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Dans le modèle que nous choisirons nous ne pourrons pas faire intervenir toutes les zones que nous avons retrouvées activées. Parmi toutes ces activations, nous avons donc sélectionné 6 zones intéressantes d’après leur implication déjà décrite dans la sensation prurigineuses:

- Deux zones de la partie postérieure de l’insula : insula 1 (I1) et insula 2 (I2). Dans nos résultats nous observions l’activation de deux zones différentes de l’insula postérieure : une, que nous avons appelé I1, apparaissant lors du contraste HSt - SSt et une autre, I2, présente lors du contraste (H –S) > (HSt – SSt). Plutôt que de

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choisir une zone dont les coordonnées se trouveraient entre ces deux régions et qui alors ne serait plus en rapport avec nos résultats, nous avons préféré garder distinctes ces deux zones de l’insula postérieure. C’est une région connue comme impliquée dans le codage de l’aspect désagréable de la sensation.

- Le gyrus postcentral (PCG) correspondant aux aires de Brodman 1 et 2 impliqué dans la discrimination sensorielle,

- Le lobe pariétal postérieur correspondant au précuneus (Prec) impliqué dans l’attention et l’intégration d’informations somatosensorielles

- Le cortex cingulaire médian (CCM) impliqué dans l’attention et la programmation prémotrice,

- La substance grise périaqueducale (PAG) déjà identifié comme le modulateur central de la sensation démangeaison

Toutes ces aires appartiennent au même hémisphère, le droit.

Une fois ces zones choisies il nous faut émettre des hypothèses sur les différents liens qui peuvent exister entre elles, et sur leur sens (Figure 66). Nous supposons que la sensation va arriver en premier au niveau d’I1 et du précuneus, d’après l’étude faite en MEG (Mochizuki, Inui et al. 2009). D’I1 l’information va se diriger vers la deuxième aire de l’insula postérieure I2 (lien b) mais aussi vers le gyrus post central (lien a). On sait que le cortex pariétal, contenant le gyrus post-central, est une aire multimodale permettant l’intégration d’informations multisensorielles provenant notamment de l’insula (Freund 2001). Du précuneus nous supposons que l’information va se diriger vers le gyrus post central (lien c) mais aussi vers le CCM (lien d) qui codera la programmation prémotrice pour la sortie motrice (grattage). Des liens existent entre le précuneus et certaines aires de la démangeaison comme le cortex cingulaire et le cortex pariétal (Cavada and Goldman-Rakic 1989; Leichnetz 2001). Notre modèle a deux points d’entrée, I1 et le précuneus, et une sortie le CCM. Concernant le PAG, impliqué dans la modulation, nous supposons qu’il reçoit des informations de l’I2 (lien e) et du précuneus (lien f). Il constitue une autre sortie dans notre modèle pour la modulation de l’information. On sait que le PAG va recevoir beaucoup d’informations en provenance en particulier de l’insula (Hardy and Leichnetz 1981). En ce qui concerne les liens b et f, ils ont été choisis de façon arbitraire.

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Figure 66 : modèle de connectivité effective appliqué à nos données. Les flèches représentent les liens entre les différentes aires et leur sens. Le tableau rappelle les

coordonnées MNI des aires du modèle.

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Figure 67 : modèle représenté dans les trois conditions A=histamine, B= histamine + Stroop et C = sérum. Les flèches vertes indiquent des liens positifs, les flèches rouges

des liens négatifs. L’épaisseur des flèches est liée à la force du lien. Les * indiquent les liens qui sont significatifs. Dans les trois conditions testées les indices RMSEA et p-

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Tableau 11 : le tableau résume, pour chacune des conditions, les différents liens et leur force. Le chiffre du haut représente la force du lien (β) alors que le chiffre entre parenthèse représente la valeur statistique qui lui est associée. Si elle est > 1.96 alors

le lien est significatif. Cette significativité est représentée par une *.  Condition histamine sans stroop (Figure 67 A et Tableau 11)

Dans la condition avec l’iontophorèse à l’histamine seule nous observons trois liens significatifs a, c et d. Le lien b reliant les deux insulas n’est pas significatif mais est différent de zéro. Les deux liens e et f se dirigeant vers le PAG ne sont pas significatifs.

