suivant les études c’est la partie postérieure ou antérieure de l’insula qui se retrouve activée. L’insula postérieure est la partie associée à l’intéroception incluant la douleur, la

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température et la démangeaison (Herde, Forster et al. 2007). Elle est aussi impliquée dans les émotions négatives. Les patients présentant des lésions dans cette région cérébrale ont du mal à voir les expressions de dégoût (Calder, Keane et al. 2000). La partie postérieure de l’insula est corrélée avec l’augmentation de concentration en histamine et avec l’augmentation du score sur l’EVA (Darsow, Drzezga et al. 2000; Drzezga, Darsow et al. 2001; Mochizuki, Sadato et al. 2007). Elle va permettre le codage de l’intensité de la sensation, l’aspect quantitatif, et de son coté désagréable, l’aspect qualitatif (Drzezga, Darsow et al. 2001).

La partie postérieure de l’insula et le cortex cingulaire postérieur reçoivent des afférences nociceptives du tractus spinothalamique via le thalamus et vont donc ainsi traiter les informations nocives (Mochizuki, Sadato et al. 2007). L’insula postérieure reçoit des informations de tout le corps et se projette au niveau antérieur pour une evaluation subjective (Craig 2003; Herde, Forster et al. 2007). L’insula est reliée à d’autres structures corticales. Il existe des connexions entre insula, cortex somatosensoriel et système limbique. L’insula va envoyer des informations vers le cortex prémoteur, le cortex préfrontal, le cortex cingulaire antérieur, l’amygdale, le lobe temporal, l’hippocampe et le thalamus postérieur. Les études sur la douleur, cherchant à faire diminuer l’intensité d’un stimulus douloureux en détournant l’attention, ont montré que dans la condition normale de stimulation douloureuse seule, l’insula antérieure était activée et, dés que l’attention était détournée, alors l’activation diminuait au niveau antérieur et augmentait au niveau postérieur (Bantick, Wise et al. 2002).

a - 3 - Le cortex cingulaire antérieur

Il est impliqué dans les processus cognitifs, sensoriels et moteurs. Il existe une subdivision du CCA. Il peut être divisé anatomiquement en deux zones impliquées dans différents processus (Vogt, Berger et al. 2003; Vogt 2005).

La parte rostrale ou périgenuale ou antérieure (CCA) (BA 24 a – c, 32, 25, 33) est plutôt impliquée dans les émotions. Elle a de nombreuses connections avec l’amygdale (cas de la peur conditionnée) et la substance periacqueducale ou PAG (cas de réponse motrice, défense, fuite ou immobilité). Les études expérimentales, cliniques et d’imagerie confirment que c’est la partie rostrale du CCA qui est plus impliqué dans les émotions et l’affect.

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La partie caudale ou postérieure ou cortex cingulaire médian (CCM) (BA 24b’, 24c’, 32) est plutôt impliquée dans les processus cognitif et peu dans les émotions (Vogt 2005). Des dérèglements dans cette région perturbent les processus cognitifs associés à des évènements moteurs et prémoteurs comme ce qui se passe lors de la sélection d’une réponse. Cette partie a des connections avec le cortex pariétal (Vogt, Berger et al. 2003).

La partie antérieure du CCA est associé avec l’activation des fibres C et permet la détection de l’aspect désagréable de la douleur (Leknes, Bantick et al. 2007). La partie plus dorsale (CCM) est engagée dans les fonctions motrices (sélection de la réponse, orientation du corps) et cognitives (détection des erreurs, saillance, attention, anticipation) avec une implication plus faible dans la sensation (Vogt, Berger et al. 2003; Vogt 2005). Il va permettre comme le cortex pariétal postérieur de donner une réponse motrice en adéquation avec une afférence sensorielle. . Les études sur la douleur ne montrent pas une implication du CCA dans le codage de l’intensité de la sensation. En effet la discrimination entre deux intensités douloureuse ne provoque pas d’activation au niveau du CCA (Peyron, Laurent et al. 2000).

Les activations au niveau du CCA sont fréquentes dans le cadre de la démangeaison (Figure 17). Son activation est corrélée avec l’augmentation de la concentration en histamine (Drzezga, Darsow et al. 2001; Mochizuki, Tashiro et al. 2003). Elle code aussi pour la nature désagréable de la sensation de démangeaison (Hsieh, Hagermark et al. 1994; Drzezga, Darsow et al. 2001). La localisation de l’activation du CCA change d’une étude à l’autre. Certains auteurs trouveront des activations plutôt caudales et d’autres plus antérieures. Cela peut venir des différences de résolution spatiale entre l’IRM et le TEP mais aussi des rôles différents que le CCA peut avoir dans le prurit. Elle aura soit un rôle dans le codage de l’intensité et du caractère déplaisant de la sensation (Mochizuki, Tashiro et al. 2003; Leknes, Bantick et al. 2007; Mochizuki, Sadato et al. 2007) soit un rôle dans la programmation motrice (Valet, Pfab et al. 2008). Selon Drzezga (Drzezga, Darsow et al. 2001) l’activation de la partie postérieure droite du CCA est associée à la nociception et les fonctions prémotrices et est corrélée avec l‘aspect qualitatif d’une sensation.

Dans les études de modulation du prurit (Mochizuki, Tashiro et al. 2003), une diminution de l’activation du CCA rostral est observée dans la condition duale (démangeaison + distracteur), et est corrélée avec une diminution de l’évaluation subjective de l’intensité de la sensation ressentie. Frankenstein (Frankenstein, Richter et al. 2001) retrouve la même chose à propos de la douleur.

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Figure 17 : exemple d’activation du cortex cingulaire antérieur (BA 8/32) (Drzezga, Darsow et al. 2001)

b - Dimension cognitive : attention et préparation au