Les liens positifs (en vert) indiquent une relation positive entre les deux zones. Par exemple dans la condition histamine la force du lien entre I1 et le gyrus postcentral est de 0.35, ce qui signifie que lorsque l’activité d’I1 augmente alors l’activité du gyrus postcentral augmente aussi.

Les liens négatifs (en rouge), par opposition, correspondent à une relation négative. Par exemple dans le cas de la condition histamine avec Stroop le lien entre I2 et le PAG est de -0.45 ce qui signifie que lorsque l’activité d’I2 va diminuer alors l’activité du PAG va augmenter.

 Condition histamine avec Stroop (Figure 67 B et Tableau 11)

Les liens a et c qui étaient significatifs dans la condition histamine seule ne le sont plus dans la condition avec Stroop. Le lien d reste significatif mais diminue par rapport à la condition histamine seule. Le lien reliant les deux insulas est proche de zéro. Le résultat le plus important est que les deux liens vers le PAG deviennent significatifs.

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 Condition sérum sans Stroop (Figure 67 C et Tableau 11)

Les liens a et c sont significatifs et identiques à la condition histamine. Le lien d est significatif mais il est quasiment deux fois moins important que dans la condition histamine. Le lien reliant les deux insulas est proche de zéro. Les liens vers le PAG sont équivalents à ce qui se passe dans la condition histamine.

c - Discussion

 Condition histamine sans Stroop

D’après le modèle et la significativité des liens on peut dire que la sensation arrive au niveau de l’insula 1 et du précuneus. De ces deux zones, elle se dirige vers le lobe post central impliqué dans la détection du stimulus et dans l’aspect qualitatif et quantitatif de la sensation. De l’insula 1 elle rejoint l’insula 2 impliquée dans le codage de l’aspect désagréable de la sensation. Du précuneus l’information va vers une zone impliquée dans la programmation prémotrice le CCM. Le lien représentant le passage de l’information de l’I1 vers l’I2 n’est pas significatif cependant il est très différent de zéro. Les connections du précuneus et de l’I2 avec le PAG, donc ceux concernant la modulation, ne sont pas significatifs dans cette condition histamine seule. Dans la condition normale, sans Stroop, le précuneus et l’I2 sont activés, les liens avec le PAG sont négatifs, ce qui va entrainer une diminution de l’activité du PAG qui ne va pas jouer son rôle modulateur.

 Condition histamine avec Stroop

Dans cette condition où la tâche cognitive intervient nous nous apercevons que des liens significatifs (a et c) ou à la limite de la significativité (lien b) deviennent nuls. Ces liens correspondent aux aires impliquées dans la discrimination sensorielle et émotionnelle et dans l’attention. Cette chute de la force des liens est donc en accord avec l’hypothèse que nous avions posée sur l’activation au niveau de l’insula postérieure droite retrouvées dans le contraste HS – SS. L’information serait donc bloquée au niveau d’I1 et ne pourrait pas passer dans les autres aires. L’insula, retrouvée activée lors du contraste (H – S) > (HS – SS) et correspondant à I2 dans le modèle, était moins activée en présence de Stroop ce qui semble se confirmer ici par la diminution de la force du lien b reliant les deux insulas. Le lien entre le

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précuneus et le CCM est toujours significatif. Cependant son poids est moins important que dans la condition histamine seule.

Les liens entre l’I2 et le PAG et le précuneus et le PAG deviennent significatifs. Ce lien est toujours négatif. Dans la condition avec Stroop l’insula 2 et le précuneus sont moins activés ce qui permet l’activation du PAG qui va jouer son rôle modulateur.

 Condition sérum sans Stroop

L’analyse de cette condition nous permet de mieux évaluer les trajets les plus spécifiques de la sensation de démangeaison. Pour l’instant les conditions étudiées ne nous permettaient pas de conclure. Dans la condition sérum nous nous rapprochons de ce qui se passe dans la condition histamine hormis pour le lien entre les deux insulas. En effet lors de la condition histamine ce lien est presque significatif alors que dans la condition sérum son poids est très faible. On peut alors penser que les autres liens a, c et d ne sont pas spécifiques de la sensation de démangeaison mais plutôt du fait de porter son attention vers une stimulation. Notre modèle représente des zones qui sont situées au niveau de l’hémisphère droit. Nous savons que des activations plutôt latéralisées à droite représentent l’attention intéroceptive portée vers des stimulations somatosensorielles. En effet des études sur la douleur ont montré que cette latéralisation n’est pas spécifique de la sensation de douleur mais de l’attention portée vers des stimulations somatosensorielles. Dans la condition sérum, les sujets ne savent pas quelle sorte de stimulation ils vont recevoir et ils sont toujours en attente de ce qui va se passer. La spécificité viendrait plutôt de la connexion entre les deux aires de l’insula postérieure. Cependant il faudrait pouvoir vérifier que la force du lien entre I1 et I2 est significativement différent entre la condition histamine et la condition sérum. Concernant le lien entre le précuneus et le CCAd qui permet la sortie motrice même s’il est significatif il est moins important que dans la condition histamine seule.

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C - Conclusions

L’étude en connectivité effective nous a permis d’approfondir nos résultats. Nous avons réussi à construire un réseau orienté impliquant des zones regroupant plusieurs composantes de la sensation de démangeaison et sa modulation. Les résultats nous ont montré que le Stroop allait perturber ce réseau. En effet, il va diminuer la force des liens reliant des zones impliquées dans la perception de la sensation de démangeaison, l’intégration des informations somatosensorielles, l’attention et la programmation motrice. D’un autre coté l’ajout du Stroop va augmenter la force des liens en direction de la zone modulatrice, le PAG.

Le PAG serait donc impliquait dans la modulation du prurit par une tâche cognitive engageant beaucoup de ressources attentionnelles. La diminution de la sensation de démangeaison obtenue lors de l’étude en comportemental dans la condition duale (iontophorèse à l’histamine avec le Stroop) pourrait donc être expliquée par l’intervention du PAG recevant des influences du précuneus et de l’insula. Notre modèle ne nous permet pas de comprendre ce qui entrainerait la diminution d’activation au niveau de l’insula et du précuneus. En effet l’activation du PAG, qui va jouer un rôle au niveau spinal, ferait suite d’après notre modèle à une diminution d’activité de ces deux aires. Dans notre modèle nous n’avons pas placé les activations retrouvées au niveau frontal. Dans nos premières hypothèses nous avions pensé que ces zones frontales pouvaient être impliquées dans la modulation. Un modèle a été testé en rajoutant les zones frontales agissant sur le précuneus et l’insula postérieure. Les liens correspondants avaient des poids très faibles et nous avons alors conclu, pour ce qui est du modèle testé, que les zones frontales ne semblent pas jouer le rôle que nous pensions pouvoir leur attribuer.

En revanche le test du modèle dans la condition sérum nous donne quelques indications sur la spécificité de l’effet de l’histamine sur les liens du modèle. Les différences observées entre les deux conditions sérum et histamine semblent indiquer que la spécificité se situerait plutôt au niveau de l’insula. Cette zone est impliquée dans le codage de l’aspect désagréable de la sensation. Le poids des autres liens (a, c et d) n’est pas différents entre ces deux conditions. Ces liens pourraient être davantage en rapport avec l’attente et seraient plus

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sensibles à l’interaction avec la tâche de Stroop. Cependant des analyses complémentaires sont nécessaires pour assoir ces résultats.

Enfin, notre modèle est en accord avec l’étude réalisée en MEG sur l’aspect temporel de la sensation prurigineuse (Mochizuki, Inui et al. 2009). Il est compatible en effet avec le précuneus et la zone S2/Insula comme points d’entrée de la sensation et recevant des informations du thalamus.

